La diffusion des radioéléments dans la roche
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La diffusion des radioéléments dans la roche
LVL28_01A 25/05/05 15:38 Page 1 LABO LA VIE DU Les Périodiques JOURNAL D’INFORMATION DU LABORATOIRE DE RECHERCHE SOUTERRAIN DE MEUSE/HAUTE-MARNE DOSSIER La diffusion des radioéléments dans la roche ÉTÉ 2005 N°28 Événement Déchets : recenser pour mieux gérer page 5 page 3 Collection Et ailleurs ? Mont Terri : des résultats encourageants page 8 Agenda Rapport, concertation, information page 11 Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs LVL28_02a03 25/05/05 14:16 Page 2 Édito S’informer, comprendre, S Événement discuter Cette année 2005 est marquée par la préparation de Depuis le vote de la loi du 30 décembre 1991, un effort particulier a été conduit par l’Andra pour recenser tous les déchets radioactifs présents sur le sol français. En octobre 2004, le premier Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables a été publié. Un colloque lui été consacré le 7 mars dernier au Ministère de la Recherche. STUDIO DUREY l’échéance de la loi sur la gestion des déchets radioactifs. Votée le 30 décembre 1991, celle-ci a en effet prévu que la France devait mener, pendant quinze ans, des recherches scientifiques suivant trois axes : la séparationtransmutation, l’entreposage en surface – confiés tous deux au CEA - et le stockage en couches géologiques, dont l’étude incombe à l’Andra. Le 30 juin prochain, ces deux organismes remettront au Gouvernement les rapports présentant l’avancement de leurs recherches. Le « rapport 2005 » de l’Andra rassemblera ainsi les fruits de plus de dix années de travail sur l‘étude de faisabilité d’un stockage dans les roches granitiques et argileuses. En décembre 2005, une mise à jour sera effectuée afin d’incorporer les résultats qui auront été acquis cet été, à -490 mètres, dans les galeries principales du Laboratoire de recherche souterrain de Bure. Cette prochaine récolte de données viendra compléter la moisson d’informations déjà engrangée, d’une part, lors du creusement des puits d’accès et lors des campagnes successives de forages, et d’autre part, depuis la mise en service de la première galerie expérimentale, à -445 mètres, en novembre 2004. Il convient de rappeler que les recherches de l’Andra ont été régulièrement suivies par de nombreuses instances scientifiques et que ces évaluations ont été rendues publiques. On peut notamment citer les rapports annuels de la Commission nationale d’évaluation (CNE), et ceux du Ministère de la recherche, sans oublier les « revues par les pairs » réalisées en 2001 et 2005 par un panel d’experts internationaux de l’AEN (*). En outre, le 15 mars dernier, après plusieurs mois d’auditions, MM. Christian Bataille, député du Nord, et Claude Birraux, député de la Haute-Savoie, ont présenté leur rapport sur L’état d’avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs. À cette occasion, ils ont formulé une série de huit recommandations au nom de l’OPESCT(**). La première stipule que « l’information sur les résultats des recherches relatives à la gestion des déchets radioactifs doit être améliorée à tous les niveaux : local, national et international. » Dans ce contexte, l’Andra entend poursuivre sa politique d’explication et de dialogue. C’est pourquoi le Laboratoire de recherche souterrain de Bure ouvrira ses portes le dimanche 12 juin et proposera des visites guidées gratuites durant tout l’été (***) . Enfin, nous continuerons à vous informer de nos activités dans La Vie du Labo. Bonne lecture. Jack-Pierre Piguet, directeur du Laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute-Marne *Agence de l’énergie nucléaire. **Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. ***Visite à 15 heures tous les jours sauf le lundi du 01/07 au 31/08. 2 • LA VIE DU LABO Inventaire national des d Recense our gérer en toute sécurité les déchets radioactifs, il faut d’abord les connaître. C’est pourquoi, la loi du 30 décembre 1991 a chargé l’Andra de recenser l’ensemble des déchets radioactifs présents sur le territoire national. Une décennie plus tard, suite au rapport d’Yves Le Bars - alors président de l’Andra - proposant de fiabiliser et de compléter ce travail, un nouveau type d’inventaire a été lancé. Réalisé avec le concours des producteurs de déchets et supervisé par les Pouvoirs publics, il a abouti à la publication du premier Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables en octobre 2004. Il s’agit d’un ensemble de documents comprenant une description des différents types de déchets radioactifs, et de leur état de conditionnement. Nouveauté de cet inventaire : il est accompagné d’une synthèse des quantités de déchets et de matières radioactives valorisables, comme P 25/05/05 14:16 Page 3 GERMAIN PHOTO TOURS LVL28_02a03 Afin de mieux faire connaître l’inventaire national des déchets radioactifs, l’Andra a organisé un colloque public le 7 mars dernier au Ministère de la Recherche. Il a rassemblé une centaine de participants dont quelques élus locaux des cantons proches du Laboratoire de Meuse / Haute-Marne. Ce colloque s’est poursuivi par une journée de travail réunissant les parties prenantes nationales, mais aussi les experts internationaux, afin d’étudier les voies d’amélioration pour un nouvel inventaire qui devra être prêt pour le début 2006. s déchets radioactifs et des matières valorisables er pour gérer P.DEMAIL/ANDRA les combustibles nucléaires usés, qui seront produits jusqu’en 2020 en France. « L’idée de l’inventaire est de constituer une référence pour un débat serein et informé, en sachant ce que sont réellement ces déchets radioactifs, c’est-à-dire en disposant d’ordre de grandeur sur leurs caractéristiques, leurs quantités et leur localisation, et en élaborant des prévisions sur les déchets à venir », a expliqué François Jacq, directeur général de l’Andra, lors de la présentation publique de l’inventaire au ministère de la Recherche le 7 mars dernier. « L’inventaire est donc un outil de progrès qui offre une base pour la politique de gestion des déchets radioactifs, avec trois principes : connaître, prévoir et proposer. »L’inventaire national apporte un socle de connaissances indispensables à tout débat sur les déchets radioactifs, l’Andra a choisi de le présenter en différents volumes dont une plaquette destinée au grand public. Celleci s’accompagne de brochures techniques présentant en détail les familles de déchets, ainsi que leurs localisations. Ces documents peuvent être commandés sur le site internet www.andra.fr LA VIE DU LABO • 3 LVL28_04 25/05/05 14:17 Page 4 ●●● Actualités Environnement Végétalisation des déblais calcaires ERIC SUTRE/ANDRA Travaux souterrains et expérimentations L’étalement de 8000 m3 de terre végétale a commencé fin avril sur les déblais de roches calcaires qui ont été extrait lors du creusement des deux puits du Laboratoire. Cette zone sera ensuite plantée d’arbres à l’automne prochain. Les données affluent du sous-sol Zone endommagée Des débuts prometteurs ✁ LABO JOURNAL D’INFORMATION DU LABORATOIRE DE RECHERCHE SOUTERRAIN DE MEUSE/HAUTE-MARNE Périodiques Congrès international de Tours 500 scientifiques autour des argiles Après Reims, en décembre 2002, c’est Tours qui a accueilli, du 14 au 18 mars dernier, le congrès international sur les argiles organisé par l’Andra. Intitulé « les argiles naturelles et manufacturées utilisées comme barrière dans les stockages de déchets radioactifs », cette seconde édition a suscité la rédaction de plus de 370 articles scientifiques et a attiré près de 500 chercheurs venus de 24 pays. Pendant les quatre jours et demi qu’a duré ce colloque, ces scientifiques ont participé à une centaine de présentations orales. BULLETIN D’ABONNEMENT LA VIE DU DOSSIER La diffusion des radioéléments dans la roche ÉTÉ 2005 N°28 Événement Déchets : recenser pour mieux gérer page 5 Les JM LIBION/ANDRA Depuis novembre 2004, les 350 capteurs installés dans la première galerie expérimentale du Laboratoire de Bure transmettent leurs mesures aux scientifiques. Ces dispositifs qui ont été implantés à partir d’une galerie creusée à 445 mètres sous la surface, seront complétés progressivement par les expérimentations mises en place dans le puits principal d’accès et pendant le creusement des galeries du niveau principal du laboratoire à la cote -490. Mi-mai 2005, le puits principal atteignait 468 mètres de profondeur et une soixantaine de mètres de galeries avait été creusé à la base du puits auxiliaire. La scie KEY a été testée avec succès, en surface, au Laboratoire de recherche souterrain de Meuse/HauteMarne les 19 et 20 avril derniers. Cette sorte de tronçonneuse géante est destinée à interrompre ce que les géomécaniciens appellent la « zone endommagée » au pourtour des galeries. La scie KEY doit creuser une saignée sur toute la circonférence de la galerie. Cette saignée radiale sera comblée avec des briquettes de bentonite qui gonflent en présence d’eau pour se souder en un écran imperméable. Cette expérimentation a déjà été réalisée dans le laboratoire suisse du Mont-Terri et a permis de mettre au point la scie qui sera mise en place à Bure à -490 mètres (lire pages 8 et 9). Vous pouvez vous abonner gratuitement à LA VIE DU LABO en envoyant vos coordonnées à : Laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute-Marne • Andra/Service communication • BP 9 • 55290 BURE page 3 Collection Et ailleurs ? Mont Terri : des résultats encourageants page 8 Agenda Rapport, concertation, information ©CREDIT PHOTO page 11 Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs 4 Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ....................................... Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • LA VIE DU LABO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LVL28_05a07 25/05/05 15:12 Page 5 Dossier Dans un stockage souterrain de déchets radioactifs, c’est après dissolution dans l’eau que des atomes ou molécules pourraient se déplacer selon deux mécanismes : la « convection » et la « diffusion ». Dans le premier cas, Les trois sites d’expérimentation sur la diffusion au laboratoire (lire “En bref” page 7). les éléments dissous sont emportés dans le sous-sol par le mouvement de l’eau dans la roche. Le précédent numéro de La vie du labo était consacré à la circulation extrêmement lente de l’eau dans l’argilite de Bure grâce à la quasi-imperméabilité de cette roche. Dans ce dossier, c’est du phénomène de « diffusion » dont il est question. Explications. Les questions scientifiques posées par l’étude de faisabilité d’un stockage La diffusion des radioéléments dans la roche eux exemples pour comprendre. Premièrement, prenons une tasse d’eau chaude et plongeons-y un sachet de thé. Inutile d’agiter l’eau avec une cuillère pour que le thé envahisse tout le volume d’eau de la tasse en quelques secondes : les « particules de thé » se sont déplacées par « diffusion ». Ce phénomène correspond en réalité au mouvement d’atomes ou de molécules dans un fluide - comme l’eau - sous le seul effet de leur propre agitation. Il est encore appelé « mouvement brownien » du nom du botaniste écossais Robert Brown qui, en 1828, décrit les mouvements aléatoires de D grains de pollen en suspension dans l’eau. Second exemple : plongeons maintenant un morceau de sucre dans un verre d’eau. Petit à petit, le sucre envahit tout le volume d’eau mis à sa disposition à partir de l’endroit où sa concentration est maximale, c’est-à-dire le fond du verre, autour du morceau en voie de dissolution. Dans ce cas, le mouvement brownien aboutit au transfert des molécules de saccharose, constituant le sucre, depuis les zones à concentration élevée vers les zones à concentration plus faible. Une fois la concentration devenue uniforme, la migration s’arrête. (cf. schéma p. 7). ●●● LA VIE DU LABO • 5 LVL28_05a07 25/05/05 15:12 Page 6 Dossier ●●● Capturés par l’argilite Dans la couche argileuse présente dans le sous-sol de Meuse et Haute-Marne – appelée « l’argilite du Callovo-Oxfordien », la diffusion se fait principalement dans l’eau qui remplit les minuscules vides de la roche qu’on appelle des pores (cf. La vie du Labo n°27). Seuls les atomes et les molécules de petite taille peuvent y migrer. Mais il se produit dans l’argilite des phénomènes qui tendent à ralentir, voire à bloquer, la migration des éléments dissous. Au microscope, l’argile ressemble à un mille-feuille. C’est entre ces feuilles que des atomes ou molécules extérieurs peuvent se déplacer mais aussi être capturés. En effet, chaque feuillet porte des charges électriques négatives sur ses faces. Or, comme des aimants, deux particules dont les charges électriques sont de signes opposés (+ et -) s’attirent ; deux particules de signes identiques (+/+ ou -/-) se repoussent. C’est pourquoi les cations, qui sont des atomes ou des molécules portant une charge électrique positive, se fixent aux feuillets d’argile chargés négativement. On dit que l’argilite possède une « capacité de rétention » des cations. À l’inverse, les anions, parce qu’ils sont chargés négativement, sont repoussés par les feuillets d’argile. Leur voie de passage est donc rétrécie. Leur mouvement est contrarié. Les anions sont ralentis. On parle de « répulsion » de l’argilite pour les anions ou « d’exclusion anionique ». Ces propriétés de rétention et répulsion de la couche argileuse du Callovo-oxfordien intéressent particulièrement les scientifiques de l’Andra : ils ont mis au point des méthodes innovantes pour mesurer ces paramètres essentiels à l’évaluation de la sûreté d’un éventuel stockage souterrain de déchets radioactifs. En centimètres par an On creuse, pour cela, dans l’argilite, un forage d’une dizaine de centimètres de diamètre. On le remplit ensuite avec un « cocktail » d’eau et d’éléments chimiques appelés « traceurs ». Ces traceurs n’existent pas dans la roche et vont donc se diffuser lentement depuis le forage (comme les particules de thé dans la tasse ou le 6 • LA VIE DU LABO Les cations, atomes ou molécules positifs se fixent comme des aimants aux feuillets d’argile chargés négativement. Feuillets argileux Porosité accessible sucre dans le verre). Plusieurs mois sont nécessaires pour que ces traceurs migrent de quelques centimètres seulement dans la roche argileuse. Pendant cette phase de l’expérimentation, on analyse régulièrement la composition du cocktail restant dans le forage. On observe ainsi une diminution de concentration en traceurs qui renseigne sur les paramètres de diffusion. Après une année de test, la portion d’argilite dans laquelle les traceurs ont migré est extraite du massif rocheux. Celle-ci est remontée en surface afin d’y mesurer les concentrations en traceurs à différentes distances du forage dans lequel le cocktail initial a été injecté. On détermine ainsi précisément les distances de déplacement de chacun des traceurs. On en déduit leurs vitesses de migration, et donc la capacité de l’argilite à retenir l’élément considéré. Ces résultats obtenus in situ à Bure viendront alors compléter deux types de LVL28_05a07 25/05/05 15:12 Page 7 En bref Radioactivité et traceurs Le sucre se dissout dans l’eau. La concentration au fond du verre est très grande ; elle est encore nulle en haut. Le sucre migre de la zone de forte concentration vers les zones à concentration plus faibles sous l’effet de la diffusion. L’équilibre est atteint, la concentration est uniforme. L’agitation thermique n’est pas pour autant stoppée. Les molécules de sucre (et d’eau) sont toujours en mouvement, mais globalement la concentration reste uniforme. La diffusion moléculaire tend à uniformiser les concentrations en éléments dissous Les anions, atomes ou molécules négatifs, sont repoussés par les feuillets d’argile chargés négativement. Leur voie de passage est rétrécie. Porosité données acquises ces dernières années. En effet, on dispose d’une part des résultats de tests de diffusion qui ont été conduits sur des échantillons d’argilite extraits à Bure depuis la surface au moyen de forages. D’autre part, des expérimentations similaires ont été menées dans le laboratoire suisse du Mont Terri dont les argiles à Opalinus ont des propriétés très proches de celles de l’argilite du CallovoOxfordien vis-à-vis du phénomène de diffusion. Ces résultats expérimentaux permettent enfin de valider les simulations de diffusion élaborées par des modèles informatiques. Ces études contribuent à évaluer la sûreté d’un éventuel stockage géologique de déchets radioactifs à vie longue ou à haute activité. Elles seront présentées dans le rapport sur la faisabilité d’un tel stockage réversible que l’Andra remettra au Gouvernement en 2005. Dans le Laboratoire de Bure, trois types de traceurs sont utilisés pour représenter les espèces chimiques qui seraient présentes dans un éventuel stockage de déchets radioactifs. Parmi eux : les anions chlore 36 et iode 125, les cations sodium 22 et césium 134, et le tritium, électriquement neutre, qui représente la molécule d’eau. Ces traceurs sont radioactifs mais leur emploi ne doit pas être confondu avec un stockage souterrain de déchets radioactifs, qui reste strictement interdit en France : grâce à leur rayonnement, et parce qu’ils sont naturellement absents dans l’argilite, ces traceurs demeurent facilement détectables, même à faible concentration. Néanmoins, ces expérimentations sont réalisées dans le strict respect de la législation et des exigences de radioprotection. Tests en profondeur Trois zones différentes font l’objet d’expérimentations au Laboratoire de recherche de Bure. Deux expériences de diffusion sont en cours dans la zone supérieure de la couche d’argilite, à 460 mètres de profondeur environ. Ils sont conduits à partir de la galerie expérimentale mise en service en novembre 2004 à -445 mètres (dite « niche expérimentale »). Un autre essai est mené dans la zone inférieure de la couche, vers 540 mètres, à partir d’un forage réalisé depuis la surface. Ces trois tests fournissent déjà des données depuis le début du printemps. Quant aux expérimentations de la troisième zone, à 505 mètres, juste en dessous des galeries du niveau principal du Laboratoire, elles concernent le milieu de la couche d’argile, et doivent débuter cet été (vue du laboratoire page 5). LA VIE DU LABO • 7 LVL28_08a09 25/05/05 14:16 Page 8 Et ailleurs ? Bilan des expérimentations au Mont Terri Des résultats encourageants Les expérimentations réalisées dans le laboratoire souterrain du Mont Terri, en Suisse, apportent des connaissances et des savoir-faire essentiels pour étudier les propriétés des roches argileuses. Les 22 et 23 février derniers, l’Andra a présenté le bilan de trois expérimentations majeures. n Suisse, le laboratoire de recherche souterrain du Mont Terri fédère une large communauté scientifique internationale qui étudie le stockage des déchets radioactifs dans les argiles : six pays unissent leurs efforts pour mettre au point des méthodes expérimentales et mieux comprendre les problèmes scientifiques liés à l’étude de l’argile (cf. La vie du labo n°25). Quatre domaines de recherche ont été explorés : l’étude des phénomènes de diffusion des radioéléments, l’analyse chimique des fluides contenus dans la roche (expérimentation PC-C), la réaction des argiles à une élévation de température (HE-D), la mise au point d’une technique d’interruption de l’endommagement des parois causé par l’excavation d’une galerie (EZ-A). Les résultats des expérimentations initialisées fin 2002 et réalisées en 2003 et 2004, ont été présentés les 22 et 23 février derniers par les partenaires du projet Mont-Terri. E EZ-A : bloquer les écoulements dans la zone endommagée L’expérimentation EZ-A a pour objectif d’interrompre la zone endommagée autour des galeries. « Le creusement d’une galerie provoque une micro-fissuration au voisinage de la paroi rocheuse qui peut devenir une voie d’écoulement pour l’eau et les radionucléides », précise Gilles Armand, ingénieur géomécanicien au laboratoire de recherche souterrain de Meuse/HauteMarne. Pour interrompre la zone endommagée, des saignées verticales sont creusées perpendiculairement à l’axe de la galerie à l’aide d’une scie spéciale (lire page 4) 8 • LA VIE DU LABO Pour interrompre la zone endommagée, des saignées verticales remplies avec des briquettes de sable et de bentonite, sont creusées perpendiculairement à l’axe de la galerie à l’aide d’une scie. Les essais ont démontré l’étanchéité de ces barrières interceptant la zone endommagée. ressemblant à une énorme tronçonneuse. Elles sont ensuite remplies avec des briquettes de sable et de bentonite. « La bentonite est une argile très intéressante car elle est quasi-imperméable : elle gonfle en présence d’eau et diminue donc les possibilités d’écoulement. Les essais réalisés au Mont-Terri ont démontré l’étanchéité de ces barrières interceptant la zone endommagée. » Des résultats de bon augure pour le Laboratoire de l’Andra à Bure où sera réalisée une expérimentation similaire. « Grâce au retour d’expérience du MontTerri, nous avons développé un prototype LVL28_08a09 25/05/05 14:16 Page 9 de scie adapté aux conditions du Laboratoire de Bure ; et nous avons obtenu des résultats qui permettront des comparaisons entre les deux sites. » HE-D : comprendre les phénomènes de couplage La réaction des argiles à une élévation de température a constitué le deuxième pan de l’important dispositif d’expérimentations menées au Mont Terri. « HE-D a été menée pour connaître et comprendre les interactions entre les phénomènes thermiques, hydrauliques et mécaniques », souligne Yannick Wileveau, ingénieur responsable des études de thermique à l’Andra. Des capteurs ont été installés dans la roche fin 2003. Après une période d’adaptation de la roche, un forage a été creusé pour recevoir une sonde chauffante de 6 m de long et de 30 cm de diamètre. Le mois suivant, la roche a été progressivement chauffée jusqu’à une température de l’ordre de 100 °C. « Grâce à cette expérience, nous avons remarqué que la chaleur ne se diffusait pas de façon uniforme dans la roche. Les modélisations par ordinateur confrontées aux mesures dans le massif rocheux et sur échantillons nous ont surtout montré que les calculs numériques permettent de bien reproduire les phénomènes observés dans la réalité. » PC-C : connaître la composition de l’eau de la roche Les expérimentations au Mont Terri ont également servi à mieux comprendre les équilibres chimiques entre la roche et l’eau dite « interstitielle », c’est-à-dire contenue dans la roche*. « Nous avons caractérisé l’eau interstitielle en essayant de ne pas la perturber », précise Agnès Vinsot, hydrogéologue de l’Andra. « La méthode développée au Mont-Terri est maintenant transposée au site de Meuse/HauteMarne. » Toutes ces expérimentations viendront enrichir le dossier sur la faisabilité d’un stockage de déchets qui sera remis au gouvernement français en 2005, dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991. *(Lire le dossier sur la perméabilité dans le numéro 27 de La Vie du Labo). LA VIE DU LABO • 9 LVL28_10a11 25/05/05 14:16 Page 10 Questions ●●●réponses Que pense l’Andra du rapport de l’IEER commanditée par le Clis ? (Question posée lors de la visite des élus de la Codecom de Gondrecourt-le-Château le 23 mars 2005 au Laboratoire). e Comité local d’information et de suivi (Clis) a fait procéder à une évaluation du programme expérimental du Laboratoire de recherche souterrain de Meuse / Haute-Marne par l'IEER (Institut pour la recherche sur l’environnement et l’énergie). Cet organisme américain a débuté sa mission en janvier 2004 et a présenté ses conclusions en réunion plénière du Clis le 13 janvier 2005. Après un examen attentif du rapport de l’IEER, dans sa version provisoire d’octobre 2004 puis dans sa version définitive, l’Andra a transmis au Clis une quarantaine de pages de commentaires. Ainsi, l’Andra constate que quasiment les deux tiers des 59 recommandations formulées par l’IEER correspondent à des actions qu’elle a déjà réalisées L 10 • LA VIE DU LABO ou qui sont sur le point de l’être en 2005. En revanche, environ un quart des autres recommandations sont contredites par les résultats scientifiques déjà établis par les expérimentations. Restent six recommandations qui semblent prématurées aujourd’hui par rapport à l’étude de faisabilité de principe d’un stockage réversible. Néanmoins, elles pourraient être prises en compte à l’avenir si la mission de l’Andra devait s’étendre à l’étude de construction d’un stockage. L’ensemble des commentaires de l’Andra est disponible sur le site internet www.andra.fr à la rubrique « actualités ». De même, le rappor t complet de l’IEER est consultable soit à la permanence du Clis dans le lavoir de Bure, soit sur le site internet à l’adresse www.clis-bure.com. LVL28_10a11 25/05/05 14:16 Page 11 Agenda Rapport de l’OPECST Une loi souhaitée pour 2006 Pour s’inscrire dans la durée : une loi en 2006 sur la gestion des déchets radioactifs, tel est le titre du rapport de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), paru fin mars, et rédigé par MM. Christian Bataille, député du Nord, et Claude Birraux, député de la Haute-Savoie. Présenté le 15 mars, ce rapport sur l’état d’avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs est accompagné de huit recommandations. Les deux députés préconisent notamment d’améliorer l’information sur ce sujet, de poursuivre les recherches au-delà de 2006, de fixer comme objectifs les dates de 2016 pour la mise en service d’un entreposage de longue durée, de 2020-2025 pour la mise en service d’un réacteur démonstrateur de transmutation ainsi que d’un stockage géologique, et 2040 pour la transmutation industrielle. Concertation Débat public à l’automne 2005 Information du public Visites et portes ouvertes à l’Andra Le 16 février dernier, la Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie par MM. Lepeltier, Ministre de l’Ecologie et du Développement durable, et Devedjian, Ministre délégué à l’Industrie, afin d’organiser à l’automne 2005 un débat public « sur les options générales en matière de gestion des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, dans un esprit de transparence et de dialogue ». La CNDP est une autorité administrative indépendante, créée par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Pour plus d’information, consulter le site Internet www.debatpublic.fr Implantée sur quatre sites en France, l’Andra organise gratuitement des visites guidées de ses installations. Le Laboratoire de Bure se visite toute l’année sur rendezvous en téléphonant au 03 29 75 9000. Une journée « portes ouvertes » est également organisée annuellement, la prochaine est prévue le dimanche 12 juin. Les Centres de stockage de l’Aube sont ouverts du lundi au vendredi sur rendez-vous en appelant au 0 800 31 41 51 (appel gratuit depuis un poste fixe). Une journée « portes ouvertes » aura lieu le 25 septembre à Soulaines-Dhuys où sont stockés les déchets de faible et moyenne activité. Le Centre de la Manche se visite en réservant au 02 33 01 69 02. Mis en service en 1969, il est aujourd’hui en phase de surveillance et n’accueille plus de nouveaux déchets. Une documentation complète et les plans d’accès à ces sites sont disponibles sur le site Internet www.andra.fr LA VIE DU LABO. Journal du Laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute-Marne. Directeur de la publication : François Jacq. Rédacteur en chef : Marc-Antoine Martin. Rédaction : Marc-Antoine Martin, Éric Sutre. Conception : TEMA presse, 03 87 69 18 01. Crédit photo : Andra, P. Demail/Andra, E. Sutre/Andra, Studio Durey/Véronique Paul/Graphix Images, D.Enz, © Comet Photoshopping GmbH, Zürich, Germain Photo Tours. La vie du Labo est tirée à 22 000 exemplaires. Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore. ISSN : 1298 - 3764. Copyright Andra. N°154. ÉTÉ 2005. Andra • BP9 • 55290 Bure • Tél. 03 29 75 90 00.http ://www.andra.fr LA VIE DU LABO • 11 LVL28_der 25/05/05 14:16 Page 1 LVL28_01A 25/05/05 15:38 Page 1 LABO LA VIE DU Les Périodiques JOURNAL D’INFORMATION DU LABORATOIRE DE RECHERCHE SOUTERRAIN DE MEUSE/HAUTE-MARNE DOSSIER La diffusion des radioéléments dans la roche ÉTÉ 2005 N°28 Événement Déchets : recenser pour mieux gérer page 5 page 3 Collection Et ailleurs ? Mont Terri : des résultats encourageants page 8 Agenda Rapport, concertation, information page 11 Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs