Parlement des enfants à l`Institut Sainte-Agnès à Sion
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Parlement des enfants à l`Institut Sainte-Agnès à Sion
RUBRIQUES > CITOYENNETÉ Parlement des enfants à l’Institut Sainte-Agnès à Sion MOTS-CLÉS : DROITS • DEVOIRS • PAROLE Le 15 septembre dernier s’est déroulée la cérémonie de proclamation des résultats des élections au Parlement des enfants de l’Institut Sainte-Agnès à Sion, en présence du président du Grand Conseil Edmond Perruchoud, de la directrice de l'Institut international des droits de l'enfant Paola Riva Gapany, de l’inspecteur scolaire Pascal Knubel et de Michel Délitroz, directeur de l’Institut Ste-Agnès et de Don Bosco. Au terme de la campagne électorale, Andréa, Shannen, Noé, Barack, Martin, Rafaël, Esteban, Wilson, Jonathan, Maxence, Charlie, Milkias et Geoffrey ont été élus ou réélus par leurs pairs à bulletin secret (mandat de deux ans, renouvelable une fois). Le Parlement des enfants a été initié par des adultes en septembre 2009, mais les jeunes parlementaires ont depuis apporté leur «pierre» à l’édifice. En raison de ses apports citoyens, le Parlement des enfants de Sainte-Agnès, une institution scolaire spécialisée qui accueille une quarantaine d’enfants âgés de 6 à 13 ans bénéficiant d’un encadrement socioéducatif en internat ou semi-internat pour des difficultés d’apprentissage ou d’ordre psychologique, des troubles du spectre autistique ou des difficultés de communication avec un recours fréquent à l’agressivité, pourrait inspirer bien des écoles. Quelques jours après les élections, j’ai été accueillie à la bibliothèque Résonances • Novembre 2016 Mensuel de l’Ecole valaisanne par la présidente Andréa, 12 ans, le vice-président Geoffrey, 12 ans également, la factrice Shannen, 10 ans, ainsi que leur éducateur social Philippe Bonvin, qui faisait partie des professionnels co-fondateurs de ce projet. Tous quatre m’ont parlé avec enthousiasme du Parlement des enfants et de ses plus-values, notamment au niveau de la citoyenneté, de la confiance en soi et de la maîtrise de l’oral. Au vu de la qualité de l’entretien, il ne fait aucun doute que l’expérience contribue au développement de certains objectifs du PER. Un espace et un temps pour siéger «Le Parlement des enfants, ça sert à parler, c’est comme un Parlement de grands, mais avec des enfants», explique Andréa. Geoffrey, complète, sans couper la parole: «Ça sert à parler des projets que l’on doit organiser, en faisant le lien avec les classes et les groupes.» Et Shannen d’ajouter: «Pendant les séances, on a le droit de dire nos idées et d’être écouté par les autres.» Les parlementaires se réunissent en plénum environ 8 fois par année. Les séances qui durent 75 minutes (prises pour moitié sur le temps de l’école et pour moitié sur celui des loisirs), ce qui peut certes être long pour les enfants hyperactifs mais qui est nécessaire pour réussir le pari, se déroulent dans l’ancienne chapelle de l’Institut transformée en Parlement. Ce lieu solennel contribue au sérieux des débats et l’organisation intègre les moindres détails. Ainsi, lors des élections, les isoloirs et l’urne sont mis à disposition par la Ville de Sion. Les parlementaires disposent d’un papier à lettres avec en-tête et sceau officiel. Ils signent individuellement la Charte, dessinée par Haydé, avec les enfants (Haydé a du reste fait un dessin de Milton tout spécialement pour décorer le Parlement des enfants). Régulièrement, les parlementaires questionnent les divers groupes pour faire remonter des propositions, en résumant aussi les idées qu’ils ne partagent pas. La philosophie du droit 17 Le Parlement des enfants au Parlement cantonal avec Nicolas Voide l’année passée à la parole imprègne tout l’Institut et le Parlement en est sa représentation collective. Des rôles clairement répartis Président, Vice-président, Gardien de la parole, Gardien du temps, Porteparole des groupes et des classes, Facteur, Huissiers, Scrutateurs et Portier: chaque rôle est clairement défini, avec un cahier des charges permettant aux enfants de savoir exactement ce qui est attendu d’eux. L’attribution des différents rôles est décidée par les adultes, en essayant de respecter les désirs des enfants, tout en tenant compte de leurs capacités individuelles, de façon à favoriser leur épanouissement, sans leur mettre une pression disproportionnée. Les parlementaires se sentent responsables des tâches liées à leur fonction. «Comme je suis factrice cette année, je dois regarder chaque semaine si on a reçu un courrier dans la boîte aux lettres et le lire pendant la séance», commente Shannen. Andréa donne l’exemple de sa première tâche en plénum: «En tant que présidente, je dois ouvrir la séance en disant: “La séance du 6 octobre est ouverte”». Geoffrey souligne l’importance de l’ordre du jour. Lors de l’année scolaire passée, tous trois 18 Le nouveau Parlement des enfants avec Edmond Perruchoud, l’actuel président du Grand Conseil (au centre de la photo) faisaient déjà partie du Parlement, mais en ayant d’autres attributions. Variété des thématiques premiers débats, la prise de décision et la réalisation d’un projet, ce qui n’est pas toujours compatible avec l’impatience des enfants. Les sujets traités en séance peuvent être multiples. Certains thèmes sont relativement récurrents, comme la violence, la présence d’animaux à l'Institut, la place de jeux, les questions liées à l’alimentation ou l’organisation de la visite du Salon Your Challenge pour les grandes classes. Au final, les décisions sont évidemment prises en accord avec les adultes (le Parlement des enfants comprend une commission des adultes), mais les parlementaires ont un vrai droit de parole. Pour Philippe Bonvin, qui cite Jean Le Gal, la notion de responsabilité partagée est essentielle. Nos jeunes parlementaires font occasionnellement des excursions et sont allés visiter, selon les années, l’ONU, le musée de la Croix-Rouge, le Palais fédéral, etc. Cette année, Edmond Perruchoud les a invités dans les tribunes pour suivre les débats au Grand Conseil. L’année passée, sur invitation de Nicolas Voide, ancien président du Grand Conseil, ils avaient visité la salle lors de la Journée des droits de l’enfant. Dixit Geoffrey, impressionné par les micros, «c’était génial». Ses deux collègues parlementaires partagent pleinement son avis. Parfois, certains sujets conduisent à des rencontres pour enrichir les débats. Les parlementaires ont par exemple pu discuter avec l’architecte pour évoquer la problématique de l’aménagement extérieur. Ils sont aussi allés, avec le mandat de réaliser une charte internet, au Foyer de Salvan pour découvrir leur installation WIFI et ont reçu des personnes d’Action Innocence. Le seul bémol, selon Philippe Bonvin, c’est le délai quelquefois long entre les Comme le relève Philippe Bonvin, les enfants de Sainte-Agnès, qui ont tous eu des expériences difficiles à l’école, se familiarisent avec la réflexion collective, en respectant l’autre, et améliorent leur expression orale grâce à leur expérience du Parlement des enfants, tout en apprenant la citoyenneté. A la question de savoir si c’est plus facile de suivre des règles auxquelles ils ont adhéré ou co-construites, ils répondent à l’unanimité par Des apprentissages multiples Résonances • Novembre 2016 Mensuel de l’Ecole valaisanne RUBRIQUES DOSSIER l’affirmative, précisant que ça l’est progressivement. Ont-ils gagné en confiance en eux grâce au Parlement? «Largement par rapport à l’année passée», observe Shannen. «J’ose plus», glisse Andréa. Geoffrey avoue qu’avant il n’osait pas monter sur scène pour un spectacle, alors que maintenant il est plus à l’aise, mais pas autant qu’un de ses camarades qu’il cite en exemple. Philippe Bonvin confirme les auto-évaluations et relève encore qu’Andréa a animé la cérémonie de la proclamation des résultats, que Geoffrey a prononcé un discours devant plus de soixante personnes, dont une vingtaine d’adultes, avec aisance et que Shannen a le tempérament pour assumer sa fonction de factrice. Sont-ils plus tolérants? «Quand tu es président ou vice-président, tu ne peux pas dire non directement», commence par dire Geoffrey. Et il poursuit: «En ne réagissant plus à certaines bêtises et en écoutant les idées des autres, même si je ne suis pas d’accord, je deviens grand.» Qu’est-ce qui est le plus difficile dans la vie d’un parlementaire? Apprendre à être patient est la première réponse donnée. Reste que très clairement, ils affirment se sentir davantage impliqués dans la vie de l’Institut. Philippe Bonvin souligne aussi combien les parents sont fiers de voir les progrès de leurs enfants. Le Parlement des enfants est un mini Parlement cantonal ou fédéral, mais en mieux. Désolée pour nous adultes, mais je crois que les enfants auraient parfois des leçons d’écoute et de respect à nous donner. Il est presque certain que ces apprentis citoyens conserveront quelques-unes des belles valeurs transmises dans le cadre de ce Parlement des enfants. Si vous avez des questions, vous pouvez les adresser à parlementdesenfants@ ste-agnes.ch Nadia Revaz Trois questions à Paola Riva Gapany tendance politique, était sincèrement ému en découvrant la qualité de la démarche. Paola Riva Gapany, directrice de l'IDE, en compagnie d'Andréa, la présidente du Parlement des enfants Que pensez-vous du Parlement des enfants de l’Institut Sainte-Agnès? L’Institut international des droits de l’enfant, et moi tout particulièrement, sommes des grands fans du Parlement des enfants de Sainte-Agnès. Les faire participer à la prise de décisions de l’Institution est une mise en œuvre de l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant. La démarche correspond pleinement au modèle de Janusz Korczak, avec sa République des enfants. Depuis quelques années, j’assiste à la proclamation des résultats et à chaque fois le président du Grand Conseil, quel que soit sa A vos yeux, qu’est-ce qui est le plus fort au niveau des apprentissages des parlementaires? Ils apprennent à exprimer leurs idées, à débattre, ce qui constitue en soi une éducation à la citoyenneté, mais l’essentiel réside certainement au niveau de la valorisation de ces enfants à leurs yeux et aux nôtres. Tout en étant en situation de vulnérabilité, les enfants de l’Institut Sainte-Agnès parviennent à faire ce que nous adultes peinons à mettre en place dans notre cadre professionnel, à savoir communiquer en écoutant l’autre. C’est là qu’on mesure que c’est notre regard qui les limite dans leurs ambitions. Je suis sincèrement admirative. Estimez-vous que ce modèle devrait être exporté? C’est un modèle qui devrait inspirer d’autres institutions et des écoles, car il concerne toutes les facettes du vivre ensemble. Ce Parlement nous prouve que les enfants peuvent se sentir très concernés par les questions à dimension politique. Même si ce n’est pas le but premier, peut-être que de futurs politiciens seront issus du Parlement des enfants… Propos recueillis par Nadia Revaz Les droits et devoirs de chacun à l’Institut Sainte-Agnès Chacun d’entre nous a le droit : d’être respecté et reconnu comme personne unique d’être considéré avec attention et égard de vivre dans la confiance et la sécurité Chacun de nous a le devoir : de respecter chaque personne et son environnement de considérer les autres avec attention et de favoriser un climat de paix et de sérénité www.ste-agnes.ch/bienvenue/parlement Résonances • Novembre 2016 Mensuel de l’Ecole valaisanne 19