l`affaire plavix : un dénouement très attendu

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l`affaire plavix : un dénouement très attendu
24 a c t u a l i t é s
L’AFFAIRE PLAVIX
UN DÉNOUEMENT
TRÈS ATTENDU
L’anticoagulant vedette de
Sanofi-Aventis et de BMS
vient de voir son brevet
protégé aux Etats-Unis
jusqu’en 2011. Le génériqueur
canadien Apotex fera appel.
Retour sur un process à
rebondissements.
——————
EMMANUEL CUZIN
’avenir du 4ème blockbuster
mondial, – 6 milliards de dollars de CA dont 3 aux USA –,
entre les mains d’un juge fédéral depuis le 22 janvier dernier
vient de connaître un heureux dénouement. Le 20 juin dernier les laboratoires Sanofi Aventis et BMS ont
obtenu le droit de conserver les revenus du médicament pendant 5 ans.
Retour sur la saga judiciaire.
En février 2002, la société Apotex, fabricant canadien de médicaments
génériques, dépose une demande
d’homologation du générique du
clopidogrel ou ANDA (Abbreviated
New Drug Application) auprès de la
FDA afin de le commercialiser. Une
ANDA ne peut être approuvée par les
autorités américaines avant l’expiration du brevet d’un produit, sauf si la
personne qui dépose l’ANDA
conteste la validité du brevet. Pour
Sanofi-Aventis, le clopidrogrel est
protégé par son brevet américain
jusqu’en 2011. Au contraire, Apotex,
qui se réfère aux brevets successifs
déposés par Sanofi-Aventis, considère que le clopidrogrel n’est protégé
que jusqu’en 2003. Ce qui justifie à
ses yeux sa demande d’ANDA auprès
P H A R M A C E U T I Q U E S _ J U I N /J U I L L E T 2 0 07
© BSIP
L
Plavix® représente un chiffre d’affaires annuel de 3 milliards de dollars aux USA.
de la FDA. Dans le mois qui suit, en
mars 2002, Sanofi-Aventis et BristolMyers Squibb (BMS) – qui commercialisent Plavix® aux USA – intentent
un procès en contrefaçon contre Apotex. Ce dernier contre-attaque par
une action en justice pour violation
du droit de la concurrence. En avril
2002, un fabricant indien de génériques, entreprend la même action
qu’Apotex en déposant une ANDA
pour Plavix®, à laquelle Sanofi-Aventis répond bien sûr par un procès
pour contrefaçon.
Une succession de litiges. En août
2002, nouvelle attaque. Elle vient cette
fois-ci d’un génériqueur israëlien,
Teva. En 2005, un accord est signé avec
ce dernier qui accepte de suspendre
son action jusqu’à ce que le litige avec
Apotex soit réglé. En mars 2003, Apotex dépose une demande d'autorisation de mise sur le marché d'un générique du clopidogrel auprès des
autorités de santé canadiennes, avec
les mêmes arguments que ceux
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présentés aux autorités américaines.
Sanofi-Aventis et sa filiale canadienne
y répondent aussitôt par une action
judiciaire. Un an plus tard, en 2004,
une filiale de Téva dépose une demande auprès des autorités canadiennes, qui donne lieu à un accord
transactionnel avec Sanofi-Aventis.
D’autres fabricants de génériques s’intéressent également à Plavix®. En
2005, s’ajoutent ainsi à la liste des intéressés, Ivax, Mylan, Sandoz et Cobalt,
qui déposent à leur tour une ANDA.
En mars 2005, la Cour fédérale canadienne juge que le clopidogrel est effectivement protégé par le brevet mis
en cause. Ce jugement, qui donne tort
à Apotex, lui interdit de commercialiser le clopidogrel générique au Canada. Au Royaume-Uni, un autre front
s’ouvre contre Plavix® en janvier 2005,
mais il se referme au mois d’août 2005,
quand la société écossaise Aircoat se
désiste du procès. Retour aux EtatsUnis, où fin janvier 2006, la FDA accorde son certificat de conformité à
Apotex pour le clopidogrel. Cette décision ne signifie cependant pas que les
litiges en matière de brevets soient effacés, bien au contraire.
Rebondissements. La menace devient plus précise et des négociations
ont lieu entre Sanofi-Aventis, BMS
et Apotex afin de trouver un accord
dans le procès en contrefaçon. L’accord trouvé prévoit de verser plusieurs millions de dollars à Apotex
pour qu’il ne lance pas son générique
et d’accorder à Apotex une licence lui
permettant d’exploiter et de commercialiser aux Etats Unis le clopidogrel à partir de septembre 2011,
moyennant redevance.
Cet accord pour être valide doit cependant être approuvé par la Federal
Trade Commission (FTC) et les state
attorneys general (procureurs généraux des états), qui font autorité en
matière de concurrence et de défense
des consommateurs. Suite aux observations formulées par ces deux organismes, l’accord est modifié en juin
2006. Il prévoit d’avancer de trois mois
et demi, en 2011, la date de commercialisation du générique clopidogrel. Il
prévoit également, qu’Apotex pourrait
commercialiser aussitôt le générique
si cet accord était refusé par les autorités. Or, un mois plus tard, ce nouvel
accord est refusé par les state attorneys
general. Fort de ce refus, Apotex décide
aussitôt de lancer le générique du clo-
çais qui vient de subir des déboires
pidogrel aux Etats Unis, début août
aux Etats-Unis avec un autre médica2006. Il s’agit d’un lancement à risque
ment, l’Acomplia. Ces conclusions
puisque le litige sur le brevet n’étant
seront valables pour
pas encore jugé, Apotex
l’ensemble des fabris’expose à payer des décants de génériques qui
dommagements imUn lancement
conteste la date de valiportants s’il perd le fuà risque
dité du brevet. Face à la
tur procès. Le succès de
puissance et à l’agressila copie est fulgurant : la
vité de certains fabripremière semaine de
cants de médicaments
son lancement le médigénériques, les laboratoires princeps
cament d'Apotex prend 9,6 % de parts
disposent de peu de solutions pour
de marché face au Plavix® et une serésister. L’une consiste à fabriquer
maine plus tard 60,2 %.
soi-même des génériques pour
Sanofi-Aventis et BMS ne baissent
contrer les génériqueurs sur leur propas les bras et demandent, par référé à
pre terrain. Une autre à accorder des
la justice américaine, de faire cesser les
AMM bis ou des licences commerventes du générique. Ils obtiennent raciales à des génériqueurs qui vont
pidement gain de cause et Apotex doit
alors bénéficier d’un droit de comcesser la commercialisation du génémercialiser en exclusivité le produit
rique clopidogrel fin août 2006. Cequelques mois avant leurs concurpendant, la justice n’oblige pas Apotex
rents. En contrepartie, le génériqueur
à rapatrier les stocks qui continuent
se fournira en principe actif auprès
alors à être vendus jusqu’à épuisedu laboratoire princeps. Un accord
ment, c’est-à-dire jusqu’à la fin de
gagnant-gagnant. Mais aux Etatsl’année 2006.
Unis, ce type d’accord est diverseDes conclusions très attendues. Le
ment apprécié par les autorités de la
22 janvier 2007, le procès sur la valiconcurrence, comme on a pu le
dité du brevet qui oppose Sanoficonstater. Les conclusions du proAventis et Apotex débute enfin. Ses
cès pourraient s’imposer aux uns
conclusions étaient attendues avec
comme aux autres. Affaire à suivre en
impatience au sein du groupe franappel. ■
L’AVENIR RADIEUX DES GENERIQUEURS
Plavix® (clopidogrel) est un des
nombreux exemples qui illustre la
menace permanente qui plane depuis
quelques années sur les blockbusters de
l’industrie pharmaceutique. Ainsi, pour
Sanofi-Aventis, entre 2006 et 2007, sept
médicaments sont ou vont tomber dans
le domaine public, soit environ 1 milliard
d’euros de chiffre d’affaires sur ces deux
années. L’avenir des génériques apparaît
radieux : les prévisions situent la
croissance annuelle de leurs ventes entre
14 % et 17 % pour les prochaines
années.
D’ici à cinq ans, quelque 80 milliards de
dollars de ventes de médicaments sous
brevet sont menacés. Ces chiffres, qui
attisent l’appétit, déjà grand, des
génériqueurs, sont confortés par les
politiques d’économies des coûts de
santé menées par la plupart des
gouvernements. En France, le taux de
pénétration des génériques est de 70 %
en 2006 (75 % prévus en 2007). Depuis
six ans, la contribution des génériques
aux économies de santé a représenté
2,4 milliards d’euros. Entre 2001 et
2005, le marché des génériques a triplé,
de 451 millions à 1,5 milliard d’euros. Pour
2007, les médicaments dont le brevet
vient à expiration pèsent 760 millions
d’euros. Pour cette fin 2007, plusieurs
grands médicaments vont tomber dans le
domaine public : Lovenox® et LanzorOgast® de Sanofi-Aventis, Amlor® de
Pfizer. Ces trois médicaments
représentent à eux seuls un marché
potentiel de 440 millions d’euros.
Les fabricants de génériques qui
connaissent la rapidité de pénétration
des génériques se frottent déjà les
mains. Le succès du générique de
Plavix® en deux semaines n’est pas une
exception. Ainsi, un mois après sa sortie,
le générique d’Elisor® représentait déjà
58 % des parts de marché et
l’oméprazole avait vu ses ventes chuter
de 50 % en trois mois au cours de
l’année 2004.
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