reproduction intégrale du jugement

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reproduction intégrale du jugement
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
N° :
500-17-017163-034
DATE:
21 JANVIER 2004
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L'HONORABLE MAURICE E. LAGACÉ, J.C.S.
BANQUE AMEX DU CANADA
BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE
BANQUE HSBC CANADA
BANQUE LAURENTIENNE DU CANADA
BANQUE MBNA CANADA
BANQUE DE MONTRÉAL
BANQUE NATIONALE DU CANADA
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE
BANQUEROYALEDUCANADA
LA BANQUE TORONTO-DOMINION
CAPITAL ONE BANK (CANADA BRANCH)
CITYBANQUE CANADA
Requérantes
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
Intimé
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
RÉAL MARCOTTE
KATHLEEN JOAN GAGNÉ
NORMAND PAINCHAUD
JOËL-CHRISTIAN ST -PIERRE
MARIE CLAUDE BIBAUD
Mis en cause
Jugement rendu sur le banc le 21 janvier 2004
[1] Le Procureur général du Québec présente une requête en irrecevabilité à l'encontre d'une
requête pour jugement déclaratoire des banques requérantes.
[2] Les requérantes demandent essentiellement à la Cour supérieure de déclarer que certains
articles de la Loi sur la protection du consommateur1 soient déclarés constitutionnellement
inapplicables ou inopérants aux contrats de crédits variables conclus avec leurs clients.
[3] Le Procureur général du Québec est d'avis que cette requête est irrecevable et doit comme
telle être rejetée, par la Cour supérieure, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir
discrétionnaire.
Le contexte factuel et procédural
[4] En avril 2003, le mis en cause Marcotte signifie à 9 des 12 requérantes une requête pour
autorisation d'exercer un recours collectif dans le dossier 500-06-000197-034.
[5] La procédure du mis en cause Marcotte reproche à ces 9 requérantes d'avoir contrevenu à
certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur et demande à la Cour
l'imposition de pénalités.
[6] La requérante, Banque HSBC, n'est pas partie à la procédure de Marcotte mais est par ailleurs
intimée dans une autre requête pour autorisation d'exercer un recours collectif dans le dossier
numéro 500-06-000221-040 de cette Cour.
[7] Les requérantes Capital One Bank (Canada Branch) et Banque MBNA Canada sont aussi
parties dans un autre dossier de même nature portant le numéro 500-06000203-030.
[8] Dans tous ces recours les requérants reprochent aux banques requérantes et d'autres
institutions financières des infractions à la. Loi sur la protection du consommateur.
[9] Dans le dossier Marcotte les banques requérantes signifient au Procureur général du Québec
un avis d'intention selon l'article 95 du Code de procédure civile de soulever certains moyens
constitutionnels visant à rendre constitutionnellement inapplicables certaines dispositions de la
Loi sur la protection du consommateur.
[10] Le 10 juillet 2003, les parties intimées à la procédure Marcotte, parmi lesquelles se trouvent
9 des banques requérantes sur la procédure pour jugement déclaratoire, présentent une requête
pour permission d'interroger le requérant Marcotte et, contester par écrit.
[11] Dans cette requête tout comme dans les avis donnés au Procureur général du Québec sous
l'article 95 C.p.c. elles soulèvent la complexité de l'application du droit aux faits est annoncent
leur intention de produire une défense de nature constitutionnelle détaillée.
1
L.R.Q. c. P-40.1
[12] Le 27 août 2003 la Cour rejette la requête pour permission d'interroger Marcotte et de
produire une contestation écrite ainsi qu'une preuve documentaire par affidavit.
[13] Dans son jugement2, s'appuyant sur le rapport du Comité de révision de la procédure civile3
ainsi que de l'article 1002 C.p.c. qui énoncent clairement que la requête ne peut être contestée
qu'oralement, le juge rejette la demande pour interroger et permission de produire une
contestation écrite.
Les moyens d'irrecevabilité
[14] Le Procureur général du Québec soulève plusieurs moyens dans sa requête en irrecevabilité.
[15] Il fait appel au pouvoir de contrôle judiciaire discrétionnaire dont jouit la Cour supérieure
pour assurer une bonne gestion du conflit.
[16] Il souligne que, de l'aveu même des requérantes dans leur requête pour jugement
déclaratoire, leur intérêt à faire déterminer, pour la solution de la difficulté réelle, l'applicabilité
de certains articles de la Loi sur la protection du consommateur aux contrats de crédit variable
découle du dépôt par les mis en cause de 5 requêtes pour autorisation d'exercer un recours
collectif à leur encontre.
[17] Soulignons que depuis le dépôt de la requête pour jugement déclaratoire une autre requête
pour autorisation d'exercer un recours collectif pour violation de certains articles de la Loi sur la
protection du consommateur a été déposée dans le dossier numéro 500-06-000221-040.
[18] Il ne fait aucun doute que les difficultés réelles invoquées au soutien de la requête pour
jugement déclaratoire découlent des requêtes pour autorisation d'exercer des recours collectifs
contre les requérantes.
[19] Face à la décision de la Cour le 27 août 2003 de ne pas autoriser une contestation écrite, les
requérantes choisissent d'exercer un recours pour jugement déclaratoire et ce avant même
qu'aucun des 6 recours collectifs n'ait été autorisé.
[20] Dans la mesure où la difficulté découle, de l'admission même des requérantes, des
procédures en recours collectifs, leur requête pour jugement déclaratoire est pour le moins
prématurée.
[21] De plus, soulignons que les questions constitutionnelles ne doivent pas être débattues dans
l'abstrait, comme le recherchent les requérantes, mais bien dans un contexte factuel précis qui
existe déjà dans le cadre des procédures en recours collectif.
[22] Le jugement déclaratoire ne doit pas servir à une consultation ni une demande d'opinion
juridique.
2
3
Jugement du Juge Pierre Tessier, j.c.s., daté du 27 août 2003.
Juillet 2001. p. 203-204
[23] En l'espèce, instituée hors du contexte des procédures en recours collectif, la requête
constitue ni plus ni moins qu'une méga consultation juridique allant bien au-delà des questions
constitutionnelles soulevées ou qui pourraient l'être dans le cadre des procédures en recours
collectif.
[24] D'ailleurs, la requête des requérantes ne va-t-elle pas à l'encontre de la règle de la retenue
judiciaire en matière constitutionnelle et voulant qu'un tribunal ne se prononce pas sur une
question constitutionnelle si ce n'est pas nécessaire pour la solution d'un litige?
[25] Ainsi pourquoi un tribunal devrait-il dans le présent conflit se prononcer sur la
constitutionnalité de certains articles de la Loi sur la protection du consommateur ou leur
applicabilité si les divers requérants aux procédures pour exercer un recours collectif n'établissent
pas d'abord une infraction à cette loi par les diverses institutions bancaires?
[26] Il s'ensuit donc que si besoin, dans la mesure où il faut en traiter, les questions
constitutionnelles soulevées par les requérantes le seront de façon plus utile et complète dans le
cadre des procédures pendantes pour autorisation d'exercer des recours collectifs.
[27] De plus et alors que certaines des requérantes se voient refuser, dans le dossier Marcotte, le
droit de contester par écrit la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, voici
qu'elles tentent aujourd'hui manifestement de court-circuiter la décision rendue en utilisant un
autre véhicule pour créer une contestation écrite parallèle aux procédures en recours collectif.
[28] Ce seul constat justifie la Cour d'utiliser son pouvoir discrétionnaire pour ne pas permettre
que des parties viennent faire par la porte d'en arrière ce qu'on leur a refusé et ainsi retarder la
procédure spéciale prévue par le législateur pour les recours collectifs.
[29] Dans l'arrêt Kourtessis4 la Cour Suprême sous la plume du Juge La Forest écrit: «La raison
de principe, pour laquelle on ne veut pas que les jugements déclaratoires, même
d'inconstitutionnalité, deviennent une procédure distincte et dominante est que, dans de
nombreux cas, ils entraîneront un chevauchement et des retards peu souhaitables en matière
procédurale. Dans la mesure où il existe une procédure raisonnablement efficace d'examen des
contestations constitutionnelles, je ne vois pas pourquoi il faut en établir une autre...»
[30] La Cour fait siennes ces remarques de la Cour Suprême. Et ce d'autant plus que dans l'espèce
il existe déjà une procédure qui permettra à la Cour de se prononcer de façon plus complète et
plus efficace.
[31] Décider autrement aurait pour effet de retarder indûment des procédures en recours collectif
que le législateur, par les derniers amendements au Code de procédure civile, cherche
manifestement à accélérer.
4
[1993] 2 R.C.S. p.87
[32] Par ailleurs 6 recours collectifs sont en attente d'audition dans les dossiers:
- 500-06-000202-032
- 500-06-000203-030
- 500-06-000205-035
- 500-06-000197-034
- 500-06-000221-040
- 200-06-000033-038
[33] De façon à éviter des jugements contradictoires, il est souhaitable que ces 6 dossiers soient
réunis au stage de l’audition des demandes d'autorisation.
POUR CES MOTIFS, LA COUR:
[34] REJETTE la requête pour jugement déclaratoire avec dépens contre les requérantes.
[35] ORDONNE que les 6 dossiers 500-06-000202-032; 500-06-000203-030; 500-06-000205035; 500-06-000197-034; 500-06-000221-040 et 200-06-000033-038 soient réunis pour fin
d'audition au stage des demandes d'autorisation d'exercer un recours collectif.
[36] ACCUEILLE la requête en irrecevabilité du Procureur général du Québec;
[37] ACCUEILLE les requêtes en irrecevabilité des mis en cause Réal Marcotte, Joël-Christian
St-Pierre, Normand Painchaud, Marie-Claude Bibaud et Kathleen Gagné.
[38] LE TOUT avec dépens contre les institutions bancaires requérantes.
[39] INVITE les parties aux procédures en recours collectifs à prendre rendez-vous sans délais
avec le Juge en chef adjoint pour déterminer avec lui la durée d'audition sur les demandes
d'autorisation d'exercer des recours collectifs, en fixer la date, et ordonner s'il y a lieu le transfert
du dossier 200-06-000033-038 dans le district de Montréal.
Date d'audience: 20 et 21 janvier 2004