sanofi-aventis : l`analyse
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sanofi-aventis : l`analyse
Strategie sanofi 30/08/06 18:19 Page 2 14 STRATÉGIE PAS DE PETITS PRODUITS NI DE PETITS PAYS © SANOFI-AVENTIS La diversité des forces de vente, des sites de production et des équipes de recherche et développement, alliée à une gestion rigoureuse, sont les clefs du succès du groupe Sanofi-Aventis. —————— a fameuse doctrine du « ni-ni », apanage des hommes politiques, a franchi les portes de l'avenue de France, près de la Grande Bibliothèque à Paris, le siège du numéro trois mondial de la pharmacie. Depuis plusieurs années, le leitmotiv de Sanofi-Aventis n'a pas varié d'un iota : « ni petit pays, ni petit produit ». Un credo inscrit dans l’histoire du groupe français. « Nous n’avons jamais négligé un produit, ni un pays, si petit soit-il, rappelle Jean-François Dehecq. C'est un héritage du passé. Lorsque nous avons fondé Sanofi avec René Sautier en 1973, nous avions déjà réalisé que si nous voulions construire un L PHARMACEUTIQUES _ SEPTEMBRE 2006 groupe pharmaceutique, il nous fallait construire une recherche internationale. Et pour ce faire, il ne fallait rien négliger. A l’époque, nous nous sommes diversifiés dans différents secteurs d’activité, pour dégager des bénéfices, que nous avons ensuite réinvestis dans la recherche. Les marges dégagées par ces métiers étaient parfois très faibles, ce qui nous a habitué à “gagner petit”. C’est parce que nous nous sommes battus pour chacun de nos produits -il n’y a pas de “petit produit” - et que nous avons appris à gérer certaines affaires ne dégageant que de faibles marges, que nous sommes bien armés aujourd’hui face aux conjonctures difficiles. Cette capacité de résistance est notre manière de gérer. » Un groupe très diversifié. Cette stratégie impose toutefois au laboratoire une dimension globale tant du point de vue des forces de vente, que des sites de production, voire des équipes de recherche et développement. Son rapprochement réussi avec Aventis a d'ailleurs offert au groupe la dimension qu’il lui manquait notamment aux Etats-Unis et au Japon. Sanofi-Aventis peut s'enorgueillir aujourd’hui de quelques 100 000 salariés répartis dans plus de 100 pays dans le monde. Cette présence mondiale passe par un outil de production intégré avec des usines installées sur tous les continents. « Pour soutenir la croissance, il faut être capable de satisfaire la demande en médicament, affirme Gilles Lhermould, responsable des affaires industrielles. Pour cela, nous disposons d’un outil de production intégré de l’amont vers l’aval avec 86 usines dans le monde et 30 000 collaborateurs. Cette intégration répond à la volonté de maîtriser la chaîne de production dans son ensemble. » Cela permet notamment au groupe de soutenir même ses médicaments de base tout en étant présent sur tous les marchés mondiaux. « Des gens à soigner, il y en a dans tous les pays », réplique Jean-François Dehecq. Cela se traduit par une répartition géographique équilibrée des ventes et des résultats entre l’Amérique du Nord (40 %), l’Europe (40 %) et le reste du monde (20 %). Dans le contexte actuel de réduction des dépenses de santé, un équilibre entre les différentes zones géographiques constitue ainsi une réponse au problème de croissance que tous les grands laboratoires mondiaux rencontrent aux Etats-Unis. Car les zones offrant aujourd’hui la plus forte croissance, ce sont l’Asie et l’Amérique latine. Elles devraient croître au rythme de 15 % par an dans les cinq prochaines années. Le groupe se targue d'occuper la première position dans trois grands pays émergents : la Russie, la Turquie et la Chine. Dans ce pays, Sanofi-Aventis détiendrait même la plus grande force de vente du marché avec 1 500 visiteurs médicaux. Cette approche globale s’applique aussi à la recherche et développement. Une réussite pour le groupe dont les Strategie sanofi 30/08/06 18:19 Page 3 Sanofi possède 86 usines dans le monde. De gauche à droite : son centre de R&D américain, celui de ChillyMazarin et le site de Ujpest en Hongrie. équipes se placent parmi les plus productives au monde. « Nous sommes convaincus que chaque pays aborde la recherche avec une approche propre à sa culture, observe Gérard Le Fur, responsable des opérations scientifiques et médicales. C’est pourquoi nous avons toujours privilégié une approche internationale. Cette diversité est la source de notre créativité et de notre capacité d’innovation. » Le nouveau médicament issu de la recherche de la maison, Acomplia®, en est un bon exemple. © SANOFI-AVENTIS © SANOFI-AVENTIS © SANOFI-AVENTIS 15 dépenses de marketing s'annonce donc importante cette année. Mais ce surcroît de dépenses est déjà inclus dans ses prévisions de résultats pour 2006. Sanofi-Aventis voit déjà dans cette nouvelle molécule un blockbuster, un produit dont le chiffre d’affaires dépasserait un milliard d’euros. Quant aux analystes, ils projettent des ventes annuelles de plusieurs milliards d’euros. Outre Acomplia®, le portefeuille de molécules et vaccins actuellement en développement devrait porter ses fruits dans les années à venir. Les nouveaux lancements. Produit Il est fourni : sur 127 molécules et de particulièrement prometteur contre vaccins actuellement en développel'obésité et ses maladies induites, ment, 56 ont atteint les stades avancés Acomplia® a déjà été lancé au II et III. Sanofi-Aventis pave déjà la Royaume-Uni. Le laboratoire vient voie pour assurer sa en effet d’obtenir l’aucroissance de demain. Ce torisation de mise sur le n’est pas un hasard si le Un portefeuille groupe consacre quatre marché dans 25 pays du Vieux continent. D’ici à milliards d’euros à sa rede molécules la fin de l’année, ce noucherche et développefourni veau médicament sera ment, soit 15 % de son progressivement comchiffre d’affaires en 2005. mercialisé dans plusieurs pays euC’est le troisième budget de l’indusropéens : Danemark, Irlande, Alletrie pharmaceutique. En 2007 et 2008, magne, Finlande et Norvège. Aux le groupe entend soumettre une diEtats-Unis, Sanofi espère obtenir une zaine de dossiers d'enregistrement. réponse de la FDA et le commercialiEt il ne devrait pas s'arrêter en si bon ser d’ici à la fin de cette année. «Nous chemin tout en restant focalisé dans ouvrons une nouvelle classe thérasept domaines thérapeutiques clefs : peutique, celle des risques majeurs le cardiovasculaire, la thrombose, induits par les troubles métaboles maladies métaboliques, l’oncololiques. » gie, le système nerveux central, Sanofi-Aventis s’attaque de façon la médecine interne et enfin, les vacglobale à l’un des problèmes majeurs cins. du siècle. Même si ce médicament Une place prépondérante dans les permet aux patients de maigrir, la vaccins… Mais, c’est plus particulièperte de poids n’est pas son premier rement dans l’oncologie et le système objectif. « Acomplia® sera en effet nerveux central qu’il attend plusieurs prescrit dans les risques cardiovasproduits prometteurs. Il investit égaculaires induits par l’obésité », précise lement beaucoup dans le domaine de le président Jean-François Dehecq. Le l’infectiologie. « La politique menée laboratoire ne pourra pas réussir le autour des antibiotiques est un imlancement de ce produit sans y mettre mense problème de santé publique. les moyens. L’augmentation des Certes, il y avait une surconsommation de ces produits dans certains pays et notamment en France, mais les mesures de baisses de prix drastiques qui ont été prises, ont contribué à casser la recherche dans ce domaine. Résultat : aujourd’hui, très peu de chercheurs travaillent sur les antibiotiques. C’est une gigantesque erreur à un moment où il y a une résurgence des épidémies à travers le monde. Il va désormais falloir dépenser beaucoup d’argent et consacrer de nombreuses années de recherche avant d’espérer réaliser de nouvelles découvertes dans un domaine où les agents infectieux ont largement évolué pendant qu’on n’avançait plus », regrette Jean-François Dehecq. Les vaccins auront aussi la part belle des lancements prévus dans les prochaines années. Sanofi-Aventis partage avec le britannique GlaxoSmithKline le leadership mondial dans ce domaine. Chacun détient presque un quart de part de marché. « Les vaccins offrent l’une des plus belles croissances de la profession. Ils progressent deux fois plus vite que l’industrie pharmaceutique dans son ensemble. Après un taux de croissance de 27 % en 2005, la croissance devrait être équivalente en 2006. « Et à moyen terme, elle est bien partie pour suivre un rythme de 10 à 15 % par an », explique le président. Autre atout : les vaccins sont techniquement compliqués à fabriquer. Ce qui constitue une forte barrière à l’entrée sur ce marché. Enfin, ils constituent un outil indispensable aux pays « du Sud », car ils sont l’instrument de prévention par excellence. « Aujourd’hui, 8 % de notre chiffre d’affaires est réalisé dans les vaccins, avec une rentabilité voisine de celle réalisée pour les produits pharmaceutiques », ajoute Jean-François Dehecq. ■ SEPTEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES action sanofi 4/09/06 10:37 Page 2 18 L'ACTION TRAVERSE UNE ZONE DE TURBULENCES En dépit d'excellents résultats financiers, les risques liés à la concurrence des génériques sur deux blockbusters, Plavix® et Lovenox®, pèsent lourdement sur le cours. —————— roisième laboratoire pharmaceutique mondial, Sanofi-Aventis a enregistré l’an passé un chiffre d’affaires de 27,31 milliards d’euros. Hors impact de la restructuration, le groupe a dégagé un bénéfice net confortable de 6,4 milliards, soit 4,74 euros par action. Cette année, les perspectives restent souriantes. L’objectif d’une croissance de 10 % du bénéfice net par action ajusté pour 2006 est maintenu. D’ailleurs, JeanFrançois Dehecq se déclare être « à l’aise avec cette prévision malgré la baisse de la croissance du marché américain. L’Europe, quant à elle, a toujours été un marché plus difficile que les Etats-Unis pour les laboratoires pharmaceutiques. C’est pourquoi les acteurs européens se sont Sanofi a habitués à gérer les réductions des dépenses toujours su se par les pouvoirs publics. défendre Et plus particulièrement Sanofi a toujours su se défendre même dans des marchés difficiles ». Toutefois, comme tous les laboratoires, SanofiAventis exerce une activité non dénuée de risques. Ses difficultés à défendre le brevet de Plavix® sont là pour le rappeler. Dans la bataille qui l’oppose aux fabricants de génériques, il tente de stopper les ventes de copies de Plavix® aux Etats-Unis, un anti-thrombotique théoriquement protégé par T PHARMACEUTIQUES _ SEPTEMBRE 2006 un brevet jusqu’en 2011. Avec son partenaire américain Bristol-Myers Squibb (BMS), Sanofi-Aventis vient, en effet, de déposer une requête auprès de la justice américaine pour arrêter les versions génériques du canadien Apotex, lancées le 8 août dernier. Ce médicament générique serait vendu beaucoup moins cher dans certaines pharmacies américaines. C'est le tribunal fédéral du district sud de New-York qui examine cette requête. Et cette même cour aura aussi à se prononcer sur le procès en contrefaçon engagé depuis plusieurs mois contre Apotex. D'ailleurs, la division antitrust du ministère américain de la justice a ouvert au début du mois d'août une enquête pénale concernant le projet de transaction signé avec Apotex et Sanofi-Aventis, dans le cadre de ce procès en contrefaçon. L'action sous pression. Toute cette bataille juridique pour la défense des droits de Plavix® met le titre sous pression. Les analystes sont partagés sur les chances de réussite de SanofiAventis et BMS. Si certains doutent que les deux groupes obtiennent gain de cause, d’autres soulignent leurs chances sérieuses de conserver les recettes du Plavix® s’ils gagnent ce premier référé. D’ailleurs, le laboratoire vient d’obtenir une extension d’indication de cet anticoagulant aux Etats-Unis pour la forme la plus sévère de l’infarctus de la myocarde. Un succès qui pourrait toutefois avoir un impact limité sur le chiffre d’affaires, puisque le Plavix® est déjà confronté à la concurrence du générique d’Apotex, moins cher. Déjà, plusieurs membres de la communauté financière ont réduit leurs estimations de résultats pour l'exercice 2007 et 2008, afin de tenir compte d’une éventuelle perte anticipée de brevet sur Plavix®. Certes, l’an passé, l’arrivée de génériques aux Etats-Unis copiant l’antihistaminique Allegra®, autre blockbuster, a été relativement bien amortie. Mais le groupe a un autre souci et de taille : la défense de son autre antithrombotique Lovenox®. Un volet du procès en contrefaçon de Lovenox®, qui l'oppose aux fabricants de génériques Amphastar et Teva, débutera en octobre prochain devant le Tribunal fédéral pour le district central de la Californie. Il concerne la question de l'élément intentionnel. Une date de procès devrait être fixée ultérieurement s'agissant des ques- 4/09/06 10:37 Page 3 19 © CORBIS action sanofi tions de la validité, de la contrefaçon et de l'opposabilité du brevet de Lovenox®. Une forte décote boursière sur ses pairs. La Bourse a des raisons de bouder l’action du numéro trois mondial de la pharmacie. Depuis un an, le cours de Sanofi-Aventis n’a pas bougé, enregistrant une contre-performance notable par rapport à l'évolution des grands indices boursiers (+16 % pour le CAC 40) et des actions de ses grands concurrents européens (+26 % par exemple pour Roche). Aux cours actuels proches de 69-70 euros, la banque américaine Goldman Sachs évalue la décote dont souffre le titre français à 13 %, même dans l'éventualité où le Plavix® était génériqué. Pour expliquer la faible valorisation de Sanofi-Aventis, les explications ne manquent pas. Outre les difficultés à défendre Plavix®, l’attentisme prévaut avant le lancement d’Acomplia®, un médicament jugé très prometteur qui ouvre une noudu titre. Si l’on compare l’évolution velle classe thérapeutique : le syndes grands laboratoires depuis 1999, drome métabolique. En fait, ce noudate du début des grands mouveveau produit sera prescrit aux ments dans cette industrie, la perforpatients obèses ou en surpoids, prémance de notre titre a été largement sentant des risques de diabète ou de supérieure à celle de nos concurmaladie cardiovasculaire. Certes, le rents. Lorsque nous avons réalisé les laboratoire a obtenu l’autorisation rachats de Synthélabo fin 1999 puis de mise sur le marché dans vingtd’Aventis mi-2004, les marchés se cinq pays du Vieux Continent. Mais, sont à chaque fois montrés scepil lui reste encore à convaincre les autiques. Nous avons montré que ces torités sanitaires américaines, qui opérations avaient du sens et les inont demandé des informations supvestisseurs nous ont suivi. Ainsi, lors plémentaires, avant d’accorder leur de la fusion avec Aventis le titre précieux sésame. Dès que l’aval sera s’échangeait autour de 55 euros. Il donné aux Etats-Unis, le cours ne avoisine aujourd’hui 70 euros. Mais manquera pas d’en profiter. Mais le il est vrai que nous souffrons toutemps presse. Pour pouvoir compenjours d’une décote par rapport au ser une éventuelle concurrence des secteur, en raison des incertitudes génériques sur Plavix®, le groupe deliées au lancement d’Acomplia® et à la concurrence des génériques sur vra impérativement lancer au plus plusieurs de nos produits ». vite Acomplia® aux Etats-Unis , en tout cas avant la fin de l’année. D’auUne situation financière solide. En tant que les analystes projettent des outre, le groupe n'a pas besoin, pour ventes mondiales annuelles de plul'instant, de faire appel au marché via sieurs milliards d’euros pour Acomplia®. Parmi eux, Dresdner Kleinwort une augmentation de capital. Grâce Wasserstein s’attend à un montant à la rapidité du rapprochement réade 2 milliards à l’horizon 2010. lisé avec Aventis, il a pris de l'avance Enfin, la sortie du capital du nusur son programme de synergies. Il méro un mondial des cosmétiques a pu aussi rembourser sa dette plus L’Oréal (10,6 % du carapidement que prévu. pital et 17,41 % des Son endettement est retombé de 14,2 milliards droits de vote), à une « Ne pas vivre d’euros fin 2004 à 9,9 échéance encore incertaine, pèse sur le avec le nez collé milliards d’euros fin 2005. Rapporté aux cours de Sanofi-Avensur l’action » fonds propres, il ne retis. Fin 2004-début présentait plus, l'an 2005, le laboratoire passé, qu'un ratio de avait déjà du faire face 21,2 % contre 34,2 % au 31 décembre à la sortie d’un actionnaire histo2004. « Faut-il rappeler que la fusion rique, le conglomérat koweïtien KPC, de Sanofi avec Aventis a mobilisé 100 et ce désengagement, représentant 000 personnes et le bilan est là : nous 6,2 % du capital, n’avait eu, il est vrai, aurons connu une forte croissance qu’un effet limité sur le cours. A un horizon de douze mois, les de nos résultats et nous sommes plus analystes financiers se donnent un nombreux aujourd’hui que le jour de objectif de cours compris entre 75 et la fusion », se félicite Jean-François 85 euros. D’autres ne voient pas le Dehecq. cours rebondir dans l'immédiat, Enfin, cerise sur le gâteau, la valeur préférant attendre de voir les incertiSanofi-Aventis offre un rendement (dividende rapporté au cours de l'actudes se lever avant de recommantion) correct : environ 2,4 % sur la der le titre à l’achat. La circonspecbase d'un dividende de 1,52 euro par tion des marchés financiers titre distribué en 2005. En cinq ans, le n'inquiète pas outre-mesure les diricoupon distribué s'est envolé de geants du groupe. 130 %. Et le laboratoire devrait avoir « Je pense qu’il ne faut pas vivre les moyens d'augmenter régulièreavec le nez collé sur l’action, sinon ment la rémunération de ses actionon ne fait rien, explique Jean-Frannaires aux cours des années à venir. çois Dehecq. Il faut regarder l’évoluDe quoi compenser peut-être une tion sur la durée. Or que ce soit sur éventuelle nouvelle déception sur le cinq, sur dix ou sur vingt ans je n’ai cours. ■ pas d’état d’âme quant au parcours SEPTEMBRE 2006 _ PHARMACEUTIQUES