Harcèlement et prise d`acte : l`impossibilité de
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Harcèlement et prise d`acte : l`impossibilité de
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Harcèlement et prise d’acte : l’impossibilité de poursuivre le contrat doit être vérifiée le 25 mars 2015 SOCIAL | Rupture du contrat de travail En cas de harcèlement moral ou sexuel, l’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat et lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, il appartient à la cour d’appel de vérifier si le manquement de l’employeur avait empêché la poursuite du contrat de travail. Soc. 11 mars 2015, FS-P+B, n° 13-18.603 Il est acquis depuis maintenant plusieurs années que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements » (V. Soc. 30 oct. 2013, n° 12-15.133, Dalloz jurisprudence ; Soc. 23 janv. 2013, n° 11-18.855, Dalloz actualité, 14 févr. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 314 ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; 19 janv. 2012, n° 10-20.935, Dalloz jurisprudence ; 3 févr. 2010, n° 08-44.019, D. 2010. 445, obs. J. Cortot ; Dr. soc. 2010. 472, obs. C. Radé ). Cette position peut paraître particulièrement sévère à l’égard des employeurs en particulier lorsque ces derniers n’ont eu connaissance que très tard des faits de harcèlement subis par un salarié. Mais il appartient à l’employeur de veiller à ce que l’environnement de travail dans lequel évoluent ses salariés ne mette pas en danger leur santé et leur sécurité. Aux yeux des juges, l’existence même de faits de harcèlement au sein d’une entreprise est la preuve du manquement de l’employeur à son obligation de « prend[re] les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav. art. L. 4121-1). Si le manquement à l’obligation de sécurité de résultat ne fait aucun doute, il est néanmoins possible de se questionner sur ses conséquences. Dans l’arrêt du 11 mars 2015, la chambre sociale a dû rappeler aux juges d’appel que la réaction de l’employeur face aux faits de harcèlement qui lui sont rapportés, aussi efficace soit-elle (licenciement pour faute grave du salarié à l’origine du harcèlement), n’est pas de nature à effacer son manquement à l’obligation de sécurité de résultat. Or les juges d’appel s’étaient fondés sur l’absence de manquement à l’obligation de sécurité de résultat pour requalifier la prise d’acte de la salariée victime du harcèlement en démission. La Cour de cassation précise qu’il appartient au juge d’appel, qui a constaté que « la salariée avait été victime d’un harcèlement moral et sexuel dans l’entreprise », « d’apprécier si [le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat] avait empêché la poursuite du contrat de travail ». En exigeant de la cour d’appel qu’elle procède à une telle vérification, la Cour de cassation admet que des faits de harcèlement puissent ne pas constituer, en soi, un manquement suffisamment grave susceptible de justifier la prise d’acte par la salariée. Ainsi, on peut imaginer « que le salarié ne saurait justifier son initiative en invoquant des faits de harcèlement moral "anciens" – comprendre : ayant cessé de longue date –, la continuation du contrat démontrant qu’elle n’a point été empêchée par ces agissements » (V. Rep trav., v° Harcèlement moral, par P. Adam, § 2 [Prise d’acte de la rupture]). Il en serait de même lorsque l’intervention de l’employeur a suffi à écarter rapidement et efficacement tout danger pour la santé du salarié. Les juges pourraient considérer que les manquements, passés, à l’obligation de sécurité de résultat ne justifient pas – ou plus – nécessairement, dans un environnement et au sein de relations qui ont été normalisés, la rupture Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) du contrat de travail aux tords de l’employeur. Dans une telle hypothèse, le harcèlement moral devrait alors seulement donner lieu à un contentieux de l’inexécution contractuelle (V. A. Fabre, Manquements contractuels de l’employeur : quelles alternatives à la rupture ?, Sem. soc. Lamy 21 juill. 2014, n° 1640, p. 6). par Marie Peyronnet Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017