Document 4 - Immigration, Diversité et Inclusion Québec

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Document 4 - Immigration, Diversité et Inclusion Québec
Direction des communications
DATE :
Le 29 avril 2016
OBJET : Exemples d'activités de communication publique en matière de lutte contre la
radicalisation menant à la violence
1. Mise en contexte
Les activités de communication publique menées à travers le monde dans le cadre de
la lutte contre la radicalisation menant à la violence prennent diverses orientations et
visent à atteindre des objectifs différents. Dans certains cas, il s'agit de mener une
offensive directe contre les recruteurs terroristes en publiant sur les médias sociaux
des contre-discours aux messages propagandistes. D'autres campagnes visent à
proposer aux citoyens ou aux intervenants des outils de détection et de prévention de
la radicalisation menant à la violence (quels sont les signes de radicalisation, où
s'adresser en cas de doute ou de crainte, etc.). Certaines initiatives favorisent plutôt
l'éducation, la sensibilisation ou la participation citoyenne dans le but de contrer le
développement des conditions propices à la radicalisation d'individus vulnérables.
Dans le cadre du plan d'action gouvernemental 2015-2018 de lutte contre la
radicalisation, la stratégie de sensibilisation favorisant la cohésion sociale, l'inclusion et
le mieux vivre-ensemble est inscrite dans l'axe « Vivre-ensemble ».
2. Quelques exemples d'activités de communication publique menées à
l'extérieur du Québec
France : Stop Djihadisme1
http://www.stop-djihadisme.gouv.fr/
Lancée à la fin du mois de janvier 2015, l'initiative Stop Djihadisme du gouvernement
français a mené à la mise en service d'un numéro de téléphone permettant le
signalement d'individus qui serait en voie de se radicaliser et de permettre de répondre
à des questions en lien avec la radicalisation. Un site Internet offre de l'information sur
la radicalisation, la menace terroriste, les moyens déployés par l'État pour contrer ces
phénomènes et les techniques de recrutement employées par les organisations
extrémistes. D'autres moyens de communication ont été développés, dont une
brochure, des vidéos et une présence sur les médias sociaux (Twitter 6 947 abonnés,
Facebook 12 588 admirateurs).
Plusieurs éléments de cette campagne ont été tournés en dérision, autant en France
qu'à l'étranger. Par exemple, l'utilisation d'une image de pain baguette pour illustrer les
possibles changements de comportement d'individus en cours de radicalisation a fait
l'objet de nombreuses caricatures. De plus, une vidéo mise en ligne avec l'objectif de
présenter « la vraie vie dans le califat » a été fréquemment qualifiée de « peu
convaincante ».
États-Unis : Think Again, Turn Away2
En décembre 2013, le Département d'État a lancé l'initiative « Think Again, Turn
Away », qui a pour objectif de contrer le message des organisations extrémistes sur
Internet, notamment sur Facebook et Twitter. Des comptes sur les médias sociaux sont
utilisés pour faire la promotion des actions américaines contre des groupes extrémistes
(nouveaux programmes, arrestations, frappes militaires, etc.), mais également pour
confronter des individus qui diffusent des propos positifs au sujet de l'État islamique ou
d'autres organisations terroristes.
Plusieurs observateurs ont remis en doute l'efficacité de cette initiative, arguant qu'un
individu radicalisé n'accordera aucune crédibilité à ce que dit le Département d'État,
puisqu'il s'agit d'une « voix gouvernementale ». On souligne également qu'en ayant des
débats en ligne avec des individus radicalisés, le gouvernement américain leur permet
d'avoir une plus grande visibilité.
1
Le résumé de cette campagne est tiré d'un document de travail produit en février dernier par le ministère
de la Sécurité publique.
2
Ibid.
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Par ailleurs, une vidéo a été diffusée le 30 juillet 2014 sur le compte Twitter de « Think
Again, Turn Away » afin de démontrer la « réalité de l'État islamique ». On peut
notamment y avoir des exécutions et des scènes de combat. Alors qu'elle cherche
à dénoncer des pratiques, cette vidéo a été critiquée parce qu'elle reprend le type
d'images qui amène de jeunes Occidentaux à joindre le groupe.
États Unis : Don't be a puppet
https://cve.fbi.gov/home.html
En février dernier, Le FBI a lancé la campagne « Don't be a puppet », qui vise à
éduquer les adolescents sur l'extrémisme violent à travers des jeux et des quiz en
ligne. Le site a rapidement été la cible de moqueries pour son design désuet, son ton
paternaliste et l'inadéquation de son message. Certains critiques ont même avancé que
ce genre d'initiatives met encore plus en relief la difficulté pour les gouvernements de
faire compétition aux initiatives de communication redoutablement efficaces des
groupes terroristes auprès des jeunes.
Canada : Extreme Dialogue3
http://www.extremedialogue.org
Le projet Extreme Dialogue a été lancé au Canada, en février 2015, avec l'objectif de
réduire l'attrait de l'extrémisme, sous toutes ses formes, auprès des jeunes Canadiens
en faisant la promotion d'un contre-message positif par l'éducation. Dans le site
Internet, on trouve les témoignages vidéo de Daniel Gallant, un ancien membre de
groupes d'extrême droite, et de Christiane Boudreau, dont le fils, Damian Clairmont, est
mort en Syrie après avoir rejoint le groupe armé État islamique.
Les capsules vidéo sont accompagnées de ressources éducatives qui peuvent être
utilisées auprès des jeunes afin de lutter contre l'extrémisme par la discussion active et
le renforcement de la pensée critique. Un appel à l'action invite à joindre la lutte contre
l'extrémisme de diverses façons. Un compte Twitter (1 224 abonnés), une page
Facebook (1 359 admirateurs) ainsi qu'une chaîne Youtube (201 abonnés, 74 826
vues) ont été créés. Ces plateformes sont alimentées sur une base régulière.
Le projet a reçu un financement du ministère fédéral de la Sécurité publique, via le
projet Kanishka, et a été développé en partenariat avec différentes organisations, dont
l'Institute for Strategic Dialogue. Il ne semble pas y avoir de critique ouverte du projet.
Canada : Stop the CrISIS
http://www.stopthecrisis.ca/forms/
La communauté musulmane Ahmadiyya (Ahmadiyya Muslim Community) regroupe des
musulmans canadiens issus de toutes les provinces et territoires. À la fin de 2014, l'aile
jeunesse du groupe a lancé l'initiative « Stop the CrISIS ». Le site Internet parle d'une
campagne nationale de sensibilisation afin de contrer la radicalisation. Une quarantaine
d'événements devaient être organisés partout au pays, dont quatre au Québec, pour
discuter ouvertement des idéologies extrémistes. Un compte Twitter compte 1
474 abonnés et une page Facebook 214 admirateurs.
Malgré leurs actions visant le dialogue et le rapprochement, il est à noter que les
membres de ce regroupement sont marginalisés par les autres communautés
musulmanes qui les considèrent comme hérétiques.
Royaume-Uni : Prevent Tragedies
http://www.preventtragedies.co.uk/syrianmothers/
Le service de police du Royaume-Uni, accompagné de partenaires, a récemment lancé
l'initiative « Prevent Tragedies », en réaction aux nombreux départs de jeunes filles
vers la Syrie ou d'autres zones de guerre. Dans le site Web, on trouve une vidéo qui
présente le témoignage de mères syriennes réfugiées qui racontent la réalité de la vie
en Syrie. La vidéo est accompagnée de lettres ouvertes de ces mères, qui lancent un
appel aux mères du Royaume-Uni afin de les inviter à agir pour prévenir le départ de
leurs filles en zone de guerre. L'initiative comporte également un compte Twittter
(1 118 abonnés) et une page Facebook (96 admirateurs). L'objectif est d'aider les
familles concernées et de les inviter à contribuer à la prévention du phénomène.
3
Ibid.
Document de travail - CONFIDENTIEL
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Ce genre d'initiative s'appuie sur la prémisse que les familles, notamment les mères,
sont un facteur de prévention important. En ce sens, Mothers for life, une association
de mères de djihadistes occidentaux partis en Syrie et qui regroupe des membres de
plusieurs pays, a publié récemment sur les réseaux sociaux des lettres ouvertes
adressées au groupe État islamique.
Grande-Bretagne : Not in my name
http://isisnotinmyname.com/
The Active Change Foundation, un organisme communautaire de Londres, travaille
auprès des jeunes et de leur famille afin de prévenir l'extrémisme violent sous toutes
ses formes. Par ses actions, l'organisme cherche à favoriser la cohésion sociale et à
établir des ponts entre certains groupes vulnérables ou marginalisés et l'ensemble de
la société britannique.
En septembre 2014, dans le cadre du projet #NotInMyName, des jeunes musulmans
britanniques se sont mobilisés afin de dénoncer publiquement l'utilisation de l'Islam
comme motif pour justifier des actes terroristes. À l'aide du mot-clic #NotInMyName,
des messages dénonçant l'État islamique et son idéologie sont publiés dans les médias
sociaux. Un appel de participation est lancé aux musulmans et non-musulmans du
monde entier. La vidéo de la campagne a récolté plus de 900 000 visionnements sur
Youtube et plus de 6 millions de tweets utilisant le mot-clic ont été émis.
Après les attentats de Paris en 2015, le mot-clic a connu une recrudescence dans les
médias sociaux. The Active Change Foundation a également publié une série de
messages assez durs, sous les mot-clic #MessageToISIS et #NotInMyName. Malgré le
fait que ce genre de campagne soit efficace en termes de viralité, certains observateurs
déplorent le fait qu'elle touche principalement des gens déjà convaincus par le discours
qui est porté ou estiment que les messages sont réducteurs.
Organisation internationale de la Francophonie : Libres ensemble
www.libresensemble.com
En mars dernier, l'Organisation internationale de la Francophonie a lancé le projet
« Libres ensemble », qui est décrit comme une grande mobilisation de libre expression
et d'engagement citoyen sur les réseaux sociaux. Dans le clip vidéo de lancement, des
personnes issues de toute la francophonie s'expriment sur le vivre-ensemble. Le clip se
termine par une invitation à la jeunesse à s'exprimer à son tour, en partageant en vidéo
un message de solidarité, de fraternité ou un projet citoyen.
La vidéo a été vue plus de 63 700 fois sur Youtube. La page Facebook compte 44 500
admirateurs et le compte Twitter 3 268 abonnés. Il est prévu de lancer plus tard un
programme d'activités éducatives, économiques, culturelles, artistiques, sportives, etc.
sur le terrain à travers la francophonie, avec l'appui de personnalités et de partenaires.
Bien que le projet ne traite pas directement du sujet de la radicalisation menant à la
violence, on peut établir des liens entre ce type d'initiative favorisant l'engagement
citoyen en matière de vivre-ensemble et l'établissement d'un climat social permettant
d'éviter les conditions favorables à la réception des discours radicaux prônant la
violence.
3. Constats généraux
À la lumière de ce recensement d'activités de communication publique, quelques
constats se dégagent :
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La question de la radicalisation menant à la violence est très sensible. Par le fait
même, toute activité de communication publique est particulièrement vulnérable
à la critique.
Il faut éviter le piège de dépeindre un portait trop simpliste du phénomène.
Les initiatives de communication visant à « déradicaliser » ou à convaincre par
un contre-discours direct ne semblent pas très efficaces.
Les campagnes prônant un engagement social, une participation citoyenne ou
une mobilisation semblent moins critiquées. De plus, elles se présentent comme
une contribution pour s'attaquer aux causes de la radicalisation plutôt qu'une
réaction à un phénomène difficile à contrer à l'aide d'actions de communication.
Le porteur du message donne un sens particulier à la communication. En effet,
selon que ce soit le gouvernement, un organisme ou un regroupement citoyen,
la portée du message ne sera pas la même.
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