Une société sans guerre
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Une société sans guerre
Une société sans guerre Une société sans guerre est parfaitement concevable aujourd’hui. Elle serait même à portée de la main si les idées reçues en matière de sécurité et de « défense nationale », et les politiques qui en résultent, n’étaient encore profondément archaïques et inadaptées. C’est dire que la disparition de la guerre comme moyen de relations internationales dépend des idées que nous en avons. La question est donc de savoir si ces idées peuvent être changées, modernisées et devenir plus efficaces que celles qui règnent encore. Les idées reçues. Les arguments en faveur de l’éternité du phénomène « guerre » sont sans doute très impressionnants. Tous les États, et en particulier les principales puissances, continuent d’entretenir des armées puissantes et sophistiquées. Les politiques étrangères et de sécurité ont encore pour objet, comme au XIXe siècle, la protection des frontières des nations. Le monde connaît aujourd’hui un grand nombre de guerres qu’il semble impossible d’arrêter. Le conflit israélo-palestinien s’est soudain aggravé et entraîne des destructions dans toute la région et l’insécurité permanente en Israël et dans les territoires palestiniens. Les guerres civiles se développent en Irak, en Afghanistan, au Sri Lanka, en Colombie, en Somalie, au Soudan, en Côte d’Ivoire, et dans de nombreux autres pays. Les attentats terroristes continuent de menacer les pays développés. L’extension de quelques uns de ces conflits, par exemple au Moyen Orient, à la Syrie et à l’Iran, reste menaçante. Enfin l’idée de guerre préventive reste très présente dans la politique américaine. Pourquoi pas demain la Corée du Nord ou tout autre pays dont l’armement et le comportement pourraient sembler dangereux ? Tout se passe comme si, en laissant ce climat de guerres se développer, on risquait, sans autrement s’en inquiéter, de s’orienter vers une quatrième guerre mondiale. La transformation de cette situation peut donc paraître impossible. Les efforts de « maintien de la paix » ou de « rétablissement de la paix », sous l’égide de l’ONU ou de l’OTAN sont dérisoires et inefficaces. Le « Livre blanc français » de 1994, publié sous un gouvernement Balladur, constate, pour commencer son analyse, que « pour la première fois dans l’histoire, la France n’a plus de menaces auprès de ses frontières ». Une telle constatation aurait pu et dû conduire à une révision fondamentale de notre politique militaire. Or le même livre blanc continue de préconiser la même politique de financement et d’entretien du même type d’armée. En contradiction avec sa première affirmation sur la disparition des menaces, il justifie sa position par la dispersion dans le monde de territoires appartenant à la France, et par le fait que le monde est plein de périls qui pourraient concerner les intérêts de notre pays. 1 La thèse est donc qu’en raison de l’imprévisibilité de la situation mondiale, il faut continuer de conserver une réponse militaire. En d’autres termes, on ne sait jamais : les menaces peuvent venir d’ailleurs, il ne faut surtout pas « baisser la garde » et il est du devoir de tout responsable politique de maintenir une armée moderne et sophistiquée capable de répondre à tout ce qui peut mettre en question l’indépendance du pays. Cette philosophie, qui se croit réaliste, s’appuie sur l’expérience de plus de 6 000 ans d’histoire. Elle a été formulée depuis longtemps dans trois proverbes : « Si tu veux la paix, prépare la guerre », « Il y aura toujours des guerres » et enfin la célèbre formule de Clausewitz : « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». C’est ce que l’on appelle « la sagesse des nations ». Cette vision des choses a aussi des fondements sentimentaux profonds : la tradition de respect pour les défenseurs de la patrie, combinée d’ailleurs avec l’admiration pour les « grands conquérants » du passé qui ont assuré la “gloire de la France” ou celle de l’Angleterre ou de tout autre grand pays. L’identité nationale se confond donc dans les esprits et dans les cœurs avec sa volonté de défense. Une armée moderne et forte semble indissociable de la notion même de patrie. Et ceux qui oseraient critiquer une telle vision des choses risquent fort d’être accusés soit de lâcheté soit de trahison. Ainsi donc la tradition, les sentiments identitaires, le patriotisme, l’idée que l’on se fait du courage au combat, la conviction qu’il faut “être réaliste” se combinent pour maintenir, quels qu’aient pu être les changements, les politiques de défense nationale qui ont été conduites dans le passé, même si elles risquent de conduire à des résultats de même type dans l’avenir. Aucun effort n’est fait, ni ne paraît même possible, pour essayer d’identifier les types de menaces qui peuvent subsister, ni pour inventer une réponse adéquate. Nul ne semble imaginer que les menaces nouvelles sont très différentes de celles qui ont existé dans le passé, ni qu’elles requièrent une réponse plus politique que militaire, ni que, s’il faut encore une réponse militaire, elle puisse exiger une révision totale des moyens de défense. En d’autres termes les transformations fondamentales qui se sont produites dans la seconde moitié du XXe siècle dans la conception de la sécurité internationale semblent tout d’un coup oubliées. L’appel solennel que le général Eisenhower, qui était orfèvre en la matière, a lancé à son peuple, en quittant la présidence des États-Unis, contre les dangers que représentait ce qu’il a appelé le « complexe militaro-industriel », n’a pas été entendu. La politique des ÉtatsUnis d’Amérique a en effet consisté, après le démantèlement de l’URSS à mettre à l’écart le processus de négociations de la CSCE, qui avait conduit à accepter une réduction importante des armements, et à renforcer l’OTAN. En transformant la CSCE en une organisation permanente (OSCE) on a en fait supprimé le processus de négociation qui avait donné de brillants résultats et on l’a confiné en des activités secondaires (contrôle d’élections, droits de l’homme, médiations dans de rares cas). En renforçant l’OTAN on a redonné aux militaires et au développement des armements le rôle principal. 2 Et ce retour en arrière vers le militarisme traditionnel a été suivi par les Européens, à qui les Américains ont même réussi à donner mauvaise conscience en les accusant d’être un “nain militaire” par comparaison avec la toute puissante armée des États-Unis. Ce tour de force a même été complété par l’invention d’un nouvel ennemi ; “Nous vous avons privé d’ennemi” avait dit aux Américains un politologue soviétique Arbatov au temps de la politique Gorbatchev. Les budgets militaires risquant de beaucoup souffrir d’une telle absence, il était urgent d’en réinventer un. Les attentats du 11 septembre ont facilité la tâche des militaristes. Et c’est ainsi qu’est né le “terrorisme international”. En le présentant comme une organisation unique, démoniaque et qui a juré la mort de la civilisation occidentale (Al Quaida), on a parfaitement remplacé l’ancien “communisme international” et il est possible de retourner à la course aux armements et à la prospérité des marchands d’armes ; on n’a même pas besoin de se demander si les armes produites (chars, avions, ou missiles) peuvent avoir quelque efficacité contre des attentats de kamikazes, ni de se préoccuper de savoir si les attentats ne sont pas les fruits des fanatismes les plus divers provoqués par la misère, l’ignorance, le désespoir, et l’arrogance même des occidentaux. Il a été ainsi très facile de manipuler des esprits qui ne demandaient en quelque sorte qu’à retourner au confort intellectuel des idées reçues. Pour lancer la guerre en Irak l’administration américaine a cru toutefois nécessaire de recourir au mensonge d’État en affirmant que le dictateur Sadam Hussein détenait des armes de destruction massive ce qui s’est révélé entièrement faux. Mais la découverte de ce mensonge n’a pas empêché le Congrès américain de voter plus de 400 milliards de dollars de crédits pour une guerre qui se révèle un désastre absolu, mais un pactole pour le complexe militaro-industriel. En définitive les idées reçues et les politiques qui en résultent peuvent donc sembler assurer pour longtemps encore un « bel avenir » à la guerre. La marche lente mais irrésistible vers la paix. En fait cette vision du problème relève d’un faux réalisme et ignore la nature même du changement qui est en train de se produire au sein de la société mondiale. La phase de militarisme que nous vivons aujourd’hui, ne représente que les derniers sursauts d’une philosophie périmée. L’influence des idées archaïques des États-Unis d’Amérique est déjà déclinante et l’adoption d’une philosophie nouvelle est en train, lentement mais sûrement de remplacer celle qui règne encore. La fin de l’ère militaire est sans aucun doute une très grande révolution, mais elle est maintenant devenue inévitable. C’est en Europe que cette nouvelle approche du problème de la sécurité est née, en raison de la nécessité pour les Européens de tirer les leçons des deux guerres mondiales. Cette nouvelle philosophie politique de la sécurité a été inventée et mise en pratique par Jean Monnet dans les années 1 945 – 1 950. Robert Schuman, de Gaulle, Adenauer et quelques autres hommes politiques ont confirmé cette orientation qui consistait essentiellement à chercher à s’attaquer aux causes des guerres afin de les éviter. Au lieu de toujours préparer la guerre 3 pour avoir la paix, elle cherche au contraire à “préparer la paix en supprimant les causes du recours à l’agressivité”. Et ce faisant elle a fait faire de grands progrès dans la connaissance de ces causes de guerre et dans les méthodes qui devraient permettre de les éviter. Il est sans doute normal qu’une approche aussi nouvelle et aussi révolutionnaire ait rencontré d’énormes obstacles avant d’être adoptée, et notamment ceux dressés contre elle par les intérêts investis dans les appareils militaires, ainsi que par la paresse d’esprit. Mais les conditions de sa naissance et de ses premiers succès démontrent comment elle a pu renverser les obstacles qui ont été dressés contre son développement. C’était évidemment un acte politique de première grandeur que de commencer à lancer entre 1945 et 1950 la construction d’une entité supranationale en Europe. Cette tentative reposait sur la conviction que les guerres en Europe avaient été dues pour l’essentiel aux frustrations identitaires subies par les peuples, qu’il fallait créer une situation telle qu’elles ne puissent plus se reproduire, et que cet objectif était accessible en organisant la coopération entre nations sur un pied d’égalité. Cette vision des choses s’opposait à la philosophie dite de « sécurité collective » que l’on tentait par ailleurs d’instituer dans le cadre de l’ONU, et qui fondée sur la répression militaire des agressions, devait démontrer très rapidement son inefficacité absolue. Au contraire, comme l’on sait, l’établissement de la Communauté puis de l’Union européenne a eu pour effet, alors même que cette construction n’est pas terminée, de transformer en zone de paix un continent dont les dissensions avaient depuis plus de mille ans produit d’innombrables guerres, dont notamment les deux guerres mondiales. Les risques de guerre entre les “grandes puissances” européennes, aussi bien qu’entre de plus petits pays ont disparu. Le livre blanc de 1994 déjà cité a raison : aucun pays européen n’a plus désormais de menaces auprès de ses frontières. Les vœux des poilus de 1914-1918 qui avaient voulu que la première guerre mondiale soit la dernière des guerres ont été enfin réalisés, avec une guerre mondiale de retard. Il est difficile de dire qu’il ne s’agit pas d’une révolution. Jean Monnet et ceux qui l’ont suivi ont réalisé ce prodige incroyable, longtemps considéré comme utopique. Cette nouvelle sagesse européenne ne s’est sans doute pas étendue immédiatement au reste du monde, mais en fait tous les pays développés ont adopté les uns à l’égard des autres des politiques de paix qui durent depuis 1945. Les peuples riches n’ont plus envie de se faire la guerre, ni d’en subir les dévastations et les millions de morts. Ils aiment davantage construire que détruire. Et la notion de “conquête territoriale “est devenue ridicule. Cette conséquence de la prospérité économique est aussi une révolution qui mérite quelque attention. Et ce devrait être aussi un élément important de l’approche politique de la paix. La découverte de l’arme nucléaire a aussi entraîné une transformation fondamentale des mentalités. Les chercheurs qui avaient mis cette arme au point avaient pensé qu’elle rendrait la guerre impossible. Niels Bohr disait en 1943 : « la nouvelle arme exigera de l’humanité de transcender son habitude ancestrale de faire la guerre” ». et Bunch Brodie écrivait en 1946 : « Jusqu’à maintenant, 4 les objectifs essentiels de l’establishment militaire ont été de gagner les guerres, dorénavant l’objectif sera de les éviter ». Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé, mais cette arme a eu pour effet non négligeable d’empêcher la transformation de la guerre dite “froide” entre l’Est et l’Ouest en une guerre véritable. Elle a même suscité l’invention de processus nouveaux de négociation entre ennemis, qui, eux aussi, ont été éminemment révolutionnaires. Il y a d’abord eu les accords dits de “maîtrise des armements”. Ces accords (entre les États-Unis et l’URSS) de 1972 (SALT I (ABM)) et de 1979 (Salt II) limitaient non seulement le nombre des missiles intercontinentaux porteurs d’armes nucléaires que chaque partenaire pouvait entretenir, mais limitaient aussi les moyens de défense contre ces missiles. Ils prévoyaient enfin la vérification de leur observation par des “moyens techniques nationaux” (c’est-à-dire par les satellites d’observation). Il s’agissait du premier renversement du principe du secret de l’information sur les activités de l’adversaire. Il s’agissait avant tout d’éviter qu’un accident de déclenche la terreur nucléaire. Ce que l’on a appelé la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE ou processus d’Helsinki) est venu accroître encore l’ensemble des mesures de protection contre l’éventualité d’une guerre. Ces négociations, engagées dans le scepticisme le plus général à Helsinki en 1972, entre tous les pays des deux camps et non plus seulement entre leurs deux leaders, ont été poursuivies sans discontinuité pendant un quart de siècle et ont abouti à détruire les principes sacrés de la souveraineté absolue, du secret en matière militaire, et de la guerre comme moyen normal de la politique. Ces négociations ont eu pour originalité : de définir le type de gages que l’on pouvait se donner mutuellement dans le domaine de la sécurité militaire, mais aussi dans ceux des droits de l’homme et de l’économie (c’est ce que l’on a appelé les trois corbeilles), d’instituer des « mesures de confiance et de sécurité », militairement significatives, politiquement contraignantes, vérifiables et applicables dans une zone s’étendant de l’Atlantique à l’Oural. Ces mesures comportaient la notification quarante deux jours à l’avance de toute activité militaire impliquant plus de 13 000 hommes ou 300 chars de combat, l’échange de calendriers annuels d’activités militaires, l’institution de mesures d’inspection sur place, l’invitation d’observateurs aux manœuvres, etc. Il s’agissait donc de démontrer que l’on n’avait réciproquement que des intentions pacifiques. Cette nouvelle approche, qui consistait à continuer d’entretenir des appareils militaires puissants et sophistiqués, mais en faisant en sorte qu’ils ne puissent pas être utilisés les uns contre les autres, devait naturellement conduire à prendre au sérieux la réduction des armements. Et c’est effectivement ce qui s’est passé, à partir de 1985, avec l’arrivée de Michaël Gorbatchev au pouvoir. Entre 1986 et 1995 ont été signés une dizaine de traités de réduction des armements dont l’énumération complète serait fastidieuse, mais qui portaient sur 5 la réduction, atteignant 30 puis 60 %, des charges nucléaires à usage stratégique (START I et START II), sur le retrait d’Europe de toutes les armes nucléaires tactiques, sur la réduction des armes conventionnelles en Europe (FCE), sur l’interdiction des armes chimiques, sur le survol réciproque par des avions de reconnaissance non armés des pays de l’OTAN et du pacte de Varsovie (traité Ciel Ouvert), etc. Il est difficile de contester que le développement de cette culture de vérification réciproque, de coopération dans tous les domaines et de réduction des armements représente une révolution totale dans les relations entre les peuples. Il était même prévu, et il eut été normal, qu’elle s’étende à l’ensemble du monde : d’où les projets d’établir une Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée (CSCM) et la proposition de Michaël Gorbatchev d’en faire autant pour l’Asie (CSCA). Ainsi en 1995 on aurait pu espérer que la marche vers la paix mondiale, c’est-à-dire ers la civilisation allait se poursuivre pour le bonheur de l’humanité. Comme nous l’avons dit ci dessus, cette marche a été interrompue par l’archaïsme des conceptions américaines à ce sujet, sous l’influence du complexe militaro-industriel. Les illusions sur le « maintien de la paix par la force » continuent de régner à l’ONU et ailleurs. L’un des arguments des manipulateurs qui préconisent la course aux armements est que nous serions entrés dans une “guerre des cultures”. En diabolisant l’ensemble des peuples islamiques, on conforte ainsi et on étend l’image de ce nouvel ennemi dont les marchands d’armes ont besoin. L’on peut encore croire, au vu de la politique de l’administration Bush au sujet de la prolifération nucléaire, que nous sommes entrés dans une nouvelle période de “montée des périls”, très comparable à celles qui se sont conclues dans l’histoire par des cataclysmes. C’est donc de l’Europe que dépend en définitive le sort de la paix. Mais ce serait une erreur de croire qu’elle n’a aucune chance de faire accepter sa nouvelle philosophie au niveau planétaire. Un renversement des politiques étrangères actuellement suivies est en effet probable parce que les échecs des politiques militaristes ne peuvent qu’en démontrer l’absurdité. Les raisons pour lesquelles le combat pour la paix sera finalement gagné sont les suivantes : 1. La nature des menaces par rapport au siècle précédent a complètement changé. Il n’y a plus aujourd’hui, comme nous l’avons vu, de menaces de guerre entre pays développés. Les guerres qui se poursuivent sont toutes situées dans le Tiers-monde et proviennent soit d’oppositions tribales, soit de la misère et de l’exploitation, soit de l’agressivité des pays riches, soit de ces causes combinées. Et s’ajoute à tout cela le risque majeur encore sous estimé de la pression migratoire que les masses pauvres exercent aujourd’hui sur les pays riches. Les chiffres à cet égard sont incontestables : il existe aujourd’hui 6 milliards de pauvres contre 1 milliard de riches, il y en aura 7 en 2 020 et 8 en 2030, alors que le nombre des riches ne sera pas accru. 6 2. Il n’est pas plus difficile de résoudre le problème de la paix au niveau planétaire aujourd’hui que ne l’a été celui de la paix en Europe au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Les échecs répétés des politiques actuelles en Irak, au Moyen Orient, en Afghanistan, en Colombie et ailleurs finiront, s’ils se poursuivent ou s’aggravent, par ouvrir les yeux de quelques hommes d’État. 3. L’expérience historique a permis de découvrir que : ce sont les frustrations identitaires qui conduisent les peuples aux folies collectives et à la violence ; c’est quand les peuples se sentent méprisés ou injustement traités qu’ils cherchent des compensations dans les régimes forts et l’agressivité, c’est la pauvreté et l’ignorance qui engendrent les fanatismes, - la prospérité au contraire rendant les peuples plus pacifiques parce qu’ils ont d’autres champs d’ambition que la guerre et la conquête, le résultat le plus évident de l’inégalité entre pays riches et pays pauvres est l’énorme pression migratoire qui continue de grandir. L’attraction irrésistible que la richesse des pays développés exerce sur les masses de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie va s’accroître de façon exponentielle. C’est une illusion absolue que de croire que la protection des frontières et le renvoi dans leurs pays des immigrants pourront permettre d’arrêter ces flux. Il suffit de consulter les prévisions démographiques pour s’en convaincre, les véritables menaces proviennent de ces effets combinés. l’accroissement de l’aide aux peuples pauvres, seule solution au problème de l’invasion migratoire -, pourrait être facilement permis par les économies qui seraient réalisées par la réduction négociée des armements 4. Les idées soutenues surtout par les États-Unis au sujet de la sécurité sont simplement en train de devenir ridicules. Il n’est évidemment pas vrai que les occidentaux et les États-Unis d’Amérique en particulier soient plus sages que les autres pays parce que plus puissants. Le traité de nonprolifération nucléaire est l’exemple le plus clair de ce genre de stupidité, selon laquelle : seuls les pays riches auraient le droit de détenir l’arme atomique, parce qu’ils seraient les seuls capables de résister à la tentation de s’en servir. L’attitude aujourd’hui à l’égard de l’Iran à ce sujet comme si l’on voulait oublier qu’il est un grand pays, héritier d’une grande civilisation, est caractéristique de ce genre d’arrogance qui ne pourra évidemment pas perdurer. 5. Il en ira de même de l’absence de considération à l’égard des autres cultures qui se manifeste par la faiblesse des efforts faits pour les comprendre et pour engager avec elles le dialogue indispensable pour trouver les bases d’un consensus minimum sur le rôle des religions, la tolérance réciproque et la laïcité des États. La diabolisation de l’Islam qui tente de s’imposer aujourd’hui en Occident deviendra inévitablement à la 7 6. 7. 8. 9. fois ridicule et odieuse. L’imposition de politiques économiques contraires au développement des pays pauvres, qui est aussi caractéristique de l’attitude de l’Occident aujourd’hui, démontrera rapidement son irrationalité. Les politiques poursuivies dans les négociations de l’OMC, les politiques d’ajustement toujours recommandées par le FMI, le triomphe incontesté du néolibéralisme au niveau international vont à l’encontre des besoins des pays en développement et de l’éradication de la pauvreté et de l’ignorance que l’hypocrisie officielle persiste à prétendre poursuivre. Un renversement de ces politiques s’avérera nécessaire inévitablement. L’hégémonie politique et militaire des États-Unis a atteint en effet ses limites. De nombreux pays européens et non des moindres ont déjà refusé à s’associer à la guerre en Irak, et ceux qui ont cru devoir le faire commencent à retirer les troupes souvent symboliques qu’ils avaient envoyées. Les politiques d’agression contre l’Iran et la Corée du Nord sont contestées par de nombreux pays, ce qui rend difficile de les mettre en œuvre. La politique américaine au Moyen Orient a démontré jusqu’ici son inefficacité. L’Amérique latine enfin conteste de plus en plus le colonialisme des États-Unis. Il est banal de constater que le monde unipolaire issu de la fin de la guerre froide est en train de céder la place à un monde multipolaire dans lequel il sera indispensable de résoudre les problèmes planétaires – sécurité, environnement, commerce, économie par la négociation et non par la force. Cette direction collective de la planète devra inventer des institutions et des méthodes nouvelles pour y faire face. L’élection de Barak Obama laisse espérer une réorientation vigoureuse dans la bonne direction Ce retour à une véritable sagesse, c’est-à-dire à la philosophie politique de la paix, n’exige guère au surplus que des mesures relativement faciles à imaginer : élargir le G8 aux grands pays du tiers-monde et en faire un instrument sérieux de négociation, tripler l’aide publique au développement, créer et développer des instances de discussion et de compréhension réciproque entre cultures, redonner vie à des procédures de confiance réciproque du type Conférence sur la sécurité et la coopération (CSC.) dans les diverses régions du monde, poursuivre avec quelque résolution la construction d’un super-Etat européen, internationaliser de plus en plus les appareils militaires, en créant en particulier une véritable armée européenne, reprendre la réduction des armements au niveau mondial, en résumé adopter un comportement de confiance au lieu de celui de méfiance qui règne actuellement. Il ne fait aucun doute que le complexe militaro-industriel s’opposera à cette évolution. Le plus grand danger pour la paix aujourd’hui est évidemment l’armée américaine dont l’énorme puissance ne peut s’accommoder d’un monde sans guerre. La fin de l’ère militaire exigera beaucoup de prudence, et ne se fera pas sans mal. C’est pourquoi les esprits qui se croient “réalistes” pensent qu’une telle évolution n’a aucune chance de se produire, mais ils ont tort. Les « voix 8 qui crient dans le désert » et les utopistes ont finalement souvent eu raison dans le passé. Jean Monnet était un utopiste, ainsi que ceux qui croyaient possible, il y a à peine un demi-siècle, la décolonisation. Il n’y a aucune raison pour que la marche en avant vers la paix, c’est-à-dire vers la civilisation, déjà sérieusement amorcée, ne reprenne pas demain. Un retour au bon sens, actuellement oublié sous l’influence maléfique de l’archaïsme des États-Unis est donc parfaitement possible. Il dépend de chacun d’entre nous qu’il s’effectue. Les seuls ennemis à combattre sont le sentiment ridicule et archaïque de supériorité de l’Occident, et son égoïsme de nouveau riche. Mais il est possible e penser que le combat pour leur destruction mobilisera suffisamment de bons esprits pour que la victoire soit assurée. 9