Le Phono-Piège » par Benjamin Rabier

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Le Phono-Piège » par Benjamin Rabier
«
Le
Phono-Piège
Benjamin Rabier
»
par
Benjamin Rabier, « Le Phono-Piège », Les cent bons tours. Tallandier, 1907. Source : Töpfferiana
La planche ci-dessus signée Benjamin Rabier (1864-1939) tient
lieu de dernière étape de notre petit tour de curiosités
audio-visuelles dans les histoires en images au tournant du
XIXe siècle. Une fois de plus, l’utilisation de la bulle est
ici liée à une invention moderne reproduisant mécaniquement la
parole
((Cf. les précédents articles publiés ici-même sur
« La Leçon dans le phonographe » par Raymond de la Nézière et
« Les perfidies du téléphone » par Albert Guillaume.)).
Cette page se trouve dans l’album Les cent bons tours, édité
par Tallandier en 1907, qui rassemble des histoires de Rabier
publiées dans Le Journal amusant entre 1899 et 1907 ((De
1899 à 1914, Benjamin Rabier dessina une planche par semaine
dans cette revue dirigée par Paul Philipon. Cf. Jeanine
Manoury-Rabier, Benjamin Rabier illustré : Catalogue de son
œuvre, éditions Tallandier, 2003.)). Notre dessinateur y
décrit le fonctionnement du « Phono-Piège », un ingénieux et
moderne système pour se débarrasser des rongeurs indésirables.
Le guet-apens est composé d’une souricière reliée à un
phonographe. En se renfermant, un message enregistré se
déclenche et appelle le chien de garde : « Arrive Médor ! Je
suis pris… Le déjeuner est servi. »
Rabier reste fidèle à l’art qui a fait sa célébrité : le
dessin animalier. L’autre sujet de cette page, tout aussi
typique de la production du dessinateur, est plus approprié
pour les histoires en images : il s’agit de gags qui mettent
en scène des mécanismes, des pièges ou des dispositifs en tout
genre. Construits avec des objets hétéroclites, leur
fonctionnement est détaillé étape par étape, case après case.
Leur effet final est censé simplifier la vie de leur inventeur
en un minimum d’effort. En cela, le français préfigure les
fameuses machines de Rube Goldberg
((Rube Goldberg
(1883-1970) développa ses machines dans son comic panel, The
Inventions of Professor Lucifer Gorgonzola Butts, publié à
partir de 1914 dans les titres de la presse américaine de
William Randolph Hearst.)).
S’il dessina tout au long de sa carrière des histoires en
images, Rabier n’utilisa que rarement la bulle. Ainsi, sur la
soixantaine d’histoires qui compose l’album Les cent bons
tours, seule « Le Phono-Piège » emploie le phylactère.Cette
inexpérience n’est pas sans conséquence car, dans cette
planche, la bulle se déploie assez maladroitement. La première
fois, le « sac à paroles » ((La bulle est ici dessinée dans
une forme « primitive », sans son flagelle.)) sort du cornet
du phonographe et déborde du cadre. Même le point
d’exclamation perce la bulle. La seconde fois, le chien
faisant son entrée, la zone dans laquelle le phylactère peut
se répandre est encore plus petite. Notre dessinateur
réintègre la bulle, réduite à un bandeau, à l’intérieur du
cadre dessiné. Il la déroule comme il peut en donnant
l’illusion qu’elle passe dans la pièce d’à-côté. Au final, la
symbolique graphique est plutôt bonne : le phylactère semble
s’allonger, comme une fumée, à l’image de la propagation
jusqu’au chien de la voix de son maître. Mais le texte de
cette dernière bulle en pâtit, il est compressé et perd de sa
lisibilité.
Dans cette planche, Benjamin Rabier peine à gérer cet élément
inhabituel qu’est la bulle. Le « Phono-Piège » est-il
seulement un traquenard pour rongeur gourmand ? Il semble que
le dessinateur se soit également pris les pieds dans son
propre dispositif.
Mise-à-jour du 21-04-2009 : Cet article traduit en italien par
Massimo Cardellini est consultable sur son site :
Letteratura&Grafica.