Discours de Laurent BAUMEL Maire de Ballan

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Discours de Laurent BAUMEL Maire de Ballan
Discours de Laurent BAUMEL
Maire de Ballan-Miré
A l’occasion de la Journée nationale du souvenir des héros et victimes de la
déportation
Le 24 avril 2011
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Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants des Anciens combattants et des Autorités
militaires,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis pour la première fois à Ballan-Miré pour commémorer cette
journée nationale du Souvenir des victimes et héros de la Déportation.
Je veux remercier ceux qui ont œuvré à ce que notre commune s’inscrive dans ce
travail de mémoire et particulièrement Monsieur Pénin, qui nous a interpellés et
accompagnés dans cette démarche, et qui nous donnera tout à l’heure lecture du texte
officiel rédigé par les associations d’anciens déportés, l’Union Nationale des
Combattants (UNC) de Ballan-Miré qui s’est associée à cette cérémonie ainsi que
l’UNRPA qui a accepté de chanter pour l’occasion la chanson « Nuit et Brouillard » de
Jean Ferrat et mon adjoint, Didier Koenig, qui a assuré la préparation de cette
cérémonie.
Cette journée est née, au début des années cinquante, du souhait des anciens déportés
et les familles de disparus de voir inscrite, dans le calendrier des commémorations
nationales, une date réservée au souvenir de la déportation.
Pour maintenir présent le souvenir de leurs camarades morts en déportation, les
associations de déportés avaient créé, au lendemain de la guerre, des lieux de
mémoire, comme, à Paris, le monument du souvenir de la synagogue de la rue de la
Victoire (inauguré le 27 février 1949) ou la chapelle des déportés, en l'église SaintRoch (inaugurée le 21 novembre 1953), autour desquels elles organisaient des
commémorations spécifiques. Des délégations d'anciens déportés étaient déjà présentes
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aux côtés des anciens combattants dans les cérémonies officielles commémorant les
Première et Seconde Guerres mondiales.
Mais il manquait une date consacrée au souvenir spécifique de la déportation. Celle-ci
fut instituée par la Loi du 14 avril 1954, pour – je cite l’exposé des motifs – « ne pas
laisser sombrer dans l'oubli les souvenirs et les enseignements d'une telle expérience, ni
l'atroce et scientifique anéantissement de millions d'innocents, ni les gestes héroïques
d'un grand nombre parmi cette masse humaine soumise aux tortures de la faim, du
froid, de la vermine, de travaux épuisants et de sadiques représailles, non plus que la
cruauté réfléchie des bourreaux."
A travers cette cérémonie, notre nation honore la mémoire de tous les déportés, et
plus particulièrement des 150 000 personnes qui partirent de France, dont 80 000
victimes de mesures de répression (principalement des politiques et des résistants) et
75 000 juifs, victimes de mesures de persécution touchant également les Tsiganes.
Mesdames, Messieurs,
Il y a 70 ans, il y avait déjà de belles journées de printemps comme nous en
connaissons en ce moment. Des hommes et des femmes comme nous, français ou
étrangers établis chez nous, vivaient paisiblement avec leurs enfants. Ils n’avaient rien
fait qui les distinguât des autres. Et puis, par des petits matins glauques, on est venu les
arrêter, on les a parqué dans des camps de transit, on les entassé dans des trains, et on
les a emporté vers l’enfer, vers quelque chose, un cauchemar qu’aucun être humain, ni
eux ni d’autres, ne pouvaient imaginer possible avant de l’avoir connu.
C’est de cela, bien sûr, dont nous parlons lorsque nous parlons de la Déportation.
Nous parlons de l’invraisemblable expérience qui a consisté à transformer des millions
d’êtres humains, hommes, femmes, enfants, en simples choses, en matériau à traiter
dans un processus de production industrielle de cadavres.
Avec l’Holocauste, avec la « solution finale » décidée à la conférence nazie de
Wannsee en janvier 1942, nous ne sommes plus dans le registre historique classique les
« crimes de la dictature ». Nous ne sommes même plus dans le « meurtre » de masse.
Pour reprendre les phrases terribles d’Hannah Arendt, un meurtrier laisse encore un
cadavre derrière lui et ne prétend pas que sa victime n’était pas un homme. Nous
sommes dans le mal absolu qui a consisté à écraser des hommes comme des
moucherons.
Dans les camps de concentration, ce n’est pas seulement la modernité qui a dérapé,
c’est l’humanité qui s’est niée elle-même, comme elle ne l’avait jamais fait auparavant.
Les camps ont été voulu, pensés, organisés par des hommes. C’est pour cela que ce
qui s’est passé là-bas est, en vérité, impossible à réparer.
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Impossible à réparer, et impossible à oublier :
Mesdames, Messieurs,
Longtemps, les rescapés se sont tus. Dans le dernier numéro de la revue l’Histoire,
consacré au cinquantième anniversaire du procès d’Eichmann (l’organisateur de la
solution finale) à Jérusalem, Annette Wieviorka relate le cas de Michael Goldman,
l’homme qui répandit les cendres d’Eichmann dans la mer après sa pendaison. Au
lendemain de la guerre, sur le bateau qui l’amenait en Israël, il raconta son expérience
d’Auschwitz à un homme et il entendit ensuite celui-ci dire à sa femme : « ne fais pas
attention. Ces gens ont tellement souffert qu’ils racontent n’importe quoi ».
Aujourd’hui, grâce à tous ceux qui se sont battus pour permettre aux victimes de cet
enfer de témoigner, le grand silence d’après-guerre est heureusement rompu. Nous ne
pouvons plus ignorer les faits, et nous devons faire en sorte, bien sûr, que les nouvelles
générations ne les ignorent pas non plus. En France même, depuis les procès Touvier
et Papon, nous ne pouvons plus ignorer non plus que des Français ont collaboré de
façon active à la mise en œuvre de cette horreur absolue. Ça aussi, nous ne devons
jamais l’oublier.
Mesdames, Messieurs
Depuis quelques années, les survivants de l’enfer parlent. Le droit qu’ils ont conquis de
pouvoir raconter leur histoire à la première personne du singulier n’est pas une
consolation. Mais elle est une réponse à la négation de leur statut d’homme par les
nazis.
Ayons alors aussi ce matin une pensée pour ceux, les plus nombreux hélas, qui ne
pourront pas parler, ceux dont le visage et la voix nous sont à jamais perdus. Ce
matin, je pense à certains d’entre eux et, avec vous, avec chacun d’entre vous, je
pense à eux tous. Ils étaient des hommes et des femmes comme nous, avec leurs
enfants, leurs métiers, leurs amis, leurs souffrances et leurs espoirs. N’oublions jamais
ce qu’ils ont enduré. Ne les oublions jamais.
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