DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la
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DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la
DEUXIEME CHAMBRE SUR LA RECEVABILITE de la requête No 19617/92 présentée par Madeleine LEDRUT contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 12 janvier 1993 en présence de MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième Chambre A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G. H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 29 septembre 1990 par Madeleine LEDRUT contre la France et enregistrée le 10 mars 1992 sous le No de dossier 19617/92 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante : EN FAIT La requérante, née en 1913, de nationalité française, réside actuellement en maison de retraite, la fondation Dranem au château de Ris-Orangis. Devant la Commission, elle est représentée par Philippe Bernardet, sociologue au Conseil National de la Recherche Scientifique (CNRS). Les faits, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit : Devant faire l'objet d'une expulsion, la requérante, alors veuve, fut convoquée le 10 novembre 1983 par le Commissaire de police du 17° arrondissement de Paris. Celui-ci, constatant qu'elle refusait d'être hébergée dans un foyer et qu'elle disait vouloir se suicider, la fit transférer à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police où elle fut examinée par un médecin qui préconisa un placement d'office en établissement psychiatrique. Le 11 novembre 1983, le préfet de police de Paris prit un arrêté ordonnant le placement d'office de la requérante au centre hospitalier de Perray-Vaucluse. Le 22 juin 1984, à la demande du procureur de la république que la requérante avait alerté, le président du tribunal de grande instance d'Evry a ordonné sa sortie immédiate en application de l'article L 351 du code de la santé publique, à condition pour elle de se faire suivre en post-cure par le médecin traitant dans le cadre d'un placement volontaire. La requérante est restée dans l'établissement psychiatrique sous le régime du placement volontaire jusqu'au 2 novembre 1984. A cette date elle est entrée dans la maison de retraite où elle réside actuellement. Après sa sortie, la requérante a engagé parallèlement trois procédures, l'une civile en dommages-intérêts contre le préfet de police, l'Etat, le centre hospitalier et le médecin-chef du centre (qui fait l'objet de la requête N° 19619/92), la deuxième pénale pour vol de ses meubles et objets personnels pendant son internement (qui fait l'objet de la requête N° 19618/92) et la troisième devant la juridiction administrative, qui fait l'objet de la présente requête. Le 19 février 1986, la requérante a saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours en annulation contre : - la décision du commissaire de police du 17° arrondissement la transférant à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ; - la décision d'admission à ladite infirmerie ; - l'arrêté de placement d'office du préfet de police de Paris ; - la décision de transfert au centre hospitalier de PerrayVaucluse ainsi que la décision d'admission dans ce centre. Par jugement du 28 janvier 1988, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté de placement d'office pour insuffisance de motivation ainsi que les décisions en découlant et a rejeté le surplus des demandes de la requérante. Celle-ci a fait appel devant le Conseil d'Etat, qui n'a pas encore statué à ce jour. Entre-temps, la requérante avait également saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action en dommages-intérêts contre l'Etat, le préfet, le centre hospitalier, ainsi que le médecin-chef dudit centre. Devant le tribunal, l'Etat soulevait l'incompétence de la juridiction civile au profit de la juridiction administrative et le centre hospitalier demandait le sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat. Dans son jugement du 8 décembre 1988 déclarant l'internement non fondé et allouant à la requérante des dommages-intérêts, le tribunal a rappelé que "les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour apprécier la nécessité de la mesure de placement, son maintien et les conséquences dommageables qui en résultent éventuellement". En conséquence il a rejeté le sursis à statuer demandé au motif que la décision du Conseil d'Etat était sans incidence sur le litige qui lui était soumis. Sur appel des défendeurs la cour d'appel de Paris a, après expertise, infirmé par arrêt du 30 mai 1991 ce jugement en estimant que l'internement de la requérante était fondé, mais lui a néanmoins alloué 100 000 F de dommages-intérêts en réparation de l'irrégularité de l'arrêté de placement constatée par le tribunal administratif. Auparavant, par arrêt du 29 septembre 1989, elle avait confirmé la compétence de la juridiction judiciaire et le refus de sursis à statuer. GRIEFS La requérante invoque la violation de l'article 6 par. 1 de la Convention en ce que la juridiction administrative n'aurait pas statué dans un "délai raisonnable" au sens de cet article. EN DROIT La requérante invoque le dépassement du délai raisonnable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Elle estime que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) s'applique à la procédure devant la juridiction administrative du fait que la reconnaissance par celle-ci de l'illégalité de son internement conditionnerait son droit civil à réparation. La Commission relève à cet égard que les juridictions civiles (tribunal de grande instance et cour d'appel de Paris) qui ont statué sur la demande de dommages-intérêts de la requérante ont certes tenu compte de l'annulation prononcée par le tribunal administratif mais ont toutes deux refusé de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt du Conseil d'Etat. Au surplus, elles ont rappelé le principe constant selon lequel seul le juge judiciaire est appelé à se prononcer sur le bien-fondé d'un internement ainsi que sur la demande de réparation en découlant. La Commission en déduit que la procédure devant la juridiction administrative n'était pas déterminante pour les droits civils de la requérante au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1). Elle rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la procédure relative à l'internement d'une personne en hôpital psychiatrique ne porte pas sur des droits et obligations de caractère civil et l'article 6 par. 1 (art. 6-1) ne s'y applique pas (N° 10801/84, L. c/Suède, Rapport Comm. 3.10.88, par. 86 à 88). Il s'ensuit que la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2). Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Deuxième Chambre (K. ROGGE) Le Président en exercice de la Deuxième Chambre (G. JÖRUNDSSON)