Et puis, nous passions le pantalon français…
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Et puis, nous passions le pantalon français…
«Et puis, nous passions le pantalon français…» A partir des témoignages, entretiens et récits tirés de l’œuvre de Abdelmalek Sayad principalement dans La Double absence (© Editions du Seuil, oct. 1999) du 15 au 17 février 2013 Mise en scène de Philip Boulay avec le Collectif Quelques unes d’entre nous Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration Paris Mise en scène: Philip Boulay Collaboration artistique: Albertine M. Itela Scénographie et costumes: Jean-Guy Lecat Chorégraphie: Mehdi Slimani Lumières: Abdénor Mezlef Direction des travaux de recherche: Samir Hadj Belgacem et Farid Taalba Coproduction: Collectif Quelques unes d’entre nous Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration Coordination du projet: Zouina Meddour Intertitres & Images Archives: Jean-François Domingues Photographes: Aïssatou Angela Balde, Black Spring Graphics Design & Webmastering: Black Spring Graphics Du 15 au 17 février 2013 (vendredi et samedi à 20h00, dimanche à 16h00) Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration Avec: Nassiha AMGHAR, Yamina AMGHAR, Kenza BELHADI, Ourida BELHADI, Touria ELADEM, Taous BOULEMSAMER, Fafa DAGHEFALI, 293, avenue Daumesnil 75012 Paris Fathia LALOUF, Fatma LAMRI, Fatima MEDDOUR, Zouina MEDDOUR, Tél: 01 53 59 58 60 [email protected] Djohra OUANOUGHI, Mohamed REZZOUG, Arlette ROUEDE, Farid TAALBA www.histoire-immigration.fr/2012/5/et-puis-nous-passions-le-pantalon-francais et les danseurs Mohamed el HAJOUI, Steve KAMSU. Durée estimée: 1h30 Informations: Philip Boulay : 06 84 11 45 90 / [email protected] Zouina Meddour : 06 23 86 35 75 / [email protected] Trente années d’enquêtes et de recherches réalisées en France et en Algérie par le sociologue Abdelmalek Sayad (1933-1998) ont renouvelé l’étude du phénomène migratoire. L’immigration dans une société correspond toujours à une émigration hors d’une autre société. Un recto-verso de la même feuille. A travers ses entretiens, Sayad a amené les immigrés à livrer le plus profond de leur « intimité collective », à révéler les contradictions déchirantes de leur existence déplacée et éclatée. Quitter à l’aube le foyer, prendre le train, arriver à Alger, et puis, juste avant de prendre le bateau, passer le pantalon français. Absents là-bas, absents ici où ils ne sont que simple force de travail: le vertige de la double absence… Parmi les spectateurs, il y a les proches, ceux qui se reconnaissent dans l’Histoire et les histoires de double absence, il y a ceux qui se sentent concernés de près ou de loin de par le propre parcours, il y a ceux qui, envisageant une migration, sont interpellés et enfin, il y a ceux qui refusent la véracité du vertige provoqué par le phénomène migratoire soudainement incarné sur la scène d’un théâtre. Philip Boulay, metteur en scène Albertine M. Itela, collaboratrice artistique Depuis plusieurs années, Philip Boulay et le Collectif Quelques unes d’entre nous du quartier des Tilleuls de Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) osent ensemble la fabrique d’un théâtre. Un théâtre fait mains, ici, avec ce qui est possible et se nourrissant des contraintes multiples. Comment l’art du théâtre, en tant qu’espace possible d’énonciation – et de dénonciation – des réalités intimes et sociales, peut-il prendre part au travail de narration d’une histoire commune faite d’affects, d’échecs, d’humiliation et de culpabilité ? Aussi honteux que puissent être ces épisodes, ils n’en font pas moins partie de l’Histoire de France à raconter… Au théâtre, l’alliance subtile de l’intime avec le politique permet une scène épique et induit une position critique du spectateur. Et c’est là une façon d’essayer de ré-enchanter le lien social. Le processus de travail et le temps de la représentation à Blanc-Mesnil ont démontré que ce spectacle a ses publics. Et puis, nous passions le pantalon français est un spectacle qui, parce qu’il réactualise quelque chose qui a besoin d’être reconnue et portée à la connaissance pour d’autres, participe d’un travail de mémoire. Cette mémoire a besoin d’être négociée autrement afin que d’autres choses puissent advenir. Ce qui peut troubler au théâtre, ce sont ces corps, ces corps qui portent les langues, les mémoires, les destins sans écran, sans pacte de clôture entre la scène et la salle. Dans « Le pantalon français », l’endroit du récit est celui des entretiens, des témoignages ; il est donc irrévocable. Il ne s’agit pas d’une œuvre de fiction ou d’un poème dramatique. La seule subjectivité est celle de l’humain. Est-ce là que le bât blesse ? Certains des spectateurs se sentiraient-ils violentés par ce qu’ils considèrent comme une intrusion ? L’irruption sur la scène théâtrale française d’une parole et d’un mouvement portés par les femmes du Collectif aurait-elle enfreint les attendus esthétiques et institutionnels ? Par ailleurs, les propos prononcés et les récits relatés dans La double absence de Abdelmalek Sayad ne font-ils pas écho dans les consciences de ces spectateurs ? « Et puis, nous passions le pantalon français...» Qu’est-ce qui se joue pour ces derniers? Se sentent-ils indexés par l’énonciation des souffrances intimes et sociales ? Il est vrai que devant ce type de proposition théâtrale le spectateur est interpellé dans sa citoyenneté. Comment voir et entendre sur un plateau le récit des souffrances infligées par la République à certaines catégories de ses citoyens ? Pourquoi ceux qui ont réalisé cette création, cet espace-temps singulier sont–ils de facto renvoyés à la question identitaire et communautaire par ceux qui n’y voient qu’ingratitude vis-à-vis de l’Etat-Nation indivisible et protecteur pour tous? La mise en scène ne propose aucune adaptation des paroles et des temporalités structurées par Sayad. Il s’agit d’un espace théâtral qui permet d’écouter de la mémoire vive, un art théâtral qui pense et panse les douleurs liées à l’exil et à la double absence. La question profonde est celle du contenu des entretiens ; ce que racontent les « chibanis » à Sayad et qui peut-être est entendu pour la première fois par un bon nombre de spectateurs. Et pour ceux qui ne l’entendent pas pour la première fois, c’est la première fois qu’ils l’entendent dans un espace public, dans une forme scénique et théâtrale. A cet instant, cette parole, parce qu’elle est théâtralisée devient commune, prend place dans l’espace public : le temps de la représentation intègre l’Histoire. Il nous apparaît clairement que le théâtre public subventionné ne parvient pas à se renouveler. Une initiative citoyenne et artistique portée par une équipe de création professionnelle et les femmes d’un quartier populaire ne saurait en aucun cas être considérée comme de l’art. Aujourd’hui, on fait théâtre de tout, le plateau reçoit toutes sortes de formes ou de supports ; nous sommes convaincus que l’œuvre d’Abdelmalek Sayad a sa place au théâtre et sa nécessité dans l’espace public français. La division entre ceux qui ont reçu le spectacle et ceux qui le refusent est le reflet d’une division, d’une fracture qui a lieu dans la France d’aujourd’hui. L’espace-temps des représentations de ce spectacle aura à accepter le refus et à intégrer la division pour continuer d’exister. Depuis vingt ans, le projet artistique de la compagnie se fonde sur une connaissance et une conscience intime de ces réalités. Peu de sociologues ont une oeuvre scientifique de la richesse et de la profondeur de celle d’Abdelmalek Sayad. Pourtant, ce chercheur au CNRS, décédé en 1998, reste encore largement méconnu du grand public, mais également du monde scientifique. Souvent présenté comme un spécialiste des phénomènes migratoires et plus particulièrement de l’émigration algérienne en France, il a été découvert et considéré en premier lieu par ses collaborations et sa proximité avec le sociologue et Samir Hadj Belgacem et Farid Taalba Né Malek Ath Messaoud en 1933, au Douar Ihadjadjen dans le village d’Aghbala (en petite Kabylie), le nom d’Abdelmalek Sayad porte l’histoire de l’Algérie coloniale (nom d’État civil donné par l’administration française2). C’est une histoire collective et souvent intime, qu’il raconte au fil de ses recherches et qui se trouve être pour partie la sienne. Sayad a réalisé, entre 1959 et 1998, un travail de recherche considérable. Envisageant le fait migratoire dans sa totalité, ses recherches sur la condition des émigrés algériens en France se sont développées à la frontière de différentes disciplines et ont porté sur une multitude d’objets (les conditions de travail, de logement, la famille, l’école, les vacances, la religion, la maladie). Sayad a également montré comment l’immigration constitue un enjeu crucial académiques, est à la fois exigeante et accessible. Les extraits de textes qui composent la pièce donnent toute leur place à la justesse de la parole d’hommes et de femmes, jeunes comme vieux, de parents, de frères, de sœurs, d’ouvriers, de paysans, de collégiens, d’étudiants. Construite autour d’un article programmatique : « Les trois âges de l’émigration algérienne en France »3, la pièce en reprend en partie sa structure. Le travail de traduction, de l’arabe algérien ou du kabyle au français (à l’image du titre de la pièce), présente à la fois de grandes qualités littéraires et restitue au plus près Le sociologue Abdelmalek Sayad, le théâtre et la politique professeur au collège de France, Pierre Bourdieu. S’il est reconnu pour avoir envisagé la double nature du phénomène migratoire à la fois immigration (arrivée et présence dans une société étrangère) et émigration (départ et absence de sa société d’origine), toute une partie de sa pensée, moins consensuelle, policée, est souvent occultée à commencer par le nom même de l’auteur1. 1 Nous avons engagé avec Amin Perez-Vargas (doctorant à l’IRIS) une recherche biographique sur Abdelmalek Sayad (qui a fait l’objet d’un master à l’INALCO pour Farid Taalba) visant à rattraper le manque significatif d’études consacrées à l’auteur. Cette recherche a été initiée par l’ouverture du fond d’archives à la médiathèque A. Sayad du Centre National d’Histoire de l’Immigration (CNHI) dont le premier dépouillement a été assuré par l’équipe d’assistants-archivistes de l’Association de Prévention du Site de la Villette (APSV), coordonnée par Yves Jammet. pour l’État tant économique que politique ou culturel. Plus originale encore, son écriture, loin des jargons et des conventions 2 Fanny Colonna, « Algérie 1830-1962. Quand l’exil efface jusqu’au nom de l’ancêtre », Ethnologie française, XXXVII, 2007, 3, p. 501-507. des expériences de l’émigration, faites de déchirement, de perte de sens et de valeurs, d’espoirs déçus, mais aussi de surprises, d’événements inattendus et de revanches qui sont parfois difficilement dicibles. Ce que l’on ne peut dire, que l’on ne dit pas, ce qui est tabou, les grandes illusions collectives ou individuelles, c’est la force de la sociologie de Sayad, tout à la fois subversive et politique que le théâtre met à son profit. 3 Abdelmalek Sayad, « Les trois “âges” de l’émigration algérienne en France », Actes de la recherche en sciences sociales, Année 1977, Volume 15, Numéro 1, p. 59-79. Au commencement, tout part de la maison des Tilleuls, un centre social implanté au cœur du quartier des Tilleuls, au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, un centre social qui joue son rôle de soutien et d’accompagnement des dynamiques collectives. Lieu inséré dans la ville, maîtrisant les ressources du territoire, il accompagne et suscite la mobilisation d’autres partenaires en fonction des problématiques ou propositions formulées par les habitants. Après deux années de fonctionnement informel, le collectif décide de se donner un nom au moment où il prend la parole publiquement pour réagir face au traitement médiatique des révoltes d’octobre-novembre 2005 (lettre ouverte aux médias parue dans le Monde Diplomatique de janvier 2006) : « Quelques unes d’entre nous : Un nom que nous avons choisi parce qu’il est le nom de la première exposition photo que nous avons créée ensemble. »1 Durant cette période, le groupe de femmes de la maison des Tilleuls avait été très mobilisé aux côtés des habitants et tentait de comprendre l’explosion d’une telle violence, résultat d’une longue histoire de relégation sociale. Il s’agissait d’accepter de dépasser sa propre condition, sa situation, pour aller vers une réflexion collective sur l’état du monde. S’interroger sur la place de chacune dans cette histoire, et au-delà, réfléchir à quelle place prendre pour participer. Influer sur le cours des choses, ne pas subir, avoir son mot à dire sur les situations vécues. Croiser les points de vue avec d’autres qu’ils soient habitants, chercheurs, journalistes, artistes, politiques. Zouina Meddour Quelques unes d’entre nous 2003/2013 : dix ans d’engagement auprès des habitants des quartiers populaires Ainsi depuis 2003, l’équipe de la maison des Tilleuls a soutenu l’émergence d’un collectif de femmes, très actif, qui a participé à de nombreuses actions significatives pour lutter contre les images négatives véhiculées sur les populations de ces quartiers, et entraîné avec lui la mobilisation progressive de nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes tout au long de ces années. Il fut à l’initiative d’une série de rencontres : animation de salons de thé, rencontres-débats, soirées festives, fêtes de quartier. Mais le collectif s’est surtout engagé dans un long chemin de création, croisant les réflexions de chacune, travaillant sur les stéréotypes et leur déconstruction, acceptant les critiques du groupe afin de sortir d’une logique individuelle pour s’inscrire dans une démarche collective. Démarche plus lente, exigeante, déstabilisante mais ô combien fédératrice et source d’enrichissement. 1 Extrait du texte d’introduction à l’agenda 2007, BlancMesnil, décembre 2006. Parmi les actions prioritaires définies par le collectif Quelques unes d’entre nous, la rencontre avec le théâtre fut déterminante. Elles découvraient un univers qu’elles pouvaient investir pour travailler sur elles-mêmes, qui allait leur apporter de l’épanouissement, renforcer leur capacité à agir, à parler, à écrire, à être en relation avec d’autres personnes à égalité. Un univers qui leur permettait de poursuivre leur engagement entraînant dans le même temps autour d’elles, dans le quartier, dans leur famille, un mouvement dépassant largement le cadre du quartier. Chargée de mission lutte contre les discriminations Blanc-Mesnil Le collectif de femmes a mis en débat toutes les questions qui les concernent : place des femmes dans la société ; poids des préjugés, du racisme, de la discrimination ; situation sociale et économique dans les quartiers populaires, regard porté sur les jeunes, autant de sujets donnant lieu à de multiples réflexions et productions. Chaque thème évoqué sera prétexte à de multiples rencontres avec des intervenants : sociologues, journalistes, photographes, écrivains… Ces rencontres mises en place pour donner à comprendre la complexité du monde ont structuré et consolidé la volonté d’engagement de chacune. Un espace, une forme qui leur permettait de s’exprimer, d’interpeller sur les sujets qui leur tiennent à cœur : l’éducation, la transmission, l’avenir des jeunes, l’immigration, la condition des femmes, la situation dans les quartiers… Ensemble, durant toutes ces années, elles ont manifesté, pris la parole, participé à la réalisation d’un film, à la création d’un journal et de plusieurs expositions puis à l’élaboration d’une pièce, Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille, mise en scène par Philip Boulay. Avec cette pièce, qui parlait de leur propre vie et de leur regard sur le monde, elles ont effectué une importante tournée durant trois ans, en région parisienne mais aussi à Toulouse, Bruxelles, Lisbonne, faisant entendre une voix singulière et collective, intime et politique. Fort de ces années d’expérimentations, notamment à travers le théâtre, le collectif a souhaité poursuivre dans cette voie et traiter des questions d’immigration. La rencontre avec des artistes, sociologues, toujours partenaires du collectif aujourd’hui, a donné lieu au désir de s’emparer des travaux d’un sociologue de renom, Abdelmalek Sayad. Un premier dispositif de formation proposé aux habitantes leur a permis d’approcher son œuvre, ainsi que son histoire. Puis il y eut l’envie de mettre en scène les entretiens réalisés par Sayad1, afin de porter à la connaissance du public une partie de son œuvre. Avec cette nouvelle création se poursuit le chemin façonné depuis 2003. Une compagnie de Hip Hop de Blanc-Mesnil, la compagnie No Mad est associée au projet, permettant la rencontre et la coopération avec d’autres univers, dont celui des jeunes et du Hip Hop. La transmission et le partage entre les générations se mettent en place. Aujourd’hui le collectif Quelques unes d’entre nous reste pour chacune un repère qui permet d’inscrire une histoire en commun dans le territoire. Certaines ont pris d’autres engagements dans d’autres associations, participé à d’autres expériences mais toutes continuent de porter ensemble cette histoire et veulent la partager et la faire connaître. L’engagement dans cette nouvelle création est une continuité et aussi un positionnement politique. Il ne s’agit pas de faire du théâtre seulement pour faire du théâtre – bien que ce fut en général pour toutes la révélation d’une grande joie – mais de donner à entendre une parole qu’on n’entend jamais, et comment elle prend sa légitimité. En s’appropriant cette part de l’œuvre de Sayad, les femmes des Tilleuls, qui viennent maintenant de tout Blanc-Mesnil et comptent au moins deux acteurs dans la troupe, s’inscrivent dans la continuité de ceux à qui Sayad donnait la parole alors qu’elle leur avait toujours été déniée. Nous sommes certains qu’il en aurait été heureux et fier de pouvoir la faire entendre comme nôtre. 1 Principalement dans La Double absence, Editions du Seuil, oct. 1999. Créations du collectif Quelques unes d’entre nous « Voulez-vous d’un nom pour ce monde », lecture publique du texte écrit en atelier d’écriture avec Mohamed Rouabhi ; juin 2003 Forum ( http://www.lesacharnes.com/tilleuls.pdf ) « Saveurs du monde », maison des Tilleuls, collectif de femmes ; édition d’un livre de recettes ; octobre 2003. « Quelques une d’entre nous », première exposition (photographies et écriture réalisées par une vingtaine d’entre elles, âgées de 30 à 75 ans, avec Marina Da Silva, journaliste et Joss Dray, photographe ) ; Pour le conseil régional d’Ile de France à l’occasion du 8 mars 2004. « Quelques-unes d’entre nous ; faire vivre et voyager nos rêves », titre de la deuxième exposition installée de janvier à mars 2006 au Forum de BlancMesnil. « Ceci est notre quartier à 93° », film dvd ; production La cathode vidéo/ maison des Tilleuls / collectif d’habitants ; février 2006 «Vu d’ici » : journal créé par des habitants du Blanc-Mesnil auquel participent des membres du collectif Quelques unes d’entre nous. Octobre 2006/ mars 2011. Participation et accompagnement de l’enquête sociologique conduite par Stéphane Beaud auprès des femmes du collectif, 2006, publication dans Vu d’ici n°6, 2007. «Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille », 2006/2009, théâtre, livre édité chez l’Harmattan, dvd. Création d’un agenda et d’un diaporama « Quelques une d’entre nous » photos/textes/récits du collectif ; année 2007. « Parcours de femmes en Nomadie », une exposition itinérante du département des actions éducatives de l’Institut du Monde Arabe; novembre 2009. « Nomadie, des femmes dans le mouvement du monde », une exposition à Cosmopolis, septembre/octobre 2009 à Nantes. « Les femmes des quartiers populaires ; en résistance contre les discriminations », livre à paraître en février 2013 aux éditions Le Temps des Cerises. Coécrit par un collectif de femmes et Saïd Bouamama. Quelques unes d’entre elles… et lui... Arlette: On vient sur scène pour témoigner d’une réalité dont on ne parle pas, mettre à jour un passé qui continue à être présent. Ce sont des choses qui se sont déroulées il y a des années mais qui sont récurrentes. Même si certaines personnes concernées nient ce racisme, on le vit toujours. Mohamed: J’ai toujours voulu faire du théâtre même si ma passion a toujours été le foot, que je vis autour et pour le foot, mais je n’aurai jamais pensé que j’allais jouer dans quelque chose qui raconte ma propre histoire et celle de mes parents. La France se rappelle plus de la guerre avec l’Allemagne, plus ancienne, qu’avec l’Algérie qui était une guerre non reconnue. Yamina: C’est une fierté de pouvoir jouer ce texte. Il réveille ma mémoire, plein de choses qui ont été vécues reviennent, des souvenirs mais aussi des odeurs, des émotions. C’est important de pouvoir parler du passé et transmettre cela aux générations à venir. Fatma: Beaucoup de gens voudraient qu’on oublie la guerre d’Algérie. Mais c’est notre histoire et notre héritage, qu’on peut transmettre avec le théâtre. Dans la première pièce, j’avais le trac et le cœur qui battait à 100 à l’heure, mais après, quand on a joué, on a le sentiment « qu’on est quelqu’un ». Houria: Pour moi, la première pièce était une expérience formidable et j’ai envie de continuer. C’est important de pouvoir raconter la guerre d’Algérie et tout ce que l’on a vécu, la violence et le manque de respect pour les femmes. Aujourd’hui on peut le faire, on n’a plus la schuma (la honte). Taous: Moi aussi j’ai envie de parler de ma guerre, où j’ai été blessée, de mon histoire. Lorsque je joue je suis heureuse. J’aime me préparer pour le public, c’est bien, c’est joli. Et puis quand on a fini et que le public nous a applaudi, c’est encore mieux ! J’aime le public. Djohra: D’elle qui veut juste dire que « le théâtre, c’est beau et que çà lui plait », les autres disent : « S’il n’y avait pas Djohra avec nous ce serait comme ne pas avoir de sel pour manger ». Ourida: Travailler sur le thème de Sayad et de l’immigration, cela permet d’aider à la recherche d’identité. Cela m’a amenée à mettre le doigt sur des moments de mon enfance auxquels je ne pensais plus du tout. Cà m’a fait du bien. Beaucoup de choses aujourd’hui sont présentées comme si elles étaient évidentes, alors que non, ce n’était pas juste. Philip Boulay Metteur en scène, directeur artistique de la Wor(l)ds…Cie Fait une première mise en scène remarquée à l’âge de 27 ans au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, reprise au Théâtre de la Cité Internationale. En 1997, il crée Armor d’Elsa Solal à La Ferme du Buisson, Marne la Vallée. Il crée la même année La Nuit juste avant les forêts au Théâtre national d’Ankara. En 2007, il met en scène Topdog/Underdog de Susan-Lori Parks (création en France) à l’Athénée/Théâtre Louis Jouvet, Paris et Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille à Blanc-Mesnil. En 2008, Clowns ! d’après Fellini à l’Ancien Opéra National d’Helsinki, et en 2009, Combat de nègre et de chiens et Tabataba de Bernard-Marie Koltès au Teatro Jean-Guy Lecat Scénographie et costumes En 2004, elle crée Le Cri de l’oiseau rouge d’après le roman d’Edwidge Danticat Breath, eyes, memory au Festival au Féminin, au Lavoir Moderne Parisien, dans le cadre du Festival « Karayib » au Théâtre de l’Epée Il a pratiqué tous les métiers, techniques et artistiques du théâtre. Il a travaillé avec de nombreux metteurs en scène tels que Jean-Louis Barrault, Roger Blin, Jean-Marie Serreau avec qui il a ouvert La Cartoucherie de Vincennes et avec des compagnies comme Le Living Theater, La MaMa, L’équipe de création Le spectacle est repris l’année suivante au Théâtre Gérard Philipe–CDN de SaintDenis et à La Coupole, Melun-Senart. En 1999, il met en scène Madame de Sade de Yukio Mishima au Théâtre National de Timisoara. En 2001, Les Caprices de Marianne suivi de Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée d’Alfred de Musset, créations au Théâtre Granit, Belfort, puis Théâtre de Gennevilliers (CDN), au Carreau, Forbach puis en tournée internationale (Afrique centrale, Espagne). Création de Démons aux Anges d’Elsa Solal à La Filature, Mulhouse puis au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. En 2003, il entame une résidence de création à La Halle de la Gombe/Kinshasa ; il y met en scène Tabataba de Bernard-Marie Koltès, reprise au Festival d’Avignon 2006 et au Festival Paris Quartier d’été 2006. En 2004, il met en scène à nouveau Dans la solitude des champs de coton de Koltès au Forum/ scène conventionnée de Blanc-Mesnil, tournée au Théâtre National d’Ankara et Festival International d’Istanbul. En 2006, il crée Dysputen (La Dispute) de Marivaux, à l’Academy Theater d’Helsinki, Finlande, et Na Solidao dos campos de algodoa (Dans la solitude des champs de coton) à Culturgest, Lisbonne, dans le cadre du Festival International de Théâtre d’Almada. Castro Alvez de Salvador de Bahia et au Sesc de Sao Paolo. En 2009, il met également en scène Un Hamlet d’après Shakespeare au Q-Teatteri/Helsinki, tournée au Festival International de Théâtre de Dubrovnik, Croatie (2010). En 2010, Une visite inopportune de Copi au Théâtre Municipal d’Almada et Pour Louis de Funès de Novarina au Forum, Blanc-Mesnil et au Festival d Avignon 2011, au Festival d’Almada/Lisbonne et à la Comédie de Saint-Étienne. En 2011, il crée au Théâtre National d’Ankara Georges Dandin de Molière. Albertine M. Itela Collaboration artistique Après avoir vécu à Lubumbashi (République Démocratique du Congo), Bruxelles, Bonn, Kinshasa (RDC), Paris, elle décide de vivre et travailler en Seine-Saint-Denis. En 1996, elle est engagée par le Théâtre Vollard et participe à deux créations : Emeutes de Pierre-Louis Rivière (Saint-Denis de La Réunion) et Lepervenche d’Emmanuel Genvrin (Festival Paris Quartiers d’été). Après des études d’Histoire et un Master de Sciences Politiques à l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, en 2001, elle est rédactrice pour le site web RFO.FR avant de renouer avec le théâtre. de Bois (Cartoucherie, Vincennes) et à La Maison Populaire de Montreuil. En 2005, sous la direction d’Alain Gintzburger, dans le cadre du Festival Frictions /Théâtre National Dijon-Bourgogne elle participe à la création de Drames brefs de Philippe Minyana. En 2006, elle part en tournée africaine (République Démocratique du Congo, République du Congo, Bénin, Togo, Sénégal, Cameroun) avec Stade de la liberté d’Israël Tshipamba Mouckounay, mise en scène par Jean Shaka de l’Ecurie Maloba et participe à la création de Arnaque, cocaïne et bricolage de Mohamed Rouabhi, mis en scène par Clotilde Moynot au Théâtre du Splendid/Paris. A partir de 2007 elle est la collaboratrice de Philip Boulay dans Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille au Forum/Blanc-Mesnil, Théâtre du Rond-Point, Festival des Libertés de Bruxelles, Nouveau Théâtre d’Almada, Rencontres Urbaines de la Villette. Elle participe aux créations de Topdog/ Underdog de Suzan-Lori Parks à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet et de Combat de nègre et de chiens de Koltès à Salvador de Bahia (Teatro Castro Alvez), dans le cadre de l’année de la France au Brésil 2009. etc., participant à plus d’une centaine de productions. Il est également consultant auprès d’architectes sans jamais quitter ses activités au théâtre. De 1976 à 2000 il travaille auprès de Peter Brook comme directeur technique et est chargé en particulier de la recherche, de la transformation ou de la création de plus de deux cents espaces partout dans le monde. Certains d’entre eux sont encore utilisés : le tramway à Glasgow, le Gaswaerk à Copenhague, le Mercat de les Flors à Barcelone, La carrière Boulbon au Festival d’Avignon, le Bockenhaimer à Francfort, etc. Ces dernières années, il signe les scénographies des spectacles (théâtre et opéra) de Joaquim Benite, directeur du Théâtre Municipal d’Almada (Lisbonne). Il a également réalisé la scénographie de Une visite inopportune de Copi, mise en scène de Philip Boulay au Théâtre Municipal d’Almada, en 2010. Mehdi Slimani Zouina Meddour Chorégraphie Coordination du projet L’année 1995 marque la rencontre de Mehdi Slimani avec la culture hip-hop et plus précisément avec la danse. Multipliant les stages et cours en région parisienne, mais également en France métropolitaine, les créations de différents spectacles, enfin les représentations lors d’émissions télévisuelles ou encore de vidéoclips, il finit par s’imposer en tant que personnalité incontournable du milieu. Chargée de mission Lutte contre les discriminations pour la ville du Blanc-Mesnil. Elle intervient depuis de nombreuses années sur les quartiers populaires, multipliant les espaces, les propositions permettant aux habitants d’être co-producteurs des actions à mener ; tant dans les domaines politique, social, économique ou culturel. L’équipe de création En janvier 2003, il est sélectionné, en tant qu’artiste chorégraphique, pour le spectacle musical Les Dix commandements pour une tournée en Italie. En 2005, c’est au Japon qu’il s’envole, en 2006 en Corée. Aujourd’hui sollicité sur différents projets, le danseur/chorégraphe Mehdi Slimani continue de faire preuve de son talent artistique. Abdénor Mezlef Lumières Régisseur depuis presque vingt ans et depuis une dizaine d’année spécialement en charge de l’auditorium (salle Betsy Jolas) du Forum, Blanc-Mesnil, il a un profil polyvalent et généraliste avec une connaissance spécifique en plateau, lumière et son vidéo, gestion d’équipe technique et artistique. Ayant pratiqué dans le passé d’autres activités professionnelles, toutes tournées vers l’humain et la rue, il gère l’auditorium et l’accueil des spectacles en mettant au centre, davantage que la technique, le rapport humain, la relation avec l’autre qui est pour lui déterminante. Il a de cette façon accompagné la première pièce du collectif, Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille, dont il créait aussi les lumières. Direction des travaux de recherche Samir Hadj Belgacem, doctorant en sociologie au CMH (ENS-EHESS), a initié une réflexion sur l’adaptation théâtrale d’Abdelmalek Sayad auprès du collectif Quelquesunes d’entre nous. Il a coordonné un atelier de formation sur l’auteur, qui a été conçu et réalisé par Farid Taalba. Il a également contribué à l’élaboration du corpus de textes utilisé pour la création théâtrale et participé au comité scientifique d’élaboration de la pièce. Farid Taalba, chargé des questions culturelles au Forum Social des Quartiers Populaires et étudiant en master à l’INALCO, a conçu et réalisé l’atelier de formation sur Abdelmalek Sayad, auprès du collectif Quelquesunes d’entre nous, qu’il a rejoint en tant qu’acteur lors de la pièce Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille en 2007. Il joue à nouveau dans cette nouvelle création dont il a contribué à l’élaboration du corpus de textes et participé à son comité scientifique. La méthode d’intervention qui singularise son travail s’inscrit dans une longue tradition de l’éducation populaire. Des projets auxquels sont associés des chercheurs, journalistes, artistes… militants associatifs donnant lieu à des productions nombreuses et diverses : films, journaux, expositions, théâtre… Propositions, toujours formulées par les différents groupes impliqués, mêlant ainsi plusieurs disciplines et différents publics pour aborder les questions sociétales dans toute leur complexité avec toujours ce même objectif : donner à entendre les voix des quartiers. Avec Et nous passions le pantalon français, elle propose de faire découvrir et comprendre les chemins empruntés par tous ces immigrants quittant un jour leur pays avec douleur, angoisse et solitude et montrer comment les sociétés d’accueil réagissent à ces arrivées. Elle porte ce projet pour permettre l’expression d’une parole plurielle, celle du collectif Quelques-unes d’entre nous, des danseurs de la compagnie No Mad et celle des interviewés de Abdelmalek Sayad Raconter notre histoire, leur histoire, rétablir quelques vérités sur les conditions de vie de ces hommes et ces femmes, c’est aussi lutter contre les préjugés, dénoncer le racisme et les discriminations. www.worldscie.com [email protected] Avec les soutiens de la DRAC Ile de France/Ministère de la Culture et de la Communication - Dynamiques Espoir Banlieues, du Conseil Général de la Seine Saint-Denis, du Conseil Régional Ile de France, d’Arcadi, de la Direction de l’Accueil, de l’Intégration et de la Citoyenneté/Ministère de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration, de la Fondation Abbé Pierre, de la Ville du Blanc-Mesnil, de l’Association de Prévention du Site du Parc de la Villette, de la Mission de Lutte contre les discriminations, du Forum/scène conventionnée de Blanc-Mesnil, du Deux Pièces Cuisine et de la Maison des Tilleuls, Contrat Urbain de Cohésion Sociale. Avec la participation de la Compagnie No MaD et de Marina Da Silva pour la collaboration aux écritures. Remerciements : Raoul Veexsteen, l’Association France-Algérie, la Bibliothèque Nationale de France, l’Institut National de l’Audiovisuel, Association Génériques, Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration. Photos: © aabalde