Non-linéarité entre inflation et croissance

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Non-linéarité entre inflation et croissance
Non-linéarité entre inflation et croissance économique: quels
enseignements pour la zone BEAC1 ?
Mondjeli Mwa Ndjokou Itchoko Motande
Email : [email protected]
Centre d’Etude et de Recherche en Economie et Gestion
Université de Yaoundé II- Soa
B.P. 1365 Yaoundé- Cameroun
Tsopmo Pierre Christian
Email : [email protected]
Centre d’Etude et de Recherche en Economie et Gestion
Université de Yaoundé II- Soa
B.P. 1365 Yaoundé- Cameroun
Résumé :
L’objectif de ce papier est double. D’une part, nous estimons le taux d’inflation optimal, défini
comme le taux en dessous et au-delà duquel la croissance économique est affectée, à partir de
l’expérience de la BEAC. Nous montrons, d’autre part, comment le taux d’inflation affecte la
croissance économique en deçà ou au-dessus du taux d’inflation optimal. Pour ce faire, nous
avons recours aux données de panel sur la période 1985-2013. En appliquant le modèle Panel
Smooth Transmission Regression (PSTR) initialement développé par González et al. (2005), nous
aboutissons aux résultats suivants. (i) Le taux d’inflation optimal est de 4,28%. (ii) En deçà du
seuil, toute augmentation de 1% de l’inflation induit une augmentation de la croissance
économique de l’ordre de 0,287point. Par contre, au-dessus du seuil, la croissance économique
est réduite de 0,257 point si l’inflation s’accroît de 1%.
Mots-Clés : Taux d’inflation optimal, Modèle PSTR, Politique Monétaire.
Classification JEL : E31 C23
Non-linearity between inflation and economic growth: which lessons for the
BEAC Zone?
Abstract:
The purpose of this paper is twolfold. Firstly, we estimate the optimal inflation rate, defined as
the threshold level below and above which inflation affects economic growth, from the
experience of the BEAC. Secondly, we evaluate how inflation affects growth below and above
the inflation threshold. For this purpose, we use panel data over the period 1985-2013. Relying
upon the estimation of Panel Smooth Transmission Regresssion (PSTR) model inspired from
González et al. (2005), our main findings are the following. (i) The optimal inflation rate is 4.28%.
(ii) Below the threshold, an increase of 1% of inflation enhances growth by 0.287 point. Over the
threshold, a one percent increase in inflation leads to a reduction of 0.257 point in growth.
Key-Words: Inflation- growth relation, optimal inflation threshold, PSTR model
JEL Classification : E31 C23
1
Le sigle BEAC signifie Banque des Etats de l’Afrique Centrale ; C’est une Banque centrale commune à six pays que
sont le Cameroun, le Gabon, la Guinée-Equatoriale, la République du Congo, le Tchad et la République
Centrafricaine.
1
1. Introduction
L’un des objectifs principaux de la majorité des Banques Centrales à travers le monde est
de garantir la stabilité des prix ou un niveau faible d’inflation. Malgré la pluralité des
objectifs, la stabilité des prix a donc émergé et s’est imposée à la faveur de solides travaux
théoriques et empiriques (Kydland et Presccott, 1977 ; McCandless et Weber, 1995). La
maîtrise de l’inflation contribue à accroître le potentiel de croissance d’une économie.
Ainsi, une inflation élevée affecte drastiquement la croissance économique à travers
l’incertitude par exemple. Toutefois, une inflation faible peut avoir des effets
contreproductifs (Vinayagathasan, 2013). Dans cet ordre d’idées, une politique d’inflation
zéro est plus coûteuse que bénéfique pour l’activité économique 2. Ainsi, les Banques
Centrales se heurtent à un réel défi lorsque qu’il faut choisir ou concilier faible niveau
d’inflation et croissance économique élevé. Si les politiques macroéconomiques ont pour
but d’atteindre des taux de croissance élevés couplés à de faibles taux d’inflation (Kan et
Omay, 2010), les enseignements du carré magique de Kaldor (1957)3 ont montré que ces
deux objectifs peuvent s’avérer incompatibles. Ce dilemme inflation-croissance, qui
préoccupe toutes les économies, semble plus marqué dans les pays en développement
(PED) et notamment les pays africains. Ces derniers enregistrent des taux de croissance
certes positifs, mais peu soutenables. En effet, le produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique
au Sud du Sahara (ASS) s’est accru de près de 5% par an en moyenne depuis 2000
(Devarajan et Fengler, 2013). Mais la durabilité de la croissance économique est sujette à
En Europe et aux Etats-Unis par exemple, la lutte contre l’inflation s’est accompagnée d’une baisse de la
production [Pfister, 2008]. Aussi, les travaux de Chang [2012] justifient l’absence de reprise de l’économie mondiale
après la crise économique et financière par des politiques monétaires trop restrictives (les cibles d’inflation proches
de 2%).
3
Cette expression est due à N. Kaldor ; c’est une représentation permettant de visualiser les principaux objectifs
potentiels de la politique économique : croissance économique, plein emploi, stabilité des prix et équilibre extérieur.
2
2
caution dans la mesure où elle est liée pour une bonne part à la hausse des cours des
matières premières dont dépendent fortement les recettes budgétaires des pays africains
en général et ceux de la zone BEAC en particulier.
Les pays de la zone BEAC ont obtenu des taux de croissance positifs au cours de ces
dernières années. Ceux-ci se situent parfois au-dessus de la moyenne de l’ensemble des
autres pays africains au Sud du Sahara (Avom, 2011). Mais leurs performances restent
largement en dessous de celles requises pour réduire la pauvreté et plus largement des 7%
de croissance souhaité par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMDs). Il
semble donc opportun de trouver des sources de croissance économique alternatives. La
mise en place des politiques économiques appropriées notamment la politique monétaire
est une solution envisageable. Cependant, l’appartenance de ces pays à une union
monétaire limite la pertinence et l’efficacité de la politique monétaire. En ce qui concerne
la pertinence, la justification est d’ordre théorique. En change fixe, il est difficile d'avoir
une politique monétaire durablement différente de celle de la zone d’ancrage, eu égard aux
enseignements du « triangle des incompatibilités » de Mundell (1961)4. L’autonomie de la
politique monétaire de la BEAC est donc très discutée et parfois remise en cause par
certains chercheurs et observateurs. Certes, cette question n’est pas un objectif de la
présente étude. Toutefois, il convient de souligner que deux arguments peuvent justifier
l’existence d’une certaine autonomie. En premier lieu, les autorités monétaires de la
BEAC disposent d’une marge de manœuvre dans la définition des objectifs et la conduite
L’expression triangle des incompatibilités de Mundell désigne le fait qu’un espace économique ne peut pas
bénéficier à la fois de la libre circulation des capitaux, de taux de change fixe et de politiques monétaires nationales
autonomes.
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3
de la politique monétaire ; ce qui inclut le choix et l’utilisation des instruments 5. En
second lieu, les autorités détiennent la capacité à contrôler l’offre de monnaie qui, d’après
Avom et Bobbo (2013), est une autre preuve d’autonomie.
S’agissant de l’efficacité, la justification est factuelle. Depuis les réformes monétaires des
années 1990, l’objectif assigné à la BEAC est celui de garantir la stabilité monétaire. Cette
stabilité monétaire signifie garantir la couverture externe6 de la monnaie et maintenir à
l’interne un taux d’inflation ne fluctuant pas au-delà des 3%7. Depuis près de deux
décennies, la BEAC a une relative maîtrise de l’inflation. En effet, en dehors du pic
d’inflation observé à la suite de la dévaluation du franc CFA de 1994, l’inflation a toujours
été modérée. Par exemple, les statistiques révèlent que l’inflation a été de 3,92%, 1,88%,
2,7% et 3,2% respectivement en 2009, 2010, 2011 et 2012. Parallèlement, les taux de
croissance sont restés faibles, de l’ordre de 2,19%, 3,26%, 5,2% et 6,6% pour les mêmes
années respectivement. Le graphique 1 permet de visualiser l’évolution de l’inflation et de
la croissance économique. Entre 1998 et 2013, il existe une quasi-similarité dans l’évolution des
deux variables. Les résultats du test de corrélation (tableau 1) confirment cette tendance.
La politique monétaire de la BEAC a connu une évolution en deux phases. La première phase va de 1973 à 1990,
année au cours de laquelle sont initiées des réformes et qui marque le début de la deuxième phase. De 1973 à 1990, la
lecture des statuts montre que l’objectif final de la politique monétaire est le développement économique. A cet effet,
les autorités monétaires utilisent des instruments directs pour contrôler la liquidité bancaire. La politique monétaire,
entre 1973 et 1990, repose au niveau théorique sur les postulats de la répression financière. Dès 1990, l’objectif final
de stabilité des prix est clairement énoncé dans les statuts à son article 1 er. L’agrégat de monnaie M2 est retenue
comme objectif intermédiaire et les autorités monétaires ont recours aux instruments indirects à travers la mise en
place d’un marché monétaire en 1994. D’un point de vue théorique, la BEAC a adopté deux principes essentiels que
l’on peut attribuer à la théorie monétaristes (Mondjeli, 2008). Le premier consiste à faire de la stabilité des prix, le but
ultime de la politique monétaire. Le deuxième consiste à accepter le postulat selon lequel l’inflation est un
phénomène monétaire.
6 Le taux minimal de couverture extérieure de la monnaie est fixé à 20%.
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La valeur de 3% est définie par les critères de surveillance multilatérale.
5
4
Graphique 1 : Evolution du taux de croissance économique et du taux d’inflation
Note : La période va de 1985 à 2013. La croissance est mesurée par le taux de croissance du PIB réel tiré de la base WDI.
L’inflation est calculée le taux d’accroissement de l’indice des prix à la consommation à partir des données obtenues d’IFS.
De ces faits stylisés, on constate que les taux d’inflation enregistrés dans la zone BEAC
depuis au moins une décennie garantissent des taux de croissance positifs. Cependant, en
s’appuyant sur l’argument théorique selon lequel à un niveau élevé, l’inflation affecte
négativement la croissance économique, il semble opportun d’envisager la question du
taux d’inflation optimal dans la BEAC. Le taux d’inflation optimal est défini comme le
taux en deçà et au-dessus duquel la croissance économique est affectée. Des profonds
désaccords apparaissent à propos du seuil d’inflation optimal. Khan et Senhadji (2001)
montrent que les seuils plafonds pour les pays développés (PD) se situeraient entre 1% et
3%, alors que pour les PED, ils se situeraient entre 7% et 11%. Ainsi, la volonté des
autorités monétaires de la BEAC de maintenir le taux d’inflation autour de 3% est
discutable à la lumière des résultats des travaux empiriques (cf. infra). Aussi cet objectif
n’est pas être compatible avec les objectifs de croissance dans les PED au regard des
performances économiques réalisées (cf. infra).
5
Nous nous proposons donc, d’une part, de déterminer le taux d’inflation optimal dans la
zone BEAC. D’autre part, nous montrons comment le taux d’inflation affecte la
croissance économique dans la zone BEAC en deçà ou au-dessus du taux d’inflation
optimal. Cet objectif présente un quadruple intérêt théorique, empirique, méthodologique et
contextuel. Sous l’angle théorique, l’étude revisite le débat qui a opposé les structuralistes et les
monétaristes sur la relation entre inflation et croissance économique. Les structuralistes
estiment que l’inflation s’accompagne très souvent d’une amélioration de la croissance
économique et dans cet ordre d’idées, l’expansion monétaire est nécessaire. Toute
politique visant à stabiliser le niveau de l’inflation va se faire au prix d’une baisse de la
croissance économique. En revanche pour les monétaristes, la stabilité des prix est un
préalable au processus de développement et l’inflation impacte négativement la croissance
économique.
Du point de vue empirique, notre étude vient enrichir la littérature traitant de la relation
non linéaire entre inflation et croissance économique. En effet, la revue de la littérature
montre la diversité des approches et la non convergence des conclusions ; ce qui justifie la
nécessité de renouveler des recherches sur la question. De cette revue 8, deux principaux
groupes d’études empiriques, qui remontent à notre connaissance à Fisher (1993), peuvent
être identifiés. Le premier concerne les travaux ayant opté pour la fixation exogène du
seuil d’inflation optimal (voir par exemple Fisher (1993), Bruno (1995), Sarel (1996),
Bruno et Easterly (1998). Sarel (1996) fait remarquer qu’en dessous du seuil de 8%,
l'inflation a un impact positif sur la croissance économique et qu'au-delà de ce seuil, l'effet
Pour une revue de la littérature des travaux sur la relation non linéaire entre inflation et croissance économique,
voir l’article de Seleteng et al. [2013].
8
6
devient négatif. Bruno et Easterly (1998) trouvent un seuil d’inflation plus élevé en
examinant les déterminants de la croissance économique dans un panel de 26 pays entre
1961 et 1992. Le deuxième est constitué des études récentes qui déterminent le seuil
d’inflation optimal de manière endogène (voir Espinoza et al., 2010 ; Kan et Omay, 2010 ;
Nubukpo et Combey, 2010 ; Ibarra et Trupkin, 2011 ; Mignon et Villavicencio, 2011 ;
Vinayagathasan, 2013 et Seleteng et al., 2013). Les seuils d’inflation optimaux obtenus
sont liés au niveau de développement des pays. Espinoza et al. (2010) montrent qu’une
inflation au dessus du seuil de 1% et 10% est nocive pour la croissance économique
respectivement dans les PD et les PED. Pour Kan et Omay (2010), le seuil d’inflation
optimal est de 2,52% pour les PD. Quant à Seleteng et al. (2013), ils obtiennent une
inflation optimale de 18,96% dans les pays de la Communauté de Développement
d’Afrique Australe9. Nubukpo et Combey (2010) montrent que le seuil d’inflation optimal
est de l’ordre de 8,08% dans les pays de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (BCEAO).
Sur le plan méthodologique, notre étude s’appuie sur l’une des techniques économétriques
usitées dans l’estimation des relations non linéaires : le modèle PSTR. En effet, la
principale critique faite aux premières études (l’étude de Fisher (1993) par exemple) est
que les seuils d’inflation optimaux étaient arbitrairement prédéfinis. Ainsi, notre étude, qui
se situe dans le prolongement des travaux suscités, détermine le seuil d’inflation optimal
de manière endogène. Aussi,
nous utilisons l’une des techniques récentes de
l’économétrie non linéaire à savoir le modèle PSTR. Relativement au contexte enfin, la
contribution de l’étude réside dans le choix du cadre géographique pour au moins trois
9
Encore appelé SADC, sigle de l’anglais Southern Africa Development Community.
7
raisons. La première est que les échantillons de plusieurs études sont généralement
constitués des pays aux structures macroéconomiques pas toujours homogènes ; ce qui
peut conduire à un biais dans la détermination du seuil en ce sens que ce dernier peut être
soit sous-estimé soit surestimé. Dans cette perspective, Temple (2000) affirme qu’il peut
sembler non pertinent d’extrapoler les résultats obtenus avec de tels échantillons. En
choisissant la zone BEAC, nous évaluons le seuil d’inflation optimal dans un échantillon
de pays aux caractéristiques proches. La deuxième raison renvoie, à notre connaissance, à
la quasi inexistence d’études ayant abordé cette problématique suivant cette approche
méthodologique dans la zone BEAC. La troisième raison est que nous sommes dans le
cadre d’une union monétaire qui a choisi pour valeur cible d’inflation 3%. Il semble donc
pertinent de donner un contenu empirique à ce choix et de ce fait s’interroger sur la
compatibilité de cette cible avec les objectifs de croissance économique de la zone.
A la suite de cette introduction, la structure de cet article se présente comme suit. La
section 2 présente le cadre méthodologique. Dans la section 3, nous déterminons le taux
d’inflation optimal dans la BEAC : les résultats y sont reportés et discutés. La section 4 est
consacrée à la conclusion de l’article.
2. Le Cadre méthodologique
L’objectif de cette section est de présenter le cadre méthodologique de l’étude. Nous
exposons tout d’abord le modèle PSTR. Ensuite, nous précisons la technique de
détermination du seuil d’inflation optimal. Nous terminons enfin par la présentation des
données.
8
2.1. Le modèle PSTR
Le modèle théorique
Le modèle PSTR, proposé par González et al. (2005), est une extension du modèle PTR
de Hansen (1999). Dans sa forme simplifiée, la modélisation théorique du PSTR est
donnée par la relation (1).
yit  ui  0' xit  1' xit g qit ,  , c    it (1)
où i  1,...., N est le nombre d’individus, t  1,....,T détermine la période de l’étude. yit est
la variable dépendante. ui désigne le vecteur des effets fixes individuels et g qit ,  , c  est la
fonction de transition qui dépend de la variable de transition ( qit ), du paramètre de seuil
( c ) et un paramètre de lissage (  ). xit  xit1 ,...., xitk  est un vecteur de k variables
explicatives et où  it est une perturbation aléatoire iid.  0 et 1 désignent respectivement
le vecteur des paramètres du modèle linéaire et du modèle non linéaire. La fonction
indicatrice du modèle PSTR est la fonction de transition g qit ,  , c  qui est continue et
intégrable sur l’intervalle [0,1]. Cette fonction permet ainsi au système de transiter
progressivement d’un régime à un autre. Afin de définir la forme fonctionnelle de la
fonction de transition, González et al. (2005), comme Granger et Teräsvirta (1993),
Teräsvirta (1994), Jansen et Teräsvirta (1996), suggèrent de retenir la forme logistique
d’ordre m suivante :
m




g qit ,  , c   1  exp     qit  c j 
j 1



1
(2)
9
avec   0 , c1  ...  cm où c  c1...cm  est un vecteur regroupant les paramètres de seuil et
 représente le paramètre de lissage supposé positif. La pente du paramètre  décrit le
lissage de la transmission d’un régime à un autre. Lorsque    , la fonction de transition
se rapproche d’une fonction indicatrice I qit  c j  qui prend la valeur 1 si qit  c j . Si
  0 , la fonction de transition devient un panel linéaire homogène à effets fixes. Ibarra
et Trupkin (2011) montrent que si  est suffisamment élevé alors le PSTR est réduit à un
modèle à seuil à deux régimes. Si tel est le cas, l’effet direct de la variable d’intérêt sur la
variable endogène est  0 pour les individus dont la variable d’intérêt est inférieure au seuil
et est 0  1  pour les individus dont la variable d’intérêt est supérieure au seuil. En
tenant compte de cette fonction de transition décrite en (2), l’équation (1) devient :
m


yit  ui  0' xit    'j xit g j qitj ,  j , c j   it (3)
j 1
La spécification empirique
Rappelons que l’objectif de l’étude est de déterminer le taux d’inflation optimal dans la
zone BEAC et de montrer comment l’inflation affecte la croissance économique en deçà
et au-dessus du taux d’inflation optimal. Pour ce faire, la variable endogène est le taux de
croissance de l’économie. Le taux de croissance de l’économie est mesuré par le taux de
croissance du PIB réel. La variable exogène d’intérêt est le taux d’inflation (  ) captée par
10
le taux de croissance de l’indice des prix à la consommation (IPC)10. L’IPC est une
meilleure approximation des prix dans les PED dans la mesure où, une grande partie des
dépenses est faite des dépenses de consommation. Le vecteur des autres variables
explicatives X it est constitué de variables susceptibles d’expliquer le taux de croissance de
l’économie. Salai-i-Martin (1997) a identifié 60 variables ayant un effet significatif sur la
croissance économique dans au moins une équation de régression. Dans leur analyse,
Levine et Renelt (1992) montrent que la part de l’investissement dans le PIB, le PIB par
tête, le capital humain et le taux de croissance de la population expliquent la croissance
économique.
Dans notre étude, nous retenons sept variables de contrôle. La première est la variable
initiale de la production. Elle est définie par la variable retardée du taux d’accroissement
du PIB réel et joue deux rôles dans notre spécification économétrique. Cette variable est
utilisée
comme
variable
instrumentale
pour
corriger
le
biais
d’endogénéité
(Vinayagathasan, 2013). Elle permet aussi de contrôler la convergence conditionnelle
conformément à la théorie néoclassique de la croissance. La deuxième, à savoir
l’investissement privé (Invest)11, permet de capter l’influence du secteur privé sur l’activité
économique. L’investissement privé est mesuré par la part de la formation brute du capital
fixe du secteur privé rapportée au PIB. L’influence du secteur extérieur est tout aussi
importante et l’ouverture de l’économie est ainsi une variable significative dans plusieurs
10
La variable inflation n’a pas été transformée sous la forme semi- logarithmique car comme le montre la figure 1, la
distribution de l’inflation dans la zone BEAC n’est pas asymétrique. Contrairement aux études (Vinayagathasan,
2013 ; Mignon et Villavicencio, 2011) qui ont eu recours à cette transformation, la structure de notre échantillon est
plus homogène.
11
L’inflation pourrait impacter la croissance économique à travers l’investissement. Par souci de robustesse, nous
avons calculé le taux d’inflation optimal dans une équation excluant l’investissement comme variable de contrôle.
11
régressions économétriques. Ainsi, l’ouverture commerciale (Ouv), obtenue en rapportant
la somme des exportations et des importations au PIB, est notre troisième variable
explicative. A l’instar de plusieurs travaux 12, nous ajoutons à l’ouverture commerciale, les
termes de l’échange (Term) captés par l’indice des prix des exportations sur la valeur des
importations comme variable indicatrice des échanges des pays avec l’extérieur. En ce qui
concerne les dépenses publiques 13 (Dep), notre cinquième variable explicative, plusieurs
travaux14 ont évalué sa relation avec la croissance économique. Deux autres variables de
contrôle ont été retenues à savoir la population mesurée par son taux de croissance (Pop)
et une variable dummy (Dum) qui capte l’effet de la dévaluation du franc CFA de 1994.
2.2. La procédure de détermination du taux d’inflation optimal
Cette sous-section a pour but de décrire la procédure de détermination du taux d’inflation
optimal. Cette procédure s’articule autour de trois étapes principales. Dans la première
étape, on procède au test de linéarité ou d’homogénéité. La seconde étape vise à
déterminer le nombre de régimes du modèle PSTR. La troisième étape enfin procède à
l’estimation du modèle PSTR à l’issue de laquelle on obtient la valeur du taux d’inflation
optimal.
Le test de linéarité ou d’homogénéité
L’objectif est de montrer que la relation entre inflation et croissance économique est non
linéaire. A cet effet, on conduit un test de linéarité dont les hypothèses sont les suivantes.
Voir par exemple Viyaganasthan (2013) ; Kremer et al. (2013).
Théoriquement, à travers les recettes du seigneuriage, l’inflation peut permettre de financer les dépenses publiques.
Dans la mesure où la BEAC est une Banque Centrale supranationale commune à six pays et les autorités monétaires
n’étant pas assujetties aux gouvernements, cette possibilité est très limitée.
14 Nous pouvons citer les travaux de Devarajan et al. (1996), Gupta et al. (2005) etc.
12
13
12
L’hypothèse nulle est H 0 : 1  0 contre l’alternative H1 : 1  0 . Toutefois, ce test n’est pas
standard dans la mesure où sous l’hypothèse nulle, le modèle PSTR contient des
paramètres de nuisance non identifiés (Hansen, 1996). Ainsi, à l’instar de Seleteng et al.
(2013), nous adoptons la solution développée par Luukkonen et al. (1988) qui proposent
de remplacer la fonction de transition g qit ,  , c  par le développement limité de premier
ordre de Taylor au point   0 ; l’hypothèse nulle du test devient H 0 :   0 . Après
réécriture, nous obtenons la régression suivante :
yit  i  0'* X it  1'* X it qit  ...  m'* X it qitm   it* (4)
où les vecteurs de paramètres 1'* ,..., m'* sont des multiples de  et  it*   it  Rm  * X it où
Rm est le résidu du développement de Taylor. L’hypothèse nulle du test de linéarité
devient H 0 : 1'*  ...  m'*  0 . L’hypothèse de linéarité est testée à partir des tests
standards. Nous avons recours à la statistique de Wald ( LM w ) qui s’écrit de la façon
suivante :
LM w 
TN SCR0  SCR1 
(5)
SCR0
où SCR0 et SCR1 désignent respectivement la somme des carrés des résidus du panel sous
l’hypothèse nulle (modèle de panel linéaire avec effets individuels) et la somme des carrés
des résidus du panel sous l’hypothèse alternative (modèle PSTR avec m régimes). Lorsque
13
la taille de l’échantillon est faible, Gonzàlez et al. (2005) suggèrent de recourir à la
statistique de Fisher ( LM F ) qui est définit comme suit :
LM F 
TN SCR0  SSR1  mk
(6)
SCR0 TN  N  mk
où k est le nombre de variables explicatives. LM F suit une loi de Fisher à mk et
TN  N  mk degrés de liberté ( F mk,TN  N  mk  ). Sous l’hypothèse nulle, tous les tests
de linéarité suivent une chi-deux à k degrés de liberté (  2 k  ).
Le test du nombre de régimes ou du nombre de fonctions de transition
Il s’agit ici de tester le nombre de régimes ou de manière équivalente le nombre de
fonctions de transition. Le test consiste à vérifier l’hypothèse nulle selon laquelle le
modèle PSTR a une seule fonction de transition ( m  1 ) contre l’hypothèse alternative que
le modèle PSTR possède au minimum deux fonctions de transition ( m  2 ). Les décisions
du test s’appuient sur les statistiques LM w et LM F . Si les coefficients sont statistiquement
significatifs au seuil critique de 5%, on rejette l’hypothèse nulle et on admet qu’il existe au
moins deux fonctions de transition. Dans le cas contraire, on ne rejette pas l’hypothèse
nulle et on conclut que le modèle possède deux régimes et par conséquent a un seuil.
2.3. Les données
Nous utilisons les données annuelles tirées du World Development indicators (2013) de la
Banque Mondiale et de l’International Financial Statistics (2012) du FMI sur la période 1985 à
14
2013. Le tableau 6 donne la description des variables utilisées. L’échantillon comprend les
six pays membres de la BEAC.
Avant de procéder à l’analyse économétrique, il semble opportun de déterminer les
propriétés d’intégration des séries afin d’éviter le problème de régression fallacieuse. Nous
utilisons les tests de racine unitaire en panel à savoir le test d’Im, Pesaran et Shin (IPS)
(2003) et le test de Levin, Lin et Chu (LLC) (2002). Les résultats de ces tests sont consignés
dans le tableau 2.
Les tests IPS et LLC ont permis d’obtenir deux principaux résultats. Le premier résultat
est que les variables taux de croissance du PIB, inflation, dépenses publiques et termes de
l’échange sont stationnaires en niveau. En effet, les valeurs des tests sont supérieures aux
valeurs critiques à 1%. Le deuxième résultat montre que les autres variables à savoir
l’ouverture commerciale, l’investissement et la population ne sont pas stationnaires en
niveau. Elles le deviennent avec une significativité à 1% après une différenciation.
Toutefois, il convient de mentionner que pour la variable population, les deux tests
aboutissent à des conclusions différentes. Nous retenons les résultats du test IPS dans la
mesure où ce dernier corrige l’homogénéité de la racine autorégressive dont souffre le test
LLC. En effet, le test IPS prend en compte à la fois l'hétérogénéité de la racine
autorégressive et l'hétérogénéité d'une racine unitaire dans le panel.
15
3. Les résultats
Cette section est consacrée à la présentation des résultats. En premier lieu, nous
présentons les résultats du test de linéarité et du test du nombre de régimes. En second
lieu, nous exposons les résultats du modèle PSTR qui conduisent à la détermination du
taux d’inflation optimal.
3.1. Résultats des tests de linéarité et du nombre de régime
Les résultats du test de linéarité sont contenus dans le tableau 3. La lecture de ce tableau
permet de conclure que les tests LM w et LM F conduisent au rejet de l’hypothèse nulle au
seuil critique de 5%. Ce résultat traduit le fait qu’il existe une relation non linéaire entre
l’inflation et la croissance économique dans la zone BEAC. Un tel résultat implique que
soit déterminé le nombre de régimes du processus. A cet effet, le tableau 4 montre que
l’hypothèse nulle (H0) est acceptée pour un seuil critique de 5%. Par conséquent, il existe
une seule fonction de transition et deux régimes d’inflation. Ce résultat traduit l’idée selon
laquelle la non-linéarité de la relation inflation-croissance dans la zone BEAC donne lieu à
la détermination d’un seuil d’inflation. Ainsi l’inflation aurait, jusqu’à un certain niveau,
une influence soit nulle soit positive sur la croissance économique dans cette zone. Audelà de ce seuil, l’inflation serait contreproductive pour l’activité économique.
3.2. Les résultats du modèle estimé (PSTR)
Les paramètres estimés du modèle PSTR sont consignés dans le tableau 5. La lecture de
ce tableau permet de tirer trois principales conclusions. En premier lieu, le taux d’inflation
optimal est de 4,28%. En estimant notre modèle sans l’investissement privé comme
16
variable de contrôle, nous obtenons un seuil optimal de 4,32%, valeur qui est proche de
4,28%. Nous obtenons un taux unique car dans la procédure d’estimation du modèle
PSTR, la première étape consiste à éliminer les effets spécifiques (Gonzàlez et al., 2005).
Aussi, le tableau 7 des statistiques descriptives révèle un faible différentiel d’inflation entre
les pays de la zone BEAC, justifiant l’unicité du taux d’inflation optimal.
Le taux ainsi obtenu est différent et supérieur au seuil fixé dans le cadre de la surveillance
multilatérale. Ce résultat est plus proche de celui de Vinayagathasan (2013) qui obtient un
seuil d’inflation optimal de 5.43% dans un échantillon composé des pays d’Asie 15. Par
contre, ce taux est relativement faible comparé à ceux obtenus dans la plupart des études
menées dans les PED. A titre d’illustration, les taux d’inflation optimaux se situent à
18,9%, 19,1% et 19,6% respectivement dans les travaux de Seleteng et al. (2013) dans la
SADC, Ibarra et Trupkin (2011) et Villavicencio et Mignon (2011) dans des échantillons
des PED. Deux arguments peuvent être avancés pour justifier notre résultat. Le premier
renvoie au fait que la politique monétaire est confiée à une instance monétaire
supranationale, indépendante des autorités gouvernementales, et dont la priorité est de
lutter contre l’inflation. Le deuxième est l’argument selon lequel la valeur du seuil
d’inflation pourrait être expliquée par l’histoire monétaire de la zone BEAC. En effet, la
zone BEAC a enregistré en moyenne des taux d’inflation peu élevés. Ces performances
sont liées en partie à l’ancrage de la zone BEAC à la zone Euro. Du fait de cet ancrage, les
autorités monétaires ont tendance à adopter une politique proche de celle de la zone
Euro.
Vinayagathasan [2013] trouve le même taux d’inflation optimale même lorsque les pays membres de l’OCDE
(Japon, Israël, Turquie et Corée du Sud) ainsi que Singapour sont retirés de l’échantillon de départ.
15
17
En deuxième lieu, l’inflation explique de manière significative la croissance économique et
a le signe attendu dans les deux régimes. Ainsi en deçà du seuil de 4,28% (régime à
inflation faible), toute augmentation de l’inflation de 1% induit une augmentation de la
croissance économique de 0,287 point. Ce résultat diffère des conclusions d’Ibarra et
Trupkin (2011) et Seleteng et al. (2013). Ces derniers montrent qu’en deçà du seuil,
l’inflation est statistiquement non significatif dans l’explication de la croissance
économique et a le signe négatif. Ce résultat suggère le commentaire suivant.
Contrairement aux autres PED, les pays de la zone BEAC peuvent encore bénéficier d’un
gain de croissance suite à une augmentation de l’inflation, cette dernière pouvant résulter
d’une expansion monétaire. Cette explication semble logique dans la mesure où le fait
d’avoir
une
politique
monétaire
commune
limite
la
capacité
des
autorités
gouvernementales à utiliser l’instrument monétaire, en plus des réformes structurelles,
comme levier de croissance économique. Par contre, au-dessus de ce seuil (régime à
inflation élevée), l’augmentation de l’inflation de 1% conduit à une réduction de la
croissance économique de 0,25716 point. Ce résultat est le même que celui obtenu dans
plusieurs travaux antérieurs et est conforme à la théorie économique (Seleteng et al.,
2013).
En troisième lieu, cinq des sept variables de contrôle expliquent significativement la
croissance économique indépendamment des régimes et les signes sont conformes à la
littérature. Les dépenses publiques et la population n’influencent pas significativement la
16
Nous rappelons que le coefficient de la variable d’intérêt au dessus du seuil est égale à
0  1 
c’est-à-dire
0,287  0,544  0,257 .
18
croissance économique dans les deux régimes bien qu’ayant les signes généralement admis
dans la littérature.
D’après le tableau 5, le PIB initial a le signe contraire à ce que prédit la théorie. La
convergence entre les pays de la zone BEAC n’est donc pas établie : toutes choses étant
égales par ailleurs, les pays aux PIB par tête les plus faibles ne croissent pas plus vite.
Cette variable est significative lorsque l’inflation est au dessus du seuil optimal ; ce qui
suggère qu’à un niveau élevé d’inflation, les chances de rattrapage économique entre pays
de la zone BEAC diminuent. L’ouverture commerciale joue un rôle important dans la
croissance économique de la zone BEAC. En régime de basse inflation, l’ouverture
commerciale induit un gain de production. Ce résultat, similaire à celui obtenu par
Villavicencio et Mignon (2011), est conforme avec la théorie néoclassique et endogène de
la croissance. Par ailleurs, il confirme les prédictions des théories du commerce
international quant aux effets bénéfiques sur la croissance économique des avantages
comparatifs, des dotations factorielles, de la différence technologique, des économies
d’échelle, de la diffusion technologique etc. A l’inverse, lorsque l’économie se trouve dans
la zone d’inflation élevée, l’influence de l’ouverture commerciale devient négative et
significative à 10%. En effet, une inflation élevée renchérit la valeur des biens exportés
relativement aux biens importés ; il s’ensuit une détérioration du solde extérieur qui,
toutes choses étant égales par ailleurs, affecte négativement la croissance économique.
L’investissement a un effet positif de l’ordre de 0,217 point au seuil critique de 1% sur la
croissance économique en régime de basse inflation. Mais cet effet, bien que non
19
significatif, diminue dans le régime de haute inflation mais demeure positif. Ainsi,
l’investissement privé impacte positivement la croissance économique indépendamment
du niveau d’inflation. Ibarra et Trupkin (2011) aboutissent à une conclusion similaire. Ce
résultat confirme les thèses de la croissance néoclassique ainsi que des théories de la
croissance endogène où l’investissement privé joue un rôle fondamental. Par ailleurs, il
montre que les variables macroéconomiques, contrairement aux variables institutionnelles
(corruption, instabilité politique, faiblesse du cadre juridique et réglementaire etc.) ne
semblent pas décourager l’investissement privé. Ainsi, l’influence positive de
l’investissement privé au dessus des 4,28% s’explique par le fait que, toutes choses étant
égales par ailleurs, une hausse de l’inflation se traduit par des montants investis plus élevés
et par conséquent une croissance économique plus forte.
Les termes de l’échange ont deux effets différents sur la croissance économique. En
régime d’inflation basse, les termes de l’échange détériorent la croissance. Mais dans la
zone d’inflation hausse, l’influence des termes de l’échange devient positif et significatif.
Cette conclusion est la même que celle d’Ibarra et Trupkin (2011) mais diffère du résultat
de Kremer et al (2013).
4. Conclusion
Depuis les réformes monétaires de 1990, l’un des objectifs explicites assignés à la BEAC
est d’assurer la stabilité interne de la monnaie c’est-à-dire le maintien de l’inflation autour
de 3%. Cet objectif a été entériné par l’adoption des critères de convergence en 2001 par
20
les Etats membres. Cet article s’interroge sur la capacité d’une telle cible à garantir une
croissance économique soutenue et durable dans la BEAC. A cet effet, nous avons
déterminé, d’une part, un taux d’inflation optimal. D’autre part, nous avons examiné
l’effet de l’inflation lorsque l’économie se situe en deçà et au-dessus de ce taux d’inflation
optimal. Pour ce faire, nous avons eu recours au modèle PSTR de González et al. (2005).
L’estimation de ce modèle, appliqué aux données des six pays de la BEAC sur la période
1985-2013, a conduit aux principales conclusions suivantes. En premier lieu, les tests de
linéarité mettent en évidence l’existence d’une relation non linéaire entre l’inflation et la
croissance économique dans la BEAC, confirmant l’existence d’un seuil d’inflation
optimal qui est de 4,28%. Ce seuil explique significativement la croissance économique.
Ainsi, dans le régime à inflation faible (inflation inférieure à 4,28%), l’inflation affecte
positivement la croissance économique de la zone BEAC : une variation à la hausse de
l’inflation de 1% augmente la croissance économique d’environ 0,287 point. Dans le
régime à inflation élevée (inflation supérieure à de 4,28%), l’augmentation de l’inflation de
1% serait contreproductive à hauteur de 0,257 point. Ces résultats, qui s’inscrivent dans la
lignée de plusieurs travaux empiriques, permettent de tirer plusieurs enseignements. Le
premier enseignement est que notre étude peut donner un contenu empirique au choix de
la cible d’inflation. En effet, au lieu d’une cible d’inflation de 3%, les autorités monétaires
pourraient, dans les conditions économiques actuelles, relever cette cible d’inflation. Le
deuxième enseignement est qu’en choisissant 3% comme cible, les autorités monétaires
privent les gouvernements d’un important levier de croissance économique. Toutefois,
toute décision monétaire visant à augmenter la cible d’inflation devra tenir compte, d’une
part, de la crédibilité d’une telle action. D’autre part, la décision devra intégrer les aspects
21
liés à la compétitivité des économies. La crédibilité est en grande partie assurée par les
accords de coopération monétaire qui lient la BEAC à la zone Euro. Cet arrimage
contraint les pays de la zone à plus de rigueur dans la pratique de la politique monétaire.
Quant à la compétitivité des économies, avant d’être une question des prix, est d’abord
tributaire de la production des biens et services.
Et cette production dépend pour
l’essentiel des politiques et réformes structurelles appropriées auxquelles il faudrait
adjoindre l’amélioration de la qualité des institutions et de la gouvernance.
Annexes
Tableau 1 : Corrélation entre inflation et croissance dans la zone BEAC
Croissance
inflation
Croissance
1,000
inflation
0,9024***
(10.881)
0,9024***
(10.881)
1,000
Note : La période va de 1985 à 2013. La croissance est mesurée par le logarithme du PIB réel dont les données proviennent de la base
WDI. L’inflation est calculée par le logarithme de l’indice des prix à la consommation à partir des données obtenues d’IFS. (***) donne
la significativité à 1%. Les variables entre parenthèses sont les t-students.
Tableau 2 : Résultats des tests de racine unitaire LLC et IPS
Variables
Pib (Y)
Infla (π)
Dep
IPS
-6,341***
(0,0000)
-7,712***
(0,0000)
-6,689***
(0,0001)
Série à niveau
Ouv
Term
0,185
-8,559***
(0,5735)
(0,0000)
Série
en
-11,897***
différence
(0,0000)
LLC
Série à niveau -6,560*** -3,645*** -3,294*** -0,858
-8,686***
(0,000)
(0,0001)
(0,0005)
0,2986
(0,0000)
Série
en
-10,852***
différence
(0,0000)
Conclusion
I(0)
I(0)
I(0)
I(1)
I(0)
Note : (***) donne la significativité à 1%. Les valeurs entre parenthèses sont des probabilités.
Invest
Pop
-1,128
(0,129)
-10,982***
(0,0000)
-0,932
(0,1756)
-9,659***
(0,0000)
I(1)
0,688
(0,2455)
-6,566***
(0,0000)
-2,191
(0,0142)
-4,783***
(0,0000)
I(1)
Tableau 3: Test de linéarité
Tests
Wald Test (LMW)
Fisher Test (LMF)
Statistiques
66.458**
4.623**
Probabilité Critique
0.040
0.027
Note : (**) traduit la significativité à 5%
22
Tableau 4 : Test du nombre de régime ou de fonction de transition
Tests
Wald Test (LMW)
Fisher Test (LMF)
Statistiques
10.046
1.097
Probabilité Critique
0.262
0.369
Nombre de fonction transition
1
1
Tableau 5 : Estimation des coefficients du PSTR
Variables
π
y1
Ouv
Term
Inv
Dep
Pop
Dum

π*
(1)
0,287***
(2,087)
0,110
(1,140)
0,017
(0,940)
-0,482
(-1,260)
0,217***
(2,244)
0,067
(0,444)
0,009
(0,514)
-7,433**
(-1,759)
(2)
(3)
-0,544***
(-2,840)
0,420*
(1,528)
-0,070*
(-1,711)
0,773**
(2,006)
0,017
(0,119)
-0,137
(-0,713)
1,612
(0,977)
11,285**
(1,7569)
37,246
4,28
Note : La variable expliquée est le taux de croissance du PIB réel. La colonne (3) donne la valeur du taux d’inflation optimale (π*).
Dans la colonne (1), nous avons les valeurs des paramètres estimés en deçà du taux d’inflation optimale. La colonne 2 donne la valeur de
ces paramètres estimés au dessus du taux d’inflation optimale. (*), (**), (***) donne la significativité respectivement à 10%, 5% et 1%.
Les valeurs entre parenthèse représentent les t-students.
23
Tableau 6 : Description des variables utilisées
Variable
y
π
y1
Ouv
Description
Taux de croissance du Pib Réel
Source
WDI
Taux de croissance de l’indice des prix à la Calcul des auteurs à partir des
consommation
données d’IFS
Variable retardée du taux d’accroissement du PIB réel
Calcul des auteurs à partir des
données de WDI
WDI
Dep
Rapport
entre somme des exportations et des
importations au Pib.
Rapport entre l’indice des prix à l’exportation et l’indice
des prix à l’importation.
Rapport de la formation bute du capital fixe du secteur
privé au Pib
Rapport des dépenses publiques au Pib.
Pop
Taux de croissance de la population
WDI
Dum
Dummy pour capter de l’effet de la dévaluation de 1994. Construction des auteurs
Elle prend la valeur 0 avant 1994, 1 en 1994 et 0 après
1994
Term
Inv
WDI
WDI
WDI
24
Tableau 7 : Statistiques descriptives
Variable
Cameroun
Gabon
Guinée- Equatoriale
Congo
Tchad
RCA
BEAC
Obs. Moyenne
Ecart-Type
Min
Max
y
29 1.958319
3.952799
-7.823632
8.063162
π
29 4.143599
6.843779
-3.206555
35.09446
y
29 2.115227
5.629427
-17.14604
12.84535
π
29 2.527647
8.089206
-11.68611
36.11625
y
29 13.61257
18.88599
-2.966473
71.18799
π
29 4.008472
9.11659
-17.64042
31.84102
y
29 6.424366
9.274915
-15.70984
33.62937
π
29 3.063389
11.05212
-13.85457
41.7249
y
29 2.463948
3.795599
-6.861526
8.751656
π
29 4.719267
8.090377
-3.935468
42.43967
y
29 2.692939
4.282706
-6.424094
8.907132
π
29 2.849185
6.54796
-6.986803
24.57101
y
174 4.877895
10.11362
-17.14604
71.18799
π
174 3.551926
8.339466
-17.64042
42.43967
25
Figure 1 : Histogramme de l’inflation en pourcentage
40
Series: IPC
Sample 1985 2013
Observations 174
35
30
25
20
15
Mean
Median
Maximum
Minimum
Std. Dev.
Skewness
Kurtosis
3.551926
2.914377
42.43968
-17.64042
8.339466
1.789398
9.989791
Jarque-Bera
Probability
447.0709
0.000000
10
5
0
-20
-10
0
10
20
30
40
Figure 2 : Histogramme de l’inflation, transformation semi-logarithmique
100
Series: IPCXX
Sample 1985 2013
Observations 174
80
Mean
Median
Maximum
Minimum
Std. Dev.
Skewness
Kurtosis
60
40
20
-0.976251
0.464529
1.627772
-18.64042
3.521205
-2.690759
10.37956
Jarque-Bera 604.7857
Probability
0.000000
0
-18
-16
-14
-12
-10
-8
-6
-4
-2
0
2
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