RARE 2015 Les maladies rares

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RARE 2015 Les maladies rares
AVRIL 2016
Hors série n° 1
p 1 > 60
volume 32
> www.medecinesciences.org
médecine/sciences
RARE 2015
Les maladies rares :
quelles attentes
et quels enjeux
pour la société ?
4e édition
Revue internationale de biologie et de médecine
médecine/sciences
RARE 2015
Les maladies rares :
quelles attentes et
quels enjeux pour la société ?
4e édition
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Jean-Marc Quilbé
RÉDACTION
RÉDACTEUR EN CHEF
Hervé Chneiweiss (Paris)
SOMMAIRE
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Thierry Jouault (Paris-Lille)
ADJOINTE À LA RÉDACTION
Claire Wardak (Tours)
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
DE LA RÉDACTION
François Flori (Paris)
CONSEILLÈRE SCIENTIFIQUE
Laure Coulombel (Paris)
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Marie-Thérèse Dron (Paris)
DIRECTRICE ÉDITORIALE
Martine Krief-Fajnzylberg
CONSEILLÈRE ET REPRÉSENTANTE
DE L’INSERM
Suzy Mouchet
EDP Sciences/Éditions EDK
109, avenue Aristide Briand
92541 Montrouge Cedex, France
Tél. : 06 09 34 98 84
Fax : 01 49 85 03 45
[email protected]
COMITÉ ÉDITORIAL
Antoine Bril (Paris)
Carine Franc (Villejuif)
Marie Gaille (Paris)
Hélène Gilgenkrantz (Paris)
Jacques Haiech (Strasbourg)
Xavier Jeunemaitre (Paris)
Bertrand Jordan (Marseille)
Anne-Marie Moulin (Paris)
Jean-Michel Rigo (Hasselt)
Anna Salvetti (Lyon)
Jean-Luc Teillaud (Paris)
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Michel Aubier (Paris)
Joël Bockaert (Montpellier)
Marcel Dorée (Montpellier)
Denis Duboule (Genève)
Gérard Friedlander (Paris)
Thierry Galli (Paris)
Simone Gilgenkrantz (Nancy)
Michel Goldman (Bruxelles)
Jean-Pierre Grünfeld (Paris)
Axel Kahn (Paris)
Jean-Claude Kaplan (Paris)
Jean-François Lacronique (Paris)
Arnold Munnich (Paris)
Jean-Paul Ortonne (Nice)
Marc Peschanski (Évry)
Jacques Piette (Liège)
Jacques Pouysségur (Nice)
Bernard Rossier (Lausanne)
Guy Rousseau (Bruxelles)
Philippe Sansonetti (Paris)
Alain Tedgui (Paris)
Germain Trugnan (Paris)
Gilbert Vassart (Bruxelles)
Éric Vivier (Marseille)
4 INTRODUCTION ET MESSAGES DE BIENVENUE
5 CONFÉRENCE INAUGURALE
Point sur le 2e Plan National Maladies Rares
Hélène Dollfus
8 TABLE RONDE 1
État des lieux après 10 ou 15 ans d’actions pour les maladies rares
12 CONFÉRENCE 1
La France a eu un rôle moteur dans les maladies rares, peut-elle faire mieux ?
Ségolène Aymé
14 TABLE RONDE 2
Impact sociétal des nouvelles technologies de connaissance du génome
19 CONFÉRENCE 2
L’évaluation des médicaments dans les maladies rares
Loïc Guillevin
23 TABLE RONDE 3
Cohortes, registres, bases de données : quelles évolutions nécessaires ?
29 TABLE RONDE 4
Réalité et pérennité du modèle économique des maladies rares
34 ATELIERS A1 À A4
40 CONFÉRENCE 3
La révolution technologique des objets connectés et son impact sur la prise
en charge des maladies rares
Séverine Lemelle
42 TABLE RONDE 5
Le médicament orphelin est-il en danger en tant que médicament développé
dans les règles de l’art
48 TABLE RONDE 6
Quelles sont les responsabilités de la société vis-à-vis des personnes atteintes
de maladies rares ?
55 CONCLUSIONS RARE 2015
56 Résumés des posters sélectionnés et présentés à RARE 2015
57 Présentations d’entreprises
60 Liste des acronymes
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
1
Comité scientifique
Co-présidents :
Christian Deleuze (Genzyme SAS & Polyclonals)
et Didier Lacombe (Fédération Française de Génétique Humaine)
Associations de malades
Alain Donnart (Alliance Maladies Rares)
Christophe Duguet/Hélène Montant (AFM-Téléthon)
Anne Sophie Lapointe et Delphine Genevaz (VML)
Thomas Sannie (AFH)
Jean Lafond (Vaincre la Mucoviscidose)
Christel Nourissier/Virginie Hivert (Eurordis)
Christian Causse (SOBI)
Antoine Ferry (CTRS)
Sylvain Forget (Nassyane)
Philippe Gredy (LFB)
Karim Keddad/Armel de Gouvello (Shire)
Patrice Layrac (Angels Santé)
Vanessa Malier (Kurma)
Samantha Parker (Lysogene)
Catherine Raynaud (Pfizer)
Annick Schwebig (Actelion)
Jérémie Westerloppe (Celgene)
Martine Zimmerman (Alexion)
Comité d’organisation
Institutions
Marie-José Auge-Caumont (USPO et Présidente du Collège
de la Pharmacie)
Benoît Barteau (BPI France)
Olivier Blin (Orphandev)
Roseline Favresse (Fondation Maladies Rares)
Bénédicte Garbil (CGI)
Caroline Morel et Gilles Roche (Eurobiomed)
Sylvie Paulmier Bigot (LEEM)
Véronique Paquis (Ministère de la Recherche)
Dominique Peton Klein (DGOS)
Ana Rath (Orphanet) – Christelle Ratignier (CNAM)
Scientifiques et cliniciens
Brigitte Chabrol (Société Française de Pédiatrie)
Valérie Handweiler (CHRU de Montpellier)
Didier Lacombe (Fédération Française de Génétique Humaine)
Marc Lambert (AP-HM)
Centres de référence :
Claude Desnuelle (CHU de Nice)
Hélène Dollfus (Strasbourg)
Christian Hamel (Montpellier)
Luc Mouthon (AP-HP)
Pierre Sarda (Montpellier)
Entreprises
Zeina Antoun (GSK)
Astrid Baumann (Biomarin)
Neil Bernard et Christian Deleuze (Genzyme)
Antoine Bernasconi (Orphan Europe/Recordati)
2
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
Président : Gilles Roche (Eurobiomed)
Trias Asteriou (Montpellier Méditerranée Métropole)
Marie-Dominique Bellamy (Office de tourisme)
Rodolphe Bourret/Jamila Oumahi (CHRU de Montpellier)
Marc Criton/Sophie Chebanier (AxLR)
Patrick Faure (SATT SE)
Roseline Favresse (Fondation Maladies Rares)
Valérie Gibert (CHU de Nîmes)
Luc-André Granier (Advicenne)
Jacques Mercier (Université Montpellier 1)
Caroline Morel et Gilles Roche (Eurobiomed)
Olivier Negre (Alliance Maladies Rares)
Philippe Nerin (AxLR SATT LR)
Florence Robert (AFM-Téléthon)
Thierry Rousset/Adeline Fonbonne (DIRECTTE)
Christian Siatka (École de l’ADN)
Marion Thurmes et Isabelle Aubert (Région LR)
Comité de lecture
Zeina Antoun (GSK)
Neil Bernard (Genzyme)
Brigitte Cales Menoret (Vertex)
Alain Donnart (Alliance Maladies Rares)
Roseline Favresse (Fondation Maladies Rares)
Laure Jamot (RaDiCo)
Caroline Morel (Eurobiomed)
Catherine Raynaud (Pfizer)
Béatrice Rousselle (Roche)
International journal of biology and medicine
médecine/sciences
RARE 2015
Rare Diseases:
which expectations and which
stakes for the society?
4th edition
Indexée dans PubMed/Medline Current
Contents, série Life Sciences
EMBASE/Excerpta Medica
PASCAL
CABS
BIOSIS
médecine/sciences a été le fruit
d’une coopération entre le gouvernement
de la République française et
le gouvernement du Québec, à la suite
d’une recommandation de la Commission
permanente de coopération
franco-québécoise.
ÉDITEUR
EDP Sciences/Éditions EDK
25, rue Daviel
75013 Paris, France
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Fax : 01 43 29 32 62
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PA de Courtabœuf
91944 Les Ulis, France
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ZI route de Vire,
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fins de vente,
de location, de publicité
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Commission paritaire n° 1117 T 81597
EDK, Paris, Dépôt légal :
à parution
ISSN n° 07670974
ISSN électronique n° 1958-5381
INDEX DES ANNONCEURS
Eurobiomed, 2e couv. – Bulletin
d’abonnement, p. 55 – Genzyme, 4e couv.
CONTENTS
4 INTRODUCTION AND WELCOME MESSAGES
5 INAUGURAL CONFERENCE
On the 2nd National Plan Rare Diseases
Hélène Dollfus
8 ROUND TABLE 1
Current situation after 10 or 15 years of actions for the rare diseases
12 CONFERENCE 1
France had a driving role in the rare diseases, can she do better?
Ségolène Aymé
14 ROUND TABLE 2
Societal impact of the new technologies of knowledge of the genome
19 CONFERENCE 2
The evaluation of medicine in the rare diseases
Loïc Guillevin
23 ROUND TABLE 3
Cohorts, registers, databases: what necessary evolutions?
29 ROUND TABLE 4
Reality and sustainability of the economic model of the rare diseases
34 WORKSHOPS A1 TO A4
40 CONFERENCE 3
The technological revolution of the connected objects and its impact on the care
of the rare diseases
Séverine Lemelle
42 ROUND TABLE 5
The orphan medicine is in danger as medicine developed according
to the rule book
48 ROUND TABLE 6
What are the responsibilities of the society towards the people affected
by rare diseases?
55 CONCLUSIONS OF RARE 2015
56 Posters’ abstracts
57 Presentations of companies
60 List of acronyms
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
3
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 4
Introduction
et messages
de bienvenue
médecine/sciences
Intervention de Xavier Tabary
(Président du pôle de compétitivité Eurobiomed)
Vous êtes près de 400 personnes de la communauté des
maladies rares à participer à ce congrès organisé par le
pôle de compétitivité Eurobiomed. Nous vous remercions
d’être présents. Je remercie également Gilles Roche qui a
porté les trois premières éditions de ce congrès. La communauté lui doit beaucoup, mais RARE lui doit tout. Il a
décidé de passer la main. Le comité d’organisation lui
trouvera un remplaçant. Nul n’est irremplaçable, mais
certains laissent une trace plus prégnante que d’autres.
Je vous propose de l’applaudir.
C’est avec plaisir que nous ouvrons ce congrès qui rassemble les chercheurs cliniciens, les associations de
malades, la recherche publique, la recherche privée,
les développeurs, les entrepreneurs, etc. Cette communauté resserrée est forte et riche de sens. Eurobiomed
soutiendra les éditions futures de ce congrès. Ainsi, je
vous donne d’ores et déjà rendez-vous en 2017.
Intervention de Didier Lacombe
(Fédération Française de Génétique Humaine)
Je remercie également Gilles Roche et ses collaborateurs/trices de l’organisation de ce congrès et de
m’avoir confié la coprésidence avec Christian Deleuze.
RARE 2015 sera une belle édition. La diversité est une
des richesses des maladies rares. Dans ce cadre, ce
type d’approche et d’union fait la force. La France a
4
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s101
été pionnière dans le domaine de la politique de santé publique sur les
maladies rares avec les deux plans nationaux maladies rares (PNMR).
Nous savons que les associations de patients ont joué un rôle clé dans
la définition de ces plans.
Les maladies rares ont permis de développer une approche extrêmement importante depuis de nombreuses années dans la compréhension
de la physiopathologie des maladies rares et des maladies communes.
Des innovations et des pistes thérapeutiques ont ainsi pu être développées, notamment grâce au lien avec les industriels.
Ces rencontres qui associent le monde académique, industriel et associatif sont importantes et riches de sens. L’époque des grands mandarinats étant révolue en médecine, nous devons travailler de concert
avec le monde associatif.
Intervention de Christian Deleuze (Genzyme)
Je suis heureux de vous accueillir. Je remercie Gilles, Caroline et le
Comité scientifique du travail qu’ils ont fourni. Le programme de cette
édition de RARE est tourné vers le défi que représentent les maladies
rares pour la société. Ce sujet est pleinement d’actualité.
Je suis certain que ces deux journées de travail seront productives.
J’espère que nous en tirerons un certain nombre d’enseignements sur ce
que nous avons envie de mettre en avant au cours des deux prochaines
années.
LIENS D’INTÉRÊT
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans
cet article.
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 5-7
Conférence
inaugurale
médecine/sciences
RARE 2015
Point sur le 2e Plan
National Maladies Rares
> Je remercie le Comité et j’excuse Mmes Peton-Klein et
Sarnacki.
Les deux PNMR sont un modèle à pérenniser qui mobilise
une grande diversité d’acteurs : les associations de
patients qui ont été particulièrement actives et productives, les tutelles (c’est-à-dire le ministère de la Santé
et le ministère de la Recherche), et différentes autres
structures.
Dans la loi relative à la politique de santé publique
du 9 août 2004, les maladies rares constituaient une
priorité de santé publique. Le PNMR1 2005-2008 considérait les maladies rares comme un enjeu social, avec
la « prise en compte des plus faibles et des moins nombreux », en assurant une égalité d’accès aux soins et
une meilleure qualité de prise en charge et d’accompagnement. En outre, le premier plan s’est appuyé sur les
associations, et ce, tant pour son élaboration que son
suivi. Il a permis de générer 131 centres de référence,
500 centres de compétences et 54 laboratoires de diagnostic sur le territoire.
Les principes qui ont animé le PNMR1 sont demeurés
moteurs pour l’élaboration des axes du PNMR2. D’une
manière générale, les PNMR doivent servir les patients
et leurs familles.
Le PNMR2 2011-2014 (prolongé jusqu’en 2016) définit 3 axes clés, 15 mesures, 47 actions et 4 focus. Ses
3 axes sont les suivants :
• améliorer la qualité de la prise en charge, en poursuivant trois orientations que sont la Banque Nationale de
Données Maladies Rares (BNDMR), la prise en compte
des besoins des patients d’outre-mer et le soutien de
l’action des associations maladies rares ;
• développer la recherche sur les maladies rares (avec
un focus sur la Fondation maladies rares) ;
• amplifier les coopérations européennes et internationales.
Dans le cadre du PNMR2, un certain nombre de comités se réunissent régulièrement. Le Comité de suivi
et de prospective (Cospro), placé sous la direction
de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS)
et composé de la Secrétaire Générale, de deux Vicem/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s102
CONFÉRENCE INAUGURALE
Hélène Dollfus
CHRU de Strasbourg,
France
présidentes, de personnes qualifiées et de représentants de différentes instances, se réunit une à deux fois par an. Le Comité de pilotage se réunit trois fois par an pour assurer le suivi du plan. Un groupe
permanent assurant le suivi des centres de référence et des stratégies
des filières, ainsi qu’un groupe recherche et un groupe Europe ont été
constitués. En parallèle, la BNDMR et des groupes du médicament et du
médico-social ont été initiés.
Je vais maintenant vous présenter un bref historique de la période
allant de février 2011 à novembre 2015 pour vous faire part de la dynamique du plan. Dès 2011, cinq groupes de travail ont été constitués ;
ils portaient sur la méthodologie de labellisation des centres de référence, les filières, l’information et les outils d’amélioration de la prise
en charge des patients, les plates-formes nationales de laboratoires
de diagnostic approfondi, et la BNDMR.
En 2011, Alain Garcia était le Secrétaire général du plan ; il s’occupait
également des relations avec les Agences Régionales de Santé (ARS)
et l’Europe. Les nombreuses personnes de la DGOS impliquées dans le
PNMR ont pu initier une forte dynamique.
Au cours de l’année 2012, marquée par une progression contrastée de
la mise en œuvre du PNMR2, la refonte du référentiel de labellisation,
un amendement pour un Rapport Annuel d’Activité standardisé mis en
place dans le cadre des Missions d’Intérêt Général (MIG), la mise en
place de la BNDMR, l’implémentation du séquençage haut débit des
laboratoires de diagnostic, la mise en place du groupe Recherche,
l’organisation d’une réunion plénière des 131 Centres de Référence
Maladies Rares (CRMR) en décembre, et l’élaboration du cahier des
charges pour la mise en place des filières ont été mis en œuvre.
En 2013, le rythme de progression s’est ralenti, notamment du fait
des multiples changements de responsables, au sein de la DGOS. Au
cours de l’année, la maquette du Rapport Annuel d’Activité a été
5
élaborée ; la validation par la HAS du référentiel de labellisation était
en attente ; le Groupe Permanent a été mis en place ; la procédure de
succession a été validée ; l’appel d’offres pour les filières de santé
maladies rares (FSMR) a été lancé.
Une réorientation des efforts a été opérée en 2014, avec la mise en
fonction du Rapport Annuel d’Activité en juin, la validation du référentiel de labellisation par la HAS, la labellisation des 23 filières en septembre, un décalage sur la délégation du financement des filières, et
la mise en place d’un groupe permanent destiné, d’une part, à décider
de la stratégie et du périmètre des centres de référence et des filières,
et, d’autre part, à préparer l’évaluation de 2016.
2015 est l’année des bilans. Prolongé jusque fin 2016, le PNMR2 est en
cours d’évaluation par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche
et de l’enseignement supérieur (HCERES) et le Haut Conseil de la Santé
Publique (HCSP). Leurs rapports sont attendus pour fin 2015. Cette
année a été marquée par le démarrage des FSMR (des plans d’action
ont été remis en juin) et le lancement de la Mission AVIESAN demandée
par le Premier ministre sur la Médecine Génomique et Personnalisée.
L’équipe dédiée aux maladies rares s’est sensiblement réduite au cours
de l’année 2015. Cette évolution doit être soulignée car elle interroge
l’avenir du PNMR.
La suite de ma présentation portera sur trois focus.
Focus 1 : le référentiel d’évaluation de l’activité
L’activité conduite dans le cadre du PNMR1 a fait l’objet d’une
autoévaluation à quatre ans et d’une visite sur site. Ce processus
était à la fois flou et trop étalé dans le temps. Un nouveau rapport
d’activité, basé sur la méthodologie PIRAMIG – utilisée par toutes les
MIG –, a donc été mis en place. Élaborée avec la HAS et l’AERES, cette
méthodologie est le fruit de différents groupes de travail constitués
dès 2011 ; elle a été mise en place en 2014. Les centres de référence
doivent transmettre leur rapport d’activité annuel. En 2016, un comité
piloté par la DGOS se réunira pour évaluer l’activité de ces centres. Ces
rapports sont longs à remplir (en ligne), mais ils stimulent le dialogue
entre les directions des hôpitaux et les équipes. 94 % des centres ont
rendu leur rapport d’activité. La visite sur site systématique a été supprimée ; une visite sera organisée si des problèmes sont identifiés dans
les centres de référence.
Focus 2 : les Filières de Santé Maladies Rares
Suite à l’évaluation du PNMR1 par le HCSP, des groupes de travail
ont été mis en place pour faire évoluer en filières l’organisation des
centres de référence et des centres de compétences afin de faciliter
l’orientation des patients, améliorer la prise en charge, améliorer la
coordination des activités de recherche, mutualiser les moyens de
coordination et d’animation, et accroître la visibilité au niveau international, notamment pour les réseaux européens de référence.
Une lettre d’instruction de la DGOS de juillet 2013 précise que chaque
filière, structurée autour d’un ensemble cohérent de maladies rares,
doit répondre aux finalités suivantes :
• structurer la coordination des CRMR en mutualisant les moyens de
coordination et d’animation ;
6
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
• faciliter pour toutes les personnes atteintes de maladie rare et pour leur médecin traitant le repérage et
l’orientation dans le système de prise en charge ;
• renforcer la coordination de la prise en charge diagnostique, thérapeutique et médico-sociale ;
• organiser la collecte des données cliniques à des fins
de suivi et de recherche en assurant leur qualité ;
• impulser et coordonner les actions de recherche ;
• regrouper les ressources et l’expertise au niveau
national pour en accroître la visibilité au niveau international, notamment dans la perspective de faciliter
leur intégration dans les futurs réseaux européens de
référence.
23 filières ont été labellisées en septembre 2015. Un
chef de projet et une gouvernance ont été définis pour
chacune d’elles. Des réunions de pilotage sont organisées au niveau de la DGOS. Les plans d’action remis
en juin 2015 ont été évalués par un comité d’experts
indépendants et pilotés par la DGOS. Le rendu des évaluations sera finalisé en novembre 2015. Une nouvelle
évaluation est prévue pour avril 2016. Les financements
ont évolué puisqu’ils incluent désormais une part fixe et
une part variable.
Focus 3 : la recherche et le séquençage
La création en 2012 de la Fondation maladies rares
est un élément clé de l’axe B recherche, qui a un fort
impact national et international – dans la mesure où
elle catalyse les activités académiques et industrielles
et s’occupe de nombreux appels à projet.
Le projet d’investissement d’avenir Cohortes Maladies
Rares constitue aussi un élément clé dans le paysage
des maladies rares.
80 % des maladies rares étant d’origine génétique, le
diagnostic moléculaire revêt une importance particulière. Il est notamment assuré par les 54 laboratoires
de l’Association nationale des praticiens de génétique
moléculaire (ANPGM). À la frontière du soin et du diagnostic, le séquençage haut débit pour le diagnostic
des maladies rares se décline à trois niveaux (niveau 1 :
séquençage Sanger valable pour un nombre limité
de gènes ; niveau 2 : séquençage de « moyen débit »
permettant de séquencer plusieurs dizaines de gènes ;
niveau 3 : séquençage de l’ensemble des gènes par un
exome ou un génome).
Dans le cadre du PNMR2, la phase de mise en place
du séquençage de niveau 2 a été relativement rapide.
Grâce à des séquenceurs haut débit dits de « paillasse », les laboratoires ont mené avec une certaine
rapidité les explorations moléculaires dans des maladies très hétérogènes. 5,6 et 4 millions d’euros ont été
alloués en 2011 et 2012 ; ils ont permis d’implémenter le
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
• l’état des lieux en France, la recherche et les applications cliniques ;
• les infrastructures et l’organisation.
Ces groupes ont produit un certain nombre de documents. Dans le cadre de la seconde phase, cinq autres
groupes de travail ont été constitués ; leurs travaux
sont en cours. La communauté des maladies rares a été
représentée au sein de ces groupes de travail. Différentes instances, comme l’ANPGM, ont été consultées.
Le PNMR2 s’achèvera fin 2016. La gestion d’un dispositif
d’une telle envergure est complexe et implique la mobilisation de tous les acteurs. La suite de ce plan devra
être élaborée. Les efforts déployés dans le cadre des
deux premiers plans devront être pérennisés avec des
moyens adaptés et une structure permettant d’épanouir
encore plus la communauté des maladies rares. ‡
CONFÉRENCE INAUGURALE
moyen débit dans les laboratoires. Compte tenu des évolutions technologiques extrêmement importantes sur le séquençage haut débit,
le séquençage très haut débit (c’est-à-dire l’exome et le génome)
constitue un élément clé du diagnostic. Dès 2011, un groupe de travail
a été mis en place dans le cadre du PNMR2 afin d’établir un cahier
des charges pour lequel se sont beaucoup investis notamment les
professeurs Nicolas Lévy, Thierry Frebourg et Jean-Louis Mandel. S’en
sont suivies de nombreuses réunions avec de nombreux intervenants,
notamment la DGOS, la DGRI, le CEA, France Génomique, le CNG, etc.
En avril 2015, le Premier ministre a adressé une lettre de mission
au Professeur Yves Lévy, le président d’AVIESAN, pour organiser
une mission autour du génome et de la médecine personnalisée.
Ce courrier met l’accent sur le séquençage du génome entier et
l’importance du développement industriel et de la recherche,
notamment autour du soin.
Quatre groupes de travail, au sein desquels cohabitent les communautés du cancer, des maladies rares et des maladies communes, ont
été créés dans le cadre de la première phase de la mission (de mai à
juin 2015). Ils portaient sur les thématiques suivantes :
• la situation internationale et les perspectives à 10 ans ;
• l’innovation et les enjeux industriels ;
LIENS D’INTÉRÊT
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
7
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 8-11
Table ronde 1
médecine/sciences
État des lieux après
10 ou 15 ans d’actions
pour les maladies rares
Didier Lacombe
Le bilan des PNMR fait apparaître un certain nombre
d’éléments positifs, liés notamment à la structuration
de l’organisation sur le territoire national. Même si
l’appel d’offres a été décalé de décembre 2015 à 2016,
des centres de référence se mettent en place au niveau
européen. Le modèle français est donc en train d’être
décliné à l’échelle du continent.
Participent à la table ronde :
Christian Cottet, AFM-Téléthon
Hélène Dollfus, CHRU de Strasbourg
Sylvain Forget, Nassyane
Marc Hanauer, Orphanet
Point de vue des associations de malades
Christian Cottet
Mon intervention s’articulera en quatre temps.
10 ou 15 ans d’actions concertées
Certaines associations de malades mènent depuis un
demi-siècle des actions militantes dans lesquelles s’enracine depuis 2004 la politique concertée de santé
publique pour les maladies rares. Le mouvement associatif des maladies rares, qui s’est développé en France à
la fin des années 1950, a fortement contribué aux conditions du progrès thérapeutique et médical. Les associations ont développé une vision, élaboré une stratégie, mis
en place des organisations, construit des alliances avec
le monde scientifique et le monde médical ; en outre,
elles ont fait connaître les maladies et ont interpellé les
pouvoirs publics, constituant ainsi une force solidaire
organisée et efficace au service de l’intérêt général.
Au début des années 2000, la problématique des maladies rares, identifiée comme une question de santé
publique, a commencé à s’imposer en France sous
l’impulsion des associations. Il était alors fondamental
de mettre en place une stratégie nationale volontariste, définie comme une politique prioritaire et pilotée
nationalement en réponse aux enjeux identifiés tant
nationaux qu’européens. Cette priorité s’est concrétisée
dans le PNMR1, inscrit dans la loi de santé publique
de 2004. Il a permis d’améliorer l’accès au diagnostic et
la prise en charge des personnes atteintes de maladies
rares à travers la mise en place des centres de référence
et de compétences.
8
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s103
La table ronde est animée
par Didier Lacombe
(Fédération Française
de Génétique Humaine)
Au terme du PNMR1, il a fallu une forte mobilisation des associations pour
que l’effort de la puissance publique soit poursuivi dans un deuxième plan
lancé en février 2011. Pour le mouvement associatif, le PNMR2 était, à son
lancement, en demi-teinte par son manque d’ambitions et de moyens.
Bilan et constats
Les deux premiers PNMR ont apporté une amélioration réelle. Cependant, beaucoup reste encore à faire parce que les attentes légitimes
des malades n’ont pas toutes été prises en compte.
Des progrès ont été réalisés dans le diagnostic ; pour autant, l’errance
diagnostique demeure une réalité pour nombre de familles. Ainsi, 10 %
de situations d’errance ou d’impasse diagnostique ont été recensées
pour les familles avec atteinte neuromusculaire, qui sont pourtant
suivies dans les centres de référence.
Les centres de référence ont permis le regroupement et l’articulation
des expertises – c’est un réel progrès.
La question de l’adaptation de la tarification à l’activité (T2A) au
financement des consultations complexes et pluridisciplinaires reste
un point d’achoppement.
Malgré l’objectif ambitieux du PNMR1, moins de 80 Protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) ont à ce jour été publiés.
Des moyens ont été apportés pour des équipements en séquenceurs de
moyen et haut débit. Toutefois, la plate-forme nationale de séquençage à
très haut débit est toujours en attente. De plus, l’accès à ces méthodes de
diagnostic pointues et leur prise en charge doivent encore être organisés.
Quels enseignements pour améliorer l’avenir ?
Alors que la première version du plan se composait de mesures précises et mesurables, le PNMR2 publié en février 2011 a été reformaté,
en remplaçant un certain nombre de mesures opérationnelles par de
simples déclarations d’intention. Pour y remédier, un réel pilotage
adaptatif aurait dû être mis en place – cela n’a malheureusement pas
été le cas. La mission de coordination et d’impulsion, qui devait être
portée par le Secrétariat général du plan, n’a pas été remplie pendant
une très longue période. Le PNMR mobilise de nombreux acteurs de
natures très différentes. Le pilotage du plan ayant été essentiellement assuré par la DGOS, la coordination de ces acteurs n’a pas été
facilitée. Plus globalement, la dimension interministérielle du plan
(santé, recherche, secteur médico-social et industrie) a fait défaut.
Pour un plan aussi transversal que celui des maladies rares, la mise
en place d’une structure de gouvernance ad hoc, à la fois transversale
et interministérielle aurait été nécessaire. En pratique, le Cospro n’a
réalisé aucun travail prospectif. Comme il s’est limité à des réunions de
présentation de l’état d’avancement des actions par les ministères, il
n’a pas impulsé de logique transversale de travail en commun.
La mesure « Filières de santé » illustre parfaitement cette situation. Cette
mesure aurait dû apparaître dans le plan comme une mesure chapeau des
trois axes du plan puisque le but des filières est de mettre en interaction
les différents acteurs. Comme les filières étaient pilotées par la seule DGOS
et financées sur des budgets hospitaliers, l’association des acteurs a été
rendue difficile, notamment ceux de la recherche et du médicament. La
mobilisation des financements est un système kafkaïen avec, en sus, la
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
question des frais de gestion prélevés par les hôpitaux, qui
peuvent prélever jusqu’à 25 % de frais de gestion.
RARE 2015
Points faibles et avancées positives
Les centres de référence et de compétences ont permis
d’améliorer la prise en charge des malades atteints
de maladies rares. La lisibilité du système de santé a
été améliorée. Les médecins de proximité connaissent
mieux l’existence des centres de référence. La mise en
interaction de l’ensemble des acteurs est un facteur
d’amélioration globale. Les filières de santé, les centres
de référence et le travail en commun des acteurs à travers les réseaux, les commissions des filières, les PNDS
doivent être pérennisés. Les maladies rares nécessitent
une politique nationale qui porte une vision stratégique
et une réelle possibilité de pilotage assurant la transversalité entre des directions, des ministères et des acteurs
publics et privés. Cela est rendu encore plus nécessaire à
l’heure où la multiplication des pistes thérapeutiques et
l’arrivée des premiers traitements dans le domaine des
maladies rares deviennent réalité. C’est pourquoi nous
appelons les pouvoirs publics – malheureusement peu
représentés aujourd’hui – et l’ensemble des acteurs à se
mobiliser dans un troisième PNMR ou a minima une véritable stratégie nationale sur les maladies rares pilotée
par une structure de coordination réellement transversale et disposant de vrais moyens de fonctionnement.
TABLE RONDE 1
La Fondation maladies rares a été créée pour développer et coordonner
l’effort de recherche, mais les financements publics alloués à cette
structure font défaut.
Les enjeux du développement thérapeutique n’ont pas été suffisamment traités, notamment dans le domaine des médicaments de thérapie innovante. Le lien entre la santé, la recherche publique et le monde
industriel n’a pas été suffisamment pris en compte.
La réforme de la politique du médicament s’est faite en préservant la
spécificité des maladies rares. Cependant, il reste encore beaucoup à
faire sur la question des utilisations hors AMM.
La BNDMR a été développée laborieusement, mais la problématique
des registres et des bases de données pour la recherche n’avance pas
vite. De plus, de nombreux projets sont bloqués faute de moyens.
Le PNMR définissait assez timidement des orientations pour l’articulation entre les priorités nationales et les territoires de santé. Force
est de constater que les plans régionaux de santé contiennent très peu
d’éléments sur ce sujet.
Enfin, les FSMR sont une avancée très pertinente en termes de structuration de l’écosystème. Mais leur lancement n’arrive qu’en fin de
PNMR2. De plus, leur dispositif de financement, tant dans les circuits
que dans les moyens alloués, est très insuffisant.
Nous sommes dans la bonne direction, car des progrès ont été réalisés, mais trop lentement. Le déficit de réponses à apporter face aux
besoins appelle à la poursuite d’une politique de santé volontariste
pour les maladies rares.
Didier Lacombe
Le PNMR2 a souffert d’un manque de moyens financiers
et de soutien politique. Il faut savoir qu’aux États-Unis,
le président Obama a annoncé que des fonds publics
seraient alloués à la médecine personnalisée et au
développement du séquençage haut débit de nouvelle
génération. Toutefois, le PNMR2 offre un certain nombre
d’éléments positifs, comme la mise en place des filières
et la création de la Fondation maladies rares. ‡
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Quid du PNMR3 ?
Didier Lacombe
Nous n’avons aucune visibilité sur le futur plan.
Hélène Dollfus
Je partage totalement les propos de M. Cottet. L’avenir du
PNMR doit dès à présent faire l’objet d’une réflexion. Les
associations devraient se mobiliser pour pérenniser le plan
sous une forme ou une autre. Plusieurs axes de réflexion ont
9
été mentionnés, notamment en termes d’organisation, de moyens, etc. Pour
l’avenir du plan, le modèle de l’Institut National du Cancer (INCa) est intéressant car il réunit autour d’une même table les soignants, les chercheurs et
les tutelles. Ainsi, le modèle devrait être plus efficace et plus compact afin
de prendre des décisions plus stratégiques et plus prospectives.
De la salle
Il faudrait davantage donner la parole aux acteurs de
terrain.
Didier Lacombe
Les associations et les patients ont été les pièces maîtresses des deux PNMR.
Didier Lacombe
Le rapprochement avec l’INCa est intéressant. L’évolution de la Fondation maladies rares vers une vraie structure d’État comme l’INCa Point de vue des industriels
– avec un financement pérenne – devrait être envisagée.
Sylvain Forget
Christian Cottet
Les maladies rares interrogent les industriels sur leur
Au cours des deux PNMR, trois éléments structurants ont été mis en fonctionnement, leur positionnement et leur manière de
place : les centres de référence, la Fondation maladies rares et les conduire leur recherche. 15 ans après la mise en place des
filières de santé. Nous regrettons que les pouvoirs publics aient très peu réglementations européennes, les malades sont mieux
financé la Fondation. Sans la générosité publique, cet organisme n’aurait pris en charge, mais des progrès restent à réaliser.
pas fonctionné. La Fondation maladies rares a vocation à coordonner Les industriels du médicament ont d’abord pour mission
et impulser une recherche dans certaines thématiques. Une structure d’apporter des solutions thérapeutiques médicamende type « institut des maladies rares » chargée de l’animation et de la teuses. Près de 300 médicaments sont utilisés tous les jours
gouvernance d’une politique nationale se situerait à un niveau supérieur. en France pour le traitement de maladies rares. 85 d’entre
eux ont le statut de médicament orphelin. Selon Orphanet,
De la salle
115 médicaments avec AMM ont une indication pour une
Quels sont les critères de sélection des centres de référence et de com- maladie rare sans avoir un statut d’orphelin. Depuis le
pétences ? Comment sont-ils sélectionnés ?
règlement de 2000, plus de 1 500 médicaments ont obtenu
une désignation de médicament orphelin ; leur intérêt doit
Didier Lacombe
désormais être démontré pour obtenir une AMM.
Une autoévaluation est assurée par les directions d’hôpitaux, via un ques- Selon un récent rapport d’Evaluate pharma, 23 % des
tionnaire en ligne. La visite sur site n’est plus obligatoire, sauf en cas de pro- investissements de phase III dans la recherche bioméblème. Le label est accordé pour cinq ans. Il appartient aux coordonnateurs dicale par les industries du médicament sont portés sur
des centres de référence de prouver la qualité de leur travail. Nous espérons les maladies rares. Ce pourcentage traduit un invesque les bons centres de référence pourront continuer à travailler et obtenir tissement très lourd en personnes et en recherche, en
des financements. L’ensemble des comités du PNMR1 ayant été dissous, il est passant du modèle des blockbusters vers un modèle
important via les comités de sélection de pouvoir créer de nouveaux centres orienté vers la médecine à 4 P (prédictive, préventive,
de référence ou de faire évoluer certains centres de référence.
personnalisée et en partenariat avec des acteurs allant
au-delà des prescripteurs).
Hélène Dollfus
En France, les Autorisations Temporaires d’Utilisation
Remplir les rapports annuels d’activité en ligne est très chronophage. (ATU) de cohorte et les ATU nominatives sont très imporCela donne toutefois l’occasion d’avoir une vraie discussion avec les tantes. Une bonne partie d’entre elles sont captées par
directions des hôpitaux. Parmi les critères d’évaluation importants les maladies rares. À ce jour, une centaine de médicafigurent le nombre de consultations, la formation, la communication en ments seraient susceptibles de justifier une Recommandirection du grand public et l’articulation avec la recherche. La métho- dation Temporaire d’Utilisation (RTU). Après repositiondologie PIRAMIG, utilisée par les MIG, a été adaptée aux maladies rares. nement et amélioration, ils pourraient obtenir une AMM.
Avec près de 300 médicaments dédiés au traitement de
Didier Lacombe
maladies rares utilisés en France, nous pouvons considéLes crédits MIG et MERRI ont été réduits cette année de manière dras- rer que les industriels du médicament font leur travail.
tique dans tous les CHU de France.
L’ont-ils fait pour trop cher ? Le coût des médicaments
dans notre système de santé est en train de diminuer. Les
De la salle
médicaments non orphelins relèvent du système classique ;
Pourquoi aucun représentant du ministère n’est-il présent aujourd’hui ? leur coût est en train de baisser. Selon un récent rapport
du Comité Économique des Produits de Santé (CEPS), les
Didier Lacombe
médicaments orphelins représentent un coût d’un peu
Nous avons lancé des invitations, mais elles ont été déclinées.
moins d’un milliard d’euros, soit 4 % du coût total des
10
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
Didier Lacombe
Le fait que les médicaments orphelins représentent 4 % du coût des
médicaments me convient bien puisque 4 % de la population française
serait concernée par les maladies rares. En tant que pédiatre, je suis
de la génération des professionnels qui ont dépisté les enfants, à la
naissance, de la mucoviscidose, qui les ont pris en charge et qui les ont
vus mourir. Aujourd’hui, la synthèse de tous les médicaments développés
dans la mucoviscidose ouvre une vraie porte d’espoir. La combinaison de
ces médicaments devrait permettre aux médecins qui auront dépisté et
suivi ces enfants de ne pas les voir décéder à un jeune âge adulte.
Christian Cottet
Depuis quelques années, l’industrie du médicament est en train d’expier
le péché originel de ne pas s’être intéressée historiquement aux maladies
rares. C’est très positif. Les chiffres cités par Sylvain Forget montrent la
nécessité d’organiser cette politique de santé publique, dans la mesure
où 98 % des maladies rares n’ont pas de traitement aujourd’hui.
La France est pionnière en matière d’ATU et de RTU. Un vrai travail
devra être mené, car les références ne sont pas forcément disponibles
pour aller vers la mise en œuvre des RTU.
La question du modèle économique et du prix du médicament se pose. Les
industriels doivent bien sûr être rentables. Le modèle économique classique
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
n’est pas adapté aux maladies extrêmement rares. Nous
devons faire preuve collectivement de créativité. Nous avons
ainsi avancé le concept de « prix juste et maîtrisé ». Un travail abouti doit être mené dans ce domaine, car la question
de la rentabilisation des efforts de recherche se pose.
Marc Hanauer, Orphanet
Fondé en 1997 par le Dr Ségolène Aymé, Orphanet a été
l’un des acteurs fortement impactés par les PNMR qui
ont permis de consolider ses activités principales, telles
que la diffusion et la mise à disposition d’informations.
S’il est peut-être passé inaperçu, l’axe du PNMR2 relatif
à la nomenclature des maladies rares revêt néanmoins
une grande importance. Celles-ci sont sous-représentées
dans les systèmes d’information et les nomenclatures. Une
note parue en 2012 a permis l’inclusion des maladies rares,
notamment dans les systèmes d’information permettant
de suivre les dossiers des patients dans les centres de
référence. Ce sujet pose directement la question de l’interopérabilité entre les différents systèmes d’information et
bases de données dans le cadre de la recherche.
Orphanet est aussi un consortium international. Toute
stratégie discutée au niveau national doit tenir compte
du contexte international. Le premier PNMR a joué un
rôle moteur en Europe. Le futur PNMR3 devra s’inscrire
dans une dynamique internationale.
TABLE RONDE 1
médicaments. Ces derniers représentant 15 % des dépenses de santé, le
coût des médicaments orphelins représente donc un peu moins de 0,6 %
des dépenses de santé. Une hausse même de 10 % du coût de ces médicaments ne risquerait donc pas de mettre en péril le système de la Sécurité
sociale. En outre, l’exclusivité des médicaments orphelins s’arrêtant au
bout de dix ans, les premiers génériques seront prochainement mis sur le
marché. Ainsi, force est d’admettre que les industriels ont pratiqué une
politique de coût compatible avec la continuité de notre système de prise
en charge.
Jusqu’à présent, les industriels ont toujours essayé de développer des partenariats avec l’ensemble des acteurs du monde des maladies rares. Dans
le cadre d’une plate-forme de communication qui sera ouverte en janvier 2016, ils formuleront une vingtaine de propositions réparties en quatre
chapitres : la recherche, la simplification du labyrinthe administratif, le
financement et les partenariats. S’agissant du dernier thème, nous considérons que le rôle des industriels ne se limite pas à fournir des boîtes de
médicaments. En effet, les industriels sont prêts à participer encore plus
activement aussi bien à l’évaluation du travail réalisé depuis une décennie
qu’à la mise en place du PNMR3 qu’ils appellent de leurs vœux.
Le bilan que nous avons dressé des PNMR a mis en évidence un certain
nombre d’éléments. La structuration apportée par les plans est très
utile aux industriels. La mise en place de partenariats associatifspublic-privé doit être renforcée. La Fondation maladies rares, qui
implique les industriels, doit être développée. La mise en place d’un
modèle de prise en charge sociétale est à pérenniser et à amplifier.
Les PNMR doivent jouer un rôle moteur pour l’Europe. Les industriels
n’envisagent jamais de développer un médicament orphelin à l’échelle
d’un seul pays. Le rôle des industriels dans les PNMR est à préciser et à
renforcer. Enfin, le modèle économique doit être sécurisé.
De la salle
Quel est l’avenir du personnel embauché par les Filières
Maladies Rares ?
Didier Lacombe
Nous espérons que le financement des filières sera
pérennisé, mais ce n’est pas acquis. En outre, des
négociations avec les directions de CHU peuvent être
engagées pour que ce personnel soit CDIsé.
De la salle
Comment pallier le manque d’information des médecins
généralistes ?
Didier Lacombe
La journée internationale des maladies rares qui se
tiendra en février 2016 sera l’occasion d’organiser une
information sur les centres de référence en tant que nouveaux moyens de diagnostic et d’étude du génome. Cette
journée sera ouverte aux médecins et au grand public. ‡
LIENS D’INTÉRÊT
D. Lacombe déclare participer à des interventions ponctuelles pour les
entreprises Shire, Genzyme, Biomarin.
H. Dollfus, S. Forget, C. Cottet, M. Hanauer déclarent n’avoir aucun lien
d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
11
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 12-3
Conférence 1
médecine/sciences
La France a eu
un rôle moteur dans
les maladies rares,
peut-elle faire mieux ?
Ségolène Aymé
Inserm, US14, Paris, France
> Je suis très fière de la communauté des maladies rares
française. La France est le seul pays au monde à s’être
doté d’une politique cohérente dès 1995. Plusieurs
étapes marquent la construction de cette politique.
Annie Wolf a été le catalyseur avec la mission des médicaments orphelins qu’elle a menée au ministère de la
Santé à partir de 1995. S’en est suivie la création d’Orphanet en 1996 et d’Eurordis en 1997 – cette Fédération
européenne de malades a joué un rôle politique majeur
pour obtenir un règlement orphelin, puis une politique
européenne. L’Alliance Maladies Rares a été créée en
2000. La Plate-forme Maladies Rares, qui a vu le jour
à Broussais en 2001, joue un rôle réel à l’échelle nationale. Elle réunit une centaine de personnes travaillant à
temps plein sur les maladies rares.
La politique en faveur des maladies rares s’est structurée en plusieurs étapes. En 2001, un programme
hospitalier de recherche clinique (PHRC) maladies rares
a été initié. Le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS)
maladies rares, constitué en 2002, a permis de financer
des réseaux et des projets de recherche, ainsi que la
création de E-Rare. Ce réseau, qui constitue une formidable initiative dans le domaine des maladies rares,
permet le cofinancement par plusieurs pays européens
de projets de recherche ; il inclut désormais des pays
aussi lointains que l’Australie ou le Canada.
En 2000, le règlement concernant les médicaments
orphelins a mis en lumière l’importance de la rareté
comme un facteur devant alerter et obliger à la mise
en œuvre de politiques spécifiques. En 2000 également, la Commission européenne, la DG Recherche
12
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s104
ainsi que la DG Santé publique, ont affiché les maladies rares comme
une priorité. Elle a créé en 2004 une Task Force qui a inspiré la communication de la Commission européenne intitulée « Les maladies
rares : un défi pour l’Europe ». Le Comité santé a ensuite recommandé en 2009 à l’unanimité à chaque État de se doter d’un plan
maladies rares. La France a donc joué un rôle modèle pour les autres
pays européens. À ce jour, 25 d’entre eux ont adopté un plan ou une
stratégie maladies rares. La Task Force est ensuite devenue le Comité
européen maladies rares, puis un comité d’expert maladies rares
de la Commission européenne. La réflexion menée par la Task Force
s’est nourrie de l’expérience française qui était à la fois novatrice
et collaborative.
Les 25 plans adoptés à ce jour sont hétérogènes. Certains sont des
stratégies à transformer en futurs plans. Beaucoup n’ont pas de budget dédié aux actions prévues. La labellisation des centres d’expertise, le codage de patients maladies rares (Orphacodes), la collecte
d’information sur les patients maladies rares (banques de données/
registres) et l’accès à l’information concernant les maladies rares
(soutien de l’équipe nationale Orphanet) constituent les éléments
communs à l’ensemble des plans nationaux.
L’impact de la France a été double. Le premier concerne Orphanet, qui
a permis l’inventaire des maladies rares, la classification et le codage
– dans une recommandation du 12 novembre 2014, le Comité d’experts
européens préconise l’usage du codage avec les codes Orpha dans les
pays de l’UE. En outre, Orphanet a réalisé une cartographie des ressources expertes dans tous les pays européens.
Le second impact de la France est lié aux centres de référence. Une
véritable expérience dans l’organisation de ces centres a été engrangée en France à travers les appels d’offres, les critères de sélection et
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
professionnels de santé. À l’avenir, les données du
PMSI pourraient également alimenter cette base de
données. Cette organisation doit se mettre en place
car un grand projet français de banque de données
de santé sera inscrit dans la loi de santé publique.
Les maladies rares constituent l’exemple parfait d’un
domaine pilote qui pourrait être le premier à être
développé parce que les sources de données sont
bien organisées et que les besoins en santé publique
et en recherche sont considérables.
La mise en place d’un PNMR3 dépendra du rapport
d’évaluation en cours de publication ; des décisions
politiques seront prises sur la base des recommandations du comité d’évaluation. Un PNMR3 pourrait
être défini, avec un merveilleux pilote et des moyens
adéquats alloués par les ministères – il est toujours
possible de rêver ! Si aucun nouveau plan n’est mis en
place, la communauté des maladies rares devrait s’organiser pour retrouver l’esprit du PNMR1, c’est-à-dire
coordonner les acteurs concernés, tirer les bilans des
actions et de leurs impacts, et faire de la prospective
afin d’impulser des actions.
La Fondation maladies rares, qui n’a pas joué le rôle
de coordinateur des données qui lui était initialement assigné, pourrait se transformer en organe de
coordination de ces initiatives si la volonté politique
fait défaut. Pendant deux plans, nous avons appelé de
nos vœux l’existence d’un observatoire des médicaments orphelins pour collecter des données réelles et
réfléchir à l’impact des médicaments orphelins dans
les budgets nationaux. La Fondation maladies rares
pourrait coordonner la création de cet organisme.
Elle pourrait également aider à organiser le congrès
RARE qui est le seul forum national du domaine.
De plus, elle pourrait initier la mise en place d’un
fonds abondé par tous les acteurs pour financer les
registres maladies rares, indispensables à la collecte
de données sur les thérapies innovantes et coûteuses.
Après tous les efforts faits dans ce domaine, il serait
vraiment dommage que ces registres tombent en déshérence. La communauté des maladies rares française
doit être reconstituée et il faut lui donner les moyens
d’échanger. ‡
CONFÉRENCE 1
l’évaluation. Ce modèle a été intégralement repris dans une recommandation que le Comité européen d’experts sur les maladies rares
(EUCERD) a adoptée à l’unanimité le 24 octobre 2011. Un rapport sur
les initiatives et les incitations prises en Europe est disponible sur le
site www.eucerd.eu.
De son côté, le PNMR2 n’a presque pas eu d’influence à l’échelon
européen. Sa traduction anglaise n’a jamais été diffusée car le
ministère n’était pas d’accord avec la traduction du mot « filière ».
De plus, la notion de Réseau Européen de Référence, antérieure au
PNMR2, ne correspond pas à la notion française de filière. Les sigles
donnés aux filières ne sont pas judicieux ; il aurait été préférable de
leur attribuer des désignations simples telles que « réseau maladies
rénales rares ». Le PNMR2 a peu influencé dans son contenu les
travaux européens. En outre, il a été essentiellement géré de façon
administrative, et n’a joué aucun rôle dans les réflexions menées au
niveau européen.
L’appel d’offres concernant les centres d’expertise et les réseaux
européens sortira dans quelques semaines. Les centres français
devraient formuler des propositions de réseaux européens de référence. Le dispositif français de centre de référence est parfaitement
en accord avec les textes européens. En revanche, les filières françaises ne sont pas en accord avec les textes européens. Une recommandation précisant que des réseaux européens dans les maladies
rares doivent être construits pour un certain nombre de catégories, il
aurait été sage et intelligent que le ministère organise des réunions
pour voir comment la France allait répondre à cet appel d’offres. Ces
réunions n’ont pas eu lieu. Pire, la France ne se fait pas représenter
actuellement au Comité européen qui travaille à l’élaboration des
cahiers des charges et qui sélectionnera ensuite les réseaux européens de référence.
Grâce au Téléthon, la France est un pays acquis aux maladies rares.
Elle compte 382 associations de patients parlant d’une seule voix. La
France est aussi le pays de l’information sur les maladies rares, grâce
à Orphanet, OrphaNews et OrphaData. Le site Orphanet, disponible en
7 langues, compte plus d’un million d’utilisateurs par mois. Il utilise
un codage des maladies rares qui est devenu un standard international recommandé par l’UE et l’International Rare Diseases Research
Consortium (IRDiRC).
La France est également le pays des médicaments orphelins. Les PNMR
mentionnent clairement la possibilité de traiter par ces médicaments,
dont la moitié environ est vraiment innovante. La France utilise le
concept d’ATU que le monde entier nous envie. Nous devons rester à ce
niveau d’excellence.
La France est aussi le pays de quelques vrais fiascos. Il convient de
citer les cartes d’urgence qui étaient trop complexes, les PNDS qui
étaient trop ambitieux, la surveillance épidémiologique des maladies
rares et le « off label ».
L’absence de coordination des projets de collecte de données est
à ranger dans la catégorie « semi-fiascos ». En effet, la BNDMR,
les cohortes de l’IHU Imagine et celles de RaDiCo, ainsi que les
registres français, se sont développés en parallèle alors qu’ils
collectent des données sur les mêmes malades et par les mêmes
LIENS D’INTÉRÊT
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
13
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 14-8
Table ronde 2
médecine/sciences
Impact sociétal des
nouvelles technologies
de connaissance
du génome
Gert Matthijs
Au cours de cette table ronde, nous évoquerons les nouvelles technologies permettant de séquencer un génome
entier. Le premier séquençage d’un génome humain – celui
de James Watson – a été réalisé en 2008. La question de
l’utilisation de cette technologie s’est alors posée. Entretemps, les prix d’un séquençage ont drastiquement chuté.
En effet, le séquençage du génome de James Watson a
coûté 5 millions de dollars, alors qu’il coûte aujourd’hui
5 000 euros. Ces prix sont faux si le contexte d’utilisation
du séquençage n’est pas pris en compte.
Le séquençage d’un génome est possible. La même
technologie peut être utilisée pour réaliser des analyses
ciblées. Dans la vie réelle, cette utilisation est plus
développée. Elle permet par exemple de regarder tous
les gènes impliqués dans une certaine maladie. Cette
technologie présente alors un réel avantage en termes
d’efficacité. Cette technologie peut également être utilisée pour créer de la capacité de séquençage. Dans le
cancer du sein, cette plate-forme permet de séquencer
des dizaines de patients en même temps.
Avec la technologie du séquençage, il est également possible de réaliser des exomes quand la maladie du patient
n’a pas encore été identifiée. Cette utilisation s’inscrit
entre les champs de la recherche et de la découverte. Le
génome entier peut être séquencé pour, d’une part, faciliter l’accès aux données et, d’autre part, chercher des
déficiences ou des défauts non connus qui ne sont pas
liés à la partie codante du génome.
Dans la première partie de cette table ronde, nous discuterons des avantages de ces nouvelles technologies, en
ne nous limitant sans doute pas aux maladies rares. Nous
parlerons également de l’impact de ces technologies sur
la recherche et la santé publique, car il serait intéressant
de savoir si nous allons vraiment changer la société.
Dans un second temps, nous évoquerons les limites de
ces nouvelles technologies. Plutôt que d’aborder leur
dimension technique, nous discuterons de la gestion
des données privées et de leurs impacts sur la santé
publique. En 2014, j’ai publié avec Vermeesch Joris le
livre « Comprendre la génétique et ses enjeux ».
14
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s105
Didier Lacombe, Fédération Française de Génétique Humaine
Nicolas Lévy, Aix-Marseille Université et AP-HM
Sylvie Paulmier-Bigot, LEEM
Frédéric Revah, Généthon
La table ronde est animée
par Gert Matthijs
(Université de Leuven)
Frédéric Revah
Je suis le directeur général du Généthon. Ce centre de recherche et
développement a été créé en 1990 par l’AFM Téléthon pour travailler
dans le domaine des maladies rares. À cette époque, il s’agissait de
contribuer au déchiffrage du génome humain. Les premières cartes
du génome humain ont été produites à Généthon entre 1992 et 1995.
Nous étions donc au cœur des efforts visant à réaliser le déchiffrage
du génome humain, et ainsi à mieux comprendre et identifier les gènes
responsables de maladies rares.
À partir de la fin des années 1990, Généthon s’est réorienté vers
l’exploitation des données issues du génome humain pour l’application thérapeutique, en particulier dans le domaine de la thérapie
génique.
Aujourd’hui, ma contribution au débat portera sur la manière dont ces
nouvelles technologies de séquençage ont pu donner naissance à de nouvelles approches thérapeutiques et à de nouveaux types de médicaments.
Nicolas Lévy
Je suis professeur de génétique à Marseille ; je suis aussi chef de service du département de génétique médicale et directeur d’une unité de
recherche Inserm-université dédiée aux maladies rares, en particulier
aux maladies génétiques rares, voire ultra-rares, allant de l’identification des causes des mécanismes jusqu’au développement de preuves
de concept et au développement thérapeutique. J’ai récemment cessé
Didier Lacombe
Je suis pédiatre généticien et clinicien ; je dirige le service de génétique
médicale du CHU de Bordeaux, après avoir dirigé le service de pédiatrie.
Je dirige également une unité Inserm dédiée à la recherche translationnelle sur les maladies rares. J’ai beaucoup travaillé dans le cadre
du PNMR1. Je dirige actuellement la Fédération française de génétique
humaine, qui regroupe l’ensemble des sociétés dédiées à la génétique.
Parmi elles figure l’ANPGM, dirigée par Benoît Arveiler. Nicolas Lévy le
connaît bien puisqu’il travaille sur la structuration nationale des Nouvelles Générations de Séquençage (NGS), c’est-à-dire la réflexion sur
des plates-formes dédiées aux maladies rares et au cancer.
Gert Matthijs
Les exomes permettront-ils de résoudre tous les cas de maladies rares ?
Didier Lacombe
Au cours d’une réunion organisée cet été au ministère de la Santé, il
nous a été dit que l’exome ne relevait pas aujourd’hui de la pratique
diagnostique courante. Comme il relève de la recherche, il n’est pas
à ce jour financé dans le cadre du diagnostic en France. La stratégie
actuelle consiste à développer des panels dans des pathologies particulières. Cette stratégie est plutôt pertinente comme étape intermédiaire (de 4 à 5 ans) – les pouvoirs publics en sont conscients. L’étape
suivante consistera sans doute à passer à l’exome.
Le génome pose la question des incidentalomes, c’est-à-dire la
découverte fortuite d’anomalies qu’on ne devrait pas caractériser.
Les techniques d’études du génome de type CGH Array permettent de
trouver la cause d’une anomalie du développement, mais cette cause
inclut la délétion d’un gène qui prédispose au cancer à l’âge adulte. Il
a ainsi fallu expliquer à la mère d’une enfant de trois ans que sa fille
devrait être surveillée.
Je reçois très régulièrement des patients, qui se sont informés sur
Internet et qui demandent pourquoi un exome n’est pas pratiqué.
Grâce aux financements de la Fondation maladies rares, nous pouvons en faire passer quelques-uns dans le cadre de la recherche, mais
la pratique de l’exome en diagnostic n’est pas encore courante en
France. Il existe donc un décalage entre la pratique et la connaissance
des patients sur cette nouvelle technologie, qui pose des questions
éthiques.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
Sylvie Paulmier-Bigot
Je représente le LEEM. Au sein de cette organisation professionnelle qui
fédère les entreprises du médicament, je suis chargée de la coordination du Comité maladies rares présidé par Christian Deleuze. Ce comité
regroupe diverses parties prenantes (industriels, associations de malades,
académiques). Le sujet des maladies rares me tient beaucoup à cœur.
Gert Matthijs
Le fait de ne pas avoir accès aux exomes à un prix compétitif vous fait-il râler ? Ou bien faut-il attendre que
tout soit validé ?
Nicolas Lévy
Je partage les propos de Didier Lacombe, même si nous
nous sommes inscrits dans une démarche visant à développer l’exome en diagnostic dès que cette technologie
était disponible en France. Notre approche de l’exome
se rapproche fortement de celle qui est appliquée aux
panels. Nous réalisons des exomes au sens technologique du terme, mais nous explorons en priorité le
panel bioinformatique d’une série de gènes pertinents
par rapport à la pathologie de malades qui nous sont
adressés. Si nous n’avons rien identifié dans le panel,
nous ouvrons les données sur le reste de l’exome, en
prenant le risque de faire des découvertes fortuites.
Ce sujet pose une vraie question conceptuelle. Le panel
doit être pratiqué dans des pathologies hétérogènes
pour lesquelles le nombre de gènes restant à identifier
dans ce groupe de pathologies est relativement faible.
Lorsque le nombre de gènes restant à identifier est
considérable, il est beaucoup plus profitable en termes
conceptuels – mais aussi en termes de coûts – d’aller
sur de l’exome pour cibler directement les gènes connus
par rapport à la pathologie, avant d’ouvrir les données
de l’exome.
Il existe une grande différence entre ce qui relève du
diagnostic et ce qui relève de la recherche. Si nous
posions dans cette salle la question de la définition du
diagnostic par rapport à la définition de la recherche
concernant l’accès aux NGS, nous obtiendrions sans
doute des réponses bien différentes. Le fait de différencier ce qui relève du diagnostic et de la recherche
en prenant simplement en considération ce qui est
connu versus ce qui n’est pas encore connu est, de mon
point de vue, extrêmement limitant. Séquencer dans
un contexte de pur diagnostic ou un contexte de pure
recherche n’a pas beaucoup d’importance, car l’important est de parvenir à l’identification.
TABLE RONDE 2
mes fonctions de directeur de la – très belle – Fondation maladies
rares. J’ai donc repris mes fonctions à Marseille dans le contexte de
la recherche et du soin. En parallèle, je porte un projet de création
d’institut de médecine et de recherche translationnelle méditerranéen
orienté uniquement vers les maladies rares.
Gert Matthijs
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Une réponse est
attendue d’un diagnostic dans un délai assez bref. Pour
lancer une recherche, une hypothèse est nécessaire. J’ai
l’impression que les cliniciens sont en train de mélanger le diagnostic et la recherche. Ce sujet devrait être
rapidement clarifié, car trop d’argent de la recherche
est utilisé pour pratiquer du diagnostic « caché ». Le
public doit être conscient de cette réalité pour que des
dispositions soient prises au niveau politique.
15
Didier Lacombe
L’exome ne résout pas tout. Le taux de 40 % me semble juste. J’ai
récemment discuté avec une famille très affectée qui a perdu deux
enfants avec une forme d’arthrogrypose sévère. Comme elle souhaite
avoir un nouvel enfant, elle est très en demande d’un diagnostic. Un
projet de recherche sera lancé en France avec Judith Melki sur les
arthrogryposes. J’ai reçu un email de Judith m’annonçant la découverte
d’un nouveau gène. Avant que cette famille puisse bénéficier de cette
avancée académique, une publication et une validation seront nécessaires. L’approche recherche et l’approche diagnostic doivent donc
être séparées. La recherche va aboutir à de grandes implications dans
le diagnostic, mais il faut être conscient du décalage entre les deux.
Gert Matthijs
Le diagnostic et la recherche doivent-ils être menés dans le même
institut ?
Nicolas Lévy
Il est possible de mélanger le diagnostic et la recherche si le mélange
est parfaitement organisé au départ. Les activités de séquençage dans
un centre de génétique doivent être menées dans les mêmes locaux.
Les outils et les compétences utilisés pour la recherche et le diagnostic
sont les mêmes. En revanche, le circuit des données diffère. Dans le
cas du diagnostic, un résultat doit être rendu aussi rapidement que
possible au malade, en particulier si la variation identifiée donne
accès à un traitement. En recherche, une validation est nécessaire.
Cela ne doit toutefois pas nous empêcher, dès l’identification de la
variation, de commencer à initier des actions de recherche et de prise
en charge. Ainsi, le diagnostic et la recherche devraient être organisés
dans les mêmes lieux, en s’appuyant sur les mêmes compétences et les
mêmes outils. Il convient en revanche de différencier les circuits des
données. La mise en place d’un système de traçabilité et de qualité
sera bientôt la norme dans les laboratoires de recherche.
Gert Matthijs
Pour la recherche et la thérapie, qu’est-ce que cela change ?
Frédéric Revah
Une thérapie génique et d’ingénierie génétique présente un potentiel
médical impressionnant puisqu’il s’agit d’une thérapie curative. Audelà de la percée médicale et scientifique que représentent ces produits – dont certains sont aux portes de l’AMM – il existe une grande
variété d’incidences, notamment en termes d’organisation du système
de soins. On parle de thérapie personnalisée à l’extrême. Dans certains
types de thérapie génique, des cellules souches sont prélevées dans le
système hématopoïétique du patient ; un gène sain est introduit dans
ces cellules avant qu’elles ne soient réinjectées au patient. Ce traitement hautement personnalisé ne peut évidemment être administré
que dans des environnements hospitaliers spécialisés, offrant un vrai
accompagnement clinique et technologique.
La question du modèle économique se pose également. Un produit de
thérapie génique sera administré une fois – ou un nombre limité de fois –
16
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
pour obtenir une correction permanente. Un tel produit
s’apparente plus à une greffe qu’à un médicament classique. La question de la fixation de son prix n’a toujours
pas été résolue, alors qu’un certain nombre de produits
s’approchent de l’AMM. Le prix de ces produits pourrait
être fixé une fois pour toutes – le premier à avoir obtenu
son AMM européenne, porté par une société de biotechnologie hollandaise, revendique un prix d’un million d’euros
l’injection. Un tel prix est-il raisonnable ? Et notre système
de santé est-il prêt à accepter ce niveau de prix ? D’autres
prévoient un prix basé sur le résultat, une annuité payable
en fonction d’un résultat thérapeutique objectivable. Ces
modèles de fixation de prix restent à mettre à l’épreuve
des faits, tant les systèmes de remboursement sont peu
adaptés à ces nouvelles fixations de prix.
La question du modèle économique doit également
prendre en compte le coût de la R&D, dans la mesure
où le coût de développement de ces produits peut être
important.
La capacité à développer ces produits dépend de
compétences en recherche, de compétences en développement et de compétences médicales. En outre,
la capacité à amener ces produits jusqu’aux patients
dépend de manière critique de la production. Celle-ci
présente une très forte valeur ajoutée, car ces produits
sont difficiles à produire. L’enjeu industriel de cette
production est considérable pour pouvoir maîtriser la
mise à disposition de ces produits.
Gert Matthijs
Vous parlez surtout de la révolution dans les thérapies,
qui ne sont pas nécessairement liées au séquençage.
Le chiffre d’un million d’euros par patient que vous
avez mentionné m’a fait plaisir car cela signifie que
le diagnostic est quasiment gratuit. Le séquençage en
diagnostic devrait donc avancer plus rapidement.
Les industries mesurent-elles les avantages du séquençage à haut débit ?
Sylvie Paulmier-Bigot
Les industriels ont effectivement mesuré les impacts
positifs de ces nouvelles technologies. L’identification des
gènes et des altérations à l’origine des maladies permet
notamment de mieux connaître les pathologies, d’identifier
plus facilement les malades, de mieux cibler les actions de
prévention, et d’optimiser le taux de répondeurs. Ces nouvelles technologies ont une répercussion considérable sur
le développement des futurs médicaments.
Gert Matthijs
Au niveau sociétal, pourquoi ne pas envisager de
séquencer tout le monde ?
Gert Matthijs
Le séquençage de tout le monde ne présenterait pas un
réel intérêt pour les maladies multifactorielles. Par ailleurs, l’utilisation d’exemples de séquençage réussi pour
justifier une politique générale me semble dangereuse.
Gert Matthijs
J’ai évidemment posé cette question pour susciter le débat. Si tous
les cancers étaient séquencés, le nombre d’analyses serait multiplié
par dix, ce qui coûterait bien plus que les dépenses liées aux maladies
rares. Comment résoudre ce problème sociétal ?
Nicolas Lévy
Indépendamment du dépistage systématique, l’objectif
d’aujourd’hui est de pouvoir prévenir autant que possible l’apparition d’un phénotype potentiellement sévère
lorsqu’on sait que la mutation est en grande partie
responsable de cette pathologie. On parle de mutations
« actionnables », sur lesquelles on peut avoir un véritable
impact thérapeutique dès qu’elles sont détectées.
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Faut-il séquencer tout le monde ?
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
De la salle
À l’avenir, un « patient » porteur d’une mutation serat-il traité avant que la maladie ne se déclare ?
TABLE RONDE 2
Didier Lacombe
Aujourd’hui, le séquençage doit se limiter aux personnes pour lesquelles
cette approche présente un réel intérêt, notamment en termes de prise
en charge thérapeutique. Par ailleurs, je souhaiterais intervenir sur le
dépistage néonatal systématique. Depuis trois à cinq ans, nos collègues
nord-américains de l’American Society for Human Genetics (ASHG) envisagent à brève échéance de séquencer le génome de tous les nouveaunés américains – notamment pour des raisons d’assurance. En Europe,
nous considérons qu’une telle pratique systématique ne serait pas du
tout raisonnable. En effet, l’interprétation bioinformatique d’un certain nombre de variants et polymorphismes sera difficile. De plus, d’un
point de vue éthique, le séquençage conduira à identifier incidemment
diverses pathologies. Partageant cette position, l’American College of
Medical Genetics and Genomics (ACMG) considère que le séquençage
devrait uniquement s’appliquer à certains gènes d’intérêt. Il a ainsi
constitué une liste de 70 à 150 gènes, notamment de myocardiopathie et
de QT long. Par ailleurs, vous savez que des recherches sont menées sur
le gène de la longévité. Or, une centenaire présente une mutation dans
un gène de myocardiopathie. Par conséquent, des questions se posent.
Malheureusement, la France est encore loin d’une approche moléculaire systématique néonatale. Cette réflexion devra pourtant être
menée, car le dépistage de certains gènes présente un réel intérêt. En
France, cinq maladies sont dépistées à ce jour. La phénylcétonurie et
l’hypothyroïdie sont de vraies réussites d’un point de vue biochimique.
De mon point de vue, la mucoviscidose n’est pas le meilleur exemple
de maladie pour laquelle un dépistage néonatal aurait dû être mis en
place. Aujourd’hui, une vraie réflexion devrait être menée sur les gènes
devant faire l’objet d’un dépistage systématique à la naissance.
RARE 2015
Nicolas Lévy
La question que nous devons nous poser est de savoir pourquoi nous
devrions séquencer tout le monde. Cette solution n’aurait un intérêt
que si elle a un impact direct sur la connaissance que l’on veut obtenir à partir de patients qui ont besoin de séquençage, ou bien sur la
connaissance obtenue dans le cadre de programmes de recherche. À
ce jour, je ne vois pas la nécessité de séquencer tout le monde. Un
généticien médical ne peut pas s’inscrire dans une démarche visant à
séquencer tout le monde parce que les outils sont disponibles.
De la salle
La recherche en génomique pourrait-elle être intégralement financée par le diagnostic biologique ?
Nicolas Lévy
La recherche en génomique pourrait effectivement être
financée de façon intégrale par le diagnostic biologique
si la recherche et le diagnostic sont menés dans un
même laboratoire. Ainsi, chaque patient aurait accès à
un séquençage le plus efficient possible pour permettre
d’identifier les caractéristiques génétiques liées à la
maladie qu’il présente. Dans ce cas, il faudrait séparer
les files actives (c’est-à-dire les malades connus et
pris en charge dans une démarche de diagnostic par
du séquençage haut débit) des collections d’échantillons qui sont dans les congélateurs des centres de
ressources biologiques. Ces échantillons concernent des
malades malheureusement perdus de vue ou pour lesquels beaucoup d’informations font défaut. Les informations cliniques doivent rester à l’origine de notre
pratique de séquençage.
Frédéric Revah
Le fait de traiter un patient avant que la maladie ne
se déclare ou au tout début des symptômes est parfois l’élément même permettant l’effet thérapeutique
complet. Par ailleurs, il faut savoir que la possibilité
de faire des essais cliniques en l’absence de traitement
dépend d’un diagnostic aussi précoce que possible. Je
pense notamment à l’amyotrophie spinale de type 1.
Le diagnostic précoce de cette maladie dégénérative
à évolution extrêmement rapide permet l’intervention
thérapeutique et l’essai clinique.
17
Gert Matthijs
Pendant que nous discutons, d’autres vont agir. Pensez-vous que nous
sommes en train de laisser passer le train ? J’estime que le système
public devrait s’engager pour le séquençage néonatal et « préconceptuel ». La solution du dépistage ne devrait pas être écartée.
Nicolas Lévy
Sans vouloir minimiser les capacités de diagnostic, j’estime que la
solution du dépistage n’aurait de sens que si l’on connaissait la signification des données séquencées. Or, seuls 3 à 5 % des données d’un
génome peuvent réellement être interprétées à ce jour.
Gert Matthijs
Dans ce cas, il faut arrêter tout dépistage ou bien expliquer au public
que les solutions offertes aujourd’hui ne sont pas valables. Je n’ai pas
envie de perdre mon temps à crier dans le désert.
Ségolène Aymé
Les firmes réalisant du séquençage chez les gens non-malades vendent
du vent car les résultats obtenus concernent des variants génétiques
connus à faible valeur prédictive. La communauté des généticiens
doit dire la vérité : la technologie de séquençage existe, mais nous ne
savons pas interpréter la plupart des données. Les bases de données de
variants génétiques contiennent entre 20 et 40 % de données erronées,
que certains veulent utiliser en diagnostic. Ce n’est pas sérieux ! Les
laboratoires doivent offrir un service diagnostique sur des données parfaitement validées et répondant aux besoins du patient.
5 % de la population américaine ont les moyens de se payer leur génome,
mais ils seront très déçus des résultats obtenus. Il ne faudrait pas qu’ils
viennent ensuite se faire expliquer les résultats. Ce sujet me semble très
marginal. En France, nous avons toujours eu une approche très prudente
en terme de dépistage néonatal, et c’est très bien ! Il devrait en aller
de même dans la génétique. Il y a déjà tant de besoins non assouvis en
matière de diagnostics qui seraient réellement utiles aux patients et aux
familles. Ainsi, nous devrions nous concentrer sur les vrais besoins.
Gert Matthijs
Les centres de fertilité proposent de plus en plus souvent ce genre de
test, et les gens acceptent de payer pour cela. Faudrait-il installer
une police ? Ou bien faudrait-il que les services médicaux sachent
mieux proposer leur offre réduite en mettant en avant les explications
qui peuvent l’accompagner ? Le séquençage du génome ne se limitera
pas aux maladies rares et au cancer ; il faudrait ajouter en urgence le
dépistage des porteurs pour proposer une offre valable et différente
de celle qui est proposée sur Internet.
Par ailleurs, il faut savoir que Google et Facebook sont très intéressés
par vos données. Je demanderai aux intervenants de s’exprimer en tant
que citoyens sur ce sujet.
Sylvie Paulmier-Bigot
En tant que citoyenne, ce sujet peut m’effrayer. L’eugénisme représente en effet un danger considérable. Je suis quelque peu rassurée
18
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
après avoir entendu que l’interprétation des résultats
souffrait encore de nombreuses incertitudes.
Un autre sujet m’interroge. Si une personne qui n’est pas
malade sait qu’elle a une altération sur un gène – avec
des potentialités de développement de maladies –,
elle va vivre toute sa vie avec une épée de Damoclès.
L’impact sociétal de ces données pose une vraie question philosophique.
Nicolas Lévy
La question du diagnostic pré-symptomatique est parfaitement encadrée en France, à partir du moment où
les gènes concernés par des mutations sont identifiés
et caractérisés. Dans ce cas, des consultations pluridisciplinaires sont organisées avec des psychologues,
des obstétriciens, des généticiens et des spécialistes
d’organes. Ce problème reste néanmoins complexe à
gérer au quotidien, en particulier lorsqu’il s’agit de
pathologies graves, voire très invalidantes comme des
maladies neurodégénératives.
S’agissant des données produites par de grandes entreprises comme Google et Facebook, je souhaiterais
partager une réflexion sur le transhumanisme – selon
lequel l’homme qui vivra 1 000 ans serait déjà né.
Google, via Calico notamment, ne s’intéresse qu’à la
longévité, en ayant la volonté de pouvoir identifier des
signatures moléculaires inscrites dans une certaine
forme de longévité. Le fait de vivre plus longtemps
ne m’intéresse pas forcément. En revanche, vivre en
meilleure santé aussi longtemps que possible serait
intéressant. Les progrès de la médecine devraient permettre d’atteindre ce but, grâce à la génétique et aux
nouveaux outils technologiques.
Gert Matthijs
Une question de la salle porte sur les conséquences
d’un séquençage généralisé sur l’accès au travail et les
primes d’assurance. Cette problématique me semble
plus aiguë et plus urgente. La mise en ligne du génome
reste un phénomène limité et trivial. Le problème est
que cette avancée génétique est perçue comme majeure
par le public. Il est temps que nous expliquions les intérêts médicaux de la génétique. Ce sujet s’apparente à
une révolution que nous devrons maîtriser.
LIENS D’INTÉRÊT
D. Lacombe déclare participer à des interventions ponctuelles pour les
entreprises Shire, Genzyme, Biomarin.
S. Paulmier-Bigot déclare avoir un contrat de travail avec l’organisme
Les Entreprises du Médicament (LEEM).
G. Matthijs, N. Lévy, F. Revah déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt
concernant les données publiées dans cet article.
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 19-22
Conférence 2
médecine/sciences
RARE 2015
L’évaluation
des médicaments
dans les maladies rares
CONFÉRENCE 2
Loïc Guillevin
Haute Autorité de Santé
et Université Paris Descartes,
Hôpital Cochin, AP-HP, France
Le circuit des médicaments et l’AMM
Le circuit du médicament commence par une autorisation européenne donnée par le Committee for medicinal
products for human use (CHMP), un comité de l’Agence
européenne des médicaments (EMA). Il n’y a plus d’AMM
demandée uniquement en France. Ensuite, l’autorisation européenne est transmise à l’Agence nationale
de sécurité du médicament et des produits de santé
(ANSM) qui évalue le rapport bénéfice/risque du médicament, et donne un avis pour une AMM française.
Ensuite intervient la Haute autorité de santé (HAS).
Depuis dix ans, la Commission de la transparence
attribue deux notes portant, d’une part, sur le service
médical rendu (SMR) et, d’autre part, l’amélioration du
service médical rendu (ASMR). Elle formule un jugement
scientifique sur la qualité du médicament ; son prix n’a
donc aucune incidence sur la note attribuée.
De son côté, la Commission d’évaluation économique
rend un avis d’efficience. Ensuite le Comité économique
des produits de santé (CEPS) discute avec le laboratoire
du prix du médicament, dans le cadre d’une négociation
plus ou moins longue.
Le SMR conditionne le taux de remboursement par la
Sécurité sociale (65 %, 35 % ou 15 %). Lorsque le SMR
est insuffisant, le médicament n’est pas remboursé ; il
peut néanmoins être commercialisé.
Les malades en affection de longue durée (ALD) sont
remboursés à 100 %, quel que soit le taux de remboursement initialement prévu par la Sécurité sociale.
L’ASMR est la seconde note attribuée par la Commission de la transparence. Une ASMR 1 correspond à un
médicament innovant, exceptionnel (exemple : un
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s106
vaccin). Un médicament recevant une ASMR 5 signifie qu’il ne fait pas
mieux que son comparateur. Parmi les 650 à 750 médicaments évalués
chaque année, un seul reçoit une ASMR 1, quelques-uns reçoivent une
ASMR 2 ou 3, et une majorité reçoit une ASMR 5.
L’ASMR influence les discussions sur le prix du médicament. Pour les
ASMR de 1 à 3, la base de la négociation s’appuie sur le prix européen.
Quand le CEPS (c’est-à-dire le ministère de la Santé) discute du prix,
il évolue dans une marge préfixée déterminée par l’avis des autres
partenaires. Pour les médicaments ayant reçu une ASMR 4, le prix est
négocié et plus élevé que ses comparateurs. Lorsqu’un médicament
reçoit une ASMR 5, son prix est obligatoirement moins élevé que celui
de ses comparateurs.
La liste en sus, concernant les médicaments prescrits en milieu hospitalier, permet d’avoir un budget spécifique qui s’ajoute au prix de la
journée d’hospitalisation. Le médicament ayant reçu une ASMR 1-3 (et
parfois 4) peut figurer sur la liste en sus. Un médicament ayant reçu
une ASMR 5 ne figure jamais sur la liste en sus, sauf si leur comparateur commercialisé est sur la liste en sus – ce sujet fait l’objet d’une
négociation ministérielle.
La liste en sus est établie par le Conseil de l’hospitalisation (qui doit
disparaître dans les semaines à venir). Le CEPS y participe, tandis que
la HAS n’y participe pas.
Le cheminement d’un médicament dure environ 90 jours, entre le dépôt
du dossier et la publication de l’avis définitif.
Les spécificités des médicaments prescrits pour les maladies rares
Des règles très particulières ont été mises en place pour les médicaments prescrits pour les maladies rares. Le PHRC et la Fondation maladies rares peuvent, via des programmes de financement nationaux,
soutenir le développement d’un certain nombre de molécules pour des
19
maladies rares. Diverses exonérations fiscales permettent ainsi aux
laboratoires pharmaceutiques d’engager une démarche de développement, tout en limitant leur prise de risque. Des avis précoces sont rendus au niveau européen par l’EuNetHTA (Réseau européen pour l’évaluation des technologies de santé). La HAS participe à ce processus.
Un médicament orphelin bénéficie d’une procédure accélérée par la
Commission de la transparence. Ainsi, le passage de cette instance est
réduit de 90 à 30 jours après le dépôt du dossier. Les dispositions sur
les médicaments orphelins sont appliquées au niveau européen. Les
exonérations fiscales existantes concernent la taxe sur la promotion
des spécialités pharmaceutiques, la taxe payée par l’industrie pharmaceutique, la clause de sauvegarde pour les médicaments orphelins, la taxe sur les ventes directes, et la taxe sur la distribution des
médicaments.
Je citerai un exemple sur la clause de sauvegarde. L’Orphacol® (acide
cholique) a obtenu une AMM dans les erreurs congénitales de la synthèse d’acides biliaires primaires, dues à un déficit en 3E-hydroxy-Δ5C27-stéroïde-oxydoréductase ou à un déficit en Δ4-3-oxo stéroïde
5E-réductase chez les nourrissons, les enfants et les adolescents âgés
de 1 mois à 18 ans, ainsi que chez les adultes.
Commercialisé par un autre laboratoire pharmaceutique, le Cholbam®
– devenu Kolbam® (acide cholique) – a une indication « restante »
car la clause de sauvegarde ne lui permet pas d’aller sur le marché
de l’Orphacol® pendant un certain nombre d’années. Pour que le
laboratoire qui a conçu la molécule originale obtienne l’AMM et puisse
exploiter cette molécule avec un certain bénéfice, aucun autre laboratoire ne peut aller sur ce même marché avec la même molécule et la
même indication pendant une période pouvant aller jusqu’à dix ans. Le
Cholbam® a donc eu son AMM sur l’indication restante, qui concerne
la forme avec les xanthomes tendineux, qui est beaucoup moins fréquente que les autres indications. Quand deux laboratoires conçoivent
la même molécule et déposent leur dossier à 8 ou 15 jours d’intervalle,
ils bénéficient tous les deux de la clause de sauvegarde.
Le CEPS a réalisé en 2010 une étude sur l’efficience et le coût des
médicaments. Ce rapport appelle à la révision des règles conditionnant
les médicaments dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions
d’euros (30 millions d’euros aujourd’hui). Chaque laboratoire propose
une somme annoncée globale dépensée pour tous les malades. Si les
dépenses sont supérieures, des études médico-économiques beaucoup
plus importantes sont menées et peuvent alors quitter le champ des
médicaments orphelins.
La loi du 22 mars 2011 permet à des établissements sans but lucratif
de devenir des établissements pharmaceutiques pour développer des
produits de thérapie génique pour des essais cliniques (exemple du
Généthon).
Des règles particulières s’appliquent aux médicaments prescrits
pour les maladies rares. Elles portent sur la commercialisation des
médicaments aux collectivités, la commercialisation sur la liste en
sus (en plus du GHS) et la rétrocession (délivrance du médicament
à l’hôpital pour une consommation en ville, selon des règles définies
par la Commission de la transparence). Les règles relatives aux listes
de prescription pour les médicaments d’exception sont également
20
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
décidées par la Commission de la transparence, à la
demande de la Direction générale de la santé (DGS). Par
ailleurs, le PNMR1 prévoyait que certains médicaments
soient délivrés après accord d’un centre de référence
ou de compétence. Cette mesure n’a pas été appliquée.
Pour beaucoup de maladies, cela n’a pas eu d’importance, car tous les malades atteints de maladies rares
sont suivis dans un centre de référence ou un centre
de compétence. Pour un certain nombre de malades,
notamment atteints de maladies auto-immunes, la
prescription de médicaments n’est toutefois pas encadrée et peut donner lieu à un mésusage ou à une surprescription qui est nuisible à la bonne pratique, et
donc à l’utilisation des médicaments.
La France est dotée d’un système de distribution des
médicaments assez efficace. Indépendamment des
règlements européens sur les médicaments orphelins,
les ATU permettent, dès l’obtention de l’AMM, de donner au malade l’accès au médicament – à un tarif non
négocié – sans attendre 90 jours. Selon la nouvelle
procédure, le laboratoire doit déposer le dossier d’enregistrement dans les six mois suivant le début de l’ATU.
Procédure encore plus intéressante, notamment pour
les maladies rares, les RTU permettent au patient de
bénéficier du médicament hors AMM (ou indication hors
AMM).
L’état actuel d’un médicament mis sur le marché s’organise en une étape. Avant la commercialisation, des
essais thérapeutiques sont réalisés. Dès sa mise sur le
marché, les essais thérapeutiques se poursuivent, mais
de manière réduite. De plus, des plans de gestion de
risques, des observatoires et des cohortes permettent
de surveiller, pendant que l’immense masse de la prescription est opérée.
Une évolution possible, souhaitée par les industriels,
consisterait à définir deux étapes. Un médicament
concernant très peu de malades – par exemple, une
dizaine – peut être considéré comme prometteur. Un
SMR et une ASMR n’auraient sans doute pas été donnés
au vaccin contre la rage sur le premier malade traité
par Pasteur. Or, il arrive que le résultat obtenu suite au
traitement d’un premier malade soit mirifique. Il ne faut
donc pas manquer ce cas. Dans les maladies rares et le
cancer, des signaux d’efficacité du médicament sont
observés. Une AMM initiale conditionnelle pourrait être
accordée à un médicament prometteur. Le laboratoire
pourrait ainsi poursuivre ses essais thérapeutiques. Si
les résultats sont confirmés, il obtiendra l’autorisation
de remboursement définitive.
Cette évolution reste aujourd’hui une hypothèse. La
solution retenue sera peut-être un peu différente, mais
la philosophie de l’évolution présentée sera conservée.
RARE 2015
de non-efficacité, ou des effets secondaires. À la fin
de l’évaluation, les laboratoires doivent organiser ces
études. Nous travaillons en collaboration avec le CEPS
qui fixe le prix. L’étude post-commercialisation signifie
que la vie d’un médicament ne s’arrête pas le jour où il
est dans une boîte sur l’étagère d’une pharmacie.
Les plans de gestion de risques développés au niveau
européen portent uniquement sur les effets secondaires. Nous souhaitons pour notre part aller au-delà,
avec des confirmations d’efficacité et des réponses
apportées à des questions scientifiques qui n’ont pas
été abordées dans la première étude ou qui n’ont pas
été clarifiées.
Mon dernier transparent porte sur un indicateur intégré
fondé sur la comparaison. Une approbation conditionnelle des médicaments pourrait être mise en place. Si
un médicament est intéressant pour quelques malades,
il pourrait être commercialisé et remboursé. Le laboratoire poursuivrait ensuite son évaluation sur un
plus grand nombre de malades pendant une période
de 18 mois (par exemple). Si l’efficacité n’est pas
au rendez-vous ou si l’effectif de malades n’est pas
réuni à l’échéance, la procédure de remboursement
disparaîtrait d’elle-même. ‡
TITRE COUVERTURE???
Les enjeux du prix du médicament
Certains médicaments ne figurant pas sur la liste en sus ont un SMR de
4 ou 5 – ils ne sont donc pas éligibles à la liste en sus, sauf si leur comparateur figure sur cette liste. Ces médicaments se retrouvent dans
une situation intermédiaire : ils offrent un bénéfice au malade, mais ce
dernier n’est pas guéri pour autant. Ce sujet mériterait une réflexion.
Je citerai un exemple relatif au prix de l’innovation thérapeutique. Le
Solvadi® traite les hépatites C avec un taux de guérison de 95 % après
trois mois de traitement. Il coûte environ (prix facial) 100 000 dollars
aux États-Unis, 50 000 euros en France, 25 000 euros en Grande-Bretagne, 15 000 euros en Italie et 700 euros en Égypte ! Le prix est donc
fixé de façon arbitraire. Le prix pratiqué en France correspond à celui
de la greffe du foie. La variation de prix entre les pays dépend aussi
de la taille de la population touchée. Le prix du Solvadi® est peu élevé
en Égypte, car le pays compte 20 millions de malades, contre 500 000
en France. En outre, il faut savoir que le prix facial n’est pas le prix
réellement payé. Le laboratoire cherche toujours à afficher un prix
facial élevé.
Un certain nombre de laboratoires réfléchissent à la question de
l’efficacité et du financement du médicament en fonction du résultat obtenu. Cette piste devra être explorée. Des accords prix-volume
existent déjà : beaucoup d’argent est donné pour peu de malades et
peu d’argent est donné s’il y a beaucoup de malades. Un autre principe
pourrait être appliqué : si le malade guérit, on paie cher ; s’il ne guérit
pas, le remboursement cesse.
On ne peut que se féliciter de molécules efficaces qui prolongent la
vie des patients, mais un problème économique reste à régler. L’organisation des soins devrait être revue, notamment en allégeant les
structures hospitalières, en développant l’ambulatoire et en mettant
en place une surveillance très différente des produits et des malades
traités. Ce schéma global s’applique notamment à des molécules en
oncologie. Le prix initial fixé pour une faible population de malades
a vocation à augmenter de façon continue. Comme ces médicaments
sont efficaces, les malades vivent plus longtemps, pour un coût total
plus élevé. Si le prix des anciens médicaments reste stable ou diminue
en France, il augmente dans certains pays, en particulier aux ÉtatsUnis. Les dépenses consacrées aux maladies auto-immunes représentaient 22,2 % des dépenses de médicaments de spécialité en 2014,
contre 11,3 % en 2006.
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Qu’en est-il si l’industriel ne parvient pas à réunir suffisamment de patients dans un temps donné ?
Loïc Guillevin
La temporalité, définie de manière contractuelle avec
le laboratoire, prend totalement en compte la rareté
de la maladie. En Allemagne, le prix fort est accordé
immédiatement ; si cela ne va pas au bout d’un an,
cela s’arrête. Nous procédons différemment en France.
Une négociation est menée pour réajuster le niveau de
remboursement.
Le dernier transparent de ma présentation est tiré du
rapport de Dominique Polton qui a été sollicitée par
la ministre de la Santé pour réviser la méthode d’évaluation du médicament. Ce rapport n’a pas encore été
remis à la ministre. L’approche proposée suscite beaucoup d’intérêt, notamment de la part des industriels et
des malades.
Pourquoi des études post-inscription ?
La période post-commercialisation fait partie de l’évaluation du
médicament. Une fois l’AMM obtenue, le passage en Commission de la
transparence effectué, le prix fixé et la commercialisation effective, la
large diffusion du médicament à l’ensemble de la population cible peut
laisser apparaître des événements insoupçonnés et des effets thérapeutiques non attendus. Cela est particulièrement vrai pour les traitements des maladies rares. Quand un SMR et une ASMR sont donnés
sur un essai thérapeutique chez 30 malades avec un suivi de 12 mois
pour une maladie qui affectera ces personnes toute leur vie durant,
il importe de revoir les produits tous les 5 ans. Des études post-ins- De la salle
cription sont alors demandées pour opérer des signaux d’efficacité ou Et quand il n’y a pas de comparateur existant ?
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
21
Loïc Guillevin
Il existe toujours un comparateur ; il s’appelle le soin de support. Nous
voudrions évoluer vers une généralisation de l’évaluation comparative.
De la salle
Le prix des médicaments orphelins est-il corrélé à l’ASMR, l’overall survival et/ou à l’augmentation de la qualité de vie des patients ?
Loïc Guillevin
Le prix des médicaments orphelins n’est pas corrélé à l’ASMR. Comme
la Commission de la transparence est en première ligne, elle ne connaît
pas le prix du médicament. Il se peut que nous évoluions prochainement vers une intégration de la partie médico-économique et de la
partie relative à l’évaluation scientifique. Cette évolution présenterait
un intérêt, mais aussi des dangers car elle pourrait influencer l’avis
d’une commission scientifique.
De la salle
À quel moment la Commission de la transparence peut-elle recevoir
une association lors du processus d’évaluation du service médical
rendu ?
22
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
Loïc Guillevin
Peu d’associations demandent à rencontrer la HAS. Le
service de M. Biosse Duplan s’occupe des relations avec
les associations de patients. S’il pense que cela serait
utile, une rencontre est organisée. Je reçois parfois des
appels téléphoniques ou des courriers. Des médecins
m’ont aussi appelé pour me dire que c’était la HAS qui
avait écarté tel médicament de la liste en sus. Ce n’est
pas vrai. La Commission de la transparence donne un
SMR et une ASMR. Si l’ASMR ne satisfait pas le laboratoire, il peut décider de ne pas commercialiser le médicament. Il peut également décider de le commercialiser,
mais à un prix et à un taux de remboursement différents
de ceux qu’il souhaitait. Quand la HAS dit non, elle
donne une ASMR insuffisante – cela n’est jamais le cas
pour un médicament qui apporte un bénéfice dans une
maladie rare. ‡
LIENS D’INTÉRÊT
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 23-8
Table ronde 3
médecine/sciences
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s107
Participent à la table ronde :
Zeina Antoun, GSK
Jean Donadieu, Registre national histiocytose/Registre national
neutropénies/MARIH
Laure Jamot, RaDiCo
Thomas Sannié, Association Française des Hémophiles
TABLE RONDE 3
François Meyer
Je travaille à la HAS dont les missions s’inscrivent dans
le champ des pratiques de soin, mais aussi dans celui
de l’évaluation des technologies de santé, ou Health
Technology Assessment (HTA). La HAS rend ainsi des
avis et rapports aux instances chargées de prendre des
décisions. En Europe, chaque État membre est maître de
décider de l’organisation et du financement de son système de santé. On assiste toutefois à un développement
des coopérations internationales sur ces domaines,
même si les décisions et les critères restent spécifiques
à chaque pays.
Nous parlerons aujourd’hui d’outils épidémiologiques.
Au sens de l’arrêté du 6 novembre 1995 relatif au
Comité national des registres (CNR), un registre est
défini comme un recueil contenu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement
définie, à des fins de recherche épidémiologique et de
santé publique par une équipe ayant les compétences
appropriées.
Les études épidémiologiques visent, d’une part, à
réaliser des mesures de l’incidence, de la prévalence,
de la mortalité, de la morbidité, des facteurs de
risque, etc., et, d’autre part, à mesurer l’impact des
thérapeutiques. Ainsi, le recueil de données observationnelles (en complément des essais cliniques randomisés) pour l’étude des effets des produits de santé
revêt une importance croissante dans l’ensemble des
pays du monde. Les objectifs poursuivis peuvent être
multiples : mesurer les conditions d’utilisation réelle
d’un produit de santé par rapport à ce qui est recommandé ; étudier ses effets en termes de mortalité, de
morbidité, de tolérance, de qualité de vie ; évaluer
l’impact sur l’organisation du système de santé ; réaliser des études économiques.
Dans le cas des maladies rares, le recueil de données
observationnelles ne prend tout son sens que s’il n’est
pas limité à un pays. Les populations concernées étant
faibles en nombre, il est important de développer des
collaborations. Les institutions européennes équiva-
RARE 2015
Cohortes, registres,
bases de données :
quelles évolutions
nécessaires ?
La table ronde est animée
par François Meyer
(Haute Autorité de Santé)
lentes à la HAS sont organisées en réseau depuis une dizaine d’années.
Un nouveau programme de coopération de quatre ans va débuter
à travers l’European Network for Health Technology Assessment
(EUnetHTA). Au niveau européen, la DG Santé a, de plus, financé une
action conjointe sur les registres PARENT qui a produit, d’une part, un
registre des registres, et, d’autre part, des recommandations méthodologiques pour la mise en place et la gouvernance de registres de
patients en Europe : Methodological guidelines and recommendations
for efficient and rational governance of patient registries (http://
patientregistries.eu).
Des projets existent au niveau de l’EMA, pour promouvoir une introduction progressive de certains nouveaux médicaments dans le système
de santé (Adaptive pathways). Dans ce cadre, des données pharmacoépidémiologiques seront recueillies après la mise sur le marché initiale
et complèteront le résultat des essais randomisés. Ces données seront
prises en compte au cours d’une réévaluation du médicament, tant
pour l’AMM que pour l’admission au remboursement et le prix.
Il existe également des projets à travers le partenariat public-privé IMI
(Innovative Medicine Initiatives). Le projet « Get Real » étudie comment incorporer des données de la « vraie vie » dans le développement
des médicaments, tandis que le projet « Adapt Smart » est un projet
d’appui au projet des Adaptive pathways.
23
Je vais maintenant vous présenter rapidement les participants à cette
table ronde. Jean Donadieu est à la fois clinicien en hématologie et
immunologie pédiatrique ; médecin de santé publique, il a aussi travaillé à l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) ; il est le coordinateur du
registre national histiocytose et du registre national neutropénies.
Scientifique de formation, Laure Jamot est responsable du pôle de
Recherche Clinique de RaDiCo qui a labélisé à ce jour 16 cohortes.
Thomas Sannié est coordinateur administratif et financier du pôle de
ressources ETP Île-de-France et président de l’Association française
des hémophiles (AFH). Il a été membre du Comité exécutif de la Fédération mondiale de l’hémophilie. Il est le représentant des usagers au
Conseil de surveillance de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Médecin de formation, Zeina Antoun exerce encore la médecine comme
médecin vacataire à l’Hôpital Bichat-Beaujon dans le service des
maladies infectieuses. Elle a mené une carrière importante en laboratoire pharmaceutique, en particulier chez GSK.
Jean Donadieu
Je suis effectivement le coordinateur de deux registres. J’ai été à
l’InVS au démarrage de l’étude FranceCoag des hémophiles. Je participe aussi, en tant que clinicien, au registre des déficits immunitaires
congénitaux au CEREDIH, et au registre des thalassémies.
Une base de données est à la fois un outil informatique et une collection de données. Dans l’acception commune, une base de données
n’implique pas des critères méthodologiques très forts. Une base de
données peut ne pas être exhaustive, et peut être biaisée. Elle constitue néanmoins le premier niveau de travail.
Les cohortes constituent le deuxième niveau. Elles supposent un suivi
prospectif des patients.
À un troisième niveau, il y a, dans la dénomination française, des
registres, qui supposent l’exhaustivité. Cette exhaustivité implique une
recherche active des cas et des événements de santé de façon exhaustive sur un territoire donné. Cet effort méthodologique prend son sens
pour produire des indicateurs de santé (incidence, taux de complications ou d’effet secondaire) sans biais. L’apport d’un registre est donc
supérieur à celui d’une cohorte en degré de preuves. Tous les registres
maladies rares sont des cohortes.
Dans le domaine des maladies rares, il n’est pas possible de multiplier les études sur les mêmes patients. Les registres permettent
à la fois de produire des indicateurs de santé publique (incidence,
taux de complication, accès aux médicaments, etc.), des indicateurs
de recherche clinique (évaluation de médicament, évaluation des
effets indésirables, etc.), en associant éventuellement une logique
de recherche avec des biothèques et des laboratoires de recherche.
Un tel dispositif est différent de celui en place pour les maladies
plus fréquentes, comme le cancer, où il est possible de mener des
essais thérapeutiques très larges indépendamment des registres ou
des recherches.
Quelle que soit la base de données, le recueil de données ne présente
un intérêt que s’il offre une qualité minimale. Or, la première qualité
est l’absence de biais. Les registres offrent une approche non biaisée, objective et solide sur les maladies rares. La lutte contre le biais
24
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
constitue un objectif majeur en termes de qualité. Cet
objectif ne peut être obtenu qu’à travers des registres.
La question de l’organisation et de l’indépendance
scientifique des structures doit également être posée.
Cette indépendance ne veut pas dire isolement et doit
venir de partenariat, et non de l’appartenance à une
seule structure. En règle, un registre doit être mené
par une structure indépendante des industriels pour
garantir l’absence de biais, même si les industriels ont
leur place. Un registre doit associer les patients, mais
ne peut pas être mené par des associations de patients
pour des raisons de confidentialité. Ainsi, un registre
est au mieux porté par des structures académiques,
dans le cadre d’un partenariat réunissant des industriels et des associations.
En outre, il nous faudra discuter des financements.
L’époque est difficile. Les événements du 13 novembre
nous ont rappelé que les priorités de la société sont
en train d’évoluer. Les 12 000 postes débloqués pour la
police et la justice seront pris dans d’autres secteurs,
notamment dans la santé. Mais les efforts à réaliser
doivent être répartis de manière équitable. Nous observons tous un désinvestissement des pouvoirs publics
sur les registres. Les financements alloués aux deux
registres dont je m’occupe ont diminué de 40 % en trois
ans. Si cette baisse de financements publics perdure,
nous devrons nous interroger sur la poursuite de nos
travaux. Les industriels sont de plus en plus réticents à
une participation financière, car les contraintes réglementaires sont croissantes. Il reste les associations de
patients, mais qui ne peuvent pas porter l’intégralité du
financement des registres.
Nous avons participé à l’appel d’offres RaDiCo en 2010.
Mais au moment où RaDiCo a ouvert son premier appel
d’offres en 2014, les registres existants ont été exclus,
ou devaient se dissoudre afin que RaDiCo reprenne leur
portage. Pour FranceCoag et d’autres registres présentant une grande antériorité, ce n’était pas possible.
Cette situation est problématique dans la mesure où
RaDiCo draine environ un million d’euros par an – nos
registres fonctionnent avec 10 000 euros. Ainsi, nous
observons une attrition des registres labellisés. Les
registres existants souffrent et sont menacés.
Laure Jamot
Je représente RaDiCo. Je travaille depuis une vingtaine
d’années dans les maladies rares, dans la recherche clinique sur des projets maladies rares. J’ai rejoint RaDiCo
en 2014. RaDiCo est financé par des fonds publics au
titre du programme « Cohortes » des Investissements
d’avenir. Cette structure constitue l’un des grands
projets de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
recueillies aujourd’hui, comme les données médicoéconomiques et les données de qualité de vie. À cet
égard, nous essayons au maximum d’intégrer les associations de patients dans les projets que nous soutenons. Celles-ci sont très impliquées pour certaines
cohortes. Ainsi, l’association Vaincre les Maladies
Lysosomales (VML) travaille en étroite collaboration
avec RaDiCo sur le projet RaDiCo-MPS sur le protocole
de l’étude de la cohorte, ainsi que sur la mise en place
des notices d’information, des formulaires de consentement et des questionnaires médico-économiques et
de qualité de vie. Nous invitons toutes les associations
de patients à se rapprocher de RaDiCo pour travailler de
manière synergique sur ces sujets pour chacune des 16
cohortes lorsque cela est pertinent.
TABLE RONDE 3
du Fonds d’investissement d’Avenir pour la mise en place de cohortes.
L’objectif de RaDiCo est de favoriser la mise en place et/ou de maintenir les cohortes qui existent déjà sur des maladies rares. Le modèle de
RadiCo est de mettre à la disposition de la communauté scientifique
des ressources humaines et techniques permettant de remplir cet
objectif.
Un appel à projets a été mené en deux temps : une lettre d’intention,
puis des projets complets qui ont été examinés par des experts étrangers afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Suite à leurs retours, RaDiCo a
sélectionné un nombre de cohortes qui lui paraissaient acceptables en
termes de ressources humaines. RaDiCo comptant 12 personnes, nous
avons fait le choix de soutenir 16 cohortes en 2014. Certaines d’entre
elles sont nouvelles ; elles demandent par conséquent un travail complet de mise en place (écriture des protocoles, recherche des autorisations réglementaires, etc.). D’autres cohortes s’inscrivent dans la
continuité ou en complément de projets existants comme la base de
données RespiRare de la filière Respifil pour la cohorte RaDiCo-PID ou
la JIR-Cohorte sur les maladies auto-immunes et auto-inflammatoires
pour la cohorte RaDiCo-ACOSTILL.
L’un des enjeux majeurs de notre travail sera de mutualiser toutes les
bases de données préexistantes afin, d’une part, d’améliorer la connaissance sur ces maladies rares, et, d’autre part, d’apporter un certain
nombre de solutions techniques pour pouvoir travailler ensemble. L’interopérabilité constitue un principe essentiel dans ce domaine.
Dans le cas de cohortes avec plusieurs bases de données préexistantes
(locales ou nationales), l’un des enjeux majeurs de notre travail sera
de fusionner toutes les bases de données afin de ne pas perdre les
données déjà recueillies et d’arriver à l’objectif d’amélioration de la
connaissance de ces maladies rares.
Par exemple, la base de données RespiRare collecte environ 4 000 items
cliniques différents. Pour mutualiser ses données avec d’autres
registres/cohortes existants ou nouveaux sur les mêmes pathologies,
il faut procéder à un mappage des champs de manière à identifier
les items communs, à faire coïncider les champs entre eux bien qu’ils
soient codés différemment dans ces bases, c’est-à-dire rendre les
bases de données interopérables. Si les données (médicales et autres)
étaient codées de la même façon – ce qui est assez rare (codes Orpha
pour la description des maladies ; HPO pour les descriptions phénotypiques…), c’est-à-dire si la communauté s’accordait sur les ontologies à utiliser, alors les bases de données deviendraient réellement
interopérables et on pourrait facilement mutualiser l’ensemble des
données collectées.
Compte tenu du contexte de « maladies rares », RaDiCo a donc la
volonté de standardiser au maximum la méthode de recueil (choix des
ontologies) ainsi que les données recueillies (s’assurer d’un consensus
sur les informations à collecter) et d’accompagner l’ensemble des
investigateurs partenaires vers des standards de recueil de données
reconnus au niveau français, et surtout au niveau européen. En corolaire de ces aspects, RaDiCo assure le contrôle qualité de la donnée et
son data management.
Enfin, RaDiCo souhaite favoriser la collection de données qui sont
essentielles pour les patients et pour la société, mais qui sont peu
François Meyer
RaDiCo lancera-t-il de nouveaux appels à projets ?
Des financements pérennes sont-ils assurés pour les
16 cohortes retenues ?
Laure Jamot
RaDiCo est un projet ANR financé jusqu’au
31 décembre 2019. Aujourd’hui, nous n’avons pas de
visibilité après cette date. Si RaDiCo venait à s’arrêter,
nous ferions en sorte de rendre clé en main à chacun
des investigateurs son projet avec sa structure de
cohorte (comprenant la base de données) de manière à
ce que la cohorte puisse continuer au-delà de RaDiCo,
si besoin. Par ailleurs, RaDiCo promeut les Partenariats
Public-Privé (PPP) pour chaque cohorte de manière à
ce qu’ils puissent apporter des fonds qui seront utilisés
pour la cohorte concernée. Certaines cohortes sont à
l’horizon de 4 à 5 ans, tandis que d’autres, notamment
sur les malformations oculaires, ont une durée de vie
définie à 20 ans, d’où la nécessité de prévoir le maintien
de la structure cohorte.
Le Conseil scientifique de RaDiCo décide des actions
menées par notre plate-forme. Le lancement d’un nouvel
appel d’offres au cours des mois à venir sera à l’ordre
du jour du Conseil scientifique de janvier 2016. À terme,
RaDiCo entend soutenir le plus de cohortes possible.
RaDiCo et la BNDMR sont deux projets différents,
mais ils travaillent de concert. Soutenue par la DGOS,
la BNDMR a pour objectif de collecter des données
épidémiologiques sur les maladies rares de manière
exhaustive, et notamment de collecter le set de données minimales (Minimal Data Set) pour toutes les
maladies rares en France. La BNDMR poursuit un objectif de santé, tandis que RaDiCo poursuit un objectif
de recherche. Néanmoins, l’un ne peut se faire sans
l’autre. C’est pourquoi nous travaillons ensemble, avec
25
comme objectif commun la standardisation du recueil des données et
la mise en place d’une réflexion visant à professionnaliser le recueil
des données au sein des établissements de santé. Nous souhaiterions
ainsi définir et adopter des ontologies communes pour mutualiser
au maximum toutes les données recueillies. Nous travaillons donc à
l’interopérabilité avec la BNDMR.
Thomas Sannié
La création d’un registre répond à une demande des pouvoirs publics
de pouvoir suivre des populations particulièrement exposées. De ce
point de vue, les maladies rares peuvent présenter un enjeu important.
L’État investit de l’argent dans les registres, car il est plus coûteux
de suivre ces populations « maladies rares » quand celles-ci sont en
dehors de tout outil chargé de les rassembler.
La force du registre FranceCoag est son exhaustivité – il inclut plus
de 99 % de la population hémophile. Chaque mois, 50 inclusions sont
réalisées au sein de ce registre. Cette collection de données inclut
un registre et deux cohortes spécifiques. Ce registre répond à des
objectifs épidémiologiques de vigilance, de pharmacovigilance et de
recherche. Il est actuellement hébergé par l’InVS, mais cette situation
va très prochainement évoluer. L’Institut n’a en effet plus vocation à
être le porteur du registre de patients. C’est pourquoi un travail de
transfert de cet outil est en cours auprès d’une unité de recherche universitaire avec l’Association Française des Hémophiles (AFH), la DGOS,
la DGS et les professionnels de santé. Cependant, et malheureusement,
la décision de transfert de FranceCoag n’a pas encore été prise par le
ministère de la Santé.
Pour l’AFH, un registre doit permettre de connaître la prévalence
de la maladie, de suivre les besoins des patients et d’identifier les
problèmes de santé liés à la maladie, de défendre et promouvoir des
mesures prioritaires à engager (forces et lacunes de l’offre d’accompagnement de santé actuel et prévisible à moyen terme) pour affecter
les ressources efficacement, d’obtenir des données fiables en termes
de population concernée (nombre, répartition territoriale, âge, régime
de traitement), de faciliter un rappel de médicaments en cas de
problème de sécurité ou de qualité, et d’aider à la construction d’un
réseau de travail et de communication entre professionnels, et entre
professionnels et patients, d’être un outil de recherche clinique et
translationnelle.
Les registres doivent donc réunir les caractéristiques suivantes :
1. constituer un instrument de veille sanitaire : risques viraux, alerte
sanitaire (pathologies sentinelles, en collaboration avec l’InVS), événements indésirables - en collaboration avec l’ANSM ;
2. avoir une gouvernance ouverte et partagée, laquelle doit intégrer
l’ensemble des acteurs des centres références, filières et associations
de patients ;
3. être centré sur le patient et collaborative : confidentialité des
données, accès aux données aisées pour les professionnels de santé
mais aussi pour les associations et fondées (médical, SHS [sciences
humaines et sociales] ou information), qualité de vie, fardeau de la
maladie, médico-économique, intégration par les patients eux-mêmes
de données complémentaires à celles rapportées par les cliniciens ;
26
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
4. s’appuyer sur un laboratoire de recherche universitaire : innovation ;
5. être utiles pour les professionnels de santé pour qu’ils
veuillent encore abonder le registre ;
6. avoir un financement principalement par l’État, mais
d’autres sources de financement possibles ;
7. collaborer avec la BNDMR.
La DGOS est en train de réviser l’ensemble des financements des registres. Sa démarche ne doit pas servir
de prétexte pour remettre en cause le financement
nécessaire au bon accomplissement du travail par les
acteurs concernés. Parallèlement, d’autres sources de
financement peuvent être recherchées. Dans un cadre
précis, en toute transparence, des travaux à partir de
données de registres – répondant à la même rigueur
scientifique – pourraient ainsi être financés par l’industrie pharmaceutique.
Zeina Antoun
Je partage les propos qui ont été prononcés, notamment
sur la transparence des liens et l’intégrité scientifique
des données collectées. Ces notions sont d’autant plus
importantes que nous faisons face à des difficultés tant
dans les plans de développement que dans la collecte
de données en vie réelle.
Dans le passé et actuellement, les laboratoires pharmaceutiques mènent leurs propres études de suivi en
vie réelle. Si les registres et cohortes publiques présentaient des critères de suivi et de qualité répondant à
des demandes des autorités, ce serait beaucoup plus
simple et moins coûteux.
Je suis aussi la porte-parole de l’Alliance pour la
Recherche et l’Innovation des Industries de Santé
(ARIIS). Nous sommes promoteurs d’une action visant
à soutenir les PPP. À l’occasion de la Journée nationale
des cohortes qui se tiendra en mars 2016, nous entendons donner de la visibilité à nos collègues internationaux, et leur présenter le meilleur des équipes françaises en termes de cohortes et de bases de données.
J’ai participé à la mise en place des premières cohortes
dans le VIH. Depuis, de réels progrès dans la prise en
charge ont été réalisés à partir de ces travaux. Nous
savons que les études cliniques de développement ne
peuvent pas répondre à tous les enjeux. L’accès à des
données complémentaires de biomarqueurs ou de qualité de vie en vie réelle reste, de notre point de vue, un
outil très précieux.
La partie contractuelle représente un enjeu majeur, car
elle constitue un élément déterminant dans la mise en
place de partenariats. De nombreux progrès ont été
réalisés dans ce domaine depuis cinq ans. Ainsi, les
délais de négociation d’un contrat ont été sensiblement
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Quelle est la position de la HAS sur une collaboration des laboratoires
avec RaDiCo plutôt que la mise en place de registres de laboratoires
qui sont souvent des cohortes ?
François Meyer
Le fait que ce soit un registre ou une cohorte n’importe pas ; on a parfois besoin de l’un ou de l’autre. Il importe de privilégier le recueil de
données dans le cadre du suivi épidémiologique d’une maladie plutôt
que de construire un registre spécifique d’un produit.
De la salle
Les critères principaux des études cliniques d’enregistrement sont-ils
toujours pertinents pour les registres de suivi post-AMM ?
François Meyer
Ils sont complémentaires, car un certain nombre de données sont
nécessaires avant l’AMM. J’ai précédemment cité le projet collaboratif
« Get Real » qui vise à définir le meilleur usage de données observationnelles, venant notamment de registres ou de cohortes, dans le
cadre du développement des médicaments. Les Adaptive pathways
pour une entrée progressive des médicaments avec des données initiales d’études cliniques plus classiques sont également importantes.
L’importance des données issues de registres, de cohortes ou de bases
de données sera croissante dans les mois et les années à venir.
De la salle
Vous avez parlé de RaDiCo comme d’une structure qui apporte une aide
plus humaine que financière pour les cohortes de patients. Envisagezvous de développer une formation des personnels chargés de récolter
les données des cohortes afin d’augmenter les moyens humains et de
permettre une action à plus grande échelle ?
Laure Jamot
Cette question fait sans doute référence à la pédagogie qui devrait
être faite auprès des investigateurs et des personnels qui recueillent
les données cliniques lors de la mise en place des registres ou des
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
cohortes. Lors de cette mise en place, nous travaillons
beaucoup au développement d’un outil pédagogique
permettant d’utiliser au mieux le recueil des données.
En outre, un travail en amont est mené avec les investigateurs impliqués dans les cohortes pour bien définir les
items cliniques à collecter, d’une part, et identifier un
juste équilibre entre l’exhaustivité, et la donnée importante à recueillir, d’autre part. Nous savons que l’un
des écueils majeurs des études cliniques est d’avoir une
déplétion au fil du temps du remplissage de formulaires
de recueil des données (case report form) pléthoriques.
Chaque cohorte de RaDiCo est gouvernée par un accord
de consortium, avec un comité de pilotage et un
comité scientifique. En outre, nous impliquons au
maximum les filières, tout en veillant à avoir une certaine exhaustivité des centres concernés et une bonne
représentativité des patients, afin de permettre une
valorisation accélérée de ces cohortes par ce système
de gouvernance.
TABLE RONDE 3
réduits. Pour accélérer le processus, il importe d’identifier rapidement
les personnes clés, comme le juriste, la personne chargée de la valorisation, etc.
Enfin, le plan international a été souligné à plusieurs reprises. Comme
nous sommes des filiales de maisons-mères intervenant à l’échelle
internationale, nous aimerions pouvoir leur apporter des cohortes
françaises qui sont reconnues au niveau européen, à travers des
projets de financement public-privé comme IMI (Innovative Medicine
Initiative) ou d’autres initiatives. ‡
De la salle
L’intégration de données par les patients a été discutée
à RARE 2011. Rien n’a-t-il été fait depuis ? Pourquoi ?
Thomas Sannié
L’intégration de données par les patients doit être
perçue de manière extrêmement positive, cette intégration témoignant de l’implication d’une population
concernée/association et de l’engagement d’un travail
collaboratif qu’elle peut/pourrait mener avec les professionnels. Il reste encore visiblement un enjeu culturel et c’est pourquoi l’intégration de données par les
patients prend du temps. Cependant, si elle n’était pas
mise en place maintenant rapidement, des Living Labs
tels que celui développé par l’Association Française des
Diabétiques vont se multiplier. Les associations vont
ainsi collecter des données de patients sur les enjeux
de sciences humaines et de qualité de vie, et les utiliseront à raison. Cela serait, à mon sens, dommage car
le recueil des données relatives aux sciences humaines
doit être mené en parallèle du recueil des données biomédicales. En effet, les enjeux médicaux et en sciences
humaines et sociales (SHS) sont les deux pans d’une
même question : l’état de santé d’une population.
L’enjeu collaboratif soignant/soigné est donc essentiel
ainsi que l’ouverture des registres à des questions SHS.
Jean Donadieu
Nous parlons beaucoup d’interopérabilité car nous souhaitons tous que les systèmes d’information puissent
communiquer entre eux. Les bases de données n’étant
pas des robots, un temps humain est nécessaire pour
27
analyser les données. FranceCoag fonctionne bien parce que le recueil
des données est assuré par des moniteurs d’études, dont la mission
est de recueillir, contrôler et saisir les données. Ce temps est incompressible pour assurer la qualité des informations. Dans la réalité,
un simple clic ne suffit pas pour passer d’une base à une autre. Pour
obtenir une base de données fiable en termes d’indicateurs, il faut éliminer les doublons. Les algorithmes informatiques seuls ne permettent
pas d’effectuer cette tâche. Par rapport au coût de la santé, le coût
du travail de monitoring n’est pas considérable. Ce travail est indispensable pour utiliser de manière pertinente des masses considérables
d’informations.
François Meyer
Vous avez parlé de la réduction des financements et de la nécessité
d’avoir des moyens humains pour le recueil et la vérification des données. La situation actuelle est-elle menaçante ?
Jean Donadieu
Clairement, la situation actuelle est très menaçante. Ce problème ne
pourra pas être réglé en une table ronde d’une heure. Je plaide pour
une remise à plat des financements sur ces projets.
Laure Jamot
L’un des grands enjeux des cohortes sur les maladies rares est l’intégration de toutes les données rétrospectives des patients relevant des files
actives. En effet, l’incidence est tellement faible sur certaines pathologies que la mise en place de ces registres/cohortes n’aurait pas d’intérêt
à court et moyen terme si on ne faisait que du prospectif. Il est crucial
que les données soient propres et objectives et qu’elles puissent être utilisées. Après le travail de mappage des champs, les données doivent être
vérifiées. Une réflexion devrait être menée au moment de la création de
la base de données afin notamment de définir le système source qui sera
utilisé. Ainsi, le travail de data management se fera au fur et à mesure
de la collecte – ce qui évitera le nettoyage très laborieux des bases de
données quelques années après leur création.
Thomas Sannié
Le maintien des registres va dépendre à la fois d’un argument scientifique – c’est-à-dire de la capacité des scientifiques à plaider leur
existence et leur maintien – et d’un argument politique. Le rôle des
28
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
associations de patients est essentiel pour soutenir les
registres et faire en sorte qu’ils soient financés.
Ségolène Aymé
Je souhaiterais apporter à ce débat une vision plus synthétique de la situation en France. Le Comité national des
registres se compose du comité d’évaluation et du comité
stratégique. Le premier fonctionne. Il continue à s’assurer
de la qualité des données, de leur gestion et de leur utilisation, et à rendre des recommandations aux registres qui
soumettent leurs dossiers. En revanche, le comité stratégique n’a pas encore débuté son travail. Il commencera
peut-être à travailler lors de la réunion du 19 janvier 2016.
Nous sentons bien que l’appétit à définir une stratégie
nationale des données est très modéré. C’est extrêmement dommageable, dans la mesure où ce sujet revêt de
nombreux enjeux pour la recherche, la santé publique et
le suivi de thérapies innovantes et coûteuses. Le faible
intérêt pour ce sujet est incompréhensible. Nous devrions
collectivement faire un effort de pédagogie vis-à-vis des
institutions supposées s’intéresser à ce sujet, c’est-à-dire
l’INCa, l’InVS et l’Inserm. Ces trois agences sont membres
du comité stratégique. Il faudrait aider ce dernier à élaborer une stratégie et lui montrer que les acteurs ont la
volonté d’avancer sur ce sujet. Nous ne pouvons pas nous
permettre d’avoir un paysage aussi éclaté. Les acteurs de
terrain réalisent l’intégralité du travail sans aucun soutien.
Les budgets des registres ont diminué de 40 % en trois ans.
Suite au comité d’évaluation de la semaine dernière, je
peux vous dire que l’avenir est encore plus sombre. Nous ne
pouvons plus continuer à ne pas avoir de stratégie et à ne
pas allouer de moyens.
François Meyer
La raréfaction des moyens ne rend que plus nécessaire
la définition d’une stratégie. ‡
LIENS D’INTÉRÊT
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 29-33
Table ronde 4
médecine/sciences
Christophe Duguet
La question de la pérennité se pose particulièrement
dans notre pays parce que le modèle fonctionne de
manière relativement satisfaisante. Jusqu’à présent,
la France est le seul pays européen à offrir à tous les
patients qui en ont besoin un accès à tous les médicaments orphelins, sans restant à charge, et ce y compris
pour un grand nombre de médicaments pour lesquels
les conditions d’accès au marché ont été facilitées afin
de les adapter à la spécificité des maladies rares. Nous
devons garder en mémoire cet élément positif au cours
de nos discussions.
Ce modèle présente toutefois quelques zones d’ombre.
Ainsi, le nombre de médicaments en cours de développement est très largement insuffisant au regard du très
grand nombre de maladies orphelines de traitements.
En outre demeure le problème d’errance diagnostique
et d’impasse de diagnostic pour un grand nombre de
malades. De plus, la question des maladies rares ne
peut être déconnectée de la problématique plus large
du financement de l’innovation thérapeutique par notre
système de santé.
Le modèle français des maladies rares a réussi à
construire un consentement collectif à payer. Ce modèle
n’a pas d’équivalent dans d’autres domaines de la
santé. Il permet à l’ensemble des partenaires concernés
de travailler de manière constructive. La tenue du colloque RARE depuis un certain nombre d’années en est
un exemple.
Aujourd’hui, le consentement collectif à payer est
cependant en danger. La contrainte économique est
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s108
Participent à la table ronde :
Christian Deleuze, Genzyme
Bruno Detournay, CEMKA EVAL
Christophe Duguet, AFM-Téléthon
Valérie Handweiler, CHRU de Montpellier
TABLE RONDE 4
Christian Deleuze
Les acteurs réunis autour de cette table ronde interviendront sur le thème de la réalité et de la pérennité
du modèle économique des maladies rares. Des représentants des payeurs, comme le CEPS et la Direction de
la Sécurité sociale (DSS), ont été invités à participer,
mais ils ont décliné notre invitation. Nous le regrettons
puisque 6 900 des 7 000 maladies rares n’ont pas de
traitement spécifique. Pour autant, ces maladies ont
besoin d’un modèle et d’un système pérenne qui leur
permettraient d’être prises en charge.
RARE 2015
Réalité et pérennité
du modèle économique
des maladies rares
La table ronde est animée par
Christian Deleuze (Genzyme)
devenue majeure. Pour permettre la pérennité de notre modèle, l’enjeu
est de reconstruire les moyens d’organiser ce consentement. Pour cela,
il me semble important de ne pas pas perdre de vu certaines clés de la
réussite.
Le premier élément est la construction d’outils permettant d’éclairer
le paysage et de répondre à des questions essentielles comme l’impact économique des maladies rares. Dans ce domaine, la situation
actuelle s’apparente à un désert. Nous ne disposons pas d’études ou
d’outils satisfaisants permettant d’éclairer correctement et de préparer les nécessaires décisions politiques.
Inscrit dans le PNMR1, l’Observatoire économique des médicaments
orphelins n’a toujours pas vu le jour. Le ministère n’a organisé qu’une
seule réunion sur ce sujet qui présente pourtant un enjeu fort. Les
données permettant d’alimenter le débat public restent opaques et
partielles.
Le second élément est celui de la transparence dans la construction
des prix du médicament. Ce point est essentiel car notre système
est en difficulté. Un nouveau modèle qui permettrait la fixation de
prix justes et maîtrisés, prenant en compte les coûts d’invention,
de production et de distribution est absolument nécessaire. Audelà des problèmes communs avec de nombreuses maladies sur les
niveaux excessifs de certaines innovations thérapeutiques, nous
avons des spécificités dans le domaine des maladies rares. Certains
médicaments peuvent présenter un faible niveau d’efficacité, alors
29
qu’ils sont absolument nécessaires pour les patients atteints de
maladies rares pour lesquelles il n’existe aucune alternative. Il faut
donc convaincre la société de payer des médicaments pour lesquels
le niveau d’effet n’est pas très important et le niveau de preuve
parfois incertain. Face au risque financier pris par la société, de
nouveaux outils devraient assurer une plus grande transparence dans
le mécanisme de construction des prix afin de garantir l’accès des
patients aux médicaments.
Enfin, pour pérenniser le modèle, il faut veiller à ne pas trop se réfugier
derrière l’Europe. Dans de nombreux domaines de l’action publique,
l’acteur public se déclare souvent impuissant face à une Europe dont
il subirait les décisions. Dans le cas présent, le raisonnement inverse
semble être mis en avant en reportant la responsabilité de l’action
sur l’Europe (c’est à l’Europe de faire). Pour autant, les autorités
françaises ne se mobilisent pas suffisamment pour porter la voix de la
France au niveau européen et défendre ses spécificités. Par exemple, le
système de santé français présente des avantages indéniables, dans le
domaine de l’accès anticipé aux médicaments pour tous les patients.
Toute harmonisation européenne risquant de se faire sur le plus bas
dénominateur commun doit être absolument évitée.
Christian Deleuze
Les médicaments orphelins représentent une dépense d’environ un
milliard d’euros, soit 4 % de l’enveloppe du médicament. Celle-ci
représente environ 15 % du budget total de la Sécurité sociale. Les
médicaments des maladies rares représentent donc 0,6 % du budget de
la Sécurité sociale. Le fait de réduire de moitié le coût de traitement
des maladies rares résoudrait ainsi pour 0,3 % le problème du budget
de la Sécurité sociale ! Dans les progrès apportés par les médicaments,
un nouveau regard devrait être porté sur la prise en charge des thérapies pour lesquelles il n’y a pas de médicaments spécifiques, et sur les
modèles de filière.
Bruno Detournay
Les questions posées par les maladies rares sur le plan économique
portent sur la mesure du fardeau économique et social associé à ces
maladies, l’évaluation de l’efficience des interventions visant leur
prévention, leur diagnostic, leur traitement ou l’accompagnement des
patients, la résolution des problèmes d’équité sous-jacents, et les
questions de financement de la recherche et de la production des biens
et services lorsque ces derniers contribuent avec un niveau de preuve
suffisant à l’amélioration de la santé des personnes.
Mon intervention d’aujourd’hui portera essentiellement sur le fardeau
économique et social, également appelé « études de coût de la maladie ». Celles-ci visent à identifier les ressources mobilisées par la prise
en charge d’une pathologie particulière (ou d’un groupe de pathologies) et par ses (leurs) conséquences.
Ces études visent à la fois à aider à la détermination de priorités à
l’échelle nationale ou régionale en complétant la mesure du fardeau
épidémiologique et clinique des pathologies, à aider à justifier du
besoin d’interventions en santé dans un domaine particulier (notion
d’intérêt de santé publique), et à contribuer aux arguments à prendre
30
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
en compte dans les politiques d’investissement public
comme dans les échanges portant sur la fixation
des prix des interventions relevant d’un financement
collectif.
Deux grandes approches sont utilisées. L’approche
descendante (top-down) cherche à répartir l’ensemble des dépenses de santé entre les maladies, puis
entre les malades. À l’inverse, l’approche ascendante
(bottom-up) consiste à étudier la consommation
moyenne de soins de personnes malades pour définir
les dépenses liées à chaque maladie, et retrouver
finalement l’agrégat macro-économique des dépenses
de santé. En pratique, selon les méthodologies utilisées, les résultats obtenus peuvent être très variables.
Cette hétérogénéité est liée aux choix effectués sur le
point de vue (collectif, assurance-maladie, patient,
producteur de soins, etc.), la période de l’étude
(coûts annuels, vie entière), la prise en compte ou
non des coûts directs ou indirects (c’est-à-dire des
coûts directement liés à la pathologie et les conséquences de la maladie sur l’économie générale, liées
par exemple au fait que les malades ne peuvent plus
travailler), aux objectifs poursuivis (consommation
de soins par les personnes malades versus coût de la
maladie elle-même, de ses complications et pathologies liées), et au périmètre du panier de soins pris en
compte (remboursable/non-remboursable ; quelles
sont les limites de la santé ?).
En France, ces études reposent habituellement sur des
enquêtes sur des populations identifiées comme présentant la maladie avec un recueil prospectif ou rétrospectif des consommations de soins et des conséquences
indirectes puis des valorisations secondaires.
Ces études peuvent reposer également sur l’exploitation
de bases de données médico-administratives (en particulier celles de l’assurance-maladie). Cette approche
limite certains biais (mémorisation, valorisation), mais
en introduit d’autres (identification algorithmique des
patients, non-prise en compte de certaines conséquences directes [aidants] ou indirectes).
L’idéal serait de combiner une démarche médicale
permettant d’identifier les patients présentant la
maladie d’intérêt et d’aller chercher dans les bases de
l’assurance-maladie les consommations de soins de ces
mêmes patients.
Dans le contexte des maladies rares, si ces principes
restent applicables, différents obstacles spécifiques
peuvent être rencontrés :
• Seules les approches de type bottom-up peuvent être
conduites.
• L’identification des patients concernés (et des groupes
témoins) est particulièrement complexe, surtout dans
Christian Deleuze
Mme Handweiler va maintenant nous parler des financements européens en matière de développement de la connaissance dans les
maladies rares.
Valérie Handweiler
Je travaille à la Direction de la Recherche et de l’Innovation au CHU
de Montpellier ; je suis chargée d’accompagner les investigateurs
dans le montage de leurs projets européens. Je vais vous présenter
Horizon 2020, la programmation de R&D de la Commission Européenne (CE), qui bénéficie d’une enveloppe de 9 milliards d’euros
destinée aux projets santé sur la période 2014-2020. Il fait suite au
7e programme-cadre.
J’interviendrai aujourd’hui au titre du Point de Contact National
(PCN) Santé de Horizon 2020. Cette programmation européenne est
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
en effet organisée avec l’appui des États membres.
Ainsi, en France, le ministère de la Recherche a
constitué pour chaque thématique des groupes de
personnes qui sont chargées de vous informer sur les
appels à propositions. Elles sont votre relais avec
la Commission européenne pour toutes les questions relatives aux projets ouverts au financement.
Lorsque vous vous organisez pour répondre à des
appels à propositions, le PCN peut vous guider et
vous confirmer que votre projet cadre bien avec les
attentes de la CE. Le coordinateur du PCN Santé,
piloté par l’Inserm, est Nacer Boubenna. Le PCN
regroupe une ressource de l’Institut Pasteur, des
universités, du CNRS, de BPI France, du CEA et un
représentant hospitalier au titre du Comité National
de Coordination de la Recherche (CNCR).
L’Europe est une échelle adaptée pour la recherche sur
les maladies rares. La programmation de Horizon 2020
a été bâtie sur des enjeux sociétaux (dont le Challenge Santé), sur lesquels sont positionnés - 2 fois par
an - des appels à propositions : projets collaboratifs
le plus souvent. Dans le cadre de ce dispositif, des
études cliniques sont développées à l’échelle européenne, sur un plus grand nombre de patients. Des
cohortes existantes peuvent être fusionnées, et les
registres peuvent être mis en commun. La dimension
européenne répond à la segmentation des connaissances en réunissant différents acteurs dans le cadre
de divers projets.
Horizon 2020 repose sur trois piliers : l’Excellence scientifique, la Primauté industrielle et les Défis sociétaux.
Les projets « Santé » se retrouvent dans le 3e pilier qui
regroupe les « Défis sociétaux ».
Toute entité légale (laboratoire, PME, groupe industriel,
association, etc.) peut répondre aux projets collaboratifs menés dans le cadre de Horizon 2020. Trois entités
de trois États différents au minimum doivent participer
à un même projet. Les partenaires américains peuvent
participer aux projets du Défi Santé, tout en bénéficiant de financements, grâce à un accord bilatéral avec
le NIH américain. En outre, 15 % du budget de Horizon 2020 est dédié aux PME.
Le programme de travail défini dans le cadre de Horizon 2020 s’organise sur deux ans. Certaines lignes de
la programmation 2016-2017 ciblent directement les
maladies rares. Un appel à projets sur la caractérisation
et le diagnostic des maladies rares sera lancé en 2016.
Cependant, un seul projet est attendu sur cette ligne.
Ce projet recevra 15 millions d’euros de financement.
L’appel à projets concernant les nouvelles thérapies
pour les maladies rares s’organisera en deux temps (le
4 octobre 2016 et le 11 avril 2017). Cette ligne bénéficie
TABLE RONDE 4
les bases de données (diagnostics incertains ou particulièrement tardifs [errance diagnostique], codes CIM imprécis ou inexistants, actes
ou médicaments traceurs pas toujours disponibles).
• Les paniers de soins à considérer sont difficiles à définir.
• Le champ du remboursable ne couvre pas tous les besoins.
• Un accompagnement des patients est souvent indispensable (le rôle
des aidants est essentiel dans la vie quotidienne mais également pour
les soins) d’où l’importance de ne pas oublier ces coûts qui sont, de
fait, des coûts directs.
• Les coûts indirects, quant à eux, peuvent être très importants, bien
que l’on ne sache pas très bien les évaluer à l’heure actuelle.
• Enfin, les flux financiers entre agents économiques sont souvent
complexes à appréhender (allocations pour handicap, aides sociales,
etc.).
Des enquêtes sur échantillons de patients identifiés dans les centres
de référence, les registres, les associations de patients, etc. sont donc
indispensables. Peu d’études de ce type ont été conduites en France et
à l’échelle internationale.
Une revue des études économiques conduites pour dix pathologies
rares dans le cadre d’un projet européen sur le fardeau économique
et social des maladies rares en Europe a montré que 51 des 77 études
identifiées sur ces dix pathologies portaient sur deux maladies
(l’hémophilie et la mucoviscidose), les autres maladies ayant fait
l’objet de très peu de travaux. En outre, les auteurs de cette revue ont
constaté que les différentes méthodologies rendent difficiles les comparaisons. Ils ont toutefois conclu que la plupart des maladies rares
examinées étaient associées à un fardeau économique « significatif »,
à la fois sur le plan des coûts directs et indirects.
Techniquement, l’étude des coûts des maladies rares reste difficile en France. La loi de santé devrait ouvrir l’accès aux données de
l’assurance-maladie, ce qui facilitera peut-être la conduite de ces
analyses. Il y a là un enjeu possible pour l’orientation des politiques de
santé futures. Mais il s’agit également d’aider la société à clarifier ses
valeurs dans le domaine de la santé. Consciente de ces enjeux, la Fondation maladies rares tente actuellement de lancer un projet autour
de l’évaluation économique dans ce domaine.
31
de 60 millions d’euros de financement, pour des projets de 4 à 6 millions d’euros. Lancé en février 2016, un appel à projets portera sur les
TIC permettant au patient de s’approprier davantage sa maladie et de
communiquer des informations au médecin.
Le portail http://ec.europa.eu/research/participants/portal présente
les financements et les lignes thématiques. Comme le dispositif est
complexe, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur les relais présents dans
les établissements.
D’autres possibilités existent en marge de Horizon 2020. E-Rare est
une initiative qui regroupe des agences de financement européennes
et lance des appels à projets visant à promouvoir des collaborations
transnationales dans le domaine de la recherche sur les maladies
rares. Il sera ouvert le 7 décembre 2015.
Dans le cadre de l’appel ANR dédié au montage de réseaux scientifiques européens et internationaux, des propositions de montage de
réseau scientifique européen ou international devront être déposées
le 12 janvier 2016.
Le programme COST (European Cooperation in Science and Technology)
permet de monter des réseaux, pour ensuite travailler ensemble dans
un contexte européen. La prochaine « collection date » a été fixée
au 9 février 2016. À cette date, les lettres d’intention qui auront été
déposées seront analysées par les experts et certaines équipes seront
invitées à poursuivre leur demande avec un dossier complet.
Les Points de Contacts Nationaux en Santé des différents pays européens (réseau européen HNN2.0) ont mis sur pied un brokerage event,
qui se tiendra le 13 janvier 2016 à Paris. Cette initiative permettra
aux équipes de mettre en ligne leur carte de visite et de participer
à des rendez-vous présélectionnés avec les structures ayant envie
de postuler sur une certaine ligne dans les programmes-cadres
européens.
Christian Deleuze
Après la table ronde sur les registres, au cours de laquelle il a été rappelé que l’État français se désengageait, il est appréciable d’entendre
que l’Europe prend le relais. J’espère que cette orientation constituera
un appel d’air et une ressource pour les acteurs concernés par la collecte de données. ‡
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Les études médico-économiques présentent-elles un intérêt lorsque
l’absence de traitement de certaines maladies entraîne rapidement et
malheureusement le décès des patients ?
Bruno Detournay
Les économistes considèrent généralement la fin de vie comme une
période quelque peu indépendante des pathologies qui sont à l’origine
de cette fin de vie. Les coûts les plus élevés sont toujours enregistrés
32
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
durant les derniers mois de la vie. Ce sujet n’est donc
pas forcément rattaché à une pathologie particulière.
Christian Deleuze
Le médicament est toujours regardé sous ses aspects
coûts. Or, le traitement de certaines maladies, comme
la maladie de Pompe, permet d’éviter des complications graves ou de retarder de manière importante le
développement de la maladie. Cette réalité n’est jamais
prise en compte dans un modèle économique du coût du
médicament.
Bruno Detournay
C’est bien sûr faux puisque les études économiques sur
l’efficience des traitements – obligatoires pour l’enregistrement et l’accès au marché – prennent en compte
les coûts et les bénéfices induits par le traitement.
Christophe Duguet
Les études sont nécessaires, car elles peuvent apporter
un éclairage, mais il n’existe pas de modèle unique permettant de calculer le prix du médicament en fonction
des coûts évités. Dans le domaine des maladies rares,
l’intérêt pour le patient et pour la société d’améliorer
la qualité de vie et un certain nombre de fonctions ne
se raisonne pas en études économiques. La construction
d’un rond-point fleuri dans un centre-ville ne résulte
pas d’une mesure de l’amélioration du bien-être et
des conséquences économiques de cette construction ;
elle correspond plutôt à une décision politique. Pour
le financement d’un certain nombre de médicaments
orphelins, un choix politique doit également être opéré.
Cette logique de décision ne doit pas pour autant permettre à l’industriel de demander un prix exorbitant.
Christian Deleuze
Je m’inscris en faux avec ce que vous dites, M. Detournay, non pas sur l’existence des études économiques,
mais dans leur mise en œuvre parce que les modèles
prédictifs sur des médicaments liés à des maladies
rares ne fonctionnent pas. J’espère que nous serons
capables de concevoir de tels modèles à l’avenir.
Bruno Detournay
J’ai entendu des erreurs de part et d’autre. Une évaluation économique n’est pas un bilan financier ; elle permet de mettre en rapport un différentiel de coût et des
résultats de santé. L’évaluation économique se base sur
des données cliniques d’efficacité comme de tolérance.
La réflexion économique s’inscrit donc en complément
des données médicales et épidémiologiques et aide les
décideurs politiques.
De la salle
Quelle est la proportion de projets retenus dans E-Rare ?
RARE 2015
les progrès qu’il va apporter aux malades. Elles évitent
donc les choix guidés par des questions financières. Je
sais toutefois qu’une pression financière de diminution
des budgets va peser sur le prix des médicaments, et va
donc interférer. Les données d’efficience donnent du
sens aux progrès thérapeutiques et cliniques. Il ne faut
pas faire d’erreur de concept sur ces études.
Bruno Detournay
Au-delà du consentement collectif à payer, il y a
toujours un renoncement à payer d’autres choses. Par
conséquent, un arbitrage doit être établi. De l’argent
alloué aux maladies rares n’ira pas à la vaccination ou à d’autres actions préventives ou curatives.
L’arbitrage est complexe, mais il doit être pris en
compte pour repenser le modèle économique des
médicaments.
TABLE RONDE 4
Christophe Duguet
Une autre erreur serait de penser que la rationalité des hypothèses et
de la rigueur de la méthode des économistes lorsqu’ils mènent leurs
études soit comprise de cette façon par les décideurs publics. Les
études économiques sont réalisées avec cohérence, mais elles ne sont
pas toujours facilement utilisables par les décideurs publics. Nous
voyons aujourd’hui toutes les limites dans l’utilisation par le payeur
des travaux de la CEESP. Celle-ci, avec l’aide de méthodologies rigoureuses, montre dans trois quarts des cas que les problèmes méthodologiques rencontrés ne permettent pas de vraiment conclure. De
son côté, le payeur ne sait pas quoi faire de tels résultats. L’essentiel
ne réside pas dans la qualité de l’étude et de sa méthodologie, mais
dans ce qu’en comprend le décideur et dans sa façon de l’interpréter.
Aujourd’hui, le risque est que le payeur interprète une étude économique dans une logique financière et budgétaire, et non dans une
logique de comparaison économique et d’efficience.
Christophe Duguet
Des arbitrages sont effectivement opérés entre différentes dépenses, qui ne sont pas uniquement liées
à la santé. Les arbitrages ne mettent pas en concurrence différentes maladies, mais différentes dépenses
publiques. Le consentement collectif doit s’appuyer sur
des arbitrages globaux. En tant que patients, nous pouvons considérer que le fait d’apporter une amélioration
pour des personnes aujourd’hui sans traitement ni perspective mérite d’être placé à un niveau de priorité assez
important dans les dépenses publiques. ‡
Valérie Handweiler
Sur les deux premières années de programmation, un projet sur deux
ou trois a été retenu de la première à la deuxième étape. Environ
10 % des projets sont retenus à l’étape suivante. Il existe d’autres
financements intéressants qui permettent de créer des réseaux
scientifiques qui peuvent ensuite préfigurer le montage de projets
européens. L’Agence Nationale de la Recherche (ANR) a mis sur pied
un appel à projets « Montage de Réseaux Scientifiques Européens ou
Internationaux (MRSEI) : un premier appel a été lancé en en 2015 ; un
second a été lancé le 19 novembre pour un dépôt en janvier 2016. Il
est donc tout à fait opportun de postuler pour mieux se positionner LIENS D’INTÉRÊT
ensuite en Europe.
B. Detournay déclare avoir une participation financière dans le capital
François Meyer
Je partage les propos de M. Detournay. Il y a une mécompréhension
totale des études d’efficience. Celles-ci permettent justement la prise
en compte de données sur le rapport entre le prix du médicament et
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
de l’entreprise CEMKA-EVAL et déclare avoir des liens durables avec
l’entreprise CEMKA-EVAL.
C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise SanofiGenzyme.
V. Handweiler, C. Duguet déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
33
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 34-9
Ateliers A1 à A4
médecine/sciences
Atelier A1 – Déficience intellectuelle
et maladies rares : quelles perspectives pour
la prise en charge et les traitements ?
Pierre Sarda, CHRU de Montpellier
Cet atelier a été marqué par deux particularités : le
faible nombre de personnes présentes (une quinzaine)
et la très grande intensité des discussions. J’espère qu’il
sera reconduit dans les années à venir.
Cet atelier a permis d’aborder les nouvelles perspectives
de prise en charge des enfants présentant une déficience intellectuelle. Pendant des années, la personne
avec une déficience intellectuelle a simplement été
prise en charge de manière peu spécifique par les kinésithérapeutes et les orthophonistes essentiellement ; à
l’âge adulte, elle intégrait une structure d’adulte le plus
souvent sans poursuite d’une « stimulation » adaptée.
Grâce aux connaissances neurophysiologiques et à la
neurobiologie, des prises en charge très spécifiques
sont en train d’émerger. Dans la majorité des cas, une
déficience intellectuelle est due à un gène déficient.
Celui-ci ne rabaisse pas l’ensemble des capacités cérébrales à des valeurs inférieures à la normale qui serait
mesuré par un QI abaissé de manière uniforme ! Un
gène déficient a des actions dans certaines fonctions
du cerveau. Certaines sont altérées, responsables de la
déficience observée, tandis que d’autres sont conservées, voire même améliorées par rapport à une personne
non déficiente.
La vision que nous devons avoir en 2015 des personnes
présentant une déficience intellectuelle est qu’elles
ont certes des déficiences à rééduquer mais surtout
des capacités à valoriser ! Chaque maladie étant différente, chaque enfant doit bénéficier d’une prise en
charge adaptée à sa pathologie génétique.
L’atelier a permis à quatre intervenants de présenter
des techniques qui viennent d’être découvertes, mais
qui auront une importance majeure à l’avenir.
Une technique simple, aisément généralisable, consiste
à utiliser une tablette tactile. Des centaines d’applications – jeux, tracé, écriture, mémoire visuelle immé34
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s109
diate, etc. – sont utilisées pour rééduquer des fonctions défaillantes
(motricité fine, langage, mémoire, calcul…), mais il est très difficile
d’avoir une vision des applications existantes. La présentation a été
faite par Madame Bilgi Ancel de l’IME de La Salette à Bédarieux qui a
décidé d’utiliser des tablettes tactiles sur une vingtaine d’enfants. Ces
appareils proposent trois niveaux de programmes. Ceux-ci sont utilisés
pendant plusieurs mois. À la fin de l’utilisation d’une strate du programme, l’enfant est évalué. Dans la majorité des cas, ces tablettes
sont proposées par les orthophonistes. Comme elles sont mobiles, elles
peuvent être utilisées par un professionnel, la famille ou l’enfant. Cet
outil aura un grand avenir. Une réflexion sur l’évaluation des résultats
obtenus devrait être initiée. En outre, un site web devrait être créé
pour faciliter la circulation dans cette « jungle » des logiciels. Enfin,
il serait intéressant que des entreprises conçoivent des programmes
adaptés à des déficits très spécifiques d’enfants déficients.
Caroline Demily étant absente, nous avons pu cependant présenter
ses données. Cette psychiatre de Lyon travaille actuellement sur les
remédiations cognitives. Des programmes informatiques sont créés
dans des laboratoires de neurosciences pour améliorer une fonction
très particulière, comme la reconnaissance des émotions faciales des
personnes que l’on a en face de soi. Caroline a créé des programmes
informatiques qui sont utilisés 45 minutes par semaine pendant quatre
mois. Des personnes atteintes de délétion 22q11 (Association Génération 22) ont pu, après ces remédiations, reprendre une vie sociale plus
adaptée (se promener en ville, par exemple).
L’évaluation réelle de ces programmes sophistiqués devrait être formalisée. En outre, l’utilisation de ces outils pourrait être généralisée
et mise en place non seulement par les familles ou les professionnels
paramédicaux de proximité, mais aussi dans des structures médicoéducatives des jeunes (IME, IMPro…) ou des centres de vie des adultes
(ESAT, foyers de vie, ateliers occupationnels, MAS, FAM…).
Enfin, Monsieur Xavier Liogier Dardhuy, responsable des projets scientifiques, travaillant dans le laboratoire pharmaceutique Roche, a présenté
un projet en cours de développement dans la trisomie 21. La molécule
élaborée par le laboratoire a pour but de diminuer le déficit intellectuel
des enfants trisomiques. Monsieur Xavier Liogier Dardhuy nous a expliqué
comment Roche procède, à partir des connaissances neurobiologiques
récentes apportées par les neurosciences, pour élaborer une molécule
possiblement thérapeutique pour une maladie génétique très précise.
Les résultats de cet essai thérapeutique, chez les personnes trisomiques
âgées de 12 à 30 ans, sont en attente pour l’année 2016.
De son côté, Mme Poher, membre de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis
(UNAPEI), a fait écho aux différents outils présentés. Elle a insisté sur
Atelier A2 – Mise en place des filières maladies rares :
quelles sont les clés de la réussite ?
Laure Druetta, Genzyme
Une cinquantaine de personnes, dont dix représentants d’associations
de patients, dix représentants de la partie académique et clinique,
huit représentants industriels et plus de vingt représentants de la
coordination des filières ont participé à cet atelier.
RARE 2015
santé et l’organisation de la santé. La volonté politique
vis-à-vis des personnes atteintes de maladies rares a
posé question, car les participants s’interrogent beaucoup sur la mise en œuvre d’un 3e PNMR. Si celui-ci ne
voit pas le jour, les objectifs des filières ne seront sans
doute pas concrétisés jusqu’au bout.
· La communication
La communication s’opère entre nos tutelles réglementaires et les acteurs. Des stratégies, des perspectives et
des plans d’action doivent être définis. Un premier appel
à plan d’action a été lancé en juin 2015. Il a montré que
la communication devait être précisée et améliorée,
à travers notamment davantage de transversalité, de
décloisonnement et de lisibilité. Un véritable continuum
de communication doit exister entre les tutelles de
santé et tout ce qui compose ces filières (le sanitaire,
les laboratoires de diagnostic, le médico-social, les
associations, les sociétés savantes, la recherche fondamentale, les industries – qui ne sont pas mentionnées
dans la circulaire de 2013).
· L’harmonisation
Il nous est demandé dans les objectifs de travailler sur
l’épidémiologie, sur des bases de données. Hier, nous
avons vu qu’un nombre impressionnant de bases de
données existaient dans la prise en charge des maladies
rares et dans les différents centres. Il est certain que ces
bases doivent être harmonisées. La notion de codage
est essentielle. Les acteurs des filières ont de fortes
attentes et inquiétudes vis-à-vis de cette harmonisation. Par ailleurs, les acteurs présents ont estimé que les
réseaux européens de référence souffraient d’un déficit
de communication. Le manque de présence de la France
au niveau européen suscite une réelle inquiétude. Enfin,
les associations doivent jouer un rôle majeur en matière
d’harmonisation. Une représentante d’une association a
expliqué qu’elle ne se reconnaissait pas dans les filières
existantes. L’harmonisation concerne donc l’organisationnel, mais aussi l’associatif.
· La gestion et le budget
Une inquiétude a été exprimée concernant la gestion et les
budgets. Les CHU se sont vus confier des missions nationales de gestion de budget qu’ils sont incapables de gérer.
Pour résoudre ce problème, des référents filières régionaux
devraient sans doute être désignés au niveau des ARS.
· L’identification
L’identification est très importante. La visibilité et les missions des centres de référence et des filières ont été rappelées. Les rôles de chacun des acteurs doivent être respectés dans une transparence et une confiance transversale.
ATELIERS A1 À A4
la capacité des jeunes à s’approprier l’outil numérique. Elle propose
ainsi d’encourager ces techniques, de les évaluer et de mieux les intégrer dans des programmes pédagogiques notamment. Concernant les
remédiations cognitives, Mme Poher a insisté sur l’importance et le
bénéfice d’un bilan neuropsychologique, car, trop rare encore, il permet de faire le point sur ce que la personne est capable d’apprendre,
sur ses fonctions préservées et sur les fonctions qu’il faudra rééduquer. Enfin, Mme Poher a souligné la nécessité de rechercher la pleine
adhésion des personnes et de leurs proches dans le cadre d’essais
thérapeutiques, avant, pendant, et après leur mise en œuvre. Et tout
particulièrement après, lorsque l’essai n’est pas positif, il importe de
prendre le temps de partager les résultats dans un climat de confiance
réciproque. Il s’agit, pour Mme Poher, d’élaborer et de savoir mettre en
œuvre aujourd’hui des réponses aux constats et aux manques, connus
et partagés, dans un souci d’égalité d’accès de tous au progrès, dans
le respect d’une médecine fondée sur les preuves et de règles éthiques
strictes.
Claude Desnuelle, CHU de Nice
La question posée dans le cadre de cet atelier était ambitieuse. Le
dispositif mis en place par la circulaire du 23 juillet 2013 a permis de
définir des objectifs généraux sur l’amélioration de la qualité de vie
des personnes atteintes de maladies rares, ainsi que sur le décloisonnement, car ces filières doivent être un lieu de regroupement, d’identification et d’échanges entre un ensemble d’acteurs intervenant autour
de la prise en charge de personnes atteintes de maladies rares. Pour
atteindre ces objectifs généraux, des objectifs opérationnels ont été
identifiés. Ils visent notamment à renforcer l’expertise – en particulier
la pluridisciplinarité, qui constitue un mot-clé dans les centres de
référence –, à formuler des recommandations de bonnes pratiques
sous forme de PNDS ou de recommandations de fonctionnement, à
aller dans le sens de la recherche et de la coordination des projets de
recherche, à prendre une large part dans l’épidémiologie – c’est-àdire le développement de bases de données –, à assurer des formations, et à orienter les regroupements vers l’Europe, en particulier vers
les réseaux européens de référence.
Les facteurs clés de succès suivants permettent d’atteindre ces
objectifs :
· La volonté politique
Le pilotage des filières est assuré par le ministère de la Santé,
alors que les objectifs s’inscrivent dans plusieurs domaines (santé,
recherche, partages internationaux). L’association d’autres ministères De la salle
serait peut-être nécessaire pour ne pas limiter ces filières à la vision Des solutions ont-elles été discutées durant l’atelier ?
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
35
Claude Desnuelle
Les solutions consistent à améliorer les points listés. Ceux-ci sont
actuellement identifiés par les acteurs comme des difficultés rencontrées dans le fonctionnement.
Christian Deleuze
Hier, a été abordée la question de la non-harmonisation du dispositif
des Réseaux Européens d’Excellence avec les principes du dispositif
français maladies rares. En avez-vous discuté au cours de l’atelier ?
Claude Desnuelle
Ce sujet a été abordé dans le cadre de l’atelier, mais il est plus de
la responsabilité des animateurs de filière ou des responsables de
centres de référence. Après échanges, il est apparu que les hôpitaux
eux-mêmes devaient se faire intégrer dans ces réseaux. Un travail
d’information vis-à-vis des centres de référence et des acteurs doit
être mené pour qu’ils se regroupent et intègrent ces filières. Dans ce
dispositif, les États valident les demandes, c’est donc aux Autorités de
santé de chaque État à qui il revient de faire des choix.
De la salle
Des initiatives ont-elles été formulées lors de l’atelier ?
Claude Desnuelle
Pour l’heure, nous ne disposons pas de remèdes. Le bilan d’un an de
fonctionnement fait apparaître quelques défauts. Nous devons être
vigilants vis-à-vis des inquiétudes exprimées. Aucune initiative de
correction de défauts n’a été formulée au cours de l’atelier.
Atelier A3 – Errance diagnostique :
comment informer et accompagner le malade ?
Anne-Sophie Lapointe, Vaincre les Maladies Lysosomales,
filière AnDDI-Rares
Cet atelier présentait une grande complémentarité entre Maladies
Rares Info Services, la filière AnDDI-Rares et le laboratoire Shire.
L’errance diagnostique est un réel enjeu pour tous les acteurs dans le
champ des maladies rares.
Le Larousse définit ainsi la notion d’errance : « action d’aller sans
direction précise, de chercher son chemin ». Au regard du diagnostic,
l’errance correspond à un délai significatif entre les premiers symptômes et le diagnostic. Il existe également une problématique dans les
enjeux d’absence de diagnostic versus l’errance. Deux types d’errance
ont été mis en évidence au cours de l’atelier : l’errance liée au fait que
le diagnostic n’est pas posé alors que la maladie est connue ; l’errance
liée au fait que la maladie n’est pas encore connue.
Les enjeux varient selon les points de vue de chacun :
· Le point de vue de la personne malade
Nous avons eu beaucoup de retours de la salle sur l’errance diagnostique par rapport à la personne malade, avec la nécessité de
l’accompagnement psychologique par le centre de référence et
la famille. La psychologue Éva Toussaint de Bordeaux a souligné
36
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
l’importance, en particulier en cas d’errance diagnostique, de la continuité de l’accompagnement de la
personne par le centre de référence de génétique.
· Le point de vue médical
Beaucoup sont intervenus pour expliquer que le médecin généraliste devrait pouvoir poser le diagnostic.
Ce professionnel de santé ne pouvant connaître les
7 000 maladies rares, il serait préférable de travailler sur la culture du doute. Certains ont souligné la
mauvaise connaissance des ressources maladies rares
par les professionnels hors maladies rares. Un travail
de communication/formation sur les maladies rares
devrait donc être mené en direction des médecins
généralistes et spécialistes, en particulier en ambulatoire. À cette fin, le projet de mettre en place une
stratégie pluriannuelle et coordonnée de toutes les
ressources a ainsi été évoqué.
· Le point de vue sociétal
Les conséquences de l’errance diagnostique ont également été abordées au cours de l’atelier. Le lien de
confiance avec la personne malade me semble important. Trop souvent, des personnes arrivent dans nos
associations après une longue errance diagnostique,
et sont un peu en révolte vis-à-vis du système. Une
longue errance constitue un accroc dans la relation de
confiance, y compris dans le cadre des essais cliniques.
· Le point de vue des chiffres
L’expérience (enquête de l’Observatoire des Maladies
Rares) montre que plus de 4 fois sur 10, le diagnostic
est réalisé dans l’année. Plus de 3 fois sur 10, le diagnostic est posé entre 1 à 5 ans. Plus de 2 fois sur 10,
l’errance est supérieure à 5 ans.
La formation constitue un levier essentiel pour développer la culture du doute. Il importe que les professionnels se posent les bonnes questions et sachent orienter
vers les personnes ad hoc. Les outils (plaquettes informatives, blogs, signes d’appel) constituent un autre
type de levier.
Les nouvelles techniques de séquençage ont été abordées au cours de l’atelier et présentées par un film :
http://www.anddi-rares.org/axes/informer/supportsnumeriques-de-la-filiere-anddi-rares.html. Ces nouvelles techniques devraient être utilisées pour les
personnes concernées par une très longue errance diagnostique. Des verrous liés au coût de ces techniques
sont en train de sauter. Au cours de la décennie à venir,
le prix du séquençage sera très accessible. Cette technique doit toutefois faire l’objet d’un accompagnement
spécifique.
De nombreuses questions ont été posées au cours de
l’atelier. La notion d’errance ne se limite pas au diagnostic ; elle concerne également le parcours de vie du
Antoine Bernasconi, laboratoire Orphan Europe
Je suis surpris que la question du dépistage néonatal n’ait pas été
abordée au cours de cet atelier. Il s’agit en effet d’un des outils
permettant de réduire l’errance diagnostique. En France, seules cinq
maladies sont dépistées à la naissance. Dans d’autres pays européens,
un dépistage néonatal beaucoup plus large a été mis en place. Pourquoi la France n’utilise-t-elle pas pleinement cet outil, notamment
pour dépister les maladies progressives ?
Anne-Sophie Lapointe
Au cours de l’atelier, nous avons abordé la question de l’amélioration
des outils de diagnostic. Pour la maladie de Pompe, le diagnostic était
initialement réalisé avec des biopsies musculaires ; il est maintenant
réalisé avec le test de Guthrie. Le diagnostic est maintenant posé
par des techniques moins invasives et plus faciles à mettre en place
rapidement.
Le dépistage néonatal pose la question du lien entre génotype et phénotype. En outre, il interroge sur l’explication des résultats du dépistage à donner aux parents alors que la maladie ne se déclarera pas
forcément ou alors très tard à l’âge adulte avec une forme modérée.
Quand le lien entre génotype et phénotype sera clairement caractérisé, la solution du dépistage néonatal pourra être déployée à une plus
grande échelle.
Christian Deleuze
Je me demande pourquoi les pays européens ont une approche si différente dans ce domaine. L’Italie a fait le choix de l’action, alors que la
France a opté pour l’inaction. Nous ne savons pas encore lequel de ces
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
deux pays a fait le bon choix, mais il serait intéressant
de savoir si la France fait les efforts nécessaires pour
apprendre de l’expérience italienne.
RARE 2015
Pierre-Henri Gandon, Coopération Santé
Des disparités de prise en charge de diagnostic existent.
Sur le plan territorial, des départements ou des régions
sont-ils sinistrés ? Par ailleurs, je m’occupe de l’Association MG France, qui est très favorable à la création
d’un cycle de formation et d’information. L’administrateur qui représente Coopération Santé a vu quatre cas
en 40 ans de carrière professionnelle. Il ne savait rien
sur ces maladies.
Anne-Sophie Lapointe
Les différences sont peut-être moins entre les territoires qu’entre les structures hospitalières avec spécialistes et les structures avec médecins généralistes.
La solution de MG France consiste à passer par un syndicat de médecins généralistes et à former l’ensemble
des généralistes. Les médecins doivent être capables
d’orienter la personne malade vers le bon centre.
ATELIERS A1 À A4
malade et l’articulation médicosociale. Un accompagnement multidisciplinaire est indispensable. Dans ce domaine, les centres de référence
jouent un rôle essentiel, car l’impact humain est grand.
La question de la caractérisation génotype-phénotype a été posée,
car les maladies rares présentent une grande hétérogénéité ; en outre,
les résultats cliniques peuvent être très différents pour une même
anomalie. Le travail de mise en commun de l’information entre les
professionnels de santé a été mis en avant.
Un travail est en train d’émerger entre Maladies Rares Info Services et
la filière AnDDI-Rares. Les personnes sans-diagnostic représentent la
moitié de la file active de la filière. Comme aucune association ne les
représente, la question de leur accompagnement se pose. Maladies
Rares Info Services recevant chaque année plus de 1 100 demandes de
personnes qui n’ont pas de diagnostic, il a été décidé avec la filière
AnDDI-Rares de créer une offre de services dédiée pour apporter une
aide concrète aux patients et à leurs proches.
L’errance pose un questionnement éthique. Réduire le temps d’errance
constitue en effet un acte de bienveillance par rapport aux personnes.
L’absence de nom de maladie fait obstacle à la recherche et au développement d’un traitement thérapeutique – ce qui pose un problème
d’équité et d’accès au traitement. En l’absence de diagnostic, la
famille ne peut pas faire de choix. Enfin, il faut veiller à la bonne interaction entre le soin et la recherche.
Ségolène Aymé
Je m’étonne que la solution d’aide au diagnostic informatisé n’ait pas été évoquée dans la première partie de
l’atelier. C’est pourtant « la » solution. Dans le domaine
de la génétique, nous utilisons cet outil depuis 30 ans.
Compte tenu de la multiplicité des syndromes existants,
nous ne saurions travailler sans cet outil. Celui-ci ne
présente pas encore une convivialité adaptée pour être
utilisé par les médecins en ville. L’offre d’aide au diagnostic doit être développée, car elle constitue la voix
d’avenir. Le système d’aide au diagnostic disponible sur
Orphanet est l’une des fonctionnalités du site les plus
utilisées.
Anne-Sophie Lapointe
Cette solution n’a effectivement pas été abordée dans
l’atelier.
Pierre Sarda
Une personne sur 20 a une maladie rare. En 40 ans de
carrière, un médecin ne voit pas seulement quatre cas ;
le problème est que les autres cas ne sont pas repérés.
Les outils utilisés par les généticiens tous les jours
devraient être démocratisés pour les médecins.
Christian Deleuze
Dans un département du centre de la France, 15 % des
médecins généralistes ont connaissance des PNMR.
Les outils existent, mais ils ne sont pas suffisamment
37
connus des médecins généralistes. Un travail d’information/formation
reste à faire.
De la salle
Une articulation avec le cluster sur les services à la personne sociale
et médico-sociale permettrait d’expérimenter des détections et des
prises en charge innovantes.
Anne-Sophie Lapointe
La sensibilisation des acteurs médico-sociaux (IME, MAS, etc.) à la
problématique des maladies rares est très importante. Il faut savoir
que des personnes atteintes de la maladie de Niemann-Pick type C
sont hospitalisées en hôpitaux psychiatriques, alors qu’un traitement
améliorerait considérablement leur prise en charge. Cet exemple
souligne l’importance pour les médecins et les psychiatres de ne pas
limiter leur diagnostic aux malades psychiques mais ils doivent être
capables de se poser la question : et si c’était une maladie génétique ?
Atelier A4 – Le mécanisme de l’évaluation et de la fixation
des prix des médicaments orphelins est-il adapté ?
Neil Bernard, Genzyme
Nous n’avons pas eu la chance de bénéficier du point de vue des
autorités d’évaluation lors de cet atelier. Avec Christophe Duguet,
Antoine Bernasconi et les participants dans la salle, nous avons
évoqué l’ensemble des problématiques pouvant se poser dans les
méthodologies d’évaluation de fixation du prix et de financement des
médicaments orphelins et plus globalement des médicaments destinés
à traiter des maladies rares. Nous avons également réfléchi aux freins
actuels à la mise à disposition de ces traitements. L’atelier a réuni un
assez grand nombre de participants. Les échanges ont été vifs, ce qui
prouve leur intérêt pour ces sujets. Nous sommes partis d’un constat
général. La première attente et le premier défi dans les maladies rares,
commun à l’ensemble des acteurs, est la mise à disposition de traitements pour les malades.
Une première remarque : la méthodologie aujourd’hui appliquée est
commune à l’ensemble des médicaments ; il n’existe pas de mécanisme
d’évaluation français spécifique aux médicaments orphelins. La deuxième remarque, plutôt positive : notre système permet, de manière
générale, la mise à disposition, le remboursement de la quasi-totalité
des médicaments évalués et la prise en charge intégrale du coût de
ces médicaments par la société. Des biais existent cependant dans
la méthodologie d’évaluation, de fixation du prix et, de manière plus
générale, dans la compréhension des maladies rares, ne permettant
pas que cette prise en charge soit optimale.
Notre postulat n’était donc pas de savoir si notre système est idéal
(nul système ne l’est) ou s’il est perfectible, mais plutôt d’envisager
les solutions permettant d’optimiser les conditions d’évaluation, de
mise à disposition et de prise en charge de ces traitements.
La première difficulté inhérente à ces médicaments réside dans les
biais techniques et méthodologiques dans leur évaluation. Les biais
techniques sont liés à la rareté des patients, à la méconnaissance de
38
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
l’histoire naturelle de la maladie (avant l’arrivée d’un
traitement) et à la démonstration de preuve. Le vrai
enjeu est donc de définir les critères méthodologiques
permettant, d’une part, de démontrer l’efficacité de
médicaments – notamment en termes de ralentissement de l’évolution de ces maladies progressives – et,
d’autre part, de permettre l’accès des malades à ces
traitements.
À titre d’exemple, un test de marche de six minutes
démontrant une progression de 25 mètres du malade
peut-il être considéré par les autorités comme un critère suffisant pour avoir un niveau de preuve et une
notation importants permettant l’accès à ce traitement
à un niveau d’évaluation suffisant ? La distance de
25 mètres ne représente rien en termes méthodologiques, mais elle peut faire une différence considérable
dans le quotidien de certains patients. La notion de
qualité de vie est difficilement démontrable, mais elle
est essentielle pour ces personnes.
La question des interactions entre l’évaluation européenne et l’évaluation française a été posée lors de
l’atelier. Les méthodologies d’évaluation jusqu’à l’AMM
sont définies de manière internalisée, notamment avec
les autorités européennes, sur des critères faisant
l’objet d’un accord. Toutefois, les laboratoires ont parfois l’impression que le dossier d’AMM est intégralement
réévalué par l’autorité française. Cette pratique est
chronophage et pose des interrogations sur l’interaction entre les agences française et européenne.
Les critères d’évaluation aujourd’hui essentiellement
basés sur l’efficacité et la tolérance ne permettent
pas de reconnaître l’innovation de certains traitements. Si le traitement d’une maladie chronique par
voie intraveineuse – à raison d’une perfusion tous les
15 jours tout au long de la vie – pouvait être remplacé
par une forme orale, le patient pourrait retrouver une
vie quotidienne normale. Or, le traitement oral reçoit
une ASMR 5. L’amélioration de la qualité de vie et de la
mise au traitement de certains patients est aujourd’hui
malheureusement très peu reconnue.
Enfin, il convient de souligner le manque de transparence et de lisibilité des prix. Dans le secteur public,
le médicament orphelin est perçu comme cher. Le
prix doit-il être fixé en rapportant l’investissement
au nombre de patients ? Le gain représenté par le
traitement doit-il être pris en compte ? Un élément à
prendre en compte lorsque l’on évoque le coût de ces
traitements est que le prix officiel, publié au Journal
Officiel, n’est pas le prix « réel » générant le chiffre
d’affaires du laboratoire. Un article de l’accord cadre
définissant les relations entre le LEEM (représentant
les entreprises du médicament) et le CEPS (Comité
RARE 2015
coûteux, la démonstration de leur valeur doit être établie
dans le temps et dans un modèle collaboratif. Par conséquent, tous les acteurs devraient collaborer pour générer
ces données. En général, le financement de la collecte de
données repose sur le seul industriel. Celui-ci se voit en
outre demander de ne pas trop les regarder et de pouvoir
répondre aux questions que posent les progrès apportés
par son traitement.
Neil Bernard
Le consentement collectif à payer suppose un consentement des autorités à mener les démarches réglementaires et administratives nécessaires à l’utilisation
d’outils d’évaluation adaptés à ces problématiques.
ATELIERS A1 À A4
économique fixant les prix des médicaments) définit la notion de
plafonnement de chiffre d’affaires dans les maladies rares. Ce
mécanisme, évoqué hier, précise que si le laboratoire dépasse un
plafond de chiffre d’affaires fixé avec le CEPS (à savoir un prix X,
multiplié par un nombre de patients Y, préétablis), il doit intégralement reverser l’excédent à l’assurance-maladie. Le prix officiel n’est
donc pas le prix réellement payé par les pouvoirs publics.
Les conclusions et propositions suivantes ont été formulées au cours
de l’atelier :
• ne pas remettre en cause les évaluations européennes, en particulier
sur des questions méthodologiques ;
• démocratiser davantage le système d’évaluation, en le rendant plus
collaboratif, plus prédictible et plus encourageant ;
• faciliter l’évaluation du bénéfice thérapeutique d’un traitement à
partir de toutes les sources d’information disponibles ;
• intégrer d’autres critères d’évaluation, afin d’encourager toutes les
formes d’innovations utiles aux malades ;
• accepter une « prise de risque » pour les maladies rares (compte tenu
du manque de données et de recul lors de l’arrivée du traitement, le
LEEM encourage une évaluation et une fixation de prix conditionnées à
une démonstration en vie réelle du médicament).
De la salle
Va-t-on vers un prix maximum acceptable pour la
société pour un médicament orphelin ?
Christian Deleuze
La loi fixe à 50 000 euros par patient et par an le prix
maximal pour lequel il n’y aurait pas de discussion
particulière. Au-delà de ce prix, le CEPS peut décider
de fixer une enveloppe maximale qui rémunérera le
laboratoire, à condition qu’il s’engage parallèlement
à traiter tous les patients qui devraient bénéficier de
ce traitement. Comme la population des malades n’est
pas précisément connue au moment du lancement d’un
médicament, le laboratoire doit accepter de se lancer
dans un véritable pari.
Si nous admettons que les autorités de santé sont une
émanation du pouvoir politique, lequel représente la
population, il nous appartient de décider collectivement. Il faut éviter que ces décisions soient prises dans
des cabinets obscurs.
Laure Jamot
S’agissant de l’ASMR des molécules développées pour les maladies
rares, nous sommes confrontés à un écueil spécifique d’évaluation
des coûts directs et indirects de la maladie. La procédure classique
de calcul du coût direct consisterait à réaliser une requête auprès du
Système national d’information inter-régimes de l’assurance-maladie
(SNIIRAM) ou des CRAM. Or, toute requête est refusée en l’absence de
traitement spécifique, ce qui impliquerait donc de faire une recherche
nominative des soins dont bénéficient des patients identifiés. Mais le
Conseil d’État refuse tout « requêtage » nominatif. Dans ce contexte,
le coût direct de la maladie ne peut jamais être calculé.
En outre, le coût indirect n’intéresse aucune agence réglementaire.
Nous ne sommes pas parvenus à trouver des systèmes cohérents permettant de calculer le coût de prise en charge d’un malade par une
famille. Ce coût devrait inclure l’absentéisme au travail, la kinésithé- Neil Bernard
rapie, la mise aux normes de la maison et du véhicule, etc. Face au Pour compléter les propos de Christian Deleuze, le prix
grand flou actuel, aucune solution ne s’offre à nous.
maximum accepté par les autorités pour le financement
et la prise en charge du médicament orphelin existe finaChristian Deleuze
lement déjà aujourd’hui via le dispositif de plafonnement
Vous venez de résumer les thèmes abordés au cours de la première ses- de chiffre d’affaires et les enveloppes contraintes dans
sion de ce matin. Pour démontrer la valeur apportée par un traitement, lesquelles fonctionnent les organismes payeurs. ‡
il faudrait comparer les résultats qui seront produits à l’existant. Or,
malgré la bonne volonté de tous les acteurs, les données sur la situation LIENS D’INTÉRÊT
antérieure ne sont pas disponibles et les données sur la situation actuelle C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise SanofiGenzyme.
ne sont disponibles que dans 115 registres parcellaires. La mise en œuvre P. Sarda, L. Druetta, C. Desnuelle, A.S. Lapointe, A. Bernasconi,
de modèles économiques est aisée si les données existent. Or, celles-ci P.H. Gandon, S. Aymé, N. Bernard, S. Jamot déclarent n’avoir aucun lien
font cruellement défaut. Les traitements pour les maladies rares étant d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
39
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 40-1
Conférence 3
médecine/sciences
La révolution
technologique des objets
connectés et son impact
sur la prise en charge des
maladies rares
Séverine Lemelle
> Pharmacienne, je suis responsable des affaires médicales chez iHealth, qui intervient sur le marché français
depuis fin 2013. Il dispose d’un laboratoire chargé de
fabriquer des produits de santé connectés.
La révolution technologique des objets connectés
Les objets connectés connaissent un fort développement. Plus de 2 milliards d’objets connectés sont prévus
pour 2020 en France, et près de 100 milliards dans le
monde. Tout appareil peut être « connecté » : une corde
à sauter, une tasse à café, un pot de fleurs, etc. Les
objets connectés sont souvent assimilés à des gadgets,
alors que les objets connectés de santé cliniquement
validés répondent à une vraie problématique de santé.
La gamme de dispositifs médicaux développés par iHealth
inclut des tensiomètres, des oxymètres de pouls et des
glucomètres. iHealth propose également une gamme à
disposition des professionnels de santé, composée d’ECG
et de tensiomètres. Ces dispositifs de santé sont connectés ; ils permettent ainsi de collecter des données et de les
transmettre par la technologie bluetooth directement dans
les applications installées sur tablette ou smartphone. La
sécurisation de ces données constitue un sujet important.
Les données collectées par les dispositifs médicaux développés par iHealth sont confiées à un hébergeur agréé données de santé. Les données sont anonymisées et cryptées,
et le caractère personnel de ces données est respecté.
Le patient est équipé d’une gamme d’appareils connectés. Il peut ainsi prendre sa tension, prendre son poids,
suivre son activité, etc., transférer ses données sur son
smartphone pour ensuite suivre leur évolution. Un patient
atteint d’une maladie chronique pourra constater qu’en
40
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s110
iHealthLabs, France
marchant davantage, il perd du poids et réduit ainsi sa tension. Il prendra ainsi conscience de l’interrelation existant entre l’ensemble des
paramètres vitaux. Dès lors, le patient devient acteur de sa santé.
L’ensemble des professionnels de santé – et non pas uniquement le
médecin – doit être également impliqué. La santé connectée permet de
faciliter la communication entre ces professionnels et leurs patients.
L’impact des objets connectés sur la prise en charge des maladies rares
Les objets connectés font partie de la médecine de demain. Ils permettront le passage d’une médecine curative à une médecine à la fois
préventive, prédictive, personnalisée et participative. En effet, ces
appareils effectuent la mesure à domicile des différents paramètres
vitaux des patients (tension, pouls, poids, glycémie, rythme cardiaque, température, fréquence respiratoire, saturation en oxygène).
Le médecin peut ainsi dépister des anomalies et suivre les éventuels
effets indésirables des médicaments.
Les objets connectés alimentent une grande base de données (big
data) qui permettra de créer une intelligence collective. Il sera ainsi
possible d’améliorer un diagnostic et un traitement en les comparant à
des modèles conçus à une plus grande échelle. Il sera également possible de suivre l’évolution d’une maladie rare en tenant compte d’un
certain nombre de facteurs environnementaux.
La médecine va devenir plus personnalisée. La communication entre
le médecin et le patient sera simplifiée. Le patient récupère toutes
ses données de santé. Celles-ci sont automatiquement transférées
dans la fiche patient du médecin. En outre, des systèmes d’alerte et
de messagerie instantanée peuvent être mis en place. De plus, le diagnostic et le traitement peuvent être personnalisés de manière fine.
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Comment évaluer le coût en termes d’honoraires
médicaux ?
RARE 2015
Séverine Lemelle
Nos appareils transmettent de nombreuses informations et facilitent la communication entre le médecin et
le patient. Des discussions entre les différents acteurs
concernés devront être menées pour mettre en place la
meilleure solution.
De la salle
Les données collectées peuvent-elles être revendues à
des tiers ?
CONFÉRENCE 3
Dans le cadre d’une médecine plus participative, la collecte de données sera facilitée. Ce sujet fait encore l’objet de controverses en
France, alors que cette pratique est très développée aux États-Unis. Le
site www.patientslikeme.com permet aux patients d’échanger sur leur
pathologie et de partager leurs données. Celles-ci sont renseignées
par le patient ou par les objets connectés. Les données sont ensuite
utilisées dans le cadre de la recherche épidémiologique.
Les enjeux des objets connectés de santé sont multiples :
• dépister précocement des symptômes, des anomalies, des maladies,
des effets indésirables ;
• suivre les paramètres vitaux des patients et les effets indésirables
des médicaments ;
• responsabiliser et impliquer le patient en étant acteur de sa santé ;
• faciliter le suivi personnalisé des patients par les professionnels de santé.
Ce sujet appelle toutefois à la vigilance. La fiabilité des dispositifs de
mesure connectés, la protection des données personnelles (respect de
la vie privée) et l’utilisation des données pour faire de la recherche
épidémiologique (ce qui pose des questions d’ordre éthique et juridique) devront faire l’objet d’une attention particulière. ‡
Christian Deleuze
Les données collectées par votre iPhone sont déjà
revendues à des tiers.
Séverine Lemelle
Un iPhone n’est pas un objet de santé. Les lois françaises sur la protection des données personnelles sont
très strictes. De plus, l’hébergement des données de
santé sur des serveurs agréés empêche la revente de
données. En outre, les données hébergées sont anonymisées et cryptées.
De la salle
Avez-vous déjà rencontré des patients équipés d’objets connectés qui
ne voulaient pas connaître les données de santé qu’ils transmettent à De la salle
leur médecin ?
Lorsqu’un patient est connecté à son médecin et qu’un
événement d’intérêt comme un AVC survient, le médecin
Séverine Lemelle
se doit de gérer l’alerte. Comment gérez-vous l’aspect
Oui. La connaissance de ses propres données peut constituer un facteur de juridique des informations transmises au médecin ?
stress. Les appareils d’iHealth peuvent fonctionner en mode « aveugle ».
Séverine Lemelle
De la salle
À ce jour, le médecin ne prend pas d’engagement. Le
Dans le cadre des maladies rares, qui va financer ces outils connectés patient autorise simplement le médecin à suivre ses
et analyser ces données ?
données de santé. Des plates-formes de gestion, en
cours de mise en place, vont aider le médecin à suivre
Séverine Lemelle
le patient 24h/24, en déclenchant par exemple l’envoi
C’est effectivement quelque chose qu’il faudra définir.
d’une ambulance en cas d’AVC. La mise en place de ce
dispositif en France prendra du temps car les contraintes
Christian Deleuze
réglementaires sont nombreuses, notamment en termes
La multiplication des objets de santé connectés pose la ques- de protection des données.
tion de l’état de santé du médecin. Comment va-t-il gérer le flux
d’informations ?
De la salle
Cela signifie que le médecin n’est pas le seul praticien à
Séverine Lemelle
accéder aux données du patient. ‡
L’utilisation de ces appareils doit conduire à redéfinir la relation entre
le soignant et le soigné, en intégrant l’ensemble du corps médical. LIENS D’INTÉRÊT
L’infirmière peut faire le lien entre le médecin et le patient. De plus, le S. Lemelle déclare être employée chez iHealth : Medical Affair Manager.
médecin peut mettre en place des alertes pour éviter de gérer un flux C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise SanofiGenzyme.
trop important de données.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
41
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 42-7
Table ronde 5
médecine/sciences
Le médicament orphelin
est-il en danger
en tant que médicament
développé dans les règles
de l’art ?
Antoine Ferry
Cette table ronde risque d’être un peu agitée, car la
répétition que nous avons faite pendant la pause-café
a donné lieu à des échanges vifs.
Nous allons commencer par un panorama sur la vie du
médicament, en pointant les éventuels dangers, qui
ne sont pas là où l’on pense. Malheureusement pour
les patients, un médicament ayant obtenu une AMM
européenne ne sera pas forcément accessible dans les
différents États européens. Le parcours jusqu’à l’AMM
s’apparente à un vrai parcours du combattant. Après
l’AMM, s’engage un autre parcours du combattant, qui
ne semble pas s’améliorer au fil du temps.
Décomposé en quatre étapes, le schéma du danger a
beaucoup évolué au cours de la décennie passée. Il y
a dix ans, j’aurais considéré que le danger devait être
positionné de façon prépondérante dans les phases
préclinique et clinique, et de façon mineure au niveau de
l’enregistrement et de la commercialisation. Aujourd’hui,
la situation s’est malheureusement inversée.
Jean Pouget
De vrais dangers menacent encore les étapes préclinique et clinique de l’essai d’un médicament. Ainsi, je
considère qu’après une décennie, la situation ne s’est
pas améliorée dans ces étapes précoces du développement du médicament.
Serge Braun
Les dangers sont tout aussi importants à chacune des
quatre étapes.
Christian Deleuze
La phase préclinique démarre souvent à partir de rien.
Les données physiopathologiques sont en effet peu
nombreuses. L’identification de la cible présente une
réelle difficulté. La validité et la prédictibilité des
modèles in vitro sont faibles. De plus, les modèles
animaux sont souvent inexistants. Des appels à projets
pour des modèles animaux ont été lancés, notamment par la Fondation Maladies Rares. Nous espérons
42
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s111
Participent à la table ronde :
Serge Braun, AFM Téléthon
Antoine Ferry, Laboratoires CTRS
François Meyer, HAS
Jean Pouget, AP-HM
La table ronde est animée
par Antoine Ferry
(Laboratoires CTRS)
qu’ils aboutiront pour pouvoir avancer plus rapidement sur la partie
préclinique.
Serge Braun
J’estime que les dangers sont moindres à l’étape préclinique. L’origine
de la pathologie rare est très souvent connue puisque 80 % des maladies rares sont génétiques et plus de 50 % de la moitié des gènes responsables sont connus. En outre, la physiopathologie de ces maladies
est connue. C’est d’ailleurs une source très intéressante de connaissances fondamentales de la biologie, dans la mesure où un gène qui
ne fonctionne pas renseigne sur la fonction de ce gène. La cible est
parfois connue. Les modèles in vitro présentent des limites ; il en va de
même pour les modèles animaux. Pour les maladies rares, nous avons
un avantage puisque le gène équivalent existe chez l’animal. Il est
donc possible d’accéder à une source très intéressante d’informations
sur le plan physiopathologique et ensuite sur le plan thérapeutique.
Jean Pouget
Je ne suis pas d’accord. La plupart des maladies rares sont certes
génétiques, mais, dans la majorité des cas, l’identification du gène
ne suffit pas à comprendre la physiopathologie. La compréhension
de la protéine mutée, découverte au travers du gène muté, n’est pas
Antoine Ferry
La phase clinique est soumise à la rareté des pathologies. Le recrutement pour les études cliniques est difficile. L’expression clinique de ces
pathologies présente une forte hétérogénéité. De plus, les données sur
leur évolution naturelle sont généralement absentes. Par conséquent,
la définition des critères de jugement (endpoints) pour les études
cliniques est complexe ; le recours à des preuves indirectes de l’efficacité (surrogate endpoints) permet de quantifier l’efficacité d’un
traitement, mais ces preuves sont rarement acceptées de facto par les
autorités, notamment par l’EMA. Enfin, des problèmes de métabolisme
différents selon les malades se posent. Le manque de prévisibilité peut
poser des problèmes d’interprétation des résultats.
Jean Pouget
Le nombre de patients à inclure dans un essai thérapeutique présente
des difficultés. Se pose également le problème de l’identification des
patients pouvant être inclus. Le travail de constitution et d’actualisation des bases de données doit se poursuivre. Celles-ci doivent
inclure des données phénotypiques. Des bases de données de qualité
peuvent être utilisées à la fois pour la recherche clinique et les essais
thérapeutiques. Cela pose la question de vouloir constituer un guichet
unique pour les essais thérapeutiques au niveau européen. Certaines
structures vont essayer de fusionner les bases de données nationales,
qui présentent des niveaux de qualité différents et qui contiennent des
données diverses. Il faut donc trouver le bon interlocuteur, sans chercher à simplifier les choses via un guichet unique qui n’en est pas un.
Ce dernier ne représente pas forcément la solution.
Le problème du critère principal d’évaluation est loin d’être résolu
dans les maladies rares, car le consensus d’experts fait encore défaut.
Les laboratoires et les agences se tournent vers les experts. Comme ils
n’ont pas les bonnes réponses, l’essai sera bancal dès l’origine. Pour la
maladie de Duchenne, le test de marche de six minutes ne correspond
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
pas, de l’avis de l’ensemble des experts, à un bon paramètre pouvant servir de critère principal d’évaluation. Il
a pourtant été utilisé.
S’agissant des biomarqueurs, les agences ne vont pas se
contenter d’une efficacité sur un biomarqueur, mais sur
une amélioration fonctionnelle significative de la vie
du patient. Il serait peut-être judicieux de lancer des
appels d’offres sur la méthodologie des essais dans les
maladies rares.
Serge Braun
Les difficultés de recrutement sont bien sûr inhérentes
aux maladies rares. Les règles de l’art de médicaments
de thérapies fréquentes ne peuvent bien évidemment pas
être appliquées aux maladies rares. Les premiers essais
de thérapie génique menés au début des années 1990
sur les déficits immunitaires ont fait apparaître un taux
de réussite de 90 %. 25 ans plus tard, aucun produit n’a
été mis sur le marché. Ce constat est-il lié à un problème
d’évaluation, à un problème d’appréciation par les
agences réglementaires, à des problèmes de production ?
La question continue de se poser.
Le test des six minutes est intéressant, mais il ne peut
pas être appliqué aux patients qui ne marchent pas.
Des paramètres de mobilité et de qualité de vie doivent
donc être définis avec les agences, les associations de
patients et les patients eux-mêmes.
S’agissant des surrogate endpoints, je souhaiterais partager une courte histoire. Un produit fait l’objet d’une
demande d’AMM pour la myopathie de Duchenne. La FDA
a rejeté l’utilisation du surrogate endpoint portant sur
l’expression de dystrophine – c’est-à-dire la protéine
manquante au niveau des muscles. Lorsque les données
cliniques ont été transmises, la FDA a demandé que soit
étudié le surrogate endpoint, alors que ce n’était pas
prévu au départ. Cet exemple montre que la barre est
placée très haute pour les maladies rares. Trois mois de
survie dans le cancer s’apparentent à un grand succès ;
il en irait tout autrement pour la maladie de Duchenne.
TABLE RONDE 5
toujours implicite. L’anomalie génétique, n’impliquant pas forcément
une protéine de structure ou une protéine enzymatique, intervient de
manière complexe dans le fonctionnement cellulaire.
La construction de modèles animaux transgéniques constitue certes un
progrès, mais ces modèles sont très souvent imparfaits. Ils nous ont
beaucoup déçus dans la mesure où l’efficacité d’un certain nombre
de traitements dans les modèles animaux ne s’est pas retrouvée chez
l’homme. Le modèle animal est peut-être imparfait. Il se peut également que le produit agisse à des moments différents de la maladie
chez l’animal et chez l’homme.
Les modèles in vitro permettent d’aborder la physiopathologie, mais ils
ne peuvent en aucun cas représenter un paramètre d’efficacité thérapeutique. Le modèle intégratif – basé sur l’animal entier – est toujours
préféré au modèle cellulaire et au modèle in vitro. De nombreux progrès doivent encore être réalisés dans la physiopathologie, que ce soit
dans les maladies auto-immunes rares ou dans les maladies neurodégénératives. Ce champ d’investigation demeurant totalement ouvert, il
ne permet pas de répondre aux questions précliniques dans la majorité
des maladies rares.
François Meyer
L’opposition entre les maladies n’est pas souhaitable.
Le règlement sur le médicament orphelin a été construit
après de nombreuses années de discussions. L’un de
ses considérants est ainsi formulé : « Il importe que les
patients souffrant de maladies rares aient droit à des
médicaments dont la qualité, la sécurité et l’efficacité
sont équivalentes à celles des médicaments dont bénéficient les autres patients ; il y a donc lieu de soumettre
les médicaments orphelins à la procédure d’évaluation
habituelle. » Il ne faut donc pas que les médicaments
orphelins fassent l’objet d’une évaluation « au rabais ».
43
Il existe bien évidemment des particularités dues à des difficultés
méthodologiques liées aux faibles effectifs, à la mauvaise connaissance de l’histoire naturelle de la maladie, à la difficulté de se
mettre d’accord sur des points de jugement clinique faisant consensus. Ces difficultés ne sont pas toutes spécifiques aux médicaments
orphelins. Ainsi, les dispositifs médicaux visent souvent de petites
populations.
Les agences réglementaires et d’évaluation ont compris que la difficulté de définir des points de jugement appelle à un dialogue précoce
entre les développeurs de nouveaux médicaments et les autorités. Ce
dialogue est mené depuis de nombreuses années avec les autorités
d’enregistrement. Pour les médicaments orphelins, il s’agit de l’assistance protocolaire ou de l’avis scientifique. Depuis 2009, et surtout
depuis 2012, les autorités d’évaluation pour le remboursement telles
que la HAS se sont aussi engagées dans ce dialogue. L’identification du
bon critère de jugement présente une réelle difficulté.
Force est de constater que pour les médicaments orphelins mis sur le
marché, la qualité des données cliniques disponibles n’a pas toujours
été optimale. À l’occasion du 10e anniversaire du règlement médicament orphelin organisée à l’EMA, de nombreux cliniciens avaient
expliqué et regretté que l’effet de certains médicaments orphelins sur
l’évolution clinique des patients n’était toujours pas connu. Il est de
notre responsabilité collective de faire en sorte que ce problème ne
se pose plus. Les agences d’évaluation prennent leur part sur ce sujet,
à la fois par leurs initiatives personnelles et leur travail en commun.
Dans la définition des critères de jugement, des dialogues précoces par
produit peuvent être conduits. En outre, l’EMA donne la possibilité de
qualifier de nouveaux critères de jugement, lorsque les critères existants ne sont pas adaptés. Un suivi dans la vraie vie par des registres
ou des cohortes permettra de confirmer que l’évolution clinique a été
bénéfique.
La situation est encore plus complexe au niveau de l’évaluation en vue
du remboursement. L’AMM quantifie le rapport bénéfice/risque, alors
que les agences doivent évaluer le gain en santé. Ainsi, nous partageons totalement les difficultés des cliniciens dans ce domaine. Nous
devons tous travailler ensemble pour essayer de définir les meilleurs
critères – un vrai mouvement est en train de s’amorcer en ce sens.
Antoine Ferry
Nous poursuivons la présentation des problèmes rencontrés en clinique. La méthodologie statistique est spécifique aux faibles effectifs,
ce qui pose un problème de recevabilité réglementaire.
Par ailleurs, il faut savoir que certains États-membres, au niveau des
comités d’éthique, refusent les comparateurs (placebo, « gold standard » reconnu par l’agence, etc.).
Des produits de qualité pharmaceutique doivent être fabriqués pour
mener des études cliniques. La production de ces petits lots constitue un vrai défi pour les industriels. Les sites disponibles étant peu
nombreux à l’échelle européenne, les délais de production peuvent
être relativement longs. De plus, les coûts de production sont élevés
car les guidelines de fabrication des médicaments (GMP) ne sont pas
adaptées au volume de production.
44
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
Serge Braun
Le placebo peut être nécessaire. Il peut parfois être
remplacé par les connaissances sur l’histoire naturelle
de la maladie. Celle-ci suppose l’allocation de moyens
très importants pour créer des bases de données de
malades. Pour beaucoup de pathologies dans lesquelles
nous sommes directement impliqués, nous constatons
que les moyens financiers nécessaires reposent sur les
associations. Ce problème de santé publique devrait
être posé.
François Meyer
Le grand succès du règlement européen sur les médicaments orphelins est que ces médicaments ne sont plus
tout à fait orphelins. L’arrivée de grands laboratoires
sur ce marché marque une réelle évolution. Des laboratoires viennent parfois nous voir en nous expliquant
que la première étude qu’ils entendent mettre en place
porte sur l’histoire naturelle de la maladie. Le financement n’est donc pas exclusivement associatif. Dans
certains cas, les laboratoires comprennent la nécessité
de mettre en place ce type d’études. Tout n’est pas
pour autant réglé. De grands besoins de financement
demeurent.
Jean Pouget
Je ne suis pas sûr que les cohortes historiques puissent
remplacer le placebo parce que le médicament ne
constitue pas le seul élément des prises en charge. La
qualité de ces dernières s’est grandement améliorée.
Nous disposons de multiples preuves pour montrer que
la prise en charge des conséquences de la maladie a
significativement influé sur la fonction et la survie. Il
convient donc de comparer les choses à qualité de prise
en charge équivalente, ce qui peut poser problème dans
les essais internationaux. Des référentiels de prise en
charge existent, mais ils sont probablement appliqués
de manière disparate dans les différents pays.
Dans l’évolution naturelle, il convient de tenir compte
de l’aspect temporel. Plus l’apparition de la maladie
est précoce, plus la maladie sera évolutive. Pour des
maladies extrêmement chroniques, la durée d’un essai
thérapeutique (d’un à deux ans) ne peut pas rendre
compte d’une aggravation « mesurable » dans l’évolution naturelle de la maladie. Si l’essai doit durer
plusieurs années, des problèmes de coût et de réalisation se poseront. En outre, l’évaluation des maladies
d’évolution lente est plus difficile.
Antoine Ferry
Dans la phase d’enregistrement, se posent des difficultés d’évaluation de la qualité pharmaceutique et
François Meyer
Le règlement pédiatrique est issu de la même philosophie que le règlement orphelin. Les avantages sont compensés par des obligations. Je
comprends les difficultés de faire une concordance. Je m’étonne que le
Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance
(PRAC) de l’EMA ne soit pas mentionné sur ce transparent. Il aura
peut-être des choses importantes à dire sur les médicaments orphelins. Issu de l’ancien groupe de travail de pharmacovigilance, le PRAC
est devenu un comité à part entière. Il pourra formuler des demandes
d’études supplémentaires après l’AMM, non seulement sur la sécurité,
mais aussi sur l’efficacité. Le paysage réglementaire européen s’est
considérablement enrichi ; les acteurs sont multiples et leurs interactions nombreuses. Ainsi, je comprends les difficultés que cela peut
générer.
L’évaluation de l’efficience est nécessaire et bénéfique ; il est normal que la société sache si aux fonds investis dans le domaine de
la santé correspond bien un progrès thérapeutique en rapport avec
l’effort financier consenti. Il est logique que les citoyens s’assurent
que l’argent investi a permis d’obtenir des données probantes et un
progrès réel.
S’agissant de la qualité et de l’évaluation clinique, nous essayons
d’améliorer les choses avec les dialogues précoces et les avis scientifiques. Beaucoup d’expérience doit encore être accumulée dans ce
domaine.
Le concept de l’arrivée en deux temps des nouveaux médicaments
(appelés Adaptive pathways) pourrait s’appliquer plus particulièrement aux médicaments orphelins.
Serge Braun
S’agissant des aspects qualité et efficience des thérapies innovantes,
nous apprenons en marchant. Dans le secteur des biotechnologies,
les standards sont parfois définis avec les inspecteurs parce qu’ils
apprennent eux-mêmes de ces technologies. Le dialogue s’est instauré, et doit se poursuivre à tous les niveaux, y compris dans la
négociation des prix. Les interactions entre les acteurs sont primordiales à tous les niveaux du processus de développement. L’industrie
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
pharmaceutique commence à s’intéresser aux maladies
rares – cette évolution est à saluer. Le marché visé doit
cependant présenter une taille minimale pour permettre
à la fois le retour sur investissement et la déclinaison
des technologies développées sur des pathologies plus
fréquentes.
Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins,
ce qui explique l’enthousiasme de nos discussions.
L’arrivée de nombreuses thérapies innovantes dans
des domaines très variés est une vraie bonne nouvelle.
Cette évolution conduira à nous interroger sur le poids
socio-économique de ces thérapies coûteuses qui
seront appliquées à un nombre croissant de malades et
de pathologies.
TABLE RONDE 5
de l’efficience de certaines thérapies innovantes. Des efforts doivent
encore être faits sur l’appréciation de ces produits.
Un problème réglementaire se pose avec les Plans d’Investigation
Pédiatrique (PIP) en concordance avec le calendrier général de l’évaluation du dossier d’enregistrement. Sauf dérogation, le PIP est obligatoire avant l’AMM. Le calendrier du CHMP et le calendrier du Comité
Pédiatrique se chevauchent, ce qui provoque parfois des situations de
blocage très préjudiciables.
Par ailleurs, certaines obligations relatives aux Bonnes Pratiques
de Fabrication (BPF) ont un impact financier parfois considérable.
Les mêmes règles de production doivent être appliquées. Même si le
laboratoire ne produit que quatre lots, il doit chaque année en mettre
un en stabilité pour avoir les données de stabilité. In fine, les coûts
élevés des lots de ces petites séries doivent être amortis sur le prix du
produit.
Antoine Ferry
Après l’obtention de l’AMM européenne, la phase de
commercialisation peut débuter. L’Europe se caractérise
par une forte hétérogénéité d’accès aux traitements et
aux marchés. Si l’accès au marché est immédiat en
Allemagne, l’Italie fait preuve d’une grande lenteur
dans ce domaine. En outre, certains pays imposent de
mener des renégociations de prix au niveau régional.
Les obligations d’études post-AMM et d’études médicoéconomiques impactent également la durée avant la
commercialisation.
La directive stipule que le médicament orphelin, en
tant que médicament à part entière, doit répondre aux
mêmes critères post-AMM que les autres médicaments.
En outre tous les États-membres doivent se doter d’une
structure nationale de pharmacovigilance et d’une
structure d’information médicale, et respecter de nombreuses contingences réglementaires, même si la pathologie concerne moins d’une trentaine de personnes en
Europe réparties entre cinq à six États-membres. Une
concertation devrait être menée avec les autorités de
régulation car l’impact financier de ces dispositions
est considérable pour les médicaments ultra-orphelins
traitant 20 à 40 patients. À titre d’exemple, le coût
de ces contingences en Lituanie s’élève à 14 000 euros
alors que le pays ne compte aucun malade !
S’agissant des systèmes de fixation de prix et de capping sur des données de population incertaines, force
est d’admettre que l’utilisation des registres et des
cohortes permettrait de disposer de données communes
fiables sur lesquelles les industriels et les autorités de
régulation pourraient statuer.
Par ailleurs, il faut savoir que certains pays ne respectent pas la directive européenne en continuant à
réaliser des préparations hospitalières, vendues à des
prix ridiculement bas. D’un côté, la directive impose le
respect d’impératifs de sécurité, de surveillance ; de
45
l’autre, les pharmacies hospitalières ne sont tenues à aucun impératif.
Je ne critique pas pour autant les pharmacies hospitalières. En France,
elles s’abstiennent de produire des préparations hospitalières dès lors
qu’un médicament est disponible sur le territoire national.
Une étude menée aux États-Unis a fait couler beaucoup d’encre sur
une contamination provoquant des méningites fongiques. Plus de
700 patients ont été contaminés et 60 personnes sont décédées à
cause d’une préparation hospitalière. Quelques études prouvent la
variabilité des teneurs de ces préparations. Si un industriel venait à
présenter une variabilité du principe actif comprise entre 67 et 268 %,
l’EMA serait peu encline à lui accorder un avis positif.
Lorsqu’un traitement a été évalué et parfaitement quantifié, la directive doit être respectée. Tous les États-membres n’ont pas encore fait
le choix d’interdire les préparations hospitalières dès lors qu’un médicament est disponible sur leur territoire national.
Jean Pouget
En France, en maladie de la jonction neuromusculaire, un produit
fabriqué par la pharmacie de l’AP-HP est passé en fabrication industrielle, entraînant une hausse de prix de 20 centimes à 20 euros. Ce
facteur de correction est-il justifié par les obligations de la fabrication industrielle ?
Antoine Ferry
Une succession d’obligations doivent être respectées en production et
après l’AMM. L’impact financier de ces obligations, divisé par un petit
nombre de patients, explique l’augmentation considérable du prix
du médicament. Une simple règle de trois s’applique. En rapportant
2 millions d’euros de dépenses fixes (c’est-à-dire réglementaires)
d’un médicament rapportés à une vingtaine de patients, vous obtenez
l’impact du coût de traitement de ces obligations réglementaires. La
pharmacie hospitalière ne connaît pas cette problématique, parce
qu’elle n’est pas contrôlée de la même façon sur le principe actif et sur
la qualité de la production ; en outre, elle n’est pas tenue de respecter
des obligations en pharmacovigilance.
Jean Pouget
Sur un plan de politique financière, ne vaudrait-il pas mieux améliorer
la qualité de fabrication des pharmacies hospitalières plutôt que de
confier la production de médicaments à un industriel ?
François Meyer
Le règlement est européen. Si une AMM est demandée, le règlement
doit s’appliquer. Il y a parfois des réactions très fortes à des différences de prix paraissant – à juste titre ou non – excessives. S’il y a des
mesures mises en place par certains pays qui ne sont pas conformes au
règlement, ces mesures doivent être supprimées. Comme nous sommes
dans un marché unique, des importations de produits à partir d’un
pays où il serait vendu à un prix assez bas vers un pays à prix élevé
sont possibles. Ceci est une limite à l’indépendance de la fixation
des prix par chaque État-membre. Jusqu’à présent, les collaborations
européennes entre décideurs en termes de prix et de remboursement
46
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
ont été très peu nombreuses. Une réflexion a débuté
sur ce sujet, en veillant à ce que chaque État-membre
conserve la liberté de fixer son propre prix et visant à
permettre la mise à disposition du médicament dans
l’ensemble des pays. Cette réflexion a été accélérée par
l’exemple des nouveaux médicaments de l’hépatite C.
Antoine Ferry
Des obligations réglementaires excessives pourraient
générer les risques suivants :
• un frein important au développement pour les équipes
de recherche ;
• un désinvestissement des industriels, notamment sur
les projets de repositionnement ou hors brevet ;
• une surenchère des coûts réglementaires non amortissables pour les industriels.
La diminution des investissements représenterait une
perte de chance pour les malades et leurs familles.
Trois propositions mériteraient d’être étudiées :
• le renforcement des recherches épidémiologiques ;
• l’introduction d’une certaine flexibilité réglementaire
tant en pré-AMM qu’en post-AMM ;
• la sécurisation du marché par le respect du cadre juridico-réglementaire et de la jurisprudence. ‡
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
De la salle
Pourquoi un traitement dont les études cliniques ont
démontré sans équivoque l’efficacité est-il limité en
quantité de remboursement, entraînant 50 % de la
facture payée par les laboratoires pharmaceutiques, et
mettant les professionnels de santé en difficulté vis-àvis de leurs « fournisseurs » qui pourraient à l’avenir se
retirer du marché français ?
Antoine Ferry
La notion de capping sous-tend cette question. Le
capping du nombre de patients traités par un industriel
existe dans de nombreux pays européens ; ce n’est pas
une particularité de la France.
Christian Deleuze
Les autorités de santé en France raisonnent en enveloppe fermée via la loi de financement de la Sécurité
sociale. Chaque année, le coût global de tous les
médicaments en France doit baisser de 1 à 2 %. Si cette
baisse n’est pas respectée, un système de remboursement par les laboratoires est organisé.
Antoine Ferry
Différentes modalités d’évaluation – et non différentes agences – peuvent aboutir à des conclusions
différentes. En France, la HAS via la Commission de
transparence adresse son évaluation au CEPS. Dans
d’autres pays, les commissions sont mixtes. Certains
Antoine Ferry
Le retrait du marché français serait la politique de l’industriel. Il s’agit pays disposent même de trois entités, en fonction
du type de produit et de son évolution sur le marseulement d’une menace.
ché. Les systèmes d’évaluation s’appuient sur des
critères similaires, mais l’impact économique interJean Pouget
Le même système d’enveloppe finie existe aussi pour la tarification à vient parfois beaucoup plus tôt dans l’évaluation de
l’« efficience ».
l’activité.
RARE 2015
François Meyer
Si la population cible d’un médicament a été sous-estimée, une réévaluation reste possible. Le risque de retrait du marché français est
donc limité.
TABLE RONDE 5
De la salle
François Meyer
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les qualification meetings Il est normal que différentes agences aboutissent à des
pour validation des critères cliniques ?
conclusions différentes sur un même dossier. Il en a
toujours été ainsi, car tout jugement revêt une dimenFrançois Meyer
sion humaine. Nous sommes aujourd’hui habitués aux
Les questions posées à l’EMA dans ce cadre (qualification d’un AMM centralisées. Pour rendre une seule conclusion, il
nouveau critère de jugement ou d’une nouvelle approche méthodo- faut tous se réunir dans une même pièce. Lors des renlogique pour le développement d’un médicament) sont actuellement contres précoces avec les industriels, nous observons de
faites par une seule firme, dans le cadre du développement clinique plus en plus que nos convergences sont beaucoup plus
d’un médicament donné. Nous faisons pression pour que cette importantes que nos divergences.
disposition puisse être ouverte à plusieurs laboratoires et que ses
résultats ne soient pas confidentiels. En pratique, imaginons que De la salle
pour une affection donnée deux nouveaux traitements sont en cours La HAS serait-elle prête à envisager des programmes de
d’essai, et que l’utilisation de nouveaux critères d’évaluation, non risque avec les industriels ?
encore validée, semble nécessaire. Un nouveau critère d’évaluation
ou une nouvelle méthode d’évaluation peut être proposée à l’EMA, Antoine Ferry
et probablement demain également aux agences d’évaluation en vue Les risques financiers seraient pris par le CEPS, et non
du remboursement.
par la HAS. Cette question est liée à la problématique du
contrat de performance. À titre personnel, je pense que
De la salle
nous devrions travailler sur cet impératif. RARE 2017 sera
La FDA et l’EMA peuvent-ils avoir des avis discordants ?
sans doute l’occasion d’échanger sur ce sujet. ‡
François Meyer
LIENS D’INTÉRÊT
Des discordances sont possibles, mais des réunions communes sont A. Ferry déclare avoir une participation financière dans le capital de
l’entreprise Laboratoire CTRS et déclare avoir des liens durables avec
organisées pour échanger.
De la salle
Comment expliquer que différentes agences aboutissent à des conclusions différentes, alors que le dossier est le même ?
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
l’entreprise Laboratoire CTRS.
C. Deleuze déclare avoir des liens durables avec l’entreprise SanofiGenzyme.
F. Meyer, S. Braun, J. Pouget déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt
concernant les données publiées dans cet article.
47
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 48-54
Table ronde 6
médecine/sciences
Quelles sont
les responsabilités
de la société vis-à-vis
des personnes atteintes
de maladies rares ?
Gilles Roche
La problématique des maladies rares est fortement
liée à l’allocation des ressources. Les contraintes
économiques figurent souvent au premier plan, et ce
aux dépens d’autres sujets. Les ressources n’étant pas
illimitées, il importe de savoir qui décide d’allouer les
ressources disponibles à telle ou telle maladie. En fait,
nous ne savons pas.
Ce ne sont pas les patients, qui sont en concurrence
avec d’autres malades. Ce ne sont pas les cliniciens,
qui sont les professionnels de première ligne. Ce ne
sont pas non plus les industriels, qui sont pourtant
des partenaires essentiels de la santé publique. Ce ne
sont pas les politiques ni le législateur, qui suivent
théoriquement ce que souhaite la population. En fait,
c’est la Société qui décide. Comme la décision appartient à tout le monde, le risque serait de penser qu’elle
n’appartient à personne. Ce n’est pas vrai. La Société
est un ensemble de groupes de personnes qui s’expriment de façon extrêmement diffuse et complexe. Toute
personne a le droit d’exprimer son point de vue et de le
porter devant le décideur – cela s’appelle le lobbying,
au bon sens du terme. Ensuite, il appartient au décideur
d’évaluer en toute intégrité de ce qu’il faut faire en
confrontant tous les avis et en essayant de satisfaire
le plus de gens possible. Ainsi, se déroule le processus
démocratique.
Au cours de cette table ronde, nous aborderons plusieurs sujets. Le premier est celui-ci : le critère de rareté
est-il pertinent ? La notion de « maladies rares », telle
un paquet commun et un ensemble de politiques, a-telle un sens ? Un cancer rare est-il plus proche des
autres cancers ou d’autres maladies rares ?
Brigitte Chabrol
Je parlerai plutôt d’une maladie neurologique rare par
rapport à une maladie neurologique plus fréquente,
ou d’un handicap très rare par rapport à un handicap
d’origine plus fréquente.
48
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s112
Participent à la table ronde :
Florence Bordon-Pallier, Genzyme
Brigitte Chabrol, Neuro-pédiatre, Aix-Marseille Université
Pierre Le Coz, philosophe, espace éthique méditerranéen/UMR 7268 ADES/
AMU/EFS/CNRS
Anne-Sophie Lapointe, Eurordis/VML
Vololona Rabeharisoa, sociologue, PSL MINES ParisTech
La table ronde est animée
par Gilles Roche (Eurobiomed)
Il faut surtout savoir le décliner dans la relation individuelle qui
caractérise la relation médicale entre le patient et son médecin. Qu’il
s’agisse d’une cause extrêmement rare ou plus fréquente, la démarche
médicale doit rester dans des règles de base identiques pour tous,
c’est-à-dire partir d’une réflexion pour tirer une hypothèse qui doit
être confirmée avant d’établir un diagnostic, celui-ci constituant la
plate-forme indispensable pour mettre en place une prise en charge.
L’expérience et la compétence du médecin qui reçoit le patient sont
très importantes pour définir une organisation des soins. La question
doit être posée à ce niveau plus qu’à la rareté de la maladie.
Une maladie très rare est mal connue, alors qu’une maladie fréquente
est plus connue. C’est vrai dans la population générale médicale.
Comme je ne vois que des enfants porteurs de maladies très rares, mon
domaine de compétence concerne beaucoup plus les maladies très
rares que les maladies très fréquentes.
Par conséquent, un circuit bien déterminé et une très bonne orientation importent plus que la notion de rareté. Le médecin doit savoir
reconnaître ses limites de compétence pour orienter le patient vers un
circuit déterminé et lisible.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
TABLE RONDE 6
RARE 2015
Gilles Roche
lien avec la vision sociétale pour l’équité des soins
Le critère « maladies rares » n’est donc pas fondamental, mais il ne entre malades.
faut pas le jeter non plus.
Anne-Sophie Lapointe
Vololona Rabeharisoa
Je m’insurge totalement contre l’expression « enfant
Mon point de vue sera peut-être différent et complémentaire. Le cri- gâté ». Les personnes atteintes de maladies rares ont
tère de rareté est-il pertinent pour définir une politique publique spé- une double peine. Ils sont non seulement malades, mais
cifique à ces maladies ? Ma réponse sera en deux temps. En tant que aussi la rareté de leurs maladies complexifie le diacritère d’action politique, la rareté est un critère pertinent. En effet, gnostic et les isole davantage.
il a permis à des populations invisibles de devenir visibles, car on les Les soins liés aux maladies rares sont chronophages. La
a comptées. Or, la politique est une affaire de compte, au sens noble tarification à l’acte (T2A) n’est sans doute pas valoridu terme : on compte les gens pour faire en sorte qu’ils comptent dans sée suffisamment pour ces actes spécifiques.
les affaires publiques. Le critère de rareté, qui est un critère épidémiologique conventionnel, permet de faire compter des problèmes qui Vololona Rabeharisoa
longtemps n’ont pas été pris en compte.
L’expression « enfant gâté » pose la question de prioUne fois que ce critère est établi comme critère de politique publique, risation des problèmes de santé de façon provocatrice
la question de ce que cela produit se pose. Après plusieurs décennies sans la traiter au fond. Les personnes qui fument, qui
de politiques spécifiques aux maladies rares, en particulier en France, ont un cancer des poumons et qui sont traités pour cette
il importe de s’interroger sur ce que ces politiques redistribuent vers maladie pourraient aussi être considérées comme des
la société, sous forme de bénéfices en matière de recherche, de ges- enfants gâtés de la médecine. Lorsque l’épidémie de Sida
tion des affaires publiques pour d’autres catégories de pathologies et a commencé, d’aucuns considéraient que les malades
d’autres populations de malades.
n’auraient pas dû se livrer à certaines pratiques dont les
Le critère de rareté est tout à fait pertinent, pour autant qu’il soit conséquences médicales coûtent cher à la société.
discutable.
Les personnes atteintes de maladies rares ne sont pas
des enfants gâtés car elles ont été longtemps ignoAnne-Sophie Lapointe
rées. Des efforts spécifiques sont désormais faits à
Le critère de rareté est pertinent dans le sens où il répond à des leur endroit. La question de l’équilibrage des priorités
besoins. Les besoins non couverts dans le champ des maladies rares publiques et de l’allocation des ressources s’en est
sont plus importants que pour des maladies plus communes : errance trouvée transformée.
de diagnostic, maladies peu connues, malades isolés, absence de trai- En effet, il faut reconnaître que ce qui a été fait pour
tements. Au cours de ces 15 dernières années, la prise en compte de ce les maladies rares, par exemple en termes de soins, a
critère de rareté et de ses conséquences a permis de répondre à des des effets sur la prise en charge d’autres pathologies.
besoins. Les deux PNMR et le règlement de 1999 sur les médicaments Les recherches que j’ai effectuées avec mes collègues
orphelins ont pris en compte ce critère pour répondre aux besoins, montrent, par exemple, que des associations concernées
par des maladies non rares se réfèrent à ce qui est fait pour
notamment celui d’avoir des thérapies.
les maladies rares, et réfléchissent à la transposition de
Gilles Roche
certaines solutions, par exemple les centres de référence.
La notion de maladies rares a permis de les rendre visibles et de s’en
occuper. Après avoir été négligés, les patients atteints de maladies Pierre Le Coz
rares seraient-ils paradoxalement devenus les enfants gâtés de la Pour prolonger ce qui a été dit, il faut rappeler que
médecine, comme j’ai pu l’entendre dire de façon surprenante ?
l’une des caractéristiques de la maladie rare est d’être
souvent précédée par une période d’errance diagnosBrigitte Chabrol
tique qui retarde la prise en charge. Cet aspect a été
L’expression « enfant gâté » est provocatrice et non adaptée car ces fortement souligné par Marie-Hélène Boucand qui a
personnes sont atteintes d’une maladie rare. L’organisation des soins soutenu cette année une thèse sur les maladies rares.
très particulière mise en place grâce aux deux PNMR assure une recon- L’enquête qu’elle a menée pendant trois ans a montré
naissance et une lisibilité bien meilleures. En outre, la distribution sur que les patients subissent des dommages psychiques
le territoire national a considérablement évolué ces dernières années. spécifiques car leur maladie suscite autour d’eux peur,
Par ailleurs, les organisations mises en place ont permis de renforcer intrigue et incrédulité. Ils sont soulagés de savoir
des équipes. Il ne faudrait pas que cette évolution s’opère au détri- que leur maladie a un nom après une longue errance
ment d’autres équipes, car les ressources en termes de soins courants, diagnostique. Après cette phase où ils retrouvent un
d’équipes de soignants et de médecins sont limitées. Ce sujet est en peu espoir, les patients se rendent compte que les
49
thérapeutiques sont généralement limitées. Ils épuisent leur temps
et leurs ressources à essayer de se faire reconnaître comme des personnes à part entière au sein de la cité.
Florence Bordon-Pallier
La notion de rareté n’est pas pertinente d’un point de vue individuel,
car un malade atteint d’une maladie rare ou fréquente est un malade.
Du point de vue du traitement, le fait d’être atteint d’une maladie rare
ou fréquente n’assure pas qu’elle puisse être traitée et que le traitement soit accessible.
Gilles Roche
Il existe des maladies rares et des maladies ultra-rares. Si la société
a 100 euros à dépenser en recherche, en développement de produits
ou en paiement des médicaments et la prise en charge, faut-il privilégier l’égalité de l’accès à la prise en charge individuelle de tous les
patients, y compris ceux qui ont une maladie rare ? Ou la société doitelle raisonner au niveau global en allouant ces 100 euros de manière
aussi efficace que possible, probablement en mettant cette somme
plutôt sur une maladie fréquente ?
Pierre Le Coz
La valeur de justice admet deux composantes qui coexistent parfois avec difficulté : l’égalité et l’équité. L’égalité signifie que quels
que soient son âge, sa maladie, son statut socio-économique, l’être
humain a une valeur absolue. Notre dignité n’est pas tributaire des
contingences. L’égalité implique que la société fasse des efforts pour
réduire les disparités entre les bien-portants et les malades. La justice
consiste donc à lutter contre les discriminations, à affaiblir les écarts
entre les patients et les autres membres de la société.
La justice présente aussi une composante d’équité. Par exemple, si je
suis professeur à la faculté de médecine, l’égalité signifie pour moi que
tous les étudiants ont droit aux mêmes enseignements. Mais le sens de
l’équité implique qu’à l’issue du concours, seuls les 10 % qui auront
le plus souffert et lutté contre la tentation du divertissement auront
réussi. Grâce à l’étalon du mérite, il est possible de hiérarchiser les
étudiants sans attenter au principe de justice.
Or, en matière de santé, il n’est pas possible d’utiliser le critère du
mérite. Les égalitaristes-déontologistes mettent plutôt l’accent sur
le fait qu’on ne peut jamais complètement calculer les conséquences,
que celles-ci sont souvent aléatoires, qu’un effet microscopique produit par une recherche sur une maladie rare peut avoir un effet en
cascade sur des maladies plus fréquentes.
De leur côté, les utilitaristes cherchent à produire le plus grand bonheur pour le plus grand nombre de personnes, ce qui conduit, dans le
domaine de la santé, à réduire le plus possible de souffrances chez
le plus grand nombre de patients. Le bonheur de tous n’étant pas
possible, des décisions difficiles de priorisation doivent parfois être
prises, en privilégiant par exemple les personnes qui ont une plus
grande espérance de vie.
Le bon positionnement éthique se situe entre l’égalité que représente
l’école de pensée déontologiste, et l’équité qui est représentée par
50
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
celle des utilitaristes. La vision populationnelle de
l’homme doit sans cesse être mise en balance par la
vision personnalisée de l’homme pour éviter d’entrer
dans une logique sacrificielle
Gilles Roche
L’approche utilitariste nous ramène rapidement à des
raisonnements économiques. Or, les études d’efficience
doivent inclure des questions qui ne sont pas purement
économiques.
Florence Bordon-Pallier
Nous parlons de besoins médicaux, de traitements, des
besoins des patients. Si j’étais dans un fauteuil roulant,
je trouverais sans doute que les innovations permettant
d’accéder à mon domicile, de pouvoir écouter de la
musique et d’utiliser un GPS devraient être prises en
compte dans l’évaluation médico-économique de ma
maladie.
Anne-Sophie Lapointe
Je m’inscris beaucoup plus dans l’idée d’efficience que
dans la logique du plus grand nombre. Pour être efficient, il faut travailler par rapport à la singularité de
la personne et aux besoins pertinents par rapport à la
maladie. Ces besoins et critères pertinents doivent être
remontés par les personnes malades et leurs proches.
Ces critères donneront la valeur et l’efficience du médicament. Ils doivent pouvoir être utilisés dans l’évaluation thérapeutique du médicament et ensuite lors de
cette évaluation en vie réelle. Cette somme des singularités doit être appréhendée en prenant en compte cette
somme d’expérience des patients. Le grand nombre
n’apporte pas forcément la qualité du produit. Ce qui
compte, c’est d’être assuré d’avoir de bons critères
d’évaluation en dehors du critère principal d’innocuité
du médicament (safety). Dans ce contexte, les données
de qualité de vie des personnes malades devraient pouvoir être mieux prises en compte dans les évaluations
d’efficacité des traitements thérapeutiques.
Gilles Roche
Nous fonctionnons avec une enveloppe de ressources
finie. De nombreuses ressources ont été mobilisées
pour les maladies rares. À l’échelle de la société, cette
allocation de ressources a-t-elle été efficace ? Les
contribuables s’y retrouvent-ils ?
Vololona Rabeharisoa
Des évaluations seront sans doute nécessaires pour
répondre à votre question. Mais pour reprendre ce que
Anne-Sophie Lapointe vient de dire, je trouve la notion
Anne-Sophie Lapointe
La question de l’autonomie des associations se pose. Il
leur appartient d’être inventives pour aller chercher de
nouveaux modes de financement. De jeunes associations inscrivent leur action dans une dynamique extrêmement positive, notamment à travers du crowdfunding. Les associations les plus connues sont présentes
depuis la fin des années 1950.
RARE 2015
de rareté intéressante car elle oblige à s’interroger sur la singularité
de la situation de la personne, à la fois au plan médical et au plan
social. Le vrai défi des systèmes de santé, mais aussi des systèmes
d’éducation, est de faire en sorte que la singularité soit au cœur de
l’action tout en se souciant de la transposition possible d’une action
ou d’une solution vers d’autres situations. L’enjeu est de faire en sorte
que la singularité d’une situation puisse nourrir des réflexions sur les
solutions à mettre en place dans d’autres situations. Cette logique, qui
peut paraître abstraite, est en train de se développer dans différents
secteurs de l’action publique.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
TABLE RONDE 6
Gilles Roche
Je pensais à la maladie de Charcot, avec le célèbre
joueur de baseball Lou Gehrig. Sans cette célébrité, la
Pierre Le Coz
La singularité se reflète sur le visage. L’éthique commence lorsque collecte de fonds aurait été autrement plus difficile.
nous levons les yeux sur le visage de l’autre : tel est l’enseignement Est-ce juste ?
qui nous a été légué par Emmanuel Lévinas. Dans l’univers de la santé,
nous avons parfois tendance à raisonner en termes de retour sur inves- Pierre Le Coz
tissement et à nous focaliser sur la traçabilité. La démarche médicale Le lobbying suscite certaines inquiétudes chez nos
risque alors d’être dévoyée par l’intelligence administrative, parasitée concitoyens qui ont l’impression que des décisions
par une logique gestionnaire et protocolaire. Le risque est alors de touchant l’intérêt général se jouent dans des couloirs,
dissoudre l’humanité du patient dans des procédures et des items. ou que les dossiers sont livrés à des rapports de force,
Cette intelligence désincarnée nous conduirait presque à oublier que à des relations intertribales. Le lobbying comporte la
la personne a un visage. Quand une famille ne paie pas son électricité, menace d’empêcher l’expression de la volonté générale,
un agent administratif n’aura pas tellement de difficulté à décider qui est le fondement de la loi dans un État de droit. Le
de faire couper le courant ; il en sera tout autrement pour le techni- groupe d’intérêt qui prédomine est celui qui parle le
cien qui se rendra sur place et croisera le visage de la mère et de ses plus fort sur la place publique. Dès lors, l’universalité
enfants. Le médecin se retrouve parfois dans la même situation que républicaine se trouve biaisée. Pour éviter ce travers,
le technicien. La responsabilité pour autrui est le cœur de métier du une éthique de la discussion – c’est-à-dire une bonne
représentativité de tous les lobbyings – est nécessaire.
médecin et lui assigne sa vocation humaniste.
Il faudrait, de plus, veiller à la traçabilité des fonds et
Brigitte Chabrol
à l’équité de répartition des milieux associatifs pour
Je souhaiterais revenir sur la question initiale relative à l’impact médico- pondérer le risque de disparités.
économique. L’organisation des soins est prédéterminée. En revanche,
l’évaluation de l’apport ajouté pour un malade et sa famille des pres- Gilles Roche
criptions proposées. Un joli travail a été réalisé sur une population Le principe est intéressant, mais sa gestion pratique
d’enfants polyhandicapés suivis à Rabat au Maroc sans kinésithérapie pose question.
et sur une population d’enfants suivis à Paris avec des protocoles extrêmement clairs. En termes de qualité de vie, de rétraction de douleurs, Anne-Sophie Lapointe
les résultats observés chez les deux populations étaient comparables, En matière d’équité, nous avons besoin de locomovoire plus positifs à Rabat. Au sein de familles marocaines totalement tives. Certaines associations ont entraîné une dynaimpliquées, les grands-mères continuaient à faire des massages avec de mique positive dans le mouvement des maladies rares.
l’huile d’argan matin et soir. L’apport des sciences humaines doit être Celui-ci se serait structuré de manière bien différente
pris en compte dans les soins chroniques que nous mettons en place. sans l’AFM-Téléthon à la fin des années 1980. L’AFMNous devons vraiment sortir d’un schéma classique.
Téléthon a en effet beaucoup poussé les associations
à se créer pour que les gens s’autonomisent et se
Gilles Roche
prennent en charge par rapport à leur pathologie. Ce
Des ressources ont été allouées aux maladies rares. Pour autant, mouvement d’impulsion était très positif et le reste
celles-ci ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Si un enfant encore. Il est à noter que le règlement de 1999 pour le
de star est atteint d’une maladie donnée, celle-ci bénéficiera d’une médicament orphelin doit beaucoup à l’action imporreconnaissance extraordinaire, voire de ressources financières sup- tante d’Eurordis. Eurordis a été créé en 1997 grâce à
plémentaires. Les associations de patients qui n’ont pas de star ou l’action conjointe de Vaincre la Mucoviscidose, la Ligue
qui n’ont pas su médiatiser leur cause disposeront de ressources plus contre le Cancer, l’AFM-Téléthon et Aides. Il y a un réel
limitées. N’y a-t-il pas là une certaine injustice ?
accompagnement et une transmission de savoirs et de
51
connaissances entre les plus grosses associations et des plus petites.
Les réunions inter-membres de l’Alliance Maladies Rares (Rime)
servent à partager les informations et à former toutes les associations
maladies rares qui le souhaitent.
Gilles Roche
Nous parlons de la responsabilité de la société vis-à-vis des patients
qui ont une maladie rare. À l’inverse, les associations de patients ontelles une responsabilité vis-à-vis de la société ? Le militantisme d’un
groupe peut-il aller contre l’intérêt global de la société ?
Vololona Rabeharisoa
Le lobbying est une activité professionnelle reconnue qui répond à une
codification précise, sauf en France. Les lobbies sont des acteurs parmi
d’autres, et il ne faut pas confondre lobbying et construction de nos
intérêts collectifs. Ceux-ci se construisent ensemble par des discussions, des négociations et, parfois, des renoncements ; ils ne sont pas
posés tels quels devant nous. Aussi paradoxal que cela puisse paraître,
je dirais qu’il en va de même de nos intérêts particuliers : ils ne sont
pas donnés ; nous les découvrons en discutant avec d’autres. Telle
suggestion faite par un tel peut nous conduire à prendre conscience
de nos intérêts individuels. Pour sortir des oppositions, il faut remettre
au cœur de la discussion les modalités que nous nous donnons pour
construire ensemble nos intérêts collectifs.
Les associations de patients ont bien sûr un devoir vis-à-vis de la
société puisqu’elles sont les porte-parole des malades qu’elles réunissent. Les recherches que j’ai menées avec mes collègues montrent
que les associations remplissent pleinement leur devoir vis-à-vis de
la société : elles prennent leur part dans l’effort collectif, discutent au
sein de comités des modalités de prise en charge des malades, réfléchissent à la portée de leurs actions.
Mais j’aimerais ajouter que chacun doit exercer ses responsabilités, en
veillant à éviter que les uns se substituent aux autres. En particulier,
les autorités publiques, dont je déplore l’absence à cette table ronde,
ont un rôle à jouer et devraient contribuer à cette réflexion collective ;
les cliniciens ont aussi leur rôle à jouer. La difficulté est de trouver les
bonnes modalités pour définir ensemble qui fait quoi.
Gilles Roche
Nous avons invité plusieurs députés à cette table ronde, mais aucun
n’a répondu présent. Les représentants de l’autorité publique ont été
particulièrement absents à cette édition de RARE, alors qu’ils ont
davantage participé aux éditions précédentes de RARE. Les autorités
publiques sont dans une sorte de psychose à l’idée de se « compromettre » dans des événements auxquels participent des représentants
de l’industrie pharmaceutique. Espérons que cet état d’esprit ne
durera pas.
Pierre Le Coz
Au XIXe siècle, des sociologues et des philosophes se posaient la question de savoir si la démocratie naissante, basée sur la souveraineté
de l’individu, n’allait pas s’atomiser et se démembrer. Tocqueville
52
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
entre autres, s’est interrogé sur la construction d’une
société qui ne repose plus sur les liens traditionnels de
solidarité. Avec le recul, il semble que le foisonnement
des associations a permis d’empêcher l’atomisation
sociale. L’association a été le chaînon manquant entre
l’individu et l’État. Certes, l’individu tend à délaisser
l’intérêt commun, mais il peut encore s’intéresser
à la société via des micro-groupes dans lesquels il
s’implique.
Le milieu associatif peut toutefois conduire à des excès
lorsqu’il est traversé par des courants militantistes.
Ainsi, lors des débats sur la loi de bioéthique en 2004,
certaines associations ont cherché à inciter le législateur à autoriser le clonage thérapeutique, qui était
censé affranchir les patients de toutes sortes de maladies incurables. Aujourd’hui, plus personne n’évoque
cette solution. Par ailleurs, le déficit de recherche sur
les embryons a été, à l’époque, présentée comme un
obstacle à la mise au point de nouvelles thérapeutiques. Or, on sait que, depuis la fin des années 1990,
l’Angleterre n’a pas fait de progrès significatifs dans la
mise au point de thérapeutiques à partir de recherche
sur l’embryon. Il apparaît ainsi, avec le recul, que les
difficultés que rencontrent les chercheurs ne tiennent
pas au simple fait que la loi pose des limites. Il ne
suffit pas de changer la loi pour changer le destin des
malades.
Gilles Roche
La société française alloue un certain nombre de
ressources aux maladies rares pour la recherche fondamentale, le développement de médicaments et de
moyens de prise en charge, et la prise en charge des
produits à disposition. Les ressources allouées ont-elles
permis de répondre aux vrais besoins médicaux ?
Florence Bordon-Pallier
La recherche et le développement avancent avec des
hypothèses que les chercheurs testent. Les ressources
ont bien été utilisées puisque les outils mis en place
permettent d’augmenter le niveau de connaissance. En
outre, les chercheurs ont à leur disposition de nouvelles
hypothèses à tester qui pourraient mener à de nouvelles
thérapeutiques permettant d’améliorer la qualité de
vie des patients. J’ai l’impression que nous sommes
aujourd’hui dans la bonne dynamique.
Brigitte Chabrol
Au niveau de l’organisation hospitalière, la tarification particulière qui est appliquée incite les équipes
médicales à avoir des attitudes quelque peu « schizophréniques ». Au cours d’une même consultation de
30 minutes, elles peuvent en effet passer d’un paiement à l’acte puis
à une MIG ; et bientôt elles appliqueront le schéma pour les handicaps rares. La situation est donc complexe. L’argent dépensé a permis
d’améliorer l’état des hôpitaux publics et l’organisation des soins, ce
qui profite à l’ensemble des patients. L’évaluation finale de toutes
ces actions – en vue de leur reconduite – me semble particulièrement
complexe.
message : elle est capable de faire preuve de démesure
par amour pour l’humanité.
Pierre Le Coz
En dehors des questions d’allocations des ressources, on doit tenir
compte des bénéfices symboliques. Par exemple, en novembre 2005,
une greffe de la face a été réalisée dans le Nord de la France. Si
on raisonne en termes utilitaristes, on dira que les millions d’euros
investis dans cette opération auraient pu être utilisés pour résorber
une plus grande quantité de souffrances. Au lieu de faire ce calcul,
l’équipe médicale a pris en compte la singularité de la personne ; elle
l’a envisagée sous l’angle de sa dignité, de sa valeur inconditionnelle.
À travers cette opération, la société s’est adressée à elle-même un
De la salle
Le mot « démocratie » n’a pas été prononcé au cours de
cette table ronde.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
TABLE RONDE 6
RARE 2015
Gilles Roche
Quand on fait venir un enfant d’Afrique subsaharienne
pour l’opérer d’une cardiopathie congénitale, on peut
se demander si la même somme pourrait être utilisée
à nourrir des enfants et à traiter des diarrhées infectieuses. Le débat sur l’allocation des ressources est
Vololona Rabeharisoa
La question de la bonne allocation des ressources est une question compliqué car l’arbitrage entre l’individu et le groupe
classique d’économie politique ; elle n’est pas propre aux maladies est difficile.
rares. Cette question renvoie à une seconde question : la population
générale a-t-elle un égal accès aux services de soin ? Ma réponse à De la salle
cette question sera nuancée. En France, l’accès aux soins est pro- On parle beaucoup des fonds consacrés à la recherche
bablement sans égal par rapport à d’autres pays. Cependant, tout et aux médicaments, mais qu’en est-il des aides pour le
dépend de ce qu’on appelle soin, et ici, je voudrais prolonger les quotidien des patients et de leur famille ?
remarques de Brigitte Chabrol.
L’un de mes anciens doctorants, Pierre-André Juven, a réalisé une Gilles Roche
thèse remarquable sur l’histoire de la T2A dans les hôpitaux publics et Au cours de notre discussion, nous n’avons pas fait de
privés en France, thèse pour laquelle il vient d’obtenir le Prix Le Monde distinction entre la recherche, le développement, le
de la recherche universitaire 2015 en sciences humaines et sociales et remboursement des médicaments, le diagnostic, etc.
qui sera publiée aux Presses Universitaires de France. Il a en particulier Nous n’avons pas exclu les aides pour le quotidien.
étudié une action menée par l’association Vaincre la Mucoviscidose
qui s’était émue du fait que la T2A avait tendance à jouer en défaveur Pierre Le Coz
d’activités de soins non techniques et non réalisées à l’hôpital en pré- Effectivement, l’amélioration de la santé de la popusence du malade, par exemple la coordination de l’équipe infirmière lation ne se réduit pas à la recherche biomédicale et
avec l’école, l’éducation thérapeutique du patient, l’accompagnement à la distribution de médicaments ; elle doit conduire
des familles. Ces soins (au sens de « care » en anglais) ne figurent à mettre en œuvre tous les moyens susceptibles
dans aucune comptabilité. Les ressources sont probablement bien d’apaiser les maux du quotidien (ergothérapie, améallouées si l’on s’en tient aux actes techniques. Mais si on considère nagements urbains, etc.). Selon la définition de la
l’ensemble des activités nécessaires à une bonne prise en charge des santé donnée par l’Organisation mondiale de la santé,
patients, dont les effets sur la qualité de vie et le bien-être au quoti- la santé est « un état complet de bien-être physique,
dien sont importants, on peut légitimement se demander ce à quoi les mental et social ». Il s’agit d’une définition maximaressources ont été employées.
liste, peut-être un peu trop ambitieuse. La définition
de la santé par la négative comme « absence de
Anne-Sophie Lapointe
maladie ou de handicap » pourrait déjà constituer un
Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, les ressources louable objectif. Si les hommes pouvaient déjà s’en
consacrées au développement de médicaments doivent être allouées tenir à un principe de non-malfaisance, c’est-à-dire
sur la base de critères pertinents pour le malade ; ainsi, le gâchis dans se dispenser d’aggraver la souffrance que la vie se
des essais cliniques mal construits serait évité et l’efficacité du médi- charge de leur imposer, ce serait déjà un grand progrès
cament pourrait mieux être évaluée.
pour l’humanité.
Vololona Rabeharisoa
En philosophie politique, la démocratie revêt deux sens.
Le premier est l’égal accès de tous aux biens communs.
Le second pose la question de la prise en compte de la
voix de tous dans la fabrication des biens communs. Le
critère de rareté est très intéressant parce qu’il lie ces
53
deux définitions. Il a permis à une population longtemps à la marge
des espaces communs d’accéder à la connaissance et à la reconnaissance, à la médecine, à la citoyenneté pleine et entière. Dans le même
mouvement, le critère de rareté a constitué un ferment très important
de la démocratie au second sens que je viens de donner, c’est-à-dire
qu’il a permis de donner la parole et de faire compter des individus qui
étaient jusqu’ici sans voix. Nous devrons, je crois, faire advenir davantage encore cette seconde définition de la démocratie afin d’entendre
ce que les personnes à la marge de nos espaces communs ont à nous
dire. Il s’agit là du plus beau défi que nous offrent les personnes
atteintes de maladies rares.
Brigitte Chabrol
Cette table ronde reflète très bien l’intérêt du « travail ensemble ».
Chacun dans son domaine de compétence permet à tous d’avancer
dans le même sens. Le travail mené avec les associations depuis
ces dernières années a permis aux médecins de les connaître. Les
associations ne sont pas uniquement des acteurs de lobbying. La
connaissance du quotidien des patients permet d’essayer de les
soulager au mieux.
Florence Bordon-Pallier
Il est très important de souligner que nous travaillons tous ensemble.
Les entreprises ont appris à travailler avec des associations de
54
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
patients. Les premières n’apportent pas que des traitements aux maladies, mais elles offrent aussi une écoute
et une aide à tous les acteurs qui accompagnent les
patients.
En tant que partie intégrante de la société, les entreprises ont une responsabilité. Notre entreprise base
sa responsabilité sociétale sur plusieurs piliers, et
notamment la planète, l’éthique (en particulier dans les
essais cliniques) et les patients.
Gilles Roche
Il est bien de rappeler que les entreprises prennent très
au sérieux leur responsabilité sociétale et dédient des
équipes à ce domaine.
Nous arrivons au terme de cette table ronde, et
nous remercions chaudement nos experts pour leur
engagement, et la salle pour sa participation. ‡
LIENS D’INTÉRÊT
Florence Bordon-Pallier déclare être salariée de l’entreprise SanofiGenzyme.
G. Roche, V. Rabeharisoa, B. Chabrol, P. Le Coz, A.S. Lapointe déclarent
n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet
article.
médecine/sciences 2016 ; 32 (hors série n° 1) : 55
Xavier Tabary
Au cours de ces rencontres – une première pour ce qui me concerne –
j’ai entendu des échanges très riches et intelligents. L’humanité qui
se dégage de ces rencontres m’a procuré un grand bonheur. Je vous
donne rendez-vous en 2017, car Eurobiomed continuera à soutenir ces
rencontres sur les maladies rares. ‡
CONCLUSIONS DES RENCONTRES
Didier Lacombe
Nous remercions beaucoup Gilles Roche et Caroline Morel. Ces rencontres revêtent aujourd’hui une
importance significative et devront se poursuivre afin
de permettre les échanges entre acteurs du monde académique, du monde associatif et du monde industriel
dans le domaine des maladies rares.
RARE 2015
Conclusions
des rencontres
RARE 2015
médecine/sciences
www.medecinesciences.org
Nom/Prénom : .............................................................................................
Abonnement
Particuliers
Société : ......................................................................................................
.....................................................................................................................
Institutions
E-mail (obligatoire) : .......................................................................................
Étudiants*
d’EDP Sciences)
Enseignants*
ᆒ Je règle par CB (paiement en ligne sécurisé sur site cf. section « abonnements »)
ᆒ Je souhaite recevoir une facture
une publication du groupe
P + E ᆒ 539 € ᆒ 657 € ᆒ 668 €
1RXVFRQWDFWHU
P + E ᆒ 122 € ᆒ 172 € ᆒ 194 €
E
ᆒ Je joins mon chèque de règlement (libeller votre chèque à l’ordre
Reste
du monde
ᆒ 137 € ᆒ 137 € ᆒ 135 €
E
CP : ................................... Ville : ...............................................................
UE
P + E ᆒ 230 € ᆒ 312 € ᆒ 312 €
E
Adresse : .....................................................................................................
France
ᆒ 81 € ᆒ 81 € ᆒ 79 €
P + E ᆒ 152 € ᆒ 262 € ᆒ 282 €
E
ᆒ 108 € ᆒ 108 € ᆒ 107 €
P + E : Papier et Électronique
E : Électronique
04/16
OUI, je m’abonne à m/s
* joindre un justificatif
À retourner à : EDP Sciences - Service abonnement
17, avenue du Hoggar - P.A. de Courtaboeuf - 91944 Les Ulis Cedex A, France
Tél. : +33 (0)1 69 18 75 75 - Fax : +33 (0)1 69 86 07 65 - [email protected]
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
DOI : 10.1051/medsci/201632s113
55
Résumés des posters sélectionnés et présentés
à RARE 2015
Marine Berro, Cécile Colomban, Olivier Blin xOrphanDev, PiiCi-INT Secteur
de Pharmacologie Intégrée et Interface Clinique et Industrielle-Institut des
Neurosciences de la Timone (Aix-Marseille Université et UMR 7289 CNRS),
Marseille, France xwww.orphan-dev.org
En 2000, la communauté européenne a mis en place la désignation
médicament orphelin (ODD) afin d’inciter les laboratoires pharmaceutiques à développer des thérapies dans les maladies rares. 15 ans
après sa mise en place, ce dispositif est un succès, avec 1 406 ODD
accordées par la Commission européenne, et 97 Autorisations de
Mise sur le Marché (AMM) obtenues. Cependant, il reste mal connu du
secteur académique alors qu’il est souvent à l’origine de l’établissement de la preuve de concept et de la création des start-up ou PME.
L’obtention de l’ODD au cours du développement d’une molécule dans
une indication rare permet de bénéficier de nombreux avantages sur
le plan scientifique et financier : bénéficier de réduction des charges
(gratuit pour les PME) pour le « protocol assistance », la demande
d’AMM, et de 10 ans d’exclusivité commerciale après l’AMM. Tenir
compte des recommandations de l’Agence Européenne du Médicament
(EMA) (protocol assistance) permet de réduire le temps d’évaluation
des dossiers de demande d’AMM, le nombre d’objections majeures,
et d’améliorer les chances de succès des dossiers. Selon un bilan de
l’EMA, près de 30% des dossiers déposés n’obtiennent pas l’ODD (opinion négative ou retrait des dossiers au cours de la procédure). Ces
données mettent en évidence : 1) la nécessité d’expertiser les dossiers
en amont afin d’estimer leur recevabilité ; 2) l’intérêt d’être accompagné par une structure spécialisée dans ces démarches. OrphanDev,
plate-forme nationale labellisée FCRIN, est spécialisée dans les essais
cliniques maladies rares. Elle a pour vocation d’accélérer le développement des thérapeutiques orphelines. Elle a mis en place des outils
pour informer les acteurs du domaine (fiche pédagogique ; formation
« Orphan Drug & Rare Diseases Seminar »). En 2014, OrphanDev a
accompagné 11 porteurs de projet jusqu’à l’obtention de l’ODD, parmi
lesquels 6 ont répondu à l’appel à projet H2020 New therapies for rare
diseases. LIENS D’INTÉRÊT : AUCUN.
N° P42 xFormations « explique-moi les essais cliniques » : principes des essais cliniques enseignés aux
membres d’associations de malades dans le champ des maladies rares
Cécile Colomban1, Marine Berro1, Yolande Adjibi1, Leïla Bachir2, Allan Wilsdorf3, Eric Balez3, Laurent Chiche4, Marion Mathieu5 x1OrphanDev (INT, AMU et CNRS UMR
7289), Marseille ; 2F-Crin (Inserm UMS 015), Toulouse ; 3Association François Aupetit, Paris ; 4Hôpital Européen, Marseille ; 5Tous Chercheurs, Marseille, France x
[email protected]
Introduction : Les associations de patients jouent un rôle grandissant malades qui méconnaissent les possibilités de participation et restent
dans les essais cliniques. Elles peuvent faciliter la diffusion de l’infor- méfiants vis-à-vis d’un « système » perçu comme peu compréhenmation concernant la mise en place d’un essai clinique et motiver la sible. 19 membres, provenant de 14 associations de malades, ont
participation. Une meilleure connaissance des principes des essais participé à une première session de formation les 14 et 15 octobre
cliniques est souhaitable, notamment dans le domaine des maladies 2014 à Marseille.
rares. L’association Tous Chercheurs, OrphanDev/F-CRIN, et l’Asso- Résultats : La note globale de satisfaction donnée par les particiciation François Aupetit (AFA) ont initié, en octobre 2014, le projet pants a été de 16,7/20. Les participants ont particulièrement apprécié
novateur « Explique-moi les essais cliniques » sur le thème des essais l’interactivité et le caractère concret (tables rondes, mises en situation,
cliniques dans le champ des maladies rares.
rencontre des différents acteurs des essais cliniques). Les échanges ont
Méthode : Le projet comportait deux volets : d’une part, la mise été riches, notamment lors de la table ronde sur les rôles potentiels des
en place d’une formation et, d’autre part, la réalisation d’un film. membres d’associations de malades dans la mise en place et la réussite
L’objectif de la formation, d’une durée de deux jours, était de donner de ces essais aux différentes étapes : recrutement des patients, rédacdes clés de compréhension aux membres d’association sur les grands tion du consentement, relais de l’information au sein de leur associaprincipes des essais cliniques. Durant la formation, l’AFA a réalisé un tion. Une seconde session a été planifiée en septembre 2015 et la diffilm éducatif sur les essais cliniques pour répondre à la demande de fusion du film éducatif sera pour début 2016. LIENS D’INTÉRÊT : AUCUN.
56
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
RARE 2015
Céline Angin1, Amélie Ruel1, Claude Messiaen1, Rémy Choquet1,2, Paul Landais3
x 1Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR), Paris ; 2LIMICS, Inserm
UMRS_1142 ; 3BESPIM, CHU de Nîmes, France [email protected]
Les centres maladies rares doivent à la fois assurer une mission
de soin, de recherche et de surveillance épidémiologique. Pour
répondre à ces besoins, une multitude de bases de données, aux
finalités différentes, ont été créées. Mais leur grand nombre et
l’absence d’interopérabilité rend leur mise en œuvre (collecte,
qualité, exploitation) et leur maintenance difficiles. La mise en
place de la BNDMR et des filières de santé à l’occasion du PNMR2
sont une opportunité pour mieux appréhender le paysage des
bases de données maladies rares. Ainsi, une enquête auprès des
centres de référence, avec l’appui des FSMR, a été menée du 20
mai au 30 juin 2015. L’objectif était de mieux décrire les bases
de données, leurs finalités, les catégories de données collectées
et la charge de travail induite pour la collecte et l’exploitation
de ces bases. Au 10 juin 2015, 128 bases de données avaient été
recensées. Une grande disparité était observée entre les filières,
qui identifiaient de 1 à 25 bases. Les résultats seront analysés
en regard des autres recensements effectués par Orphanet et le
portail des registres d’AVIESAN. Les données consolidées seront
présentées en septembre 2015 à l’ensemble des acteurs. Cette
enquête permettra de mieux décrire le paysage des bases de
données nécessaires aux professionnels des centres maladies
rares pour les missions qui leurs sont confiées. Des stratégies
nationales pourront ainsi être établies par les FSMR pour les prochaines années : nouveau recueil, adaptation de bases existantes,
mutualisation de bases et de ressources entre centres et sites. La
multiplication des outils est un frein à leur mise en œuvre effective et le grand nombre de maladies ainsi que la spécialisation des
réseaux rendent cependant leur intégration difficile. Des outils
d’interopérabilité sont proposés par la BNDMR mais ne couvrent
pas tout le champ des besoins recensés. LIENS D’INTÉRÊT : AUCUN.
N°P38 x OrphanDev, plate-forme accélératrice
du développement des médicaments orphelins
RÉSUMÉS DES POSTERS
N° P36 xUne enquête nationale pour mieux décrire
le paysage des bases de données existantes
dans les centres de référence maladies rares
Présentations d’entreprises
AMATSIGROUP
RÉSUMÉS DES POSTERS
RARE 2015
A
matsigroup est une société française spécialisée dans le développement pharmaceutique de produits à usage humain et vétérinaire.
Les expertises et capacités des différents sites opérationnels d’Amatsigroup sont intégrées pour permettre d’accompagner les projets tout
au long des phases précliniques et cliniques. Les prestations incluent ainsi le screening de formulations, la fabrication de lots pilotes, de lots
cliniques voire même de lots commerciaux pour certains produits prescrits pour des maladies rares. Amatsigroup intervient également dans la
génération de données analytiques nécessaires aux différentes étapes de développement et à la validation réglementaire d’un produit pharmaceutique sur les différents marchés internationaux.
L’offre est segmentée stratégiquement autour des 4 axes suivants :
· Bioservices (études in vivo et bioanalyse préclinique et clinique).
· Analyses pharmaceutiques (développement analytique, études de stabilité et contrôle qualité des principes actifs et des produits finis).
· Développement de formulation et fabrication de lots de petites tailles (formes injectables et formes solides).
· Conditionnement secondaire, étiquetage d’unités thérapeutiques et distribution sur sites cliniques.
Le design et la gestion des projets de développement pharmaceutique sont sous le contrôle de l’équipe CMC & Affaires réglementaires intégrée
au sein d’Amatsigroup.
Les équipes hautement qualifiées ont participé sur les 15 dernières années au développement de plus de 30 médicaments à usage humain et de
20 produits vétérinaires. Aujourd’hui, les sites Amatsigroup regroupent plus de 250 collaborateurs basés en Europe et aux États-Unis.
Un outil adapté aux petites séries et une grande flexibilité opérationnelle font d’Amatsigroup un partenaire privilégié pour de nombreux intervenants dans les médicaments pour les Maladies Rares.
http://www.amatsigroup.com/
CYTEL
L
e développement clinique de médicaments et de dispositifs médicaux est crucial pour le bien-être humain. Cytel a à cœur d’aider ses clients
dans cette entreprise en améliorant la conception et la mise en œuvre des essais cliniques grâce à l’application d’outils innovants en statistiques, la recherche de l’excellence opérationnelle, et la technologie de l’information. C’est la volonté exprimée par les deux co-fondateurs de
Cytel, Cyrus Mehta et Nitin Patel, depuis sa création en 1987.
Les services proposés par Cytel incluent les activités suivantes :
· Consulting (Designs adaptatifs et non-adaptatifs).
· Programmation et Analyses Statistiques.
· Randomisation.
· Développement EDC & IWRS (Rave/InForm/eCOS).
· Data Management.
· Gestion des Comités de Revue des Données (DMC) (incluant la sélection et la gestion des contrats avec les experts).
· Migration CDISC (SDTM, ADaM).
· Rédaction médicale.
· Support pour les soumissions réglementaires (ISS/ISE, CSS/CSE).
Cytel est aujourd’hui présent sur les continents Américain, Européen et Asiatique et bénéficie, quelle que soit la localisation du support,
d’équipes aguerries aux essais cliniques, expérimentées et bénéficiant d’une solide formation.
Avec l’accord de Raptor Pharmaceutical Corporation, nous évoquerons un exemple d’étude pédiatrique dans le domaine des maladies rares,
domaine qui nous est cher : PROCYSBI®. Ce produit est prescrit dans le traitement de la Cystinose Néphropathique. Cytel a conçu le design adaptatif de l’essai pivot et a défendu ce design avec succès auprès de la FDA et de l’EMA. La programmation et l’analyse statistique, la rédaction du
rapport d’étude clinique, mais également la migration des données au format CDISC (6 études) et la préparation des ISS/ISE pour la soumission
ont été assurés par Cytel (http://www.cytel.com/case-studies/clinical-data-and-trial-design).
Cette étude a été couronnée de succès avec l’autorisation de mise sur le marché obtenue en Europe (MAA) mais également aux États-Unis
(NDA) en 2013. Nous présenterons ses enjeux, ses challenges, les solutions apportées par Cytel et en particulier le design adaptatif innovant
mis en place pour cette étude.
GENZYME
D
écouvrir et mettre au point des traitements innovants qui améliorent significativement la vie des malades pour lesquels les besoins médicaux sont insuffisamment ou non couverts est notre vocation. Cet engagement de plus de 30 ans dans les maladies rares constitue le cœur de
métier historique de Genzyme.
Genzyme fut le premier laboratoire à proposer un traitement enzymatique substitutif contre la maladie de Gaucher, une avancée thérapeutique
sans précédent qui a transformé la vie des patients et s’est imposée comme la norme de soin pour cette pathologie. L’expertise de Genzyme en
génie génétique et en production de protéines recombinantes a permis la fabrication à grande échelle de traitements enzymatiques substitutifs
pour plusieurs maladies lysosomales jusqu’alors incurables : la maladie de Gaucher, la maladie de Fabry, la maladie de Pompe et la mucopolysaccharidose de type I (MPSI).
Genzyme s’est alors imposé comme un pionnier, tous les traitements enzymatiques substitutifs de Genzyme ayant été les premiers traitements
disponibles pour ces patients et sont parfois, aujourd’hui encore, les seuls.
Notre volonté de tenter et d’entreprendre pour les patients ne s’est jamais relâchée, y compris dans les maladies dans lesquelles nous sommes
déjà présents. Cette ténacité à comprendre les difficultés et les besoins des patients inspire nos scientifiques et tous nos collaborateurs. Dans
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
57
réée en 2000, Inserm Transfert est la filiale de droit privé détenue à 100% par l’Inserm, disposant d’une Délégation de Service Public de ce
dernier pour ses activités de transfert de technologies et de connaissances.
Inserm Transfert gère ainsi la valorisation et le transfert des technologies et des connaissances issues des laboratoires de recherche de l’Inserm
vers l’industrie, depuis la déclaration d’invention jusqu’au partenariat industriel. Au service des chercheurs de l’Inserm, elle propose aussi ses
services dans le montage et la gestion de projets européens et internationaux ; elle dispose d’un savoir-faire unique en matière de projets de
grande envergure en santé publique, pour des cohortes et des biobanques. Enfin, depuis 2009, elle gère une enveloppe de maturation annuelle
d’environ 2 M€.
Inserm Transfert est un partenaire privilégié des industriels (grands groupes, PME ou start-ups) en santé humaine opérant à l’échelle nationale
ou internationale. Ce dispositif de l’Inserm en matière de valorisation, outre Inserm Transfert, est complété par le fonds d’amorçage dédié aux
sciences de la vie, Inserm Transfert Initiative.
Forte de ses expertises métiers reconnues en matière de valorisation en santé humaine, Inserm Transfert s’inscrit dans le continuum translationnel, de la recherche fondamentale et technologique à la recherche clinique, pour une création de valeur économique et sociétale bénéficiaire à l’Inserm et à ses partenaires ; elle intervient dans tous les domaines de recherche abordés par les équipes de recherche de l’Inserm,
dont les maladies rares.
Inserm/Inserm Transfert en chiffres (2014) :
1 279 familles de brevets.
34 projets en gestion (7e PCRD & Horizon 2020).
36 nouveaux projets de maturation financés dans l’année (2,4 M€).
8 nouveaux projets de start-ups ; 3 partenariats stratégiques industriels d’envergure ; nouveaux partenariats industriels pour 3 cohortes.
33,5 M€ de revenus rapportés à l’Inserm.
www.inserm.fr
www.inserm-transfert.fr
www.it-initiative.fr
Orphan Europe (Recordati Group)
aboratoire pionnier, fondé en France en 1990, avec pour objectif de fournir des traitements aux personnes atteintes de maladies rares,
Orphan Europe devient Orphan Europe groupe Recordati suite à son acquisition en 2007.
Bénéficiant des ressources d’un groupe international, Orphan Europe Recordati Group est entièrement dédié à la recherche, au développement,
à la fabrication et à la commercialisation de produits pharmaceutiques. Avec maintenant 25 années d’expérience, 8 médicaments innovants
(dont 3 bénéficient d’une ASMR I et 2 d’une ASMR 2) sur le marché et d’autres en cours de développement, la motivation des 175 employés
répartis sur tous les continents est chaque jour nourri par la conviction que chaque patient atteint d’une maladie rare doit pouvoir bénéficier
du meilleur traitement.
Au fil des années, Orphan Europe Recordati Group s’est développé à travers le monde, d’abord en Europe avec des filiales dans tous les pays
européens puis sur tous les continents avec notamment des filiales au Moyen Orient, aux États-Unis, en Russie et plus récemment au Brésil, au
Mexique et en Colombie.
Depuis 25 ans, le groupe s’est enrichi d’une expérience inégalée dans le développement de médicaments dans les maladies rares, de la
mise en place d’essais cliniques soumis aux exigences réglementaires et de production spécifique jusqu’à sa distribution à travers le monde
entier.
Tout en contribuant activement au développement des registres, des associations de patients, d’échanges entre experts ou de professionnels
de santé, Orphan Europe Recordati Group s’engage également à fournir une offre de formation à travers des sessions pédagogiques (Recordati
Rare Diseases Fondation d’entreprise - http://www.rrd-foundation.org/fr), ayant pour objectif d’aider à la connaissance et ainsi d’améliorer le
diagnostic et la prise en charge des maladies rares.
www.orphan-europe.com
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m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
PRÉSENTATIONS D’ENTREPRISES
INSERM TRANSFERT
C
L
RARE 2015
la maladie de Gaucher, après 15 ans de recherche, nous développons actuellement une petite molécule par voie orale, une avancée majeure
dans la vie des patients.
Une petite molécule orale est également en développement dans la maladie de Fabry, complétant ainsi l’offre de soin. Dans la maladie de
Pompe, nous travaillons sur le développement d’une nouvelle enzyme de 2e génération. Le développement clinique d’une enzymothérapie dans
la maladie de Niemann-Pick de type B, maladie lysosomale sans traitement, permet d’envisager là-aussi un nouvel horizon pour les patients
en attente de traitement.
En France, nous nous sommes ouverts à des partenariats avec la Fondation Maladies Rares et l’Institut Hospitalo-Universitaire Imagine de
Necker, notamment, afin de faciliter le passage de la recherche fondamentale à la phase d’essais cliniques d’un plus grand nombre de médicaments candidats et de permettre aux traitements d’arriver rapidement au chevet des patients.
Genzyme bénéficie, au sein du Groupe Sanofi, de la taille et des ressources de l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du monde,
avec laquelle elle partage le même engagement au service des patients et la volonté d’améliorer leur qualité de vie.
www.genzyme.fr
RARE 2015
PRÉSENTATIONS D ENTREPRISES
L’
Le LFB, laboratoire des maladies rares
P
PFIZER : UNE RECHERCHE POUR TOUS
S
SHIRE
engagement du groupe LFB dans le domaine des maladies rares constitue un axe structurant et pérenne de l’activité du Groupe.
Le groupe LFB réalise plus des deux tiers de son activité dans le domaine des maladies rares : plus de 70% des médicaments LFB prescrits le sont
à des patients atteints d’une maladie rare. Depuis sa création en 1994, le LFB a ainsi permis de prendre en charge des centaines de milliers de
patients atteints de maladies parfois très rares (quelques dizaines de patients), appelant une prise en charge chronique, dans les domaines de
l’immunologie, de l’hémostase et de la pneumologie principalement.
Les investissements importants du groupe LFB dans la recherche et développement, pour développer de nouvelles protéines thérapeutiques et
des thérapies innovantes, sont un pilier de l’engagement du Groupe dans le domaine des maladies rares. Plus de la moitié des investissements
en R&D sont dédiés à des médicaments ayant une indication potentielle dans une maladie rare. Aujourd’hui, quatre médicaments sont en
développement clinique avancé pour enregistrement en Europe ou aux États-Unis, avec des indications potentielles dans des maladies rares.
Le groupe LFB est un acteur industriel ambitieux dans le domaine des thérapies innovantes, produisant des médicaments dans ce domaine pour
répondre à des situations précises, parfois sans solution thérapeutique.
Enfin, le LFB est un partenaire de longue date et pérenne d’acteurs institutionnels majeurs du domaine des maladies rares, notamment en
France, Alliance Maladies Rares, et au niveau européen, EURORDIS. Le LFB est un partenaire important d’ORPHANET depuis plusieurs années
également, nonobstant les nombreux partenariats du groupe avec différentes associations de patients dans le domaine des maladies rares.
Poursuivre son engagement dans le domaine des maladies graves et rares est une volonté stratégique du groupe LFB, en France comme à l’international où le groupe réalise aujourd’hui le tiers de son activité.
fizer, groupe leader pharmaceutique, construit depuis plusieurs années une expertise dans différents domaines thérapeutiques majeurs, ce
qui lui permet aujourd’hui d’être reconnu comme la référence des sociétés biopharmaceutiques innovantes :
· Pfizer compte parmi les portefeuilles de médicaments les plus larges des laboratoires pharmaceutiques (16 domaines thérapeutiques,
130 produits) en commercialisant des produits reconnus pour leur qualité et pour lesquels la sécurité des patients est une priorité absolue.
· Aussi, Pfizer développe des médicaments innovants (jusqu’à 3 lancements par an) issus d’un pipeline riche de plus de 80 molécules dans différentes
aires thérapeutiques pour lesquelles les besoins médicaux restent insatisfaits (cancer, vaccins, maladies rares, neurosciences/immunologie…).
Pfizer s’engage mondialement dans la recherche et le développement de médicaments orphelins, l’amélioration de l’aide au diagnostic et l’accès au
traitement du plus grand nombre de patients ; en tenant compte de leur diversité et leurs besoins à chaque étape de leur vie. Dans ce but, Pfizer soutient, auprès des différents acteurs impliqués dans la prise en charge des maladies rares, une politique adaptée à leurs spécificités. En effet, améliorer
le quotidien des patients atteints de pathologies rares doit être l’ambition de TOUS. Pour ce faire, Pfizer se mobilise autour de trois axes prioritaires :
· Développement de nouveaux médicaments : Pfizer met au service des patients son expertise et ses ressources pour répondre aux besoins médicaux non couverts, en témoigne un portefeuille de médicaments étoffé incluant des thérapies dans des aires thérapeutiques aussi diverses que
l’hémophilie, l’endocrinologie, l’hypertension pulmonaire artérielle, l’amylose, etc. L’investissement récent de Pfizer à travers des partenariats
de co-développement avec des entreprises de biotechnologies telles qu’Opko et Spark Therapeutics démontre la volonté de Pfizer de se positionner comme acteur incontournable dans le traitement de pathologies rares.
· Partenariats et programmes de recherche : Pfizer est particulièrement engagé auprès de professionnels de santé et d’unités de recherche via
le développement de partenariats de recherche clinique ou fondamentale. Pfizer soutient également des programmes d’accompagnement et de
développement dédiés aux professionnels de santé engagés dans les maladies rares. Depuis 2012, plus de 60 projets en endocrinologie, hémophilie et HTAP ont été menés à bien grâce à l’engagement de Pfizer.
· Soutien des associations de patients : comprendre, améliorer et accompagner le quotidien des patients est notre ambition majeure, c’est
pourquoi Pfizer soutient et accompagne les associations de patients impliquées dans la prise en charge thérapeutique, au niveau européen
(EURORDIS) mais également au niveau national. Près de 30% des dons associatifs ont été attribuées à des organismes dédiés aux maladies
rares. Nous les accompagnons dans leurs missions, les aidons à construire et promouvoir leurs projets, notamment à travers la mise en place de
colloques, de sessions de formation ou encore la création de fiches pratiques.
hire ambitionne de devenir une société de biotechnologie mondiale fournissant principalement des médicaments à des patients atteints de
maladies rares. Nous sommes soucieux de travailler avec la communauté Maladies rares dans le but de trouver des solutions de traitement pour
les maladies rares pour lesquelles il n’existe pas de thérapies satisfaisantes et de permettre aux personnes atteintes de ces maladies affectant
leurs conditions de vie, de vivre mieux. Cela signifie que nous nous concentrons sur le développement de traitements pour des maladies pour
lesquelles l’impact de nos médicaments peut faire une différence en proposant une « thérapie » offrant de nouvelles perspectives aux patients
atteints d’une maladie rare telle que le syndrome de Hunter, les maladies de Fabry, de Gaucher et l’angio-œdème héréditaire (AOH).
Nous travaillons en partenariat avec des médecins, des patients, des professionnels de santé et des responsables politiques au niveau mondial,
pour nous assurer que les patients aient accès à nos thérapies innovantes et au support dont ils ont besoin. Aujourd’hui, les personnes atteintes
de maladies rares peuvent accéder à nos médicaments dans presque 70 pays.
L’innovation est au centre de notre croissance future dans les maladies rares, stimulant la recherche dans des activités visant à améliorer la compréhension de l’histoire des maladies génétiques rares et s’appuie sur une équipe de Recherche et Développement (R&D) interne dédiée. Notre expertise dans la
découverte de nouvelles thérapies pour des maladies génétiques rares engageant le pronostic vital, ainsi que dans le développement de médicaments pour
les patients traités par des médecins spécialistes, confirme notre dévouement constant envers les patients et les professionnels de santé qui les prennent
en charge. Au travers d’une collaboration et d’un partenariat permanent avec les médecins et les autres responsables de santé, nous bâtissons une offre
de médicaments qui, nous l’espérons, améliorera réellement la vie des patients, maintenant et dans le futur. Nos programmes actuels de recherche se
concentrent principalement sur la leucodystrophie métachromatique, l’ataxie de Friedreich, et la maladie de Sanfilippo de type A.
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
59
Liste des acronymes
• ACMG : American college of medical genetics and genomics
• AERES : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
• AFH : Association française des hémophiles
• AFSSAPS : Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits
de santé
• ALD : Affection de longue durée
• AMM : Autorisation de mise sur le marché
• ANPGM : Association nationale des praticiens de génétique moléculaire
• ANR : Agence nationale de la recherche
• ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
• ANTEL : Association nationale de télémédecine
• AP-HP : Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
• ARIIS : Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé
• ARS : Agence régionale de santé
• ASGH : American society for human genetics
• ASMR : Amélioration du service médical rendu
• ATU : Autorisation temporaire d’utilisation
• ATUc : ATU de cohorte
• ATUn : ATU nominative
• BaMaRa : Base de données maladies rares
• BNDMR : Banque nationale de données maladies rares
• BPF : Bonnes pratiques de fabrication
• CE : Commission européenne
• CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
• CEESP : Commission d’évaluation économique et de santé publique
• CENGEPS : Centre national de gestion des essais de produits de santé
• CEPS : Comité économique des produits de santé
• CER : comité d’évaluation des registres
• CEREDIH : Centre de référence déficits immunitaires héréditaires
• CHMP : Committee for medicinal products for human use
• CIC : Centre d’investigation clinique
• CIR : Crédit d’impôt recherche
• CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie
• CNAMTS : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés
• CNCR : Comité national de coordination de la recherche
• CNR : Centre national de référence
• CNSS : Caisse nationale de sécurité sociale
• Cospro : Comité de suivi et de prospective
• CPOM : Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens
• CPP : Comité de protection des personnes
• CRMR : Centres de référence maladies rares
• CRO : Contract research organisations
• CT : Commission de la transparence
• DCF : Discounted cash flow
• DGOS : Direction générale de l’offre de soins
• DGRI : Direction générale de la recherche et de l’innovation
• DGS : Direction générale de la santé
• DSS : Direction de la sécurité sociale
• DU : Diplôme d’université
• EFPIA : Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques
• EMA : European medicines agency (Agence européenne du médicament)
• EPHP : Établissement pharmaceutique des hôpitaux de Paris
• ESID : European Society for immunodeficiencies (Société européenne des
déficiences immunitaires)
• ETP : Éducation thérapeutique des patients
• EUCERD : European union committee of experts on rare diseases (Comité
européen d’experts sur les maladies rares)
• EuNetHTA : Réseau européen pour l’évaluation des technologies de santé
• FBU : Fiche de bon usage
• FSMR : Filières de santé maladies rares
• FUT : Fiche d’utilisation thérapeutique
• GHS : Groupe homogène de séjours
• GIS : Groupement d’intérêt scientifique
• GMP : Good manufacturing practice
• HAS : Haute autorité de santé
60
m/s hors série n° 1, vol. 32, avril 2016
• HCERES : Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur
• HCSP : Haut conseil de la santé publique
• HTA : Health technology assessment
• IAPO : Association internationale des associations de patients
• IGAS : Inspection générale des affaires sociales
• IHU : Institut hospitalo-universitaire
• IME : Instituts médico-éducatifs
• IMI : Innovative medicines initiative
• INCa : Institut national du cancer
• Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale
• INvS : Institut de veille sanitaire
• IRDiRC: International rare diseases research consortium
(Consortium International de recherche sur les maladies rares)
• IRM : Imagerie par résonance magnétique
• ISI : Innovation stratégique industrielle
• ITR : Index thérapeutique relatif
• JEI : Jeune entreprise innovante
• LEEM : Les entreprises du médicament
• MAIA : Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades
d’Alzheimer
• MALO : Centre national de référence des malformations ORL rares
• Mas : Maison d’accueil spécialisée
• MDPH : Maison départementale des personnes handicapées
• MERRI : Missions d’enseignement, de recherche, de référence
et d’innovation
• MIG : Missions d’intérêt général
• MIGAC : Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation
• MRSEI : Montage de réseaux scientifique européens ou internationaux
• NGS : Nouvelles générations de séquençage
• PAI : Projet d’accueil individualisé
• PCN : Point de contact national
• PCRD : Programme cadre de recherche et développement
• PFMI : Plates-formes mutualisées d’innovation
• PHRC : Programme hospitalier de recherche clinique
• PI : Propriété intellectuelle
• PIIS : Projet individuel d’intégration scolaire
• PIP : plans d’investigation pédiatrique
• PMSI : programme médicalisé des systèmes d’information
• PNDS : Protocoles nationaux de diagnostic et de soins
• PNMR : plan national maladies rares
• PPP : Partenariat public-privé
• PRAC : Comité pour l’évaluation des risques en matière de
pharmacovigilance
• PRS : Projets régionaux de santé
• PRTS : Programme de recherche translationnelle en santé
• PSPC : Projets de R&D structurants des pôles de compétitivité
• PTT : Protocole de traitement temporaire
• PUT : Protocole d’utilisation thérapeutique
• RaDiCo : Rare disease cohorts
• RCP : Résumés des caractéristiques du produit
• RTU : Recommandation temporaire d’utilisation
• SATT : Société d’accélération du transfert de technologies
• SEED: Shaping European early dialogues for health technologies
• SHS : Sciences humaines et sociales
• SIBA : Société d’investissement de business angels
• SMR : Service médical rendu
• SNS : Stratégie nationale de santé
• T2A : Tarification à l’activité
• TIC : Technologies de l’information et de la communication
• UNAPEI : Union nationale des associations de parents, de
personnes handicapées mentales et de leurs amis
• UnetHTA : European network for health technology assessment
(Réseau européen d’évaluation des technologies de santé)
• VIH : Virus de l’immunodéficience humaine
• VML : Vaincre les maladies lysosomales
Les partenaires du numéro m/s hors série RARE 2015