la flexibilité du travail
Transcription
la flexibilité du travail
9 LA FLEXIBILITÉ DU TRAVAIL S’il est un terme que les salariés ont appris à redouter, c’est bien celui de flexibilité. Pourtant, l’expression « flexibilité du travail » est polysémique et les effets que provoquent les différentes formes de flexibilité ne sont pas toujours aussi désastreux qu’on le pense. LES DIFFÉRENTES FORMES DE FLEXIBILITÉ DU TRAVAIL Le dictionnaire nous indique que la flexibilité désigne la capacité à s’adapter à un environnement fluctuant. Pour une entreprise, la flexibilité est donc la capacité à s’adapter aux marchés et à leurs transformations, aussi bien quantitatives que qualitatives. Une unité de production va donc chercher à utiliser la quantité de facteurs de production dont elle a besoin et à limiter les gaspillages de matières premières, de travail (temps morts) et de capital (immobilisation des machines). q La flexibilité salariale Il s’agit ici de faire fluctuer le taux de salaire en fonction de l’offre et de la demande de travail. La flexibilité salariale est donc une politique s’inscrivant dans un cadre d’analyse néoclassique du marché du travail et doit contribuer, selon ses auteurs, à une baisse du chômage. Concrètement, elle se traduit par l’individualisation des salaires et la rupture avec la négociation salariale collective. Le plus souvent, le salarié est rémunéré avec une partie fixe et une partie de salaire variable, en fonction des résultats qui lui sont imputables. Cet usage est la règle chez les commerciaux et les cadres; il commence aussi à se diffuser parmi les ouvriers et les employés, avec une évaluation semi-collective des résultats (performance d’un magasin, d’un atelier, d’une agence…). q La flexibilité interne de l’emploi Une entreprise pratique la flexibilité interne lorsqu’elle cherche à adapter l’emploi qu’elle conserve en coût fixe, c’est-à-dire qu’elle raisonne à effectifs constants. Elle peut alors être amenée à pratiquer la flexibilité quantitative interne, qui consiste à adapter les horaires de travail aux besoins de l’entreprise (annualisation du temps de travail par exemple) : le salarié est assuré de conserver son emploi, mais doit accepter de modifier ses horaires, ce qui peut le gêner dans sa vie quotidienne. L’entreprise peut aussi pratiquer la flexibilité qualitative interne ou fonctionnelle : elle fait changer ses salariés de poste de travail en fonction de ses besoins. Le salarié doit alors être suffisamment polyvalent et prêt à changer ses habitudes. q La flexibilité externe de l’emploi Il s’agit ici de flexibilité quantitative externe, c’est-à-dire que l’entreprise fait varier son effectif en fonction des besoins et recourt le plus possible à des prestataires extérieurs qui doivent supporter le poids de la flexibilité (CDD, intérim ou stagiaires, mais aussi externalisation et sous-traitance, voir aussi Les Grandes Questions sociales contemporaines, fiche 36). 26 Cette forme de flexibilité nécessite de faciliter les modalités d’embauche et de licenciement par les entreprises, donc de transformer le droit du travail dans un sens plus favorable à l’employeur. C’est pour cette raison que cette forme de flexibilité, la plus brutale, mais aussi la plus facile à mettre en œuvre pour les employeurs, est redoutée par les salariés. LES CONSÉQUENCES DE LA RECHERCHE DE FLEXIBILITÉ q La montée des comportements individualistes L’adoption de procédures d’évaluation des résultats individuels, facilitée par les TIC (technologies de l’information et de la communication), se traduit par une mise en concurrence des salariés les uns avec les autres. Rien d’étonnant donc à voir des salariés adopter des comportements attentistes en période de récession, et mercenaires quand l’économie se porte mieux : à leur tour, ils mettent en concurrence les entreprises les unes avec les autres, sans état d’âme ni scrupule. La « flexicurité » q L’accroissement du niveau de formation au Danemark La flexibilité fonctionnelle chère au toyotisme (voir définition page 34) nécessite un accroissement du niveau de qualification de la main-d’œuvre. En effet, envisager d’organiser une rotation entre les postes de travail suppose que les salariés puissent s’adapter. Il faut donc soit imposer à ceux-ci une formation continue, soit engager des salariés avec un niveau de formation initial plus élevé et licencier les salariés engagés trente ans plus tôt. Cette évolution explique pourquoi des plans sociaux peuvent cohabiter avec des difficultés de recrutement. Elle repose sur la liberté totale de licenciement ... en échange d’une protection sociale forte et d’une organisation efficace du retour à l’emploi, sous contrôle syndical. Les indemnités chômage sont élevées… mais avec un plafond de l’ordre du salaire moyen. Si au bout d’un an, un chômeur n’a rien retrouvé, l’agence de l’emploi est tenue de lui proposer soit un emploi de six à neuf mois conforme à sa qualification et proche de son salaire antérieur, dans le secteur privé (l’emploi est alors subventionné) ou dans le secteur public, soit une formation longue rémunérée avec accompagnement. Le demandeur d’emploi est tenu d’accepter sous peine de voir son allocation chômage supprimée. q La précarisation de l’emploi D. Clerc, Alternatives Économiques, hors-série n° 71, premier trimestre 2007. La recherche de flexibilité externe par les entreprises s’accompagne d’une transformation des contrats de travail. En effet, au contrat de travail standard des Trente Glorieuses, se substitue un contrat de travail atypique, prenant l’exact contre-pied de son prédécesseur : durée déterminée contre durée indéterminée, à temps partiel contre temps plein… La dimension la plus frappante est l’instabilité de l’emploi, qui affecte une part croissante des salariés, y compris dans la fonction publique où l’emploi précaire est presque deux fois plus répandu que pour la moyenne des salariés. Cette instabilité a elle-même des effets pervers pour les entreprises : baisse de l’investissement en capital humain, gains de productivité plus faibles et finalement des débouchés plus incertains, d’où la nécessité d’être encore plus flexible! 27