Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de

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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de
Université Lumière; Lyon II
Institut d'Études Politiques de Lyon
Gérer les individus dans un cadre flexible :
Le cas des réseaux de vente directe.
Benoît BAUDOT
Mémoire soutenu le 30 juin 2009.
Directeur de mémoire : David Piovesan,
Maître de conférences à l’Université Lyon 3
Présidente du jury : Anne Blanc-Boge, Maître de conférences à l’IEP de Lyon
Table des matières
Remerciements. . .
Introduction. . .
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise. . .
1) Les conditions de rémunération : un moteur bridé. . .
a) La rémunération à la commission. . .
b) Les paliers de progression. . .
c) Le maintien des conditions de rémunération: l'âne, la carotte et le bâton. . .
2) Le pari de l'indépendance : flexibilité et motivation . .
a) Liberté du rythme de travail. . .
b) Le rôle des mécanismes de contrôle : un complément du temps choisi. . .
3) Les facteurs de contenu du travail : la part de l'affectif. . .
a) « Je vends ce que j'aime ! » . .
b) « Je fais ce que j'aime ! » . .
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation. . .
1) Le moteur du réseau : le leader. . .
a) Le défi de la cohésion. . .
b) Le leader : inventeur de ses propres outils de gestion de réseau. . .
2) Les membres des réseaux ou la motivation par l'échange. . .
a) L'apport des membres à la motivation du réseau. . .
b) La relation de motivation : leader-membres. . .
3) La gestion de la motivation dans un réseau de vente directe. . .
a) L'accompagnement individuel. . .
b) L'animation du réseau : la gestion de la motivation collective. . .
III) La formation des leaders : un enjeu de taille. . .
1) Des leaders plus compétents. . .
a) Éveiller la conscience des leaders. . .
b) Transformer le potentiel des managers en performances. . .
2) Des outils de gestion pour les têtes de réseau. . .
a) Les cycles de formation thématiques. . .
b) Le coaching personnalisé des têtes de réseau. . .
3) Fidéliser les réseaux de vente. . .
a) Fidéliser les têtes de réseau. . .
b) Fidéliser les membres des réseaux. . .
Conclusion . .
1) Déterminer la part des sources de la motivation : intrinsèque et extrinsèque. . .
2) Saisir l’impact des réseaux. . .
3) La formation des leaders. . .
4) Vérification de l’hypothèse de départ. . .
5) Prescription. . .
a) Améliorer l’incitation à la gestion de réseau. . .
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b) Miser sur la participation. . .
Annexes . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Articles . .
Sites internet: . .
Reportage télévisé . .
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Remerciements.
Remerciements.
Je tiens ici à remercier particulièrement les personnes qui m’ont aidé à la réalisation de ce mémoire,
notamment M. David Piovesan, mon directeur de mémoire et Mme. Anne Blanc-Boge pour leur
accompagnement et leurs conseils tout au long des étapes de la réalisation de ce mémoire.
J’adresse aussi mes remerciements à l’ensemble des personnes qui ont bien voulu m’accorder
les entretiens nécessaires à la réalisation du travail terrain qui a servi de base à ce mémoire :
Véronique de Serres, Aurélie Mouillon, Corinne Romain, Véronique Parein et Patricia Guichard.
Merci également à M. Christian Mercier et M. Bernard Baudry, dont les enseignements m’ont
fourni quelques pistes de réflexion utiles.
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Introduction.
Contexte général.
Ce mémoire porte sur la gestion de la motivation des individus au sein des réseaux
de vente directe. Un tel sujet nous a semblé intéressant dans la mesure où les entreprises
de vente directe sont caractérisées par une structure atypique, dotées d’une très grande
flexibilité. Les acteurs au sein de ces organisations disposent d’une liberté d’action et d’une
autonomie quasiment totales. Pour espérer obtenir une organisation efficace, il est donc
nécessaire de concentrer les efforts du management sur la motivation des individus.
La réflexion que nous entendons mener ici compte permettre d’identifier les leviers de
la motivation qui s’exercent au sein des réseaux de vente directe, et d’en mesurer l’impact
sur les individus. Ce travail nous a paru d’autant plus intéressant qu’en recherchant des
ouvrages traitant de l’organisation des réseaux de vente directe, il s’est avéré pratiquement
impossible d’en trouver. De telles formes organisationnelles sont pourtant de plus en plus
considérées par les entreprises. Elles relèvent d’une forme de sous-traitance spécifique,
par le recours à des travailleurs indépendants. La part de cette forme d’emploi spécifique a
connu une forte croissance particulièrement depuis les années 1980. Elle est par exemple
passée de 3% à 11% en France en l’espace de dix ans (entre 1986 et 1996), et suit le même
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rythme d’évolution en Europe sur la même période . Elle a toujours été la forme d’emploi
privilégiée au sein des entreprises de vente directe, ce qui fait de ces dernières un terrain
particulièrement propice à notre étude.
Définition de l'objet du mémoire : définition de la vente directe:
Initialement, la vente directe désigne un processus de vente qui s'effectue sans
intermédiaire entre le producteur et le consommateur. A mesure que ce type de distribution
s'est développé, des évolutions dans la pratique de la vente directe se sont produites. Le
terme de vente directe a progressivement été utilisé pour définir un mode de distribution
caractérisé par « la présence physique effective d'un vendeur et d'un consommateur hors
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d’un magasin. »
En clair, il s'agit la plupart du temps de vente à domicile chez les
particuliers, bien que des prestations de vente directe puissent s'adresser aussi à des
professionnels. On assiste depuis les années 1940 au développement constant des activités
de vente directe à domicile par le biais de représentants bénéficiant dans la grande majorité
des cas d'un statut de vendeur à domicile indépendant (VDI) ou de salarié (le plus souvent
des voyageurs représentants placiers, ou VRP).
Les travailleurs indépendants dans la vente directe : VDI et VRP.
Il existe plusieurs statuts applicables aux vendeurs au sein des sociétés de vente
directe. Le statut de vendeur à domicile indépendant (VDI) est le plus utilisé, car il permet
aux vendeurs d'exercer leur activité à la carte, et peut être cumulé avec une autre activité
professionnelle. Au-delà d'un certain seuil de revenus liés à son activité (plus de 16.000 €
annuels), le VDI doit cependant passer au statut d'agent commercial, ce qui implique son
inscription au registre du commerce et lui donne un statut très proche de celui d'un créateur
d'entreprise. Il n'est alors plus considéré comme indépendant.
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Cf. Bernard BAUDRY, « Economie de la firme », Ed. La Découverte, 2003, page 82.
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Introduction.
Enfin, le voyageur représentant placier (VRP) dispose quant à lui, et contrairement aux
VDI et agents commerciaux, d'un statut de salarié de l'entreprise qu'il représente. Suivant
certaines dispositions, il peut exercer son activité pour plusieurs sociétés. Ce statut, moins
souple que celui des VDI et des agents commerciaux pour les entreprises, offre au salarié
les garanties sociales et juridiques qui sont liées à son statut, et sont plus étendues que
celles des VDI et agents commerciaux.
Le « plus » de la vente directe face à d'autres formes de distribution tient avant tout
à la proximité entre le vendeur et le consommateur, qui dispose d'un conseil et d'une
prestation commerciale généralement plus poussés et plus complets que dans les autres
modes de distribution. L'image d'Épinal véhiculée par la vente directe jusqu'à aujourd'hui est
essentiellement celle de la « réunion Tupperware ». La démonstration à domicile, apparue
dès les années 1940 chez le fabricant américain de produits ménagers Stanley Home puis
à partir de 1947 chez Tupperware est en effet le principal levier de la vente directe aux
particuliers actuellement, et les entreprises qui choisissent cette solution de distribution
sont nombreuses. Ce choix s'effectue notamment en constatant l'efficacité de la vente
directe comme mode de distribution par rapport à la vente en magasin et même à la vente
par correspondance pour certains types de produits. Une fois encore, l'exemple le plus
connu reste Tupperware, qui s'est orienté vers la vente directe en constatant l'échec de ses
produits dans la grande distribution. L'impact du produit auprès du consommateur est bien
plus important lors d'une démonstration à domicile. Cependant, bien que Tupperware soit
l'entreprise la plus connue pour avoir introduit la vente directe dans la distribution, la réalité
de la pratique a beaucoup évolué, tant dans les techniques de vente utilisées que dans les
produits distribués.
Importance de la vente directe comme mode de distribution.
La vente directe est l'un des principaux modes de distribution en France, il se place
en troisième position après la vente en magasin et la vente par correspondance. Selon la
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Fédération de la Vente Directe (FVD) , syndicat qui regroupe les principales entreprises
utilisant ce type de distribution en France. L'importance de la vente directe en termes
économique est considérable. Aujourd'hui, le chiffre d'affaires de la vente directe pour les
entreprises membres de la FVD s'élève à trois milliards d'euros. Elle représente environ
300 000 vendeurs et plus de 25 millions d'actes de vente par an. Le nombre de salariés
et de vendeurs indépendants exerçant une activité dans la vente directe est en constante
augmentation, ce qui laisse supposer que ce type de distribution peut encore gagner en
importance dans les années à venir. En effet, malgré la crise économique actuelle qui affecte
de nombreux secteurs d'activité, on a pu déjà remarquer par le passé que la vente directe est
un type de distribution dont le chiffre d'affaires se maintient dans des périodes d'instabilité
économique, notamment grâce à la qualité des produits et de la relation de proximité qui
existe entre le vendeur et ses clients.
La vente directe par réseau.
La vente directe réalisée au cours de démonstrations à domicile sous-entend pour
l'entreprise qu'elle dispose d'un nombre important de représentants, prêts à commercialiser
le produit auprès d'un public restreint et avec des contraintes assez importantes. C'est ce qui
a donné naissance à la vente directe dite par réseau. Il s'agit d'un système organisationnel
original, dans lequel une entreprise recrute des vendeurs qui, au cours de leur activité de
commercialisation vont également proposer aux clients de rejoindre à leur tour l'équipe de
vendeurs. Le vendeur dispose généralement d'un intéressement sur les ventes réalisées par
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Fédération de la Vente Directe, http://www.fvd.fr/
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
les personnes qu'il a recrutées. Les vendeurs recrutés vont à leur tour intégrer de nouvelles
personnes dans le groupe de vendeurs, et ainsi de suite. On assiste ainsi à la mise en place
de réseaux d'individus, atteignant pour les plus importants plusieurs centaines de personnes
(le réseau de vente directe le plus important actuellement en France, toutes entreprises
confondues comporte plus d'un millier de vendeurs).
Les réseaux de vente directe comportent le plus souvent une structure très clairement
définie par l'entreprise, et comportant un certain nombre d'étapes qui marquent la
progression des collaborateurs de l'entreprise. Le fonctionnement des réseaux de vente
directe s'appuie sur des mécanismes de récompense de la performance des individus qui
les composent. A l'instant où une personne est recrutée au sein d'un réseau de vente
directe, elle dispose d'un certain intéressement et de possibilités d'évolution qui dépendent
de ses performances en termes de vente d'une part, et des recrutements qu'elle parvient à
effectuer d'autre part. Le pourcentage de commission touché par les membres des réseaux
de vente directe augmente par paliers, qui correspondent généralement à un statut au sein
de l'entreprise. Ces paliers sont atteints par le biais des recrutements et des performances
de vente réalisés. A partir du moment où ces collaborateurs ont recruté plus d'une personne,
ils se trouvent de fait en « tête de réseau », et ont dès lors un intérêt important (notamment
financier) à ce que les personnes recrutées soient rapidement opérationnelles et les plus
efficaces qui soient.
Il serait erroné ici de croire que les réseaux de vente directe fonctionnent selon un
modèle dit pyramidal. En effet, on désigne sous le terme de système pyramidal un système
destiné à récolter des fonds sans développer d'activité économique réelle. En France,
de tels systèmes sont interdits par le Code de la Consommation, qui interdit "le fait de
proposer à une personne de collecter des adhésions ou de s'inscrire sur une liste en
exigeant d'elle le versement d'une contrepartie quelconque et en lui faisant espérer des
gains financiers résultant d'une progression du nombre de personnes recrutées ou inscrites
3
plutôt que de la vente, de la fourniture ou de la consommation de biens ou services. » Les
membres recrutés au sein d'un système pyramidal doivent effectuer un apport de fonds
souvent considérable à son entrée, touché par les individus qui se situent à des positions
plus élevées dans la hiérarchie du système, en espérant par la suite toucher de la même
manière de l'argent en recrutant de nouveaux membres. Certains systèmes pyramidaux,
dits « déguisés » utilisent la vente d'un produit pour dissimuler leur activité réelle. Ce
type de situation ne s'applique pas aux réseaux de vente directe, fortement réglementés.
La progression des individus se fait en fonction de leur performance personnelle, ainsi
que des performances du réseau à la tête duquel elles peuvent se trouver. Les têtes de
réseau ont donc tout intérêt à manager le réseau dont elles disposent pour en accroître les
performances. Ceci doit se faire en conciliation avec des conditions de travail extrêmement
souples, puisqu'il n'existe généralement qu'un de mécanisme réduit de contrôle de l'activité
des membres du réseau, on en constate parfois même l'absence pure et simple. De même,
les collaborateurs ne subissent aucune contrainte de temps, et choisissent entièrement leur
degré d'investissement personnel au sein de cette activité. La mise en place des réseaux
de vente directe a eu un véritable impact sur des populations sociologiquement ciblées,
notamment les femmes au foyer dès les années 1960, qui y ont vu un moyen d'exercer
une profession dans laquelle elles pouvaient facilement obtenir une reconnaissance et un
statuts alors pratiquement inaccessibles pour elles.
Problématique.
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Code de la Consommation, article L.122-6, alinéa 2. Source : Légifrance, http://www.legifrance.gouv.fr/
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Introduction.
Les réseaux de vente directe posent question. En effet, si leur efficacité en termes de
distribution n'est plus à prouver, on peut s'interroger avant tout sur les raisons de ce succès,
et notamment, sur ce qui pousse les membres de ces réseaux à s'investir totalement dans
une activité de vente qui semble moins assurée a priori que d'autres activités du même type.
Le système de rémunération dans les réseaux de vente directe par exemple correspond
simplement à un pourcentage de commission sur les ventes réalisées, ce qui peut sembler
moins attractif qu'une rémunération fondée sur une base fixe et des primes par exemple.
Sociologiquement parlant, les réseaux de vente directe sont composés de populations
extrêmement hétérogènes. On peut trouver au sein d'un même réseau des personnes
aux origines sociales, aux niveaux d'études et de qualification, et aux professions très
variées. Certaines se sont orientées vers la vente directe pour des raisons financières,
tandis que d'autres considèrent cette activité comme une sorte de passe-temps. On pourrait
dès lors penser qu'une telle variété de profils et de motivations au travail remet en cause
l'efficacité des réseaux de vente directe. Pourtant, ceux-ci fonctionnent le plus souvent
très efficacement. C'est cette efficacité des réseaux de vente directe qui nous amène à
nous interroger. Comment sont-ils gérés, et comment obtient-on la cohésion d'un groupe
aussi hétérogène ? Comment des individus parviennent-ils à gérer des réseaux d'individus
pouvant être constitués de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines de personnes
souvent sans disposer des formations qualifiantes auxquelles on pourrait s'attendre dans
pareilles circonstances ?
Quels sont les mécanismes de motivation qui poussent les individus à l’effort au
sein des réseaux de vendeurs dans les entreprises de vente directe ?
Hypothèse centrale
La motivation des individus au sein des réseaux de vente directe nous semble être
l'un des éléments principaux constitutifs de la cohésion et de l'efficacité des réseaux de
vente directe. Au long de ce mémoire, on entendra par le terme motivation l'ensemble des
raisons qui poussent un individu au travail, et qui déterminent son degré d'implication dans
la réalisation des tâches qui lui incombent. Cette définition inclut le degré d'implication des
individus dans leur travail car il s'agit d'un facteur déterminant de l'efficacité des réseaux de
vente directe, de façon plus significative encore que dans d'autres types d'activité.
L'hypothèse que nous posons comme base de réflexion pour ce mémoire est que la
cohésion et l'efficacité des réseaux de vente directe dépendent largement de la nature
même du travail à effectuer dans le cadre des activités de vente directe d'une part, et de
la gestion de la motivation de ces réseaux par les personnes qui se trouvent à leur tête,
appelées têtes de réseau, d'autre part. Nous supposons donc qu'il existe une grande
part de motivation dite intrinsèque des individus dans les facteurs d'implication dans
la vente directe, fortement liée au contenu du travail effectué.
Cette hypothèse sous-entend aussi que le management de la motivation au sein des
réseaux de vente directe est nécessairement partagé entre l'entreprise elle-même et les
réseaux qui travaillent pour elle. Pour comprendre comment fonctionnent les principaux
leviers de la motivation que nous avons pu observer au sein des réseaux de vente directe,
il est donc nécessaire de comprendre comment s'articule ce partage entre l'entreprise et
les réseaux.
Comme nous l'avons évoqué précédemment, les motivations des individus au sein
des réseaux de vente directe sont variables. Certaines personnes se lancent dans cette
activité à temps plein, pour des raisons financières, tandis que pour d'autres, l'intérêt de cette
activité est ailleurs, dans le divertissement notamment. Cette situation nous pousse donc à
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
envisager notre hypothèse de départ dans une double perspective: tout d'abord, celle dans
laquelle cette motivation vient en complément de la motivation dite extrinsèque, notamment
liée aux revenus que le travail permet de générer. Dans une seconde perspective ensuite,
la motivation intrinsèque représente la principale source de motivation, les revenus et le
contexte de travail n'ayant qu'une importance secondaire. Dans ces deux perspectives
cependant, nous supposons que les facteurs de contenu du travail (content of work) sont
déterminants des choix effectués par les individus et de leur comportement au sein des
réseaux de vente directe.
Présentation des matériaux terrain.
Afin d'appuyer notre réflexion, nous avons réalisé une série d'entretiens auprès de
plusieurs acteurs au sein d'une entreprise fabricant des ustensiles de cuisine, destinés
aux professionnels comme aux particuliers. La distribution des produits de cette entreprise
auprès des particuliers se fait par le biais de réseaux de vente directe. Nous avons donc
interrogé les acteurs qui agissent autour et au sein des réseaux de l'entreprise pour tenter
d'éclairer notre hypothèse de départ. Il nous a semblé nécessaire d'obtenir des entretiens
avec des personnes occupant des positions différentes au sein d'un même réseau tout
d'abord. Un premier contact avec une personne située à la tête d'un réseau riche d'un
peu plus d'une centaine de personnes (124) nous a permis ensuite d'obtenir un entretien
avec plusieurs membres de ce même réseau, faisant état d'évolutions et de motivations
différentes. Des acteurs évoluant au sein d'autres réseaux de vente directe de la même
société ont également apporté leur propre éclairage au problème que nous nous sommes
posé. Enfin, la responsable commerciale de la société a bien voulu répondre à des questions
plus spécifiques sur l'action de l'entreprise elle-même sur les réseaux de vente qui travaillent
pour elle.
Le tableau suivant récapitule dans les grandes lignes le profil des personnes
interrogées. Ce tableau est avant tout destiné à permettre au lecteur de situer les différents
acteurs que nous avons interrogés au long de la lecture de ce travail. Dans un souci de
respect de l’anonymat des personnes interrogées, nous avons modifié les noms des acteurs
interrogés.
Prénom
Pauline
Alice
Sophie
Julie
Ancienneté dans l’entreprise
10 ans
2 ans
Moins d’1 an
14 ans
Anne
7 ans
Fonction au sein du réseau
Tête de réseau
Vendeuse, début de réseau
Vendeuse débutante
Responsable du pôle de
développement commercial
Vendeuse
Tableau : Personnes interrogées.
Le but recherché au cours de ces entretiens sur le terrain était de mettre en évidence
les motivations des individus au sein du réseau de vente directe, ainsi que le ressenti
qu'elles avaient de la gestion de ce même réseau. Ils ont permis d'isoler un certain nombre
de facteurs de motivation communs à l'ensemble des membres du réseau interrogés,
ainsi qu'un certain nombre de différences, qui permettent de cerner la spécificité des
motivations de chaque individu. Les entretiens menés avec la tête de réseau ainsi qu'avec la
responsable commerciale de l'entreprise nous ont permis de comprendre les mécanismes
de motivation déjà existants au sein de ce réseau, et d'avoir un aperçu de leur efficacité.
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Introduction.
Nous avons rencontré plusieurs difficultés au cours de la réalisation de ce travail. Nous
aurions notamment voulu compléter notre travail auprès des membres d'un réseau par des
entretiens avec des spécialistes de la vente directe, ce qui s'est révélé impossible.
La démarche qui anime ce mémoire consiste d'une part à montrer quels mécanismes de
motivation s'avèrent efficaces pour des structures organisationnelles du type des réseaux
de vente directe d'une part, et d'autre part, d'en identifier les limites et d'éventuels moyens
pouvant être mis en place pour repousser ces limites.
Présentation de la structure générale du mémoire
Pour tenter de répondre aux questions soulevées par notre objet d’étude et de vérifier
notre hypothèse de départ, nous nous intéresserons successivement à trois aspects de
notre objet d’étude : le rôle du management des individus au sein de l’entreprise, qui nous
permettra d’isoler les leviers de motivation utilisés par l’entreprise pour agir sur les individus
au sein des réseaux ; la relation leader-membres du réseau de vendeurs, pour comprendre
comment les réseaux de vendeurs viennent compléter l’action de l’entreprise en termes
de motivation, et enfin nous nous pencherons sur l’enjeu que représente la formation des
leaders à la gestion des réseaux.
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
I) Le rôle du management des individus
au sein de l’entreprise.
Certains des leviers traditionnels de la motivation tels qu'ils ont été décrits notamment dans
les théories de F. Herzberg dans les années 1970 peuvent s'appliquer aux réseaux de
4
vente directe. La théorie développée par F. Herzberg , ainsi que les modernisations qui en
ont été faites par la suite après les années 1980 permettent une lecture des mécanismes
de la motivation au sein des organisations en suivant une distinction entre deux types de
facteurs de motivation. Cette lecture s'appuie d'une part sur les facteurs de motivation dite
« intrinsèque », liés au contenu du travail (content of work), à sa nature même, et d'autre
part, sur les facteurs de motivation dite « extrinsèque », liés avant tout à la satisfaction de
besoins par le biais de la rémunération, et au context of work, ou facteurs d'ambiance, qui
concernent les conditions dans lesquelles s'exerce le travail. Si la théorie de F. Herzberg
rencontre un certain nombre de limites, en particulier du fait de son aspiration à une validité
universelle et permanente, ne tenant pas compte des individualités, elle a néanmoins
largement influencé la dynamique des organisations et la manière d'envisager la motivation.
Elle peut nous permettre ici d'approcher certaines dispositions des sociétés de vente directe
pour comprendre comment s'effectue le partage du management entre l'entreprise ellemême (au-dessus de l'ensemble des réseaux) et les réseaux qui distribuent ses produits.
En effet, on peut envisager le management des réseaux selon plusieurs échelles, celle de
l'entreprise étant la plus large. C'est l'entreprise qui détermine le cadre de travail au sein
duquel les membres des réseaux vont ensuite exercer leur activité. L'entreprise joue donc
un rôle majeur dans la motivation des réseaux en définissant ce cadre. Il s'agit de son
principal levier d'action sur les individus au sein des réseaux, car les statuts des membres
des réseaux laissent une très grande autonomie aux membres des réseaux dans l'exercice
de leur activité. Cela est d'autant plus vrai pour la vente directe que les collaborateurs de
l'entreprise sont indépendants vis-à-vis d'elle. La responsable du pôle de développement
commercial que nous avons interrogée explique qu' « un VDI n'a rien à perdre, l'entreprise
si. Elle est tributaire de l'humeur des gens ».
Les entretiens que nous avons réalisés nous permettent d'identifier les facteurs sur
lesquelles une société de vente directe agit directement et qui ont un impact sur la
motivation des membres des réseaux, que celui-ci soit positif ou négatif. Les conditions de
rémunération des membres des réseaux de vente directe, leurs conditions de travail au sens
de contexte de travail (context of work), et certains des facteurs liés à la nature du travail
(content of work ) comme le marketing interne par exemple, sont les leviers de la motivation
des individus au sein des réseaux sur lesquels l'entreprise peut agir directement. Ils ont une
efficacité certaine sur les individus, bien que ces mécanismes rencontrent aussi un certain
nombre de limites. Nous les analyserons successivement, tout en tentant d'apporter des
éléments de réponse aux problèmes qu'ils peuvent soulever.
4
Frederick HERZBERG et al., “ The motivation to work”, Ed New Brunswick London, 1993, 157p. et F.HERZBERG, “Le Travail et
la nature de l’Homme”, Entreprise moderne d’édition, Paris, 1978, 213 p.
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I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
1) Les conditions de rémunération : un moteur bridé.
La rémunération peut être considérée comme le mécanisme de base de la motivation
extrinsèque, et les modalités qui s'appliquent à la rémunération peuvent venir le renforcer.
Les conditions de rémunération dans les réseaux sont fixées par des règles applicables
à l'ensemble des réseaux qui composent les forces de vente de l'entreprise. Les sociétés
de vente directe appliquent un certain nombre de pratiques qui ont démontré une certaine
efficacité jusqu'à présent. Le défi pour l'entreprise est ici de trouver un système qui soit
motivant pour des collaborateurs qui disposent d'une indépendance quasiment totale visà-vis d'elle.
Si l'on devait donner un maître-mot de la rémunération en vente directe, ce serait
performance. Les pratiques existantes au sein des entreprises de vente directe par réseaux
le montrent bien, la rémunération et la performance sont toujours très étroitement liées.
Cela est d'autant plus vrai que les statuts des vendeurs indépendants ne donnent que très
rarement lieu à un salaire fixe. La rémunération est donc variable, à plus d'un titre. Elle
correspond à une commission touchée par le vendeur sur son chiffre d'affaires. Ensuite, le
pourcentage de cette commission évolue suivant un schéma de progression des individus
fondé sur des critères de performance en termes de chiffre d'affaires, définis à l'avance.
Ces paliers de progression se traduisent concrètement par l'obtention d'un statut auprès
de l'entreprise, et au sein du réseau. Enfin, cette évolution n'est pas garantie, si les
performances de l'individu chutent, ses conditions de rémunération peuvent suivre cette
évolution: les échelons précédemment atteints peuvent être perdus, et avec eux le statut qui
leur correspond. Il est important ici de souligner que ces pratiques varient d'une entreprise à
l'autre. Ainsi, certaines sociétés de vente directe garantissent le niveau de commission et le
statuts atteints, même en cas de chute de la performance des acteurs. Ces trois dispositions
relatives à la rémunération dans les réseaux de vente directe (commission, paliers de
progression et maintien des conditions de rémunération en fonction de la performance)
dépendent largement les uns des autres. Il s'agit ici de montrer l'impact de chacune de ces
dispositions, ainsi que ses limites.
a) La rémunération à la commission.
Il s'agit ici de lier la rémunération à la performance. Les vendeurs indépendants qui
travaillent au sein des réseaux de vente directe ne sont pas tous disposés à s'engager
dans leur activité de vente de façon intense. La rémunération à la commission joue ici un
rôle de moteur dans la motivation des individus, qui sont poussés à s'investir assez pour
espérer toucher une rémunération significative. Ainsi, lorsque l'on interroge Pauline, l'une
des membres du réseau de vente directe que nous avons étudié au sujet du système de
rémunération auquel elle est soumise, la réponse est sans équivoque: « Il est parfait. C'est
ce qui pousse à se bouger. ». La perception du système de rémunération à la commission
est ici positive, au-delà de l'absence d'une rémunération fixe qui pourrait sembler plus
rassurante. La rémunération à la commission est un moteur de la motivation en vente
directe, et les vendeurs soulignent le fait qu'ils s'impliquent dans leur activité de ce fait.
Au cours de chacun des entretiens réalisés auprès des membres du réseau, chacune des
personnes interrogées a insisté sur le fait que la vente directe est un métier dans lequel
« il faut se bouger tout seul pour obtenir quelque chose ». Cet état d'esprit des vendeurs
indépendants tient avant tout à leurs conditions de rémunération.
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
L'intérêt principal de la rémunération à la commission, en dehors du fait qu'elle permet
d'éviter de payer une rémunération fixe est qu'elle pousse les individus au sein des réseaux à
s'impliquer davantage dans leur activité en espérant ainsi pouvoir toucher une rémunération
plus importante. Ce levier de la motivation fonctionne particulièrement bien auprès des
personnes qui se lancent dans une activité de vente directe avec la volonté d'en faire
leur activité principale. L'impact d'un tel système est renforcé au sein des réseaux et des
entreprises par l'émulation qu'il est en mesure de susciter entre les membres des réseaux.
La commission sur le chiffre d'affaires semble donc être un bon compromis. Toutefois, elle
se heurte cependant à un certain nombre de limites.
Pour les vendeurs, si la commission apparaît comme une source de motivation, elle
pose aussi un certain nombre de problèmes. Un tel système de rémunération est également
source d'incertitude et de vulnérabilité, car les vendeurs sont directement soumis d'une part
à des phénomènes de saisonnalité de leur activité (les mois d'été sont traditionnellement
nettement moins porteurs d'activité que le reste de l'année) et d'autre part aux aléas
du marché. Si cette incertitude peut agir comme un stimulant, il peut aussi pousser les
vendeurs à envisager leur activité de vente directe comme une activité secondaire et à
s'investir davantage dans un autre domaine, leur assurant des revenus plus sécurisés,
notamment par le biais d'un salaire fixe auquel l'activité de vente directe ne viendrai s'ajouter
qu’occasionnellement. La rémunération à la commission peut donc être un facteur de nonengagement ou de désengagement des individus. Cela peut expliquer en partie le fait que
la majorité des personnes recrutées au sein des réseaux de vente directe ne pérennise pas
son activité. En effet, selon Julie, la responsable du pôle développement commercial de
l'entreprise que nous avons rencontrée, « 80% des personnes recrutées quittent l'entreprise
en moins de deux ans ». Les conditions de rémunération sont l'une des causes de ces
départs. Les avantages procurés par la rémunération à la performance sont donc à double
tranchant pour l'entreprise.
Nous pouvons également souligner une seconde limite à laquelle se heurte le système
de rémunération à la commission. Elle est une source de difficultés pour les vendeurs
débutants qui n'ont pas encore l'expérience de la vente directe. La période de démarrage
est décrite comme une période difficile, pendant laquelle un certain nombre de mécanismes
doivent être acquis. Les coûts d'entrée de nouveaux membres sont très réduits pour
l'entreprise qui ne les rémunère qu'à la performance, tandis que les membres entrants
de l'organisation assument ces coûts en s'équipant par exemple. La rémunération à la
commission, choix quasiment unanime de l'ensemble des entreprises de vente directe
représente donc l'un des facteurs majeurs de la motivation des acteurs des réseaux de
vente directe au sens où elle pousse à la performance pour maximiser le profit individuel.
Toutefois, elle se heurte à certaines limites qui peuvent la rendre contre-productive dans
certains cas, en suscitant la prudence des acteurs, voire leur désengagement de l'activité,
jusqu'à l'interrompre. Cette limite n'est pas négligeable, car elle joue un rôle dans le nombre
très important de démissions des vendeurs.
Des pistes pour agir n°1 :
Réduire les effets pervers de la rémunération à la commission.
Les effets pervers de la rémunération à la commission dans les réseaux de vente directe
que nous avons identifiés peuvent être réduits en menant une action complémentaire entre
l'entreprise elle-même et ses réseaux de collaborateurs indépendants.
14
BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
En effet, s'il semble impossible d'agir sur l'aspect variable d'une rémunération à la
performance du type de la rémunération à la commission, il est possible de diminuer l'impact
des difficultés des débutants au sein des réseaux de vente directe de plusieurs façons:
- les coûts d'entrée, notamment d'équipement des vendeurs peuvent être répartis entre
l'entreprise et le vendeur débutant en lui permettant d'acquérir du matériel à prix réduit
auprès de l'entreprise. Cette mesure existe déjà dans certaines entreprises de vente directe.
- l'entreprise peut proposer une formation au démarrage pour les nouveaux vendeurs
arrivés au sein des réseaux. La mise en place d'un tel système de formation peut s'avérer
lourde à supporter pour l'entreprise. Cette formation peut aussi être réalisée en collaboration
avec les réseaux de vente.
- les réseaux de vente peuvent agir en complément de l'entreprise, notamment en ce
qui concerne la formation initiale des personnes recrutées. Ils constituent une ressource
de connaissances pratiques issues de l'expérience du terrain et peuvent transmettre ce
savoir-faire aux acteurs entrant dans le réseau de vente. Cette transmission peut s'effectuer
par un accompagnement individualisé de la recrue par son recruteur, pendant une période
déterminée. Cette transmission peut s'avérer bénéfique en termes de motivation tant pour
le formateur que pour le nouveau vendeur.
b) Les paliers de progression.
L'une des caractéristiques du système de rémunération dans la vente directe passe
par l'organisation en paliers de progression. Ces paliers marquent la progression du
pourcentage de rémunération et du statut du vendeur indépendant au sein de l'entreprise.
Prenons ici pour exemple une société de vente directe, pour laquelle un individu A travaille
en tant que vendeur indépendant. A a été recruté par un collaborateur B de l'entreprise,
et débute à un niveau 1, avec une commission de 15% sur son chiffre d'affaires. Pour
atteindre le niveau 2 de rémunération, A devra réaliser un chiffre d'affaires dans une durée
donnée, ces critères étant prédéfinis par l'entreprise. Ces critères ne sont pas des objectifs
à proprement parler que l'entreprise fixe au vendeur indépendant, mais des conditions
nécessaires à l'obtention d'une augmentation du pourcentage de la commission qui sera
touchée par le vendeur sur son chiffre d'affaires. L'entreprise détermine le niveau de la
hausse, ainsi que le nombre de paliers de progression. A chacun de ces paliers correspond
un statut (qui se traduit par un titre) et un niveau de commission. Les critères de progression
correspondent aux performances des acteurs au sein des réseaux : leur chiffre d'affaires est
pris en compte, ainsi que la durée pendant laquelle ce chiffre d'affaires se maintient. A partir
d'un certain nombre de paliers franchis sur la base des performances de vente du vendeur,
ses performances en termes de recrutement entrent également en ligne de compte. A partir
de ce stade, le vendeur, s'il recrute, se trouve en position de tête de réseau. Dans l'exemple
suivant, tiré de notre travail sur le terrain, le vendeur se trouve à la tête de son propre réseau
dès l'instant où il atteint le niveau 3.
Palier de progression
Pourcentage de commission
Conditions d'obtention
Niveau 0
20,00%
BAUDOT Benoit_2009
15
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Pas d'objectif
Niveau 1
25,00%
Objectif de vente 1
Niveau 2
27,00%
Objectif de vente 2
Niveau 3
29,00%
Objectif de vente 3 et 2 personnes recrutées et actives
Niveau 4
31,00%
Objectif de vente 4 et 4 personnes recrutées et actives
Tableau : Exemple d'un système de paliers de progression
Le système des paliers de progression est le second levier de la motivation par la
rémunération utilisable par les sociétés de vente directe. Il s'agit en fait d'un système hybride
en termes de motivation, au sens où il fait appel aux deux volets précédemment décrits
de motivation intrinsèque et extrinsèque. Il est motivant dans la mesure où il permet de
gagner proportionnellement plus d'argent par produit vendu, mais aussi dans la mesure où
il donne accès à une reconnaissance du travail accompli et du potentiel de l'acteur à travers
un statut. Nous nous intéresserons ici plus particulièrement à la motivation extrinsèque liée
à ce système.
Les paliers de progression permettent de relativiser l'un des effets négatifs de la
rémunération à la commission, et constituent en cela une réponse au problème posé par
l'insécurité liée à la rémunération. Si le vendeur franchit tous les échelons de la progression
qui lui est proposée, le pourcentage de commission qui lui est accordé peut devenir
conséquent. Ainsi, les personnes interrogées au cours de notre travail terrain peuvent
toucher jusqu'à 31% de commission sur leur chiffre d'affaires à l'échelon maximum (le
cinquième). Les vendeurs touchent proportionnellement plus d'argent par produit vendu
et peuvent par conséquent mieux limiter l'impact des baisses d'activité sur leurs revenus
que s'ils touchaient une commission fixe. Augmenter le pourcentage de commission permet
d'être rémunéré au même niveau qu'avant l'augmentation en fournissant moins d'effort.
Les paliers n'exercent pas pour autant d'effet négatif sur la motivation des individus au
sein des réseaux au sens où ils inciteraient moins à l'effort. En effet, l'augmentation de la
rémunération pousse au maintien de l'effort fourni, voire à son augmentation. Le passage
d'un échelon à un autre est également gratifiant pour les vendeurs et constitue une source
de satisfaction, et d'émulation : « C'est la réussite des gens du dessous qui booste la
motivation » nous affirme ainsi Pauline.
Le système des paliers de progression doit néanmoins faire face à sa propre finitude.
On ne saurait mettre en place un système dans lequel le pourcentage de commission des
vendeurs n'aurait plus de limites. L'entreprise doit donc fixer un palier maximum, au-delà
duquel le pourcentage de commission n'augmentera plus. L'effet de motivation qui était
obtenu par la perspective de progression des revenus ainsi que du statut au sein de la
16
BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
société est alors réduit. Une fois le dernier échelon atteint, le vendeur se trouve de nouveau
confronté au problème de la variabilité de sa rémunération, qui ne peut plus être compensée
par la hausse de son pourcentage de commission.
Second problème soulevé par les paliers de progression : leur accessibilité. Les
vendeurs doivent se sentir en mesure de les atteindre, et ne pas être découragés par
les objectifs informels qui leur sont fixés. Ceux-ci n'ont aucune valeur obligatoire, et s'ils
paraissent hors d'atteinte aux individus, ils ne fourniront pas l'effort nécessaire pour les
atteindre, jugeant le prix à payer pour y parvenir trop élevé. La difficulté se fait rapidement
sentir, notamment dès l'instant où il faut recruter en plus d'assurer un chiffre d'affaires
important pour passer à l'échelon supérieur. Sophie, l'une des VDI, souligne qu' « au
début quand on est jeune conseillère [premier échelon de la progression, juste après le
recrutement], on ne nous en demande pas trop, mais par la suite les objectifs sont plus
élevés. Il faut beaucoup de vente, beaucoup de recrutement. ». Cette personne explique ne
pas avoir envie de s'investir davantage, freinée par la difficulté des conditions de passage
au niveau supérieur et une certaine appréhension face à la gestion du début de réseau
qu'elle implique. Le fait que le recrutement soit une condition de passage au palier supérieur
uniquement à partir du troisième degré de progression a tendance à pousser les membres
du réseau à d'abord se spécialiser sur leur activité commerciale avant de songer au
recrutement.
Des pistes pour agir n°2 :
Rendre les paliers de progression attractifs et accessibles à long terme.
Comme nous avons pu le voir, les paliers de progression représentent un complément
utile à la rémunération à la commission, en permettant notamment d'en atténuer certains
aspects négatifs. Leurs principales limites sont liées au fait que les paliers ne peuvent
être franchis indéfiniment, du moins en termes de rémunération, et qu'ils peuvent sembler
peu accessibles aux vendeurs des réseaux, spécialement lorsqu'ils se trouvent confrontés
au problème du recrutement. On pourrait en déduire que si les paliers de progression
demeurent attractifs tant qu'ils concernent des objectifs de vente, et le sont moins lorsqu'il
s'agit pour les acteurs de recruter, il se peut que les vendeurs soient trop peu préparés à
jouer un rôle de recruteurs, ce qui est vraisemblable étant donné la grande diversité des
profils des personnes qui agissent au sein des réseaux de vente directe.
Le défi qui est posé par le système des paliers de progression est donc double : il
s'agit de rendre ces paliers accessibles et attractifs dans la durée. On peut envisager une
solution qui permettrait d'atténuer la baisse d'attractivité des paliers de progression tout en
les rendant plus accessibles pour les vendeurs qui n'ont pas encore recruté.
Les membres des réseaux qui atteignent le dernier palier de progression pourraient
accéder à un statut de formateurs qui serait rémunéré en bonus de leur activité commerciale
et de celle de leur réseau. Cela permettrait de mettre en place un système de formation au
recrutement pour les membres des réseaux qui en sont demandeurs, et par conséquent de
faciliter le passage complexe de l'activité uniquement commerciale à une double activité,
commerciale et recrutement. Un tel système permettrait également aux membres du
réseau d'éviter le piège d'une spécialisation commerciale qui les laisse démunis face au
recrutement.
c) Le maintien des conditions de rémunération: l'âne, la carotte et le
bâton.
BAUDOT Benoit_2009
17
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Lorsque les vendeurs que nous avons interrogés évoquent le système de rémunération
auquel ils sont soumis dans l'exercice de leur activité de vente directe, plusieurs le
désignent comme « la carotte qui fait avancer la bourrique ». On peut envisager le
système de rémunération tel qu'il est pratiqué, à la commission et avec des paliers de
progression, comme une carotte qui fait avancer l'âne. La rémunération et ses conditions
sont effectivement l'un des moteurs de la motivation des individus. Le grand oublié de cette
image d'Épinal, c'est le bâton, qui est considéré par nombre d'entreprises pratiquant la vente
directe comme un facteur de motivation au moins aussi efficace que la carotte. Le bâton ici,
c'est la question du maintien des avantages de rémunération obtenus en franchissant les
paliers en fonction de la performance des individus. Concrètement, cela revient à rendre le
pourcentage de commission variable dans les deux sens. Les conditions d'obtention d'un
palier deviennent donc ainsi un objectif minimal à atteindre tous les mois pour les vendeurs,
afin de maintenir leur pourcentage de commission. Si leur activité venait à diminuer au point
de ne plus entrer dans les critères du meilleur échelon qu'ils ont atteint, ils redescendraient
à l'échelon correspondant à leur activité réelle. On renforce par une telle pratique de façon
importante le lien entre la rémunération et la performance.
Une telle mesure revient à pousser les individus à maintenir leur niveau d'effort dans
la durée, et à ne pas chercher à acquérir des avantages de façon ponctuelle. Le risque
de perdre les avantages acquis grâce à de bonnes performances pousse les vendeurs à
s'investir davantage pour assurer le maintien de ces avantages, voire à les augmenter.
On peut donc considérer cette mesure comme un facteur de motivation dans la durée.
Cependant, une telle disposition est à double tranchant en ce qui concerne la motivation, et
il n'est pas certain que le gain de motivation réalisé en soumettant les avantages acquis en
franchissant les paliers de progression à une remise en cause continue soit très important.
En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, l'activité en vente directe est soumise à de
forts phénomènes de saisonnalité. On peut isoler des périodes de forte activité pendant
une année (les mois d'avril à juin par exemple) et des périodes très creuses (les mois de
juillet et août marquent toujours une activité nettement plus basse que le reste de l'année).
Les avantages acquis au cours d'une période de forte activité suivie d'une période creuse
peuvent donc être très rapidement perdus, et les efforts fournis pour les obtenir sembler
vains. Une telle expérience, surtout si elle se répète, peut se révéler décourageante pour
les membres des réseaux.
A l'inverse, la garantie de l'obtention définitive d'un palier de progression, sécurisante
pour le collaborateur de l'entreprise est perçue comme un élément très positif au sein des
réseaux et peut pousser davantage les vendeurs à tout faire pour atteindre un pourcentage
de rémunération maximum, et donc de fournir un effort soutenu, bénéfique pour l'entreprise
et pour eux-mêmes. Un tel choix relève de la stratégie de l'entreprise, et de la culture qu'elle
souhaite mettre en place au sein des réseaux de vente. Les membres des réseaux que nous
avons interrogés disposent de cette garantie, et l'ont mentionnée lors des entretiens. Cette
garantie apparaît dans les entretiens lorsque l'on demande quels sont les avantages que
l'on retire à être collaborateur de l'entreprise D. Leurs remarques permettent de se faire une
idée de l'impact d'une telle garantie sur leur motivation. « On ne recule jamais. Si pour une
raison ou une autre ton activité est suspendue, tu ne redescends pas l'échelle, tout niveau
atteint est acquis » (Pauline), « Ce qui est acquis chez D. ne se perd pas » (Alice)...
Des pistes pour agir n°3 :
La question de la garantie des conditions de rémunération.
18
BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
Le choix de garantir ou non les conditions de rémunération et des avantages acquis
en franchissant les différents paliers de progression sans tenir compte des variations de
performance des individus relève avant tout de la stratégie de l'entreprise.
Une telle garantie présente indéniablement des avantages que les membres des
réseaux perçoivent de manière positive et qui les pousse à fournir un effort soutenu.
Elle n'est pas pour autant exempte de risques pour l'entreprise qui est tributaire des
performances de ses vendeurs et peut chercher à optimiser ses marges.
Il conviendrait, pour pouvoir effectuer un choix stratégique rationnel de mettre au point
un test ou un indicateur permettant de mesurer l'impact d'une telle garantie ou de son
absence sur les performances des vendeurs.
Conclusion sur le système de rémunération.
En déterminant les conditions de rémunération, l'entreprise dispose d'un moyen
puissant d'agir directement sur la motivation des individus. Le temps a permis l'émergence
de certains mécanismes désormais largement utilisés au sein des sociétés de vente directe,
qui permettent d'exercer une influence sur la motivation des individus malgré leur statut
d'indépendants. C'est le cas de la rémunération à la commission, du système des paliers de
progression et de la question de la garantie des conditions de rémunération, que nous avons
analysés. Ces dispositions ont une efficacité importante, mais rencontrent aussi un certain
nombre de limites et d'effets pervers. Nous avons tenté de proposer des pistes de réflexion
pour atténuer l'effet de ces limites. Il apparaît que le champ d'action de l'entreprise reste
cependant limité. Le système de rémunération apparaît comme un moteur de la motivation,
mais un moteur bridé. La plupart des solutions envisageables devant se faire au sein même
des réseaux, qui bénéficient d'une grande indépendance. On voit ici l'ébauche du rôle que
les réseaux, et notamment leurs leaders peuvent avoir dans la gestion de la motivation des
individus.
Le système de rémunération n'est pas le seul outil dont l'entreprise dispose pour
motiver ses collaborateurs. Les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité
sont également un facteur important de la motivation. C'est un second élément sur lequel
l'entreprise peut intervenir directement, notamment par les choix qu'elle effectue en ce qui
concerne le statut et le contrôle des vendeurs et des réseaux de distribution.
2) Le pari de l'indépendance : flexibilité et motivation
Les vendeurs qui travaillent pour les entreprises de vente directe sont des travailleurs
indépendants. Ils ne signent pas de contrat de travail avec la société pour laquelle ils
travaillent, mais un contrat d'agrément, de nature commerciale. L'entreprise qui leur donne
mandat fait donc le choix d'une très grande flexibilité externe, mais elle s'aliène par là
même une large part du contrôle qu'elle pourrait exercer sur ses vendeurs et se rend
tributaire de leur bon vouloir. Il existe cependant un certain nombre d'avantages à créer ainsi
des réseaux de vente, notamment celui de multiplier les points de vente en multipliant le
nombre de vendeurs. Les sociétés de vente directe d'une manière générale font le pari de
l'indépendance des vendeurs qui distribueront leurs produits parce qu'un tel statut permet
de toucher une population précise au moment du recrutement, pour qui l'indépendance est
un facteur de motivation premier, à plus d'un titre.
BAUDOT Benoit_2009
19
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
a) Liberté du rythme de travail.
La principale conséquence du statut d'indépendant en termes de conditions de travail est le
temps choisi. Il s'agit d'un facteur de motivation important, souvent le premier à être cité par
les personnes rencontrées au cours de notre travail terrain. Les vendeurs considèrent cette
liberté dans le travail et la possibilité de choisir leur rythme et leur temps de travail comme
l'un des moteurs de leur activité. Cela leur permet de gérer à la fois leur temps et leur envie
de travailler. Les personnes interrogées affirment ainsi par exemple pouvoir concilier vie
familiale et vie professionnelle sans problème, pouvoir reprendre une activité à leur rythme,
apprécier de pouvoir faire ce qu'elles veulent quand elles le veulent.
Le temps choisi est ressenti comme un facteur de motivation pour une double raison.
D'une part il permet aux vendeurs d'avoir une totale liberté d'organisation, et d'autre part,
travailler à temps choisi réduit considérablement la pression subie. L'entreprise se trouve en
situation de dépendance vis-à-vis des vendeurs qui distribuent ses produits, par conséquent
elle est dans l'obligation de recruter le plus possible de façon à pouvoir assurer l'écoulement
de ses produits. Le recrutement des entreprises de vente directe s'effectue souvent parmi
ses clients, car l'activité de vente directe est proposée en même temps que l'achat des
produits. Ceux-ci peuvent déjà exercer une activité à laquelle la vente directe vient s'ajouter,
ou avoir des obligations familiales fortes, par exemple. Le temps choisi permet de toucher ce
réservoir de main d'œuvre, et de conserver l'aspect attractif de l'activité de vente directe pour
ce public. Dans cette mesure, le temps choisi est un facteur de motivation pour les vendeurs,
assurance de liberté, et représente pour l'entreprise un moyen d'assurer le renouvellement
de sa force de vente.
Une telle indépendance des vendeurs par rapport à l'entreprise peut sembler risquée.
Cependant, l'indépendance des vendeurs constitue aussi, paradoxalement, une certaine
forme de sécurité pour l'entreprise. Les vendeurs sont en effet en mesure de choisir
entièrement leur rythme de travail, cependant, même si celui-ci s'avère irrégulier, il
correspond à une activité choisie et réalisée dans des conditions proches de l'optimum.
De plus, les travailleurs indépendants sont supposés plus productifs que les travailleurs
salariés, leur revenu dépendant directement de leur performance. L'entreprise peut
supposer, souvent à juste titre, qu'un vendeur indépendant est prêt à s'investir très
largement dans son activité afin d'en dégager un revenu maximum. Il est entendu ici
qu'en recrutant de façon massive, les entreprises de vente directe ne peuvent espérer de
l'ensemble de leurs vendeurs agréés un tel engagement, mais nombre d'entre eux exercent
leur activité de vente directe comme une activité à plein temps. Le temps choisi peut donc
être compté au rang des leviers de la motivation utilisés par les entreprises de vente directe
au sens où l'absence d'horaires fixes pousse les vendeurs à s'investir plus largement dans
leur activité. Certaines personnes vont même jusqu'à abandonner une activité pour ne se
consacrer qu'à la vente directe. Au cours des entretiens réalisés, Alice nous a par exemple
confié qu'« [elle] l'envisageait comme une transition, mais depuis un an [elle] n'envisage
pas de reprendre autre chose ».
Le pari pris par l'entreprise s'avère moyennement risqué dans ce cas précis, puisqu'un
recrutement massif et un nombre suffisant de vendeurs indépendants qui exercent leur
métier à plein temps pour le compte de l'entreprise permettent de contrebalancer le risque
pris au départ. De plus, le temps choisi vient compléter le système de rémunération :
les individus sont libres de choisir le temps qu'ils consacrent à leur activité de vente
directe, sachant que leur rémunération dépend directement de leurs performances. L'activité
apparaît donc aux yeux du vendeur comme parfaitement adaptable à ses besoins et à ses
envies, et non pas comme une contrainte. Ces caractéristiques de la vente directe sont
20
BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
souvent les déclencheurs qui poussent des individus à se lancer dans cette activité. Ainsi,
lorsque nous avons demandé aux personnes rencontrées au cours de notre travail terrain
les raisons pour lesquelles elles avaient opté pour la vente directe plus que pour une autre
activité, la grande flexibilité de la vente directe est l'une des motivations principales : « c'est
[ce] qui correspondait le plus à ce que j'attendais de la vie professionnelle à ce moment-là.
C'est fatiguant parce que c'est un investissement permanent, mais on a la liberté de faire ce
qu'on veut quand on veut » selon Pauline qui exerce dans la vente directe depuis dix ans.
Une autre vendeuse, Alice, présente depuis deux ans au sein du même réseau souligne qu'
« On peut s'organiser comme on veut dans son travail, on peut allier vie professionnelle et vie
privée. » Pourtant, ces deux personnes définissent leur activité de vente directe comme leur
activité principale, la première consacrant six jours sur sept à la vente directe, la seconde
entre quatre et cinq jours par semaine.
La grande flexibilité dont disposent les acteurs dans leur activité de vente directe ne
pose pas de problème particulier à l'entreprise, qui est en mesure d'assumer ce choix
stratégique. Paradoxalement, ce sont les vendeurs à qui ce système est le plus susceptible
de poser problème. Le temps choisi, adossé au système de rémunération à la commission,
suppose un investissement personnel et une autonomie du vendeur assez importants. Il
s'agit d'une réalité à laquelle les vendeurs débutants dans la vente directe sont confrontés
immédiatement et qui représente parfois une difficulté importante et les désoriente pendant
un temps. Alice nous explique que dans la vente directe, « On n'a personne qui nous pousse
au derrière, au début c'est à nous de nous motiver toutes seules, j'ai eu du mal à intégrer
ça au début ».
Des pistes pour agir n°4.
Gérer les problèmes liés au temps choisi.
Les vendeurs, notamment débutants qui se trouvent désorientés face à la grande
autonomie qui leur est nécessaire pour avoir une activité viable en vente directe disposent
d'ores et déjà d'outils pour leur permettre de surmonter cette difficulté : les recruteurs
accompagnent le plus souvent les premiers pas des nouveaux vendeurs de leur réseau,
ayant eux-mêmes intérêt à voir leur recrue se montrer efficace rapidement, et les entreprises
mettent à leur disposition un certain nombre de conseils.
Cependant, malgré ces mesures, certaines personnes ne parviennent pas à fournir un
effort suffisant par elles-mêmes, notamment quand l'incitation due à la rémunération est
moins efficace (en cas de cumul d'activités par exemple). Il semble alors nécessaire de
déterminer au moment du recrutement l'état d'esprit des candidats, en essayant de percevoir
leur capacité à fournir un effort individuel par eux-mêmes.
Le temps choisi représente un levier de motivation intéressant pour les entreprises qui
pratiquent la vente directe autant que pour leurs vendeurs. Il rend le travail plus attractif
et moins contraignant pour les vendeurs, et peut les pousser à fournir davantage d'efforts.
Toutefois, pour pouvoir compter sur un effet réellement positif de cette disposition, elle doit
s'inscrire en complément de la rémunération à la commission, et doit être accompagnée
d'un recrutement permanent pour assurer le renouvellement de la force de vente. De
plus, l'accompagnement des vendeurs débutants peut-être un plus pouvant assurer leur
performance. Il convient à présent d'analyser un autre facteur, complémentaire du temps
choisi, dont les effets sont proches.
BAUDOT Benoit_2009
21
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
b) Le rôle des mécanismes de contrôle : un complément du temps
choisi.
En optant pour le temps choisi et l'indépendance des vendeurs, les sociétés de vente directe
perdent la possibilité d'exercer un certain nombre de contrôles sur les membres des réseaux
de vente directe. Les vendeurs ne sont soumis à aucune hiérarchie, et personne ne leur
fixe d'objectifs formels, à remplir dans un laps de temps donné. La seule obligation de ce
type qui existe au sein des sociétés de vente directe est un minimum de chiffre d'affaires à
réaliser, généralement dans un laps de temps relativement long pour l'objectif fixé (plusieurs
mois), qui garantit l'activité des vendeurs. Au bout d'une trop longue période d'inactivité, le
vendeur peut être radié.
Au même titre que le temps choisi, l'absence de mécanismes de contrôle contraignants
et d'une hiérarchie forte sont des conditions de travail qui diminuent fortement la pression
et le stress des acteurs. Ces dispositions interviennent ici en complément des autres
conditions de travail, et notamment de rémunération. L'absence de hiérarchie et de contrôle
de la performance des individus contribue à faire de l'activité de vente directe une activité
libre de toute forme de contrainte, et peut aisément la faire vivre comme un loisir plus
que pour une activité professionnelle. Les vendeuses interrogées n'ont d'ailleurs pas le
sentiment de faire un travail désagréable, ou de façon contrainte, la dimension du loisir
apparaît nettement dans leurs remarques : « Je n'ai pas l'impression d'être une vendeuse,
je suis démonstratrice. […] D. c'est ma récréation. » (Anne), « D. me permettait de sortir
de chez moi et reprendre une activité doucement, rencontrer des gens... » (Alice). On voit
ici, notamment avec l'idée de récréation que l'activité de vente directe peut être réellement
perçue comme un loisir, bien qu'il s'agisse d'une activité professionnelle.
Autre point commun avec le temps choisi, l'absence de contrôle et de pression peut être
un critère déterminant de l'orientation des individus vers la vente directe. Sophie explique
ainsi durant entretien que nous avons mené : « On ne nous demande rien: aucun résultat,
ou chiffre d'affaires minimum, on ne t'appelle pas en te disant « vous n'avez pas fait votre
chiffre ». Pour moi, c'est vachement important, je n'aurais pas pu prendre une activité où on
demande un chiffre d'affaires. ». Le fait de laisser les vendeurs libres de choisir leur degré
d'investissement et de limiter au maximum la pression qui pèse sur eux permet de créer
des conditions de travail dans lesquelles les individus sont proches de l'autonomie totale.
Les éléments les plus motivés par d'autres facteurs n'en sont que plus performants, certains
peuvent simplement être motivés par cette absence de contraintes et de contrôle.
Nous avons vu que le temps choisi, tout comme les mécanismes de contrôle réduits
et l'absence de hiérarchie développent largement l'autonomie des vendeurs au sein des
réseaux, au sens où il n'existe quasiment aucune spécialisation verticale du travail, au sens
classique du terme. Les vendeurs disposent d'un contrôle quasiment total sur l'exécution de
leur tâche. Cette situation implique que l'entreprise soit en mesure de maintenir la motivation
des vendeurs, notamment en se servant habilement des réseaux et du rôle qu'ils peuvent
jouer lorsque l'entreprise ne peut plus agir directement. L'essentiel du travail de maintien,
voire d'augmentation de la motivation au sein des réseaux s'effectue au sein des réseaux
de vente, mais les dispositions prises ici par l'entreprise assurent des conditions de travail
motivantes pour les vendeurs indépendants.
La vente directe semble également plus attractive et incite plus à l'effort dans la
mesure où les vendeurs travaillent pour eux-mêmes avant de travailler pour l'entreprise.
L'absence de hiérarchie et d'objectifs renforce nettement cette impression. Lorsque nous
avons demandé à des vendeuses d'expliquer ce qui leur plaisait dans la vente directe,
22
BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
nous avons ainsi recueilli des réponses comme « Avec D. on n'a pas d'objectifs. C'est
pour nous qu'on travaille. »(Anne). Les membres des réseaux ont ainsi le sentiment de
travailler directement pour eux, ce qui est proche de la réalité étant donné qu'ils ont un
statut d'indépendants. Cette dimension de la vente directe pousse à l'effort en permanence.
Si les vendeurs ralentissent leur activité ou s'y investissent moins, leur rémunération suit
la même évolution. Les conditions de travail liées à l'indépendance ont donc le mérite de
laisser une grande liberté aux individus qui exercent sous ce statut, en leur donnant aussi le
sentiment de travailler pour eux-mêmes sans contrainte, et de façon agréable, tout en ayant
pour conséquence une forte implication des vendeurs qui souhaitent tirer de leur activité
une rémunération conséquente.
Des pistes pour agir n°5
Donner un cap aux vendeurs.
L'entreprise donne une forme d'objectif informel à ses vendeurs par le système de
paliers de progression. Pourtant, nombre d'entre eux restent désorientés lorsqu'il s'agit de
fournir un effort dans un cadre d'autonomie presque totale. Une fois encore, les réseaux de
vente directe et leur management peuvent apporter la réponse que l'entreprise n'est pas
forcément en mesure de fournir, limitée par le statut d'indépendants de ses vendeurs et ses
choix stratégiques.
Au sein des réseaux, les têtes de réseaux sont en mesure d'accompagner les débutants
dans leur effort, et d'orienter ceux qui perdent toute motivation parce qu'ils ne savent pas
sur quoi mettre l'accent dans leur démarche personnelle. Ce type d'accompagnement existe
dans certains réseaux, mais pas dans tous. Il prouve pourtant son efficacité lorsque l'on
atteint les limites du champ d'action de l'entreprise.
Conclusion sur la flexibilité :
La quasi-absence de contrôle sur l'activité des vendeurs ainsi que la hiérarchie très
allégée, voire totalement absente au sein des réseaux de vente ont des effets comparables
à ceux du temps choisi. En tant que facteurs de flexibilité, ils motivent les individus de
deux façons : premièrement en faisant de l'exercice d'une activité professionnelle une
activité proche du loisir, ou du moins vécue comme telle, et deuxièmement en complétant le
système de rémunération à la commission : malgré ce cadre souple, les vendeurs doivent
s'impliquer tout de suite et de façon intense dans leur activité s'ils veulent en retirer quelque
chose. On peut alors s'interroger sur les limites d'une telle flexibilité. Le temps choisi a pour
conséquence de laisser parfois les individus désemparés face à la grande autonomie qui
leur est accordée. Il en va de même pour la fixation d'objectifs en termes de vente par
exemple, ou encore pour le contrôle de l'activité des vendeurs. C'est pourquoi un certain
nombre d'entreprises de vente directe ont opté pour le maintien d'un minimum de ces
mécanismes. Les membres du réseau de vente directe que nous avons interrogés ne sont
soumis à aucun objectif formel, pas plus qu'à un quelconque contrôle hiérarchique. Les
personnes interrogées se placent en opposition face aux sociétés qui ont maintenu ce type
de contraintes, et expriment le fait qu'elles préfèrent travailler dans une entreprise qui ne
les soumet pas à ce type de pression. Cependant; la difficulté à fournir un effort soutenu
spontanément est un problème pour la majorité d'entre elles et pose donc question. Il s'agit
d'une limite à laquelle se heurte l'entreprise de vente directe, qui ne peut que fixer des
conditions de travail motivantes, sans avoir une marge de manœuvre plus élevée. Julie
rend compte de cette limite du champ d'action de l'entreprise au cours de l'entretien qu'elle
nous a accordé. Elle explique ainsi que malgré tout ce que l'entreprise peut mettre en place,
« au bout d'un moment, si la personne ne veut pas, on ne pourra pas l'obliger à le faire [à
BAUDOT Benoit_2009
23
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
travailler] ». Le rôle des réseaux apparaît ici encore primordial pour venir compléter l'action
de l'entreprise.
3) Les facteurs de contenu du travail : la part de
l'affectif.
On entendra ici par facteurs de contenu du travail, et pour reprendre la distinction sur
laquelle nous nous sommes appuyés précédemment (context et content of work) l'ensemble
des facteurs qui ont un impact sur la motivation des individus et sont liés à la nature du
travail exercé, aux tâches qu'il comporte, à l'objet sur lequel il porte. Ces facteurs peuvent
être analysés à l'échelle de l'entreprise, puisque c'est l'entreprise qui détermine l'activité
de ceux qui travaillent pour elle. Dans le cas de la vente directe, il existe plusieurs points
caractéristiques, nécessaires à la motivation des individus dans l'activité de distribution. Il
faut noter ici l'importance de l'affectif dans la mise en œuvre de ces leviers. Comme nous
l'avons souligné précédemment, l'activité de vente directe suppose que l'individu est en
mesure de se mobiliser seul pour fournir l'effort nécessaire à l'exercice de son activité. La
grande flexibilité du travail de vente directe y contribue déjà en retirant de cette activité
nombre de contraintes, permettant ainsi d'envisager la vente directe comme un moment
proche du loisir. On peut déjà y voir une part du rôle que joue l'affectif. Dans le cadre d'un
travail indépendant, il est primordial pour l'entreprise que ses collaborateurs soient motivés
par le contenu de ce travail, par ce qu'il implique concrètement pour eux sur le terrain.
L'affectif est un moyen d'assurer cette motivation.
Deux éléments affectifs majeurs peuvent être considérés comme des moteurs de la
motivation des individus et sont ressortis des entretiens que nous avons réalisés. Il s'agit
tout d'abord du rôle joué par le produit vendu, qui s'avère être déterminant dans la motivation
des individus au sein des réseaux, et ensuite de la passion éprouvée par les vendeurs pour
leur activité, et celles qui sont liées au produit qu'ils distribuent. Le fonctionnement de la
vente directe par réseau permet de recruter avant tout des personnes qui partageront ces
dispositions affectives, et donc d'agir directement sur leur motivation.
a) « Je vends ce que j'aime ! »
Le produit distribué dans le cadre d'une activité de vente directe est l'un des facteurs
déterminants de la motivation. Il l'est à tel point que les individus choisissent leur activité de
vente directe en fonction de ce critère. Le produit doit plaire avant tout aux vendeurs. Lors
des entretiens réalisés, les vendeurs ont affirmé s'être orientés vers l'entreprise de vente
directe D. pour plusieurs raisons, mais le produit à distribuer a toujours été mentionné. « J'ai
été séduite par le produit » affirme ainsi Alice, « je n'avais pas envie de faire du commerce,
je n'aurais pas vendu des encyclopédies comme le font certaines filles que je croise dans la
vente directe. Je n'aurais pas vendu autre chose ». On peut déjà percevoir ici la dimension
affective qui existe entre les vendeurs et le produit qu'ils distribuent. Une telle affinité se
retrouve chez l'ensemble des personnes interrogées. Cet impact du produit distribué sur la
motivation est suffisamment important pour décider certaines personnes à se lancer dans
la vente directe très rapidement. Ainsi, Sophie explique qu'elle s'est rendue sans y croire à
une première démonstration du produit. Dès la seconde démonstration, elle a postulé pour
24
BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
devenir VDI au sein de cette société. Les vendeurs qui travaillent au sein des réseaux ont
le sentiment que c'est le produit qu'ils distribuent qui s'est présenté à eux, et pas l'inverse.
Il existe donc un vrai pouvoir de motivation lié au produit distribué.
Cependant, pour qu'un tel mécanisme fonctionne, encore faut-il que le vendeur soit
convaincu par le produit. La plupart des produits vendus par les réseaux de vente directe
sont des produits de qualité, même s'il ne s'agit pas d'une généralité absolue, ce qui permet
cette adhésion du vendeur au produit. Les vendeuses que nous avons interrogées affirment
vendre un produit auquel elles croient, dont elles sont convaincues, etc. Il s'agit d'un
facteur important de motivation mais aussi de performance. La vente s'effectue beaucoup
plus facilement lorsque le vendeur est convaincu par son produit et communique sont
enthousiasme. C'est ce que soulignent toutes les personnes interrogées. Elles n'ont pas le
sentiment d'effectuer une démarche commerciale, mais simplement de faire connaître un
produit auquel elles croient. Julie, responsable du pôle développement commercial précise
le rôle joué par le produit dans la vente directe : « Quand vous signez un contrat de VDI,
vous devez aimer le produit. Une passion se passe. Ce ne sont pas des commerciaux,
elles créent un besoin auprès du client et transmettent une passion ». L'amour du produit
joue donc un rôle essentiel dans la motivation des vendeurs dans la mesure où il est un
facteur déterminant du choix dans un premier temps et de l'exercice dans un second temps
de l'activité de vente directe à laquelle un individu souhaite se consacrer. Cet élément
affectif est d'autant plus important qu'il permet aux acteurs des réseaux de vente d'optimiser
leurs performances en termes de vente, en réduisant beaucoup l'aspect commercial de
leur démarche. Les vendeurs comme les clients n'ont pas nécessairement le sentiment
d'être dans une situation d'argumentation commerciale par exemple. Une telle situation ne
peut s'obtenir que si le vendeur est réellement convaincu par son produit, et vit son activité
comme une passion.
La question qui se pose alors est celle de la pérennité d'un tel intérêt du vendeur pour
le produit. On peut en effet se demander si le vendeur, convaincu au départ par le produit
(comme nous l'avons vu, le produit peut convaincre rapidement, au point de pousser des
individus à se lancer dans la vente directe), ne perdra pas peu à peu cet enthousiasme des
débuts, pour finalement se lasser de l'activité elle-même. La part de vendeurs qui cessent
leur activité dans les deux ans qui suivent leur recrutement pourrait le laisser penser (80%).
L'attachement des vendeurs au produit reste cependant un facteur très bénéfique en termes
de motivation et de performance, il convient donc de s'interroger sur les possibilités de
maintenir cette passion chez les vendeurs.
Des pistes pour agir n°6.
Entretenir l'attachement au produit.
Plusieurs dispositions peuvent être prises pour entretenir l'attachement que les
vendeurs ont envers le produit qu'ils vendent. De telles dispositions ont un réel intérêt dans
la mesure où cet attachement a un impact réel sur la motivation des vendeurs au sein des
réseaux. Elles peuvent également permettre d'éviter que les jeunes recrues, qui ont moins
de deux ans d'activité au sein de la vente directe, ne soient découragées une fois le coup
de cœur des débuts passé.
- Maintenir le niveau de qualité du produit, et l'améliorer si possible. Les vendeurs dans
la vente directe sont les premiers utilisateurs de leurs produits. La passion qu'ils peuvent
éprouver pour le produit qu'ils distribuent tient avant tout à sa qualité et à son originalité.
Maintenir le niveau de qualité semble être le moyen le plus simple de maintenir également
l'intérêt du produit.
BAUDOT Benoit_2009
25
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
- Mettre directement les vendeurs à contribution pour renouveler la gamme et répondre
aux attentes du marché. On peut par exemple mettre en place une cellule de développement
en demandant à un nombre restreint de collaborateurs leur avis ou leurs idées sur
les nouveaux produits en préparation. Ce type de structure existe déjà dans certaines
entreprises de vente directe, avec des effectifs restreints (une dizaine de personnes sur
des milliers de vendeurs). L'avantage d'une telle structure est sa flexibilité, mais elle doit
être représentative de la diversité des vendeurs pour pouvoir cerner un maximum de
tendances. Le pouvoir d'influence de telles cellules sur le développement des produits peut
être important, jusqu'à la validation ou non de projets en cours.
- En parallèle des cellules de développement, dont les effectifs sont très réduits,
l'entreprise peut aussi solliciter les remarques et les suggestions des vendeurs concernant
les nouveaux produits et étudier leurs propositions d'innovation.
Ces deux dernières pistes de réflexion ont l'avantage de permettre aux collaborateurs
de se sentir associés à la conception et au développement du produit qu'ils distribuent, et
donc de renforcer leur attachement à celui-ci tout en étant valorisés par leur association à
ce type d'activité, qui s'éloigne quelque peu de la vente.
b) « Je fais ce que j'aime ! »
Le produit ne suffit pas à lui seul à assurer la motivation des individus en ce qui concerne
le contenu de leur travail, même s'il constitue une base pratiquement incontournable des
réseaux de vente directe. Le principe même de la vente directe, c'est qu'elle s'effectue
hors d'un lieu de vente traditionnel. Concrètement, la vente directe s'effectue avant tout à
domicile et sur les lieux de travail (notamment au sein des comités d'entreprise), au cours
de démonstration de l'utilisation des produits proposés. Les clients peuvent manipuler et
essayer la plupart des produits proposés par les entreprises de vente directe. C'est une
forme de vente originale et caractéristique de la vente directe par réseaux, en particulier
depuis que l'entreprise américaine Tupperware l'a généralisée.
La démonstration du produit fait donc partie intégrante de la nature du travail en vente
directe, et une fois encore, cette forme atypique d'exercice commercial remporte un franc
succès auprès des membres des réseaux de vente. De la même façon que pour le produit,
les vendeurs sont attachés à ce mode de vente, qui n'est pas ressenti comme une action
commerciale (en rupture avec l'image très longtemps portée par la vente directe de vente
forcée). Lorsque les vendeurs expliquent leur démarche, ils ne la présentent pas sous un
angle commercial, mais sous celui du divertissement. Cela fait partie de la stratégie des
entreprises de vente directe, qui misent beaucoup sur ce ressenti des vendeurs comme
des clients pour se défaire d'un certain nombre de clichés d'une part, mais aussi parce que
les vendeurs prennent un réel plaisir à travailler, et s'investissent ainsi plus largement dans
leur activité.
Pour les vendeurs, cela revient à transmettre une passion. Dans le cas du réseau que
nous avons étudié, les vendeuses distribuent des ustensiles de cuisine professionnels à
des particuliers. Elles définissent leur motivation pour la vente directe par leur passion de
la cuisine et du produit, et considèrent la démonstration et l'activité commerciale qui s'y
rapportent comme le partage de cette passion. La convivialité et l'ambiance qui règnent au
cours des démonstrations deviennent une source de motivation au travail très rapidement.
Anne, débutant dans cette activité résume ainsi ce qu'elle apprécie dans la nature de son
travail: « C'est la convivialité, d'être à la maison, avec des amis. Avant d'être chez D., j'en
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BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
avais une image plutôt négative, j'avais l'impression qu'on te forçait à acheter. Les gens sont
en fait libres de faire ce qu'ils veulent, c'est plus des rencontres entre amis que de l'achat ».
A cet aspect convivial s'ajoute la transmission d'une passion. Une autre vendeuse,
Anne, qui exerce depuis sept ans, affirme : « Je n'ai pas l'impression d'être une vendeuse,
je suis une démonstratrice. Je suis tombée amoureuse du produit avant de le démontrer.
Je fais découvrir un produit à des gens qui ne le connaissent pas forcément, j'essaie de
leur donner envie de l'utiliser, et la vente se fait toute seule. D., c'est ma récréation. Si je
pars sans rien vendre, je garde le sourire. […] Du point de vue de la démonstratrice[...], la
vente se fait toute seule! Même quand les personnes disent [que le produit] est cher, les
autres argumentent. Une fois, j'ai eu une personne qui ne connaissait pas le produit, je l'ai
conseillée, mais c'est l'un des rares cas où j'ai eu besoin de vendre. C'est la liberté et la
convivialité. Les hôtesses deviennent vite des copines, avant j'étais assez timide et assez
renfermée. » Dans ce cas précis, on peut repérer l'affectif qui est lié à l'exercice de la vente
directe. La dimension de loisir et la transmission de la passion pour le produit sont bien
présentes dans ces quelques phrases. La transmission de sa passion est l'un des moteurs
de la motivation des vendeurs pour leurs démonstrations, elle pousse à les multiplier, et
donc à augmenter sa performance en termes de vente. Alice explique au cours de notre
entretien qu'elle « aime transmettre plein de choses, de petites astuces qui [lui] servent pour
des ateliers. Mon but, par les ateliers, ce n'est pas de vendre. On donne envie d'utiliser [le
produit] ».
L'entreprise en optant pour la vente directe opte déjà pour une forme de distribution
motivante pour ses vendeurs. Il est cependant possible d'accentuer l'effet de ce levier de
motivation.
Des pistes pour agir n°7.
Améliorer l'effet de la transmission.
La passion des vendeurs pour leur activité se transmet lors des démonstrations du
produit. C'est l'un des éléments qui suscitent et maintiennent la motivation des individus.
Cette passion peut être entretenue et développée par l'entreprise, au-dessus des réseaux,
en faisant communiquer ses collaborateurs entre eux, en plus des échanges qu'ils ont durant
les démonstrations.
- Par l'établissement d'organes de communication collectifs dans lesquels les vendeurs
peuvent échanger leurs expériences respectives (journal, site internet, forum...) .
- Par l'organisation d'événements regroupant les vendeurs et l'entreprise, destinés par
exemple à présenter un bilan de l'activité ou des projets de l'entreprise.
Ces deux pratiques existent déjà dans la plupart des entreprises de vente directe et
contribuent à établir une culture d'entreprise propre à chacune d'entre elles. Elles sont
aussi un coup de pouce donné à la motivation des acteurs présents. Cependant, la plupart
des événements sont organisés pour un nombre réduit de participants, généralement
sélectionnés pour leurs performances. Il en va parfois de même pour les publications de
l'entreprise.
On peut alors réfléchir à un moyen de toucher les vendeurs qui ne sont pas atteints
par ces dispositions, comme par exemple les régionaliser et les multiplier, de façon à
toucher un nombre plus important de collaborateurs. L'inconvénient d'une telle solution
serait probablement son prix plus élevé pour l'entreprise.
Conclusion sur les facteurs de contenu et l'affectif :
BAUDOT Benoit_2009
27
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Le rôle joué par le contenu du travail dans la motivation des individus dans la vente
directe est au moins aussi important que les perspectives de rémunération qu'elle offre.
L'entreprise, en optant pour la vente directe, fait le choix d'un contenu du travail original pour
une activité commerciale, à savoir la démonstration à domicile. Celle-ci, adossée au fort
pouvoir de séduction exercé par les produits distribués, a un fort potentiel de motivation. Les
vendeurs ont l'occasion de travailler non pas seulement par besoin, mais aussi par passion.
Cela a pour effet de diminuer la réticence face à l'effort à fournir, et créée un enthousiasme
communicatif qui a un effet positif sur la performance des vendeurs.
Conclusion sur le rôle du management des individus au sein de l'entreprise.
La structure spécifique des entreprises de vente directe par réseau réduit le champ
d'action de l'entreprise sur la motivation des individus, au sens où elle est entièrement
tributaire du bon vouloir des vendeurs indépendants et de leurs performances. Elle
dispose cependant toujours des leviers essentiels de la motivation pour pouvoir agir sur
le comportement des individus et tenter de susciter chez eux un effort conséquent. Nous
avons tenté d'analyser les trois principaux, le système de rémunération, les conditions et le
contenu du travail. De cette analyse, nous pouvons tirer un certain nombre de conclusions :
tout d'abord, l'entreprise de vente directe dispose des moyens de mettre en œuvre des
mécanismes de motivation dite extrinsèque puissants.
En effet, le système de rémunération, base de la motivation extrinsèque, est fixé par
l'entreprise. Il exerce dans le cas de la vente directe une influence puissante sur la motivation
des individus au sein des réseaux, notamment par le mécanisme de rémunération à la
performance et le système des paliers de progression. De plus, les entreprises de vente
directe contrôlent également les conditions de travail des vendeurs, et laissent, à travers le
statut d'indépendants de ceux-ci, une très grande liberté d'action à leurs collaborateurs. Ces
conditions de travail ont des effets à double tranchant sur la motivation, mais permettent
d'assurer une grande flexibilité et un renouvellement constant de la force de vente de
l'entreprise.
Ces mécanismes de motivation extrinsèque ne sont toutefois pas les seuls à entrer
dans le champ d'action de l'entreprise. Le contenu du travail, qui relève quant à lui de la
motivation intrinsèque, est également l'un des mécanismes contrôlé par l'entreprise. Il existe
une forte part d'affectif dans le ressenti des vendeurs des réseaux de vente directe sur le
contenu de leur travail, liée au produit qu'ils vendent ainsi qu'au mode de vente. C'est un
moteur puissant qui pousse les vendeurs à l'effort, et qui peut être entretenu et développé
par l'entreprise.
L'entreprise de vente directe se heurte rapidement aux limites de son champ d'action.
En effet, nombre des mécanismes qu'elle peut mettre en place pour motiver sa force de
vente peuvent être améliorés, notamment en comptant sur les réseaux et leur capacité
à combler les vides laissés par l'entreprise. On voit ici qu'un partage de la gestion de
la motivation a lieu, entre les leviers qui sont contrôlés par l'entreprise elle-même et
ceux qui doivent être assurés par les réseaux, en complément de l'entreprise. L'action
de l'entreprise est trop rapidement limitée par la grande indépendance des membres des
réseaux, par conséquent, ce sont aux réseaux de prendre ce relais pour assurer l'efficience
de l'organisation. L'entreprise peut alors agir de façon indirecte sur la motivation, à travers
les réseaux mais ne maîtrise pas le degré d'impact de son action.
Il s'agit désormais pour nous de déterminer comment les réseaux peuvent être
gérés, dans le cadre fixé par l'entreprise, et comment des leaders qui ne disposent a
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BAUDOT Benoit_2009
I) Le rôle du management des individus au sein de l’entreprise.
priori pas souvent des compétences nécessaires pour motiver leur réseau acquièrent ces
compétences et testent leurs propres pratiques.
BAUDOT Benoit_2009
29
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
II) Leader et réseau : le générateur de la
motivation.
Notre précédente analyse nous a permis de mettre en évidence le fait que la structure
particulière des entreprises de vente directe aboutissait à un nécessaire partage du contrôle
des éléments moteurs de la motivation des individus entre l'entreprise elle-même et les
réseaux qui travaillent pour elle. Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune interaction
possible entre ces deux composantes des organisations de vente directe, mais qu'elles sont
complémentaires.
L'entreprise interagit sans cesse avec les réseaux, pour essayer de susciter chez les
individus le comportement nécessaire à la création et au maintien de bonnes conditions
de motivation. Elle ne peut pas cependant agir directement sur les individus en mettant
en place des mécanismes de contrôle stricts, par exemple, qui nuiraient aux avantages
procurés par la grande autonomie dont bénéficient les membres des réseaux. Il convient
donc ici de considérer le réseau de vente directe comme une organisation à part entière,
sur laquelle l'entreprise exerce une influence, sans agir pour autant directement.
Le réseau est en mesure d'agir là où l'entreprise se heurte à des limites fortes. Pourtant,
il ne s'agit ici que d'un potentiel d'action. Pour le mettre en œuvre concrètement, un certain
nombre de préalables doivent être acquis par le réseau, notamment en termes de cohésion
du réseau. Certains réseaux de vente directe n'ont en effet de réseau que le nom, et ne
représentent qu'une somme d'individualités sans cohésion. La cohésion du réseau est un
point très important, puisqu'elle constitue la base sur laquelle on peut fonder une stratégie
de motivation. Sans cohésion, on ne peut pas envisager d'action efficace sur un réseau de
vente directe. Plusieurs points de questionnement peuvent dès lors être soulevés, au sujet
desquels nous formulerons des hypothèses que nous nous efforcerons de vérifier à partir
de ce que nous avons pu observer au cours du travail réalisé sur le terrain.
La première question qui doit être soulevée ici est celle du leadership. En effet, les
réseaux se créent entièrement à partir d'un individu, qui devient donc la tête de réseau.
Son rôle nous semble être l'un des éléments incontournables de la motivation des individus
au sein d'un réseau de vente directe. Les initiatives prises par la tête de réseau ont les
conséquences les plus directes et les plus visibles sur les performances du réseau, et leur
impact sur la motivation de l'ensemble des membres du réseau est considérable. Il est donc
intéressant d'observer quel type d'action peut être mis en place par les leaders des réseaux
de vente directe et d'en observer l'impact pour prendre la mesure de leur importance.
La seconde question qui se pose de façon complémentaire à celle du leadership, est
celle du rôle joué par les membres des réseaux eux-mêmes dans la motivation générale du
réseau. Cette part de la dynamique de motivation n'est pas à négliger, car elle peut jouer
un rôle particulièrement important dans les réseaux qui font montre d'un degré de cohésion
élevé. Les membres des réseaux peuvent être rapidement aptes à assumer certaines
tâches qui ne relèvent initialement que de l'initiative de la tête de réseau. Dans un réseau
idéal, les membres du réseau le dynamisent et ont un effet positif sur la motivation de la
tête de réseau.
30
BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
L'analyse successive de ces deux aspects majeurs de la motivation au sein des réseaux
de vente directe nous permettra de porter un regard critique sur le réseau de vente directe
dont nous avons rencontré un certain nombre d'acteurs au cours de notre travail terrain
et de comprendre comment les mécanismes que nous avons pu observer fonctionnent
concrètement.
1) Le moteur du réseau : le leader.
Le leader d'un réseau de vente directe, appelé tête de réseau occupe une position
particulière, d'une importance significative au sein du réseau de vente directe. Comme nous
l'avons dit précédemment, il n'existe pas, au sein des entreprises de vente directe, de ligne
hiérarchique. Personne n'est donc en mesure de fixer d'objectif formel à un vendeur par
exemple, ou d'exercer un quelconque contrôle sur la façon dont il pratique son activité
de vente directe. On peut alors s'interroger sur le sens du mot « leader », qui véhicule
cette idée de hiérarchie. On la retrouve de même dans l'expression de « tête de réseau ».
Ces expressions n'ont pas ici pour but de véhiculer une quelconque notion de hiérarchie,
elles désignent seulement un état de fait. La tête de réseau se trouve dans une situation
réellement importante au sein du réseau, pour plusieurs raisons.
Pour se trouver tête de réseau, il faut qu'un individu ait déjà recruté au moins deux
personnes, qui constituent son réseau de vente directe. Une tête de réseau appartient ellemême à un réseau, probablement plus étendu que le sien au début. En tant que recruteur,
le leader est le point de départ de son réseau de vente, et il a un intérêt non négligeable
à voir les membres de son réseau s'impliquer largement dans leur travail. Dès lors, la tête
de réseau se trouve confrontée au problème du management de son réseau. Les réseaux
de vente directe étant généralement composés d'individus aux profils et aux parcours très
variés, et le premier défi à relever est celui de la cohésion du réseau. Il s'agit ensuite de le
gérer le mieux possible, pour s'assurer que les vendeurs indépendants qui le composent
restent suffisamment impliqués dans leur travail pour maintenir cette cohésion.
Les actions entreprises par la tête de réseau sont déterminantes car elles peuvent
affecter l'ensemble du réseau de façon positive comme négative. Il est donc important
pour les têtes de réseau de disposer d'outils leur permettant d'éviter des attitudes qui
décourageraient les membres.
a) Le défi de la cohésion.
Nous l'avons évoqué, la tête de réseau recrute les membres de son réseau de vente
directe. Ce recrutement peut être soumis à des restrictions correspondant à des exigences
particulières, par exemple des connaissances ou des compétences particulières attendues
dans un domaine. La pratique courante consiste cependant à recruter l'ensemble des
personnes qui le veulent, le recrutement étant le nerf de la guerre en vente directe. Pauline,
la tête de réseau que nous avons interrogée nous a expliqué comment elle recrute les
futurs membres de son réseau : « Je recrute toutes les personnes de bonne volonté,
sachant que deux sur trois s'en vont. Un tiers dure dans le temps. Les deux tiers s'en
vont pour des raisons personnelles. Je ne recherche pas de profil particulier, j'essaie de
percevoir la motivation des gens par un questionnement: aiment-ils la cuisine, quel temps
BAUDOT Benoit_2009
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
sont ils prêts à y consacrer, etc. Je partage aussi mon expérience positive, […] et je leur
laisse le temps de décider. Je fais un vrai entretien particulier en tête à tête pour recruter.
C'est du feeling, je n'ai jamais refusé personne. J'ai recruté des gens qui n'ont pas duré,
mais je n'applique pas de sélection particulière, tout le monde a sa chance dès que la
personne fait preuve de motivation personnelle. » On voit ici qu'il n'existe pas de sélection
particulière lors des entretiens de recrutement, bien que les deux tiers des personnes
recrutées quittent rapidement l'activité. Il est difficile pour les recruteurs de déterminer si
la motivation personnelle des individus, importante pour voir les vendeurs durer dans le
temps, est assez forte ou non. Cela explique la pratique d'un recrutement large, et a pour
conséquence de constituer des réseaux de personnes très hétérogènes. S'il est indéniable
qu'une telle hétérogénéité est une force dans bien des domaines, il est plus difficile d'établir
la cohésion d'un tel réseau.
C'est à la tête de réseau que revient cette tâche si elle compte voir son réseau travailler
de façon plus efficace. La cohésion, en elle-même, est un moteur de motivation pour
les individus qui travaillent au sein des réseaux de vente. Certaines têtes de réseau ne
recrutent que pour pouvoir franchir des paliers de progression supplémentaires. Dans 30%
des cas, selon la responsable du pôle développement commercial interrogée, les leaders
n'effectuent pas les démarches de base qui permettent d'établir une telle cohésion. Le leader
joue pourtant ici un rôle déterminant, dans la mesure où il est le mieux placé pour réunir
l'ensemble des membres du réseau par exemple, et faire en sorte que celui-ci représente
plus pour ses membres qu'une somme d'individualités particulières, sans lien entre elles.
C'est l'un des éléments qui font que les vendeurs se sentent moins isolés par leur statut
d'indépendants et peuvent échanger leurs expériences respectives.
La cohésion d'un réseau se traduit concrètement par la solidarité de ses membres. C'est
la tête de réseau qui peut mettre en place une telle situation par sa position privilégiée de
recruteur. Alice explique ainsi que pour elle, « la base de mon réseau, c'est ma marraine [tête
de réseau]. Elle a un rôle très important, c'est très important d'avoir une bonne marraine.
On entend souvent parler des filles qui sont larguées par leur marraine. C'est quelqu'un
qui conseille, qui écoute, qui se rend disponible. Le réseau commence là. Je trouve aussi
important qu'on se sente toutes impliquées. C'est une grande chaîne d'entraide ».
Cette prise de conscience des leaders n'est pas automatique, loin s'en faut. Pour de
nombreuses têtes de réseau, le recrutement ne constitue pas la base d'un réseau, mais
tout simplement un moyen de franchir les paliers de progression manquants. Il faut avoir
en tête l'idée de gérer le réseau créé par le biais du recrutement, de créer la cohésion. Il
y a une réelle attente de la part des recrues envers le leader, qui montre bien quel peut
être l'impact des actions entreprises par les têtes de réseau. L'ensemble des personnes
interrogées au cours de notre travail terrain ont exprimé les attentes qu'elles ont vis-à-vis
de la tête de réseau. La tête de réseau est considérée comme un élément incontournable
du réseau. On en attend un accompagnement, des conseils, la cohésion du réseau, des
initiatives pour faire vivre ce réseau, et de la formation. Le leader du réseau se retrouve donc
dans une réelle situation de gestion d'équipe s'il prend le parti de répondre aux attentes des
membres du réseau.
Il est important de noter ici que de nombreux réseaux de vente directe sont à l'abandon
en termes de gestion. On peut dès lors considérer que c'est l'initiative de la tête de réseau
qui entraîne les membres à sa suite. La difficulté principale pour les têtes de réseau, une fois
le défi du recrutement relevé, est de trouver les outils, les pratiques les plus adaptées à son
réseau de vente directe. Il s'agit d'un problème réel pour les têtes de réseau, notamment
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BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
celles qui n'ont pas eu l'expérience d'un réseau fonctionnel précédemment et/ou qui ne
disposent pas des acquis nécessaires à la gestion d'une équipe généralement hétérogène.
L'un des moyens d'acquérir les compétences nécessaires à la gestion du réseau
passe par l'expérience de cette gestion et des dysfonctionnements qui peuvent apparaître
rapidement au sein des réseaux. En effet, nombre de têtes de réseaux apprennent à gérer
leur réseau « sur le tas ». Cependant, bien que ces réseaux finissent par trouver un mode
de fonctionnement efficace, il n'en demeure pas moins que l'importance des leaders semble
trop capitale au sein des réseaux pour que de telles situations perdurent au sein des
entreprises de vente directe. La dynamique des réseaux s'obtient par la dynamique des
leaders.
Des pistes pour agir n°8.
Donner aux réseaux les moyens de l'efficacité.
Les têtes de réseau ont besoin de créer et de maintenir la cohésion de leur réseau
de vente pour que celui-ci fonctionne réellement. Pour autant, tous ne prennent pas les
dispositions nécessaires pour créer les conditions de cette cohésion, et ne créent pas de
liens particuliers entre les membres du réseau.
Il existe ici une opportunité d'action pour l'entreprise d'agir, certes indirectement, mais
de façon efficace sur les réseaux. Elle peut prendre en charge les leaders au cours d'une
formation par exemple, destinée à leur donner les outils nécessaires à la gestion de leur
réseau.
L'entreprise à laquelle nous nous sommes intéressés a mis en place un tel système,
de manière progressive. La dynamique ainsi créée a fait chuter de façon significative (de
70% à 30%) le nombre de réseaux non gérés en trois ans.
Il existe un réel travail à accomplir auprès des têtes de réseaux, pour susciter chez
elles une prise de conscience de la nécessité de la gestion de leur réseau et créer une
dynamique chez les leaders.
Nous l'avons vu, il existe une forte attente des membres des réseaux envers les leaders
qui les ont recrutés. Il n'est pas évident pour l'ensemble des leaders de trouver les outils
adaptés à leur réseau. Cela implique que les têtes de réseau soient en mesure de faire
preuve d'une capacité d'analyse de leur propre réseau et des besoins des membres qui le
composent pour pouvoir motiver efficacement ses collaborateurs.
b) Le leader : inventeur de ses propres outils de gestion de réseau.
Les réseaux de vente directe au sein d'une même entreprise ont généralement une
structure commune (tête de réseau, membres du réseau, éventuellement sous-réseaux
des membres). Pourtant chacun d'entre eux est spécifique au sens où les individus qui
les composent ne sont pas tous dans les mêmes dispositions envers leur activité de vente
directe. Il existe avant tout une grande hétérogénéité des profils, mais aussi une grande
variété des motivations profondes des individus, qui modifient leur rapport par rapport à la
tête de réseau. En effet, les individus qui ont envie de s'investir dans la vente directe de
façon intensive, d'en faire leur activité principale le plus souvent, ont des attentes envers
les leaders plus élevées que les personnes qui n'envisagent la vente directe que comme
un plus, un complément de revenus par exemple.
BAUDOT Benoit_2009
33
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
La qualité attendue du leader ici est l'adaptabilité. Il est absolument nécessaire que
la tête de réseau soit en mesure d'évaluer les attentes des membres de son réseau
pour pouvoir mettre en place des pratiques motivantes pour l'ensemble des individus qui
collaborent au sein de ce réseau. De plus, la cohésion des réseaux que nous avons
évoquée plus haut ne s'obtient pas de la même façon d'un réseau à l'autre, même si
certaines pratiques semblent avoir un impact positif dans la majorité des cas. On peut donc
envisager ici le leader comme une sorte d'ingénieur de la motivation de son propre réseau.
La responsable du pôle de développement commerciale interrogée note que les têtes de
réseau « créent elles-mêmes leur propre management ».
Les pratiques les plus répandues actuellement au sein des réseaux de vente directe
consistent à regrouper les membres du réseau qui le souhaitent au cours de réunions
de réseau, ou animations de réseau, au cours desquelles chacun peut échanger sur ses
expériences de vente directe. L'effet de telles animations en termes de motivation pour
les membres du réseau est extrêmement bénéfique. Les vendeuses que nous avons
interrogées au cours de notre travail terrain considèrent qu'il s'agit de l'une des actions
les plus bénéfiques engagées par leur tête de réseau : « Je suis reboostée après toutes
les animations de réseau qu'elle organise. Ça me rebooste énormément. C'est aussi une
bouffée d'oxygène, on vient toutes d'horizons très divers, ça me sort de chez moi, on a
des gens, des cursus très différents, des personnalités très différentes. » (Alice) L'une des
autres vendeuses insiste également sur ces animations de réseau, et précise que l'échange
entre membres du réseau renforce la motivation de tous. La tenue de telles réunions est
suggérée par l'entreprise, mais elle n'est pas appliquée par l'ensemble des têtes de réseau.
De plus, le contenu des animations de réseau fait partie des éléments que la tête de réseau
doit fixer, en s'adaptant aux attentes des membres de son réseau. De telles réunions sont
un excellent moyen d'impliquer au maximum les membres du réseau dans la vie de celuici et de créer un vrai climat de solidarité entre eux. Dans le cas du réseau que nous avons
étudié, la métaphore utilisée par la totalité des membres du réseau, à commencer par la
tête de réseau est la métaphore familiale. La tête de réseau envisage son rôle comme celui
d'une « mère de famille qui veut voir ses enfants réussir », les membres du réseau parlent
de « famille », de « grande sœur »... On ressent ici la forte cohésion du réseau obtenue par
le biais des animations de réseau, et leur effet positif puisque l'ensemble des personnes
interrogées affirment en sortir remotivées. Il est important cependant de souligner que si de
telles réunions ont des effets positifs en termes de cohésion de réseau et de motivation des
membres, elles ne touchent pas forcément l'ensemble des membres du réseau.
En effet, certains membres des réseaux considérant la vente directe comme une activité
secondaire, voire comme un simple loisir, ils n'ont pas nécessairement envie de s'investir
au point d'assister à de telles réunions et constituent donc un potentiel de vente inexploité.
La question de la motivation de ces membres précis des réseaux de vente directe pose
problème dans la mesure où ils sont plus difficiles à impliquer davantage que des personnes
plus disponibles.
Ici encore, la tête de réseau joue un rôle de premier plan. En adaptant ses pratiques de
motivation à ce type précis de public, le leader peut parvenir à les motiver suffisamment pour
s'impliquer un peu plus dans leur activité. Le levier central de la motivation ici est l'envie. Il
faut que le leader parvienne à donner envie d'aller plus loin à l'ensemble des membres de
son réseau. Il y a cependant un certain pessimisme des acteurs de la vente directe quant
aux membres qui s'investissent moins que ce que leur potentiel leur permettrait de faire.
On est sur un raisonnement du type « on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif ». Il est
34
BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
considéré comme une perte de temps pour les leaders de fournir un effort pour les membres
qui ne font pas montre d'une grande envie d'implication.
Les vendeurs au sein des réseaux de vente directe ont à juste titre une conception
professionnelle de leur activité. Lors d'un recrutement, c'est un métier qui est proposé avant
tout. Une telle conception de l'activité de vente directe se comprend très bien, puisqu'elle
correspond à une réalité, mais peut aussi pousser les acteurs, et notamment les têtes de
réseau à un travers qui consisterait à négliger le travail qui pourrait être fait pour motiver
les individus qui ne partagent pas cette conception de la vente directe au sein des réseaux.
Tout le monde n'envisage pas d'exercer la vente directe comme une activité professionnelle
à part entière, cependant, les potentiels existent aussi parmi ces membres des réseaux. Un
individu peu impliqué, peu motivé, peut être amené à fournir davantage d'efforts en adaptant
les pratiques au sein du réseau à ses attentes.
Les leaders apparaissent donc vraiment comme l'élément majeur de la motivation au
sein du réseau pour plusieurs raisons. Leur place spécifique au sein du réseau ne leur donne
pas de supériorité hiérarchique, mais ils sont néanmoins la clé de voûte de leur réseau. Ils
sont en mesure de façonner entièrement la physionomie de leur réseau, dans la mesure
où ils choisissent et adaptent leurs pratiques aux individualités de leur réseau. Il s'agit d'en
maintenir la cohésion, tout en ne négligeant pas les membres du réseau pour lesquels ce
type de fonctionnement ne conviendrait pas. Les têtes de réseau jouent de plus un rôle
essentiel, car elles sont en mesure de répondre aux attentes des membres des réseaux
auxquelles l'entreprise ne peut faire face.
Des pistes pour agir n°9.
Adapter la gestion du réseau.
Les leaders des réseaux de vente directe doivent mettre en place des pratiques propres
à leur réseau, pour susciter et/ou maintenir l'envie des membres de s'impliquer dans leur
activité de vente directe. La principale difficulté est de s'adapter aux nombreux profils et aux
attentes variées qui émanent des membres du réseau.
Ce sont les leaders qui choisissent ou non de mettre en place des pratiques du type de
l'animation de réseau, qui constituent de vrais moteurs de motivation. Si les entreprises de
vente directe ont aujourd'hui conscience de l'importance du rôle des leaders de réseau, et
proposent la plupart du temps un certain nombre d'outils et de formations pour les aider à
mettre en place leur gestion de réseau, les têtes de réseau doivent faire face au problème
des membres des réseaux qui ne souhaitent pas s'investir beaucoup dans la vente directe.
Pour parvenir à donner envie à ces membres de s'impliquer davantage dans leur activité au
sein du réseau, il faut être en mesure de pouvoir déterminer les besoins, les attentes des
membres du réseau à tous les degrés d'implication, afin d'adapter la situation à eux.
- Il semble incontournable de prévoir une formation spécifique à la gestion de réseau
pour les leaders. Ici, l'entreprise dispose d'un moyen d'action indirecte et efficace sur la
motivation des réseaux.
-Individualiser les pratiques de motivation pour les individus qui ne souhaitent pas
s'impliquer dans un groupe.
- Un point de vue extérieur sur un réseau de vente particulier peut être un plus pour
la gestion de la motivation au sein de celui-ci et permettre de cerner plus précisément les
besoins de chaque individu.
BAUDOT Benoit_2009
35
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
2) Les membres des réseaux ou la motivation par
l'échange.
Si la tête de réseau est importante, son rôle n'a de signification que par rapport au réseau
qu'elle gère. Le rôle des membres au sein du réseau doit donc également être analysé.
En effet, les pratiques exercées par les têtes de réseau reposent sur le potentiel des
membres du réseau en termes de motivation. On part du principe que les membres du
réseau créeront les conditions nécessaires pour susciter l'envie de s'impliquer dans leur
travail. Il est donc important ici de chercher à déterminer le rôle que jouent les membres des
réseaux de vente directe. Ce rôle peut être envisagé sous un double point de vue. En effet,
les membres agissent à deux niveaux dans le processus de motivation au sein du réseau.
Ils ont d'abord un impact sur eux-mêmes, et créent une dynamique de groupe qui a des
effets sur l'ensemble des individus. Ensuite, ils ont un effet direct sur la tête de réseau. Il est
important d'envisager le retour que les membres effectuent sur leur leader, car la motivation
du leader est aussi importante pour lui-même que pour son réseau. On est ici dans une
logique de transmission.
a) L'apport des membres à la motivation du réseau.
L'apport que les membres effectuent à la motivation de l'ensemble du réseau constitue
l'essentiel de ce qui relance l'implication et l'envie de réussite des vendeurs indépendants.
Les initiatives prises par le leader pour permettre les échanges entre les membres du réseau
sont le vecteur par lequel cet échange peut s'effectuer. Plusieurs éléments sont à prendre en
compte dans l'apport que les membres réalisent en termes de motivation au sein du réseau.
Tout d'abord, les membres sont en mesure d'échanger leurs expériences respectives
sur des points précis de l'exercice de leur activité de vente directe. Les animations de
réseau par exemple, sont un moment privilégié pour l'ensemble des membres de ce
réseau pour échanger sur un thème qui fait l'objet de la réunion. Cela permet à chaque
membre du réseau d'enrichir sa technique de travail à partir des expériences vécues
par les autres personnes présentes dans le réseau. Les vendeurs interrogés durant nos
entretiens donnent ainsi des exemples précis de points sur lesquels ils ont pu progresser
grâce à ce type d'échange, comme par exemple la prise de rendez-vous, l'utilisation de
certains produits, ou encore le recrutement. Cet échange est considéré par la plupart
comme du temps de formation. C'est également un moment durant lequel chacun renouvelle
sa motivation et son envie de travailler. L'une des vendeuses interrogées explique par
exemple qu'une fois l'animation de réseau terminée, elle a envie de chercher tout de suite
à travailler. L'échange entre les membres du réseau a donc un effet direct sur la motivation
des individus. Il sert de piqûre de rappel à la motivation des vendeurs indépendants.
De tels échanges permettent également d'obtenir une certaine forme de
reconnaissance du travail effectué. Le réseau constitue un espace dans lequel on peut
facilement valoriser les progrès ou les résultats des membres qui se sont illustrés par de
bonnes performances par exemple. Cette reconnaissance des pairs s'avère être aussi un
facteur de motivation important. Elle peut être renforcée par celle de la tête de réseau de
façon plus personnelle.
On voit ici que les membres du réseau exercent les uns sur les autres une influence
positive au sens où leurs échanges viennent d'une part enrichir les outils dont ils disposent
pour exercer leur activité de façon efficace, et d'autre part parce que ces échanges dopent la
36
BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
motivation des individus au sein du groupe. L'échange n'est pas le seul facteur de motivation
que les membres d'un réseau de vente directe mettent en œuvre. On peut également
considérer l'émulation entre les membres de ce même réseau comme un élément créateur
de motivation. Durant nos entretiens, nous avons pu remarquer que l'émulation dans un
réseau de vente directe avait des conséquences intéressantes car elle pousse les acteurs
à s'impliquer toujours un peu plus dans leur activité. « Quand on entend les autres dire
qu'elles ont des ateliers ça donne envie de prendre son téléphone pour prendre de nouveaux
ateliers » explique par exemple Sophie. Les performances des autres membres du réseau,
la réussite des autres, donne aux vendeurs l'envie d'en faire autant, voire mieux.
Des pistes pour agir n°10.
Renforcer le processus de motivation au sein du réseau.
L'influence que les membres du réseau exercent les uns sur les autres en termes
de motivation est suffisamment importante pour que l'on puisse envisager de renforcer ce
processus afin qu'il porte un maximum d'effet.
Un premier objectif à remplir alors serait de maintenir, puis d'augmenter le degré de
cohésion du groupe. Des pratiques telles que les animations réseau peuvent suffire à
motiver les personnes qui y viendront, mais l'ensemble du réseau peut être touché en
mettant en place une communication interne au réseau qui permettrait de faire circuler une
partie des informations en dehors des réunions des membres du réseau. L'ensemble des
membres pourrait ainsi bénéficier des effets motivants dus à l'échange entre les membres.
Il faut toutefois signaler ici que le contact « virtuel » entre les membres du réseau aura
probablement un impact plus réduit qu'un contact physique. La nécessité des réunions
physiques de personnes ne devrait donc pas être entamée par une telle mesure.
Ensuite, on peut penser à renforcer l'émulation au sein du réseau. Il ne s'agit pas non
plus de mettre les individus dans une situation de concurrence, puisque le marché en vente
directe n'est pas forcément concurrentiel pour les personnes à l'intérieur d'un même réseau.
Le but ici est plus d'envisager l'émulation comme un challenge entre les membres, en fixant
par exemple des objectifs informels et une forme de reconnaissance pour la personne qui
les remplit.
On constate donc qu'au sein des réseaux de vente directe, lorsqu'il existe une réelle
cohésion du groupe de vendeurs initiée par la tête de réseau, ce sont les membres du
réseau eux-mêmes qui créent une dynamique de motivation. La gestion de la motivation au
sein du réseau passe donc par une utilisation à bon escient de ce potentiel dynamique. Les
membres du réseau représentent un atout non négligeable dans le processus de motivation
au sein des individus de vente directe. Ils viennent contrebalancer les effets négatifs de
l'indépendance des individus en sortant les membres du réseau de l'isolement dû à leur
statut. L'appartenance au réseau créée un sentiment de solidarité et d'intégration important
pour les membres du réseau, qui considèrent cet aspect de leur travail comme l'un des plus
motivants.
b) La relation de motivation : leader-membres.
Il est important de prendre ici en compte le fait que la dynamique de motivation initiée par
les membres des réseaux de vente directe au sein même de ces réseaux se répercute
de façon sans doute plus spécifique sur la tête de réseau. On peut donc considérer qu'il
existe un rapport d'interdépendance entre la tête et les membres du réseau de vente directe.
En effet, si ce sont avant tout les initiatives prises par la tête de réseau pour créer la
BAUDOT Benoit_2009
37
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
cohésion et les conditions favorables à la motivation au sein du groupe, les conséquences
observables de telles actions poussent la tête de réseau à s'engager davantage encore
dans la gestion de son réseau, en espérant plus de résultats encore. Une première limite
à cette situation apparaît presque immédiatement : les têtes de réseau, bien que de fait
gestionnaires de leur réseau, demeurent avant tout des vendeurs indépendants. Leurs
performances personnelles peuvent être affectées par une trop grande implication dans la
gestion du réseau au détriment de l'effort fourni sur l'activité de vente en elle-même.
Il est courant que les têtes de réseau occupent les derniers échelons des paliers de
progression, dans lesquels il est nécessaire de recruter en plus d'assurer un certain chiffre
d'affaires. Pour les entreprises qui ne garantissent pas le maintien des pourcentages de
rémunération acquis, la menace est directe. Pour les autres entreprises, qui garantissent
cet acquis, il est également courant de voir le degré de rémunération du leader pour l'activité
fournie par le réseau soumise à la condition d'une activité personnelle minimale. Il s'agit donc
pour les leaders de trouver le bon degré d'investissement dans la gestion de leur réseau,
et surtout de garder une motivation suffisante pour gérer de front le réseau et l'activité
commerciale.
Le rôle que jouent les membres du réseau ici est important. En effet, c'est la réussite
des membres du réseau qui maintient le niveau de motivation de la tête de réseau. Comme
le souligne la tête de réseau que nous avons interrogée, la réussite des membres du réseau
est aussi importante pour la motivation du leader que sa propre réussite : « ma satisfaction
et ma réussite morale passent par la réussite des gens qui sont derrière moi » [...] « la
réussite des gens du dessous booste la motivation. C'est l'amélioration de ma propre
performance qui me motive, une progression régulière plus qu'un gros éclat de temps en
temps » (Pauline).
Ici, ce sont les conséquences observables des actions et des initiatives entreprises
mises en place par le leader qui le motivent. Lorsque la tête de réseau s'aperçoit que telle
ou telle mesure mise en place a donné des résultats qui se traduisent par la réussite et les
bonnes performances des membres de son réseau, la satisfaction retirée est importante,
mais surtout, l'envie de réitérer, de maintenir la performance de gestion du réseau est
maintenue, renouvelée. Le rôle joué ici par les membres du réseau dans la motivation du
leader est passif au sens où les acteurs agissent avant tout dans leur intérêt, mais on peut
considérer qu'il s'agit néanmoins d'un facteur de motivation important pour le leader. La
motivation du leader est l'un des éléments importants sans lequel un réseau ne peut pas
fonctionner au maximum de son potentiel. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'un réseau
ne peut pas fonctionner sans leader motivé. Le rôle joué ici par la réussite des membres
du réseau et par l'efficacité de la gestion mise en place par le leader sont particulièrement
importants.
Comme nous l'avons vu, la gestion du réseau pour la tête de réseau représente un effort
considérable à fournir tout en menant une activité commerciale efficace en parallèle. Il est
donc difficile pour les têtes de réseau, et notamment les têtes de réseaux qui comptent de
nombreux membres, de maintenir un niveau de gestion efficace tout en continuant à vendre
de façon significative. Leur implication dans leur double tâche (gestion et commerciale) peut
s'en trouver affectée, de même que leur motivation s'il s'avère que les efforts fournis ne sont
pas assez efficaces. Le système de fonctionnement des réseaux de vente directe permet
d'apporter une solution partielle à ce problème. En effet, les leaders peuvent être déchargés
de la gestion directe d'une bonne partie de leur réseau de vente composée de sous-réseaux.
Les membres du réseau qui recrutent eux-mêmes ajoutent en effet de fait des membres au
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BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
réseau, mais créent ainsi leur propre réseau. La gestion leur en revient donc, et permet à
la tête de réseau de gérer un nombre plus restreint d'individus.
Les membres du réseau peuvent également jouer ici un autre rôle, qui est celui de
prendre en charge certaines tâches précédemment assumées par leur leader. En d'autres
termes, la tête de réseau peut déléguer certaines activités aux membres de son réseau,
comme par exemple l'organisation d'une animation réseau. Julie, la responsable du pôle
de développement commercial de l'entreprise explique ainsi que le leader « doit déléguer
comme un chef d'entreprise. Il peut déléguer des tâches qu'il n'est pas obligé de faire et
aider son équipe ». En délégant certaines tâches, la tête de réseau implique un peu plus
les membres de son réseau dans la vie de celui-ci, et se donne une plus grande marge
de manœuvre. Alice explique ainsi que « quand on fait partie du réseau, justement, pour
que le réseau fonctionne, il y a la marraine, qui met des choses en place. Je trouve aussi
important qu'on se sente toutes impliquées. […] Pauline essaie d'impliquer un maximum de
monde dans les animations réseau. Elle nous demande de recevoir les animations réseau,
les filles se sentent plus impliquées, on amène chacune un truc à manger, l'une des filles
apprend aux autres quelque chose qu'elle maîtrise mieux, etc. Maintenant, elle « dirige »,
pousse certaines filles qui se laisseraient aller à s'impliquer davantage, pour pas tout porter
toute seule, faut déléguer. Animer, c'est être le moteur sans tout porter ».
Les membres du réseau peuvent ainsi soutenir la tête de réseau qui est le point de
départ de l'ensemble de ce qui fait l'efficacité du réseau. C'est aussi l'occasion pour la tête
de réseau d'impliquer au maximum les membres du réseau dans leur travail, en incluant
dans le contenu de leur travail, dans la nature de leurs tâches, une part de la responsabilité
de l'état de motivation du groupe. Une telle disposition couplée au sentiment d'appartenance
et à la cohésion du groupe suffit généralement à relancer l'intérêt des membres du réseau
pour leur travail.
Les membres du réseau jouent donc un rôle réellement significatif dans la dynamique
de motivation au sein d'un réseau de vente directe. Leur action s'inscrit dans la
complémentarité de celle du leader, et ils sont aussi indispensables à la l'efficacité des
mécanismes de motivation du réseau que la tête de réseau. Leur action s'exerce autant sur
les membres du réseau que sur la tête de réseau, et ils constituent en cela un facteur de
motivation incontournable.
Des pistes pour agir n°11.
Impliquer les membres du réseau dans la dynamique de motivation.
Nous l'avons vu, les membres d'un réseau de vente directe peuvent représenter une
ressource importante pour les têtes de réseau, qui peuvent déléguer certaines tâches, de
façon à pouvoir impliquer certains membres de leur réseau de façon un peu plus significative
dans leur travail à un moment donné. Ils sont aussi une source de regain de motivation pour
l'ensemble des personnes qui collaborent au sein du réseau, notamment lors des échanges
qui peuvent avoir lieu.
Les membres du réseau peuvent être impliqués de façon encore plus significative dans
la vie de leur réseau. Ils peuvent en effet fournir un apport d'idées au leader du réseau qui
permettra de mettre en place des pratiques encore plus adaptées aux attentes ressenties
par les vendeurs.
Concrètement, le leader peut demander aux membres de son réseau d'exprimer ces
besoins, envies, etc. et s'en servir personnellement pour adapter la gestion de son réseau.
En allant plus loin, il peut charger l'un des membres du réseau de la mise en œuvre d'un
projet ou d'une idée exprimée par le réseau. C'est un autre type de délégation de la tête
BAUDOT Benoit_2009
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
de réseau vers les membres, qui peut s'avérer efficace. Il joue sur les mêmes mécanismes
que n'importe quelle autre délégation, et vient renforcer l'implication des membres dans des
processus qui créent la dynamique de motivation au sein du réseau.
Pour qu'un tel mécanisme fonctionne, il est avant tout nécessaire de disposer d'un
réseau qui soit en mesure d'être une force de proposition pertinente, et pour le leader,
de mettre en place un ordre de priorité dans ce qui pourra être exprimé. Certains points,
jusqu'alors résolus de façon très individualisée pourraient être éclaircis collectivement et
bénéficier à tous du même coup.
On constate ici qu'il existe une relation d'interdépendance très forte entre les différents
individus qui composent un réseau de vente directe. La motivation individuelle peut s'avérer
insuffisante, ce qui justifie la mise en place par les leaders d'une gestion de réseau à partir de
leur expérience du terrain, mais aussi d'éventuelles formations dispensées par l'entreprise.
Cette gestion répond aussi à une attente très forte des membres des réseaux, souvent
aux prises avec de nombreuses difficultés liées notamment à leur statut d'indépendants, et
auxquelles les pratiques mises en place par le leader au sein du réseau peuvent apporter
une réponse concrète. L'un des exemples les plus cités par les membres du réseau que
nous avons étudié est la prise de rendez-vous téléphonique. L'échange entre les différents
membres du réseau permet la transmission du savoir-faire des uns aux autres, et renforce
la cohésion du groupe.
L'effet de telles pratiques sur la motivation du réseau de vente directe est très bénéfique.
Il est ressenti comme un coup de pouce, et relance l'envie des membres du réseau.
L'ensemble des personnes interrogées souligne l'effet bénéfique de tels échanges, et
insistent sur le fait qu'ils donnent envie de s'impliquer davantage dans son activité de vente
directe, que celle-ci constitue une activité principale ou non. Les membres des réseaux
de vente jouent ici un rôle déterminant, souvent proche de la formation, mais qui implique
surtout la transmission de l'enthousiasme des uns sur les autres.
Les leaders bénéficient aussi du rôle des membres du réseau. Ceux-ci constituent une
source de motivation importante dans la mesure où ils sont le témoin de l'efficacité des
pratiques de gestion de réseau mises en place par la tête de réseau, mais aussi parce qu'ils
peuvent permettre au leader de déléguer une partie de cette gestion. Il y a là un facteur de
motivation du réseau important. Il peut être utilisé de façon individuelle ou collective, et a un
effet positif significatif sur la motivation des individus qui se sentent réellement impliqués au
sein du réseau. Ce dernier prend ici une dimension vraiment concrète, et chacun peut ainsi
trouver sa place et un rôle au sein du réseau qui font que l'on sort des faiblesses du schéma
individuel trop facilement véhiculé par le statut d'indépendant. La liberté d'organisation dans
le travail des individus, principal atout d'un tel statut n'est pas touchée pour autant, ce qui
permet ici de combler un vide dans le processus de motivation des individus au sein des
réseaux de vente directe.
Les membres du réseau apparaissent donc comme le complément absolument
nécessaire à l'action de la tête de réseau. L'organisation en réseau d'individus de l'activité
de vente directe place les têtes de réseau comme les membres de leurs réseaux dans
une relation de profonde interdépendance, qui, si elle est bien gérée, peut s'avérer très
motivante pour l'ensemble des acteurs impliqués. Cette relation peut toutefois présenter
des faiblesses, que l'on peut observer sur le terrain.
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BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
3) La gestion de la motivation dans un réseau de vente
directe.
Le travail terrain que nous avons réalisé nous a permis de rencontrer plusieurs acteurs
agissant au sein d'un réseau de vente directe important (il comporte environ 120 personnes)
de la tête de réseau en passant par des vendeuses indépendantes ayant une expérience
et des motivations variables. Les différentes personnes interrogées ont eu l'occasion de
s'exprimer sur leur travail et sur la façon dont était géré leur réseau de vente. Ce travail
nous a permis d'avoir une vue d'ensemble sur le réseau concerné, et en particulier sur les
mécanismes de motivation qui y sont à l'œuvre. Les arguments que nous développerons
ici sont limités par le caractère nécessairement incomplet de notre observation. Toutefois,
ce travail nous a permis de mettre en évidence l'articulation qui existe entre le leader et
son réseau en termes de motivation. Il s'agit pour nous ici de montrer les mécanismes
spécifiques au réseau mis en place par le leader, et leur impact. Nous essaierons également
de cerner les limites de la stratégie de gestion mise en place au sein de ce réseau à la
lumière de ce que nous avons pu voir précédemment.
Nous avons démontré le rôle surdéterminant du leadership dans la création de
conditions favorables au sein d'un réseau de vente directe, et expliqué que la tête de réseau
avec un rôle d'ingénieur de la motivation. C'est à son niveau que se mettent en place
les pratiques spécifiques à chaque réseau de vente directe. Ces pratiques sont le fruit de
l'expérience passée du leader ainsi que des formations qu'il a pu recevoir. Au sein du réseau
dont nous avons rencontré les acteurs, nous avons pu noter que les mécanismes mis en
place par la tête de réseau s'articulent autour de deux dimensions, l'une individuelle et l'autre
collective, propres à engendrer de la motivation chez les membres du réseau. Ces deux
dimensions ont cependant des impacts inégaux.
L'action de la tête de réseau, dans sa dimension individuelle, plus exactement, dans
sa dimension individualisée, comprend l'ensemble des actions entreprises par la tête de
réseau pour accompagner chaque membre du réseau dans son activité et s'assurer qu'elle
se déroule dans des conditions optimales. Ce type d'action prend surtout son sens pour
les vendeurs débutants, et vise à combler le manque de cadre subi par les vendeurs qui
se lancent dans la vente directe. On agit ici de façon très personnalisée, pour une seule
personne à la fois.
Les dispositions collectives prises par la tête de réseau sont conformes à celles que
l'on retrouve dans de nombreux réseaux de vente directe, notamment parce qu'elles sont
suggérées par l'entreprise elle-même aux leaders. Il s'agit de réunions qui rassemblent
l'ensemble des membres du réseau proche qui le souhaitent, mais aussi des vendeurs
d'autres réseaux dans lesquels ce type de réunion n'est pas mis en place. La tête de réseau
met également en place ici des actions plus réduites, mais qui impliquent quelques membres
de son réseau (deux à trois personnes par exemple).
a) L'accompagnement individuel.
Au sein de ce réseau de vente directe, il existe une forte volonté de la tête de réseau
d'accompagner les membres du réseau, notamment lors de leurs débuts dans l'activité
de vente directe. Nous avons pu voir précédemment que l'une des difficultés majeures à
laquelle se heurtent les vendeurs débutants est tout simplement la pratique de leur métier
de vente directe. L'indépendance des vendeurs et le recrutement massif fait que l'entreprise
BAUDOT Benoit_2009
41
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
n'est pas en mesure de prendre en charge la formation de l'ensemble des débutants en
vente directe avant qu'ils aient commencé à exercer leur activité de vente. Dans le cas
présent, le réseau vient combler ce manque à travers un « atelier de lancement ».
Il s'agit pour la personne qui recrute (ici la tête de réseau, mais les membres du
réseau le font également pour leurs propres recrues) de mettre le pied à l'étrier à sa recrue
en l'accompagnant lors de son premier atelier. Cet accompagnement s'étale parfois sur
plusieurs ateliers, il s'agit parfois pour la recrue d'observer d'abord son recruteur exercer
l'activité avant de se lancer. Cet accompagnement des débuts de l'activité pour les nouveaux
venus peut s'apparenter à du temps de formation, mais permet surtout d'établir une relation
de confiance entre le leader et la personne recrutée. L'incertitude liée aux débuts du
nouvel arrivant et à sa découverte de l'activité est diminuée, et le travail semble également
plus facile à effectuer. L'impact en termes de motivation est ici peu évident à mettre en
lumière. Il s'agit plus d'une mesure qui permet d'éviter un phénomène de démotivation, lié
notamment à la désorientation qui touche les personnes qui débutent dans cette activité
et ressentent fortement l'absence de cadres directifs, et la nécessité de faire preuve d'une
grande autonomie.
L'accompagnement individuel au sein du réseau que nous avons étudié passe
également par une grande présence de la tête de réseau dans le suivi des membres.
Pauline, la tête de réseau nous explique ainsi qu'elle se « rend très disponible pour ses
filleules et même des gens qui ne sont pas de mon réseau. [Elle] prend du temps pour mes
filleules. […] En tant que tête de réseau, je les aide à définir leurs objectifs dans la mesure où
elles sont prêtes à partager cela. Pour celles qui ont envie de faire leur truc dans leur coin, je
les laisse faire, je respecte, mais je me manifeste régulièrement à chacune, avec des retours
parfois. ». Un tel suivi permet de maintenir le contact entre les vendeuses et le réseau, y
compris celles qui souhaitent exercer leur activité de façon plus isolée et moins collective
que parmi les membres les plus actifs du réseau. Cela permet de maintenir le contact et la
cohésion du groupe. Le contact régulier avec l'ensemble des membres du réseau permet
également de réactiver la motivation de chacun individuellement. Ici, le charisme de la tête
de réseau peut avoir une forte influence. Enfin, ce contact régulier constitue un moyen
pour la tête de réseau de percevoir les besoins éventuels de son réseau, les difficultés
rencontrées par plusieurs membres, et d'adapter la gestion de son réseau en fonction des
informations ainsi recueillies.
Enfin, la tête de réseau se rend également disponible pour transmettre son savoirfaire de façon individuelle pour les membres du réseau qui le demandent. Cela revient à
assurer une formation individualisée pour les membres du réseau lorsque le besoin s'en
fait ressentir, et dans tous les domaines de l'activité. Les membres du réseau peuvent ainsi
bénéficier du transfert du savoir-faire de la tête de réseau, et de sa passion.
On voit ici que la tête de réseau a mis en place un certain nombre de pratiques qui
reposent avant tout sur la réponse qu'elle peut apporter aux attentes des membres de son
réseau, débutants comme confirmés. On peut cependant identifier un certain nombre de
limites à ces actions individualisées. En effet, l'accompagnement est permanent et adapté
aux besoins de chacun, ce qui est positif en soi, mais laisse nécessairement de côté une
partie des collaborateurs du réseau, en l'occurrence ceux qui ne donnent pas suite aux
sollicitations qui leur sont faites. Leur indépendance pousse la tête de réseau à ne pas
en demander davantage. Il est vrai qu'une insistance trop importante de la tête de réseau
pourrait avoir un effet contreproductif au sens où ces acteurs pourraient se sentir mis sous
pression, alors que l'absence de pression est un facteur motivant dans la vente directe. Il
s'agit donc ici de trouver quelles peuvent être les attentes de ces personnes, ou encore ce
42
BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
qui les passionne dans leur activité de vente directe, et utiliser ce facteur pour les impliquer
un peu plus, même individuellement.
Ensuite, la très grande présence dont fait preuve la tête de réseau auprès des membres
de son réseau est à double tranchant. Les vendeurs savent qu'ils peuvent compter sur leur
leader pour un nombre important de problèmes liés à l'exercice de leur activité de vente
directe. Cela peut conduire à des situations dans lesquelles les individus se placent en
position de dépendance par rapport à la tête de réseau et en attendent trop. C'est une limite
dont la tête de réseau est consciente, et elle explique qu'il lui a fallu « apprendre à dire
non ». De trop grandes attentes du réseau par rapport au leader peuvent en effet conduire ce
dernier à se concentrer uniquement sur les membres de son réseau, de façon individuelle, et
à laisser de côté une gestion collective plus efficace ou sa propre activité de vente, pour des
effets en termes de motivation plus réduits. Il s'agit donc pour la tête de réseau de trouver un
bon degré de présence auprès des membres de son réseau, qui soit source de motivation
et d'aide sans être pour autant destructeur de leur autonomie ou de leur élan personnel.
Des pistes pour agir n°12
Ajuster l'accompagnement personnel.
Dans la vente directe au même titre que dans d'autres activités, les individus sont
supposés gagner en productivité avec l'allongement de leur expérience. L'accompagnement
individuel dans les réseaux de vente directe peut donc apparaître comme une formation à
l'arrivée dans le réseau. Il joue cependant un rôle plus large dans la mesure où, lorsqu'il
est exercé ponctuellement, cet accompagnement peut devenir un facteur important de la
motivation des individus.
Il s'agit donc de jouer ici sur l'aspect ponctuel de l'accompagnement personnel des
individus. Si celui-ci est maintenu de façon intensive trop longtemps, il ne sera plus d'aucune
utilité. On peut donc imaginer que les acteurs se mettent d'accord sur une durée limitée de
cet accompagnement. Une fois le pied à l'étrier, une autonomie plus grande du vendeur au
sein du réseau est valorisante et stimulante, car il doit faire ses preuves par lui-même.
Maintenir le caractère ponctuel de l'aide apportée permet d'éviter les situations de
dépendance vis-à-vis de la tête de réseau et permet de conserver une stimulation correcte
des individus. En complément de l'accompagnement individuel, la tête de réseau peut aussi
fixer des objectifs aux membres de son réseau. L'indépendance des membres du réseau
a pour conséquence que ces objectifs ne peuvent avoir de caractère obligatoire, mais ils
donnent un but aux membres du réseau. Un accompagnement ponctuel des individus pour
atteindre ces objectifs peut alors se révéler motivant. La tête de réseau se donne ainsi les
moyens de contrôler un peu plus l'évolution du réseau, et éventuellement, peut orienter
cette dernière.
b) L'animation du réseau : la gestion de la motivation collective.
Le réseau de vente directe dont nous avons interrogé des membres se réunit une fois par
mois, à l'initiative de la tête de réseau. Il s'agit de l'une des mesures qui ont un impact sur la
motivation collective du groupe, qui rejaillit également sur l'envie d'implication individuelle
des membres du réseau.
Concrètement, cela revient à passer une journée entière entre membres du réseau. La
journée est dédiée à un thème précis, et doit apporter des réponses aux questions que se
posent les membres du réseau. L'entreprise soutient activement ce type de comportement
au sein des réseaux, car elle peut y agir directement. Des acteurs issus de l'entreprise et
BAUDOT Benoit_2009
43
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
non du réseau peuvent donc participer à cette réunion, et ainsi passer outre la barrière
fixée par le statut d'indépendants des vendeurs en agissant directement sur le réseau. C'est
par exemple le cas des responsables du développement commercial qui se déplacent pour
assister à ces réunions à intervalles réguliers lorsqu'elles sont organisées par les leaders
des réseaux.
L'animation du réseau consiste à mettre en relation les différents membres qui le
composent. Cette mise en relation permet de développer la cohésion du groupe que nous
avons évoquée plus haut, et de générer une dynamique positive au sein du réseau. Cela ne
se passe pas seulement au sein de ces réunions pourtant appelées animations de réseau,
mais aussi lors de temps plus informels, comme nous le verrons par la suite. Il s'agit ici
encore de répondre aux attentes des membres du réseau envers la tête de réseau, mais
aussi d'ajouter du contenu au travail des vendeurs indépendants en les impliquant dans
la vie du réseau. En délégant l'organisation de certaines animations réseau, la tête de
réseau opte pour ce mécanisme de responsabilisation. Cela peut aussi aider à intégrer plus
rapidement au sein du réseau de nouveaux arrivants. Alice souligne ainsi l'importance que
prend le fait de tenir son rôle au sein du réseau pour les membres: « La fille en tête de
réseau a besoin de toute une énergie pour faire fonctionner le réseau, mais si on veut que
ça fonctionne, il faut remplir son rôle dans le réseau. [...] La recrue a besoin d'être motivée ».
L'idée soulevée ici par la personne que nous avons interrogée est qu'en délégant certaines
tâches liées directement à la vie du réseau, on peut motiver les personnes qui débutent
leur activité de vente directe. Ce mécanisme de motivation ne fonctionne pas que pour
les nouvelles recrues, mais aussi pour des individus expérimentés. Un peu plus loin, cette
vendeuse ajoute que ce type de responsabilisation « permet de continuer l'activité, de la
maintenir ».
On est clairement ici dans une situation où le leader initie le mouvement, et où les
membres entretiennent la dynamique du réseau. Ce type de situation est très motivant pour
les membres du réseau au sens où leur travail se trouve de fait enrichi par de nouvelles
tâches, qui sont d'autant plus responsabilisantes qu'elles ont une grande importance au-delà
du seul cadre personnel. L'organisation d'une réunion qui rassemble plusieurs membres du
réseau a des conséquences directes sur d'autres personnes.
La gestion de la motivation au sein de ce réseau de vente directe s'appuie donc
sur certaines des pratiques de motivation en vente directe les plus efficaces, comme
l'accompagnement des débutants et les animations de réseau. La tête de réseau s'applique
ici à agir autant sur les individus que sur le groupe qui constitue le réseau de vendeurs.
Cela passe un fort investissement personnel du leader auprès de chacun des membres du
réseau en particulier, ainsi qu'auprès du groupe, et représente un effort considérable, qui
se traduit par une efficacité importante du réseau. Pourtant, l'ensemble des membres du
réseau ne fournit pas systématiquement l'effort nécessaire à un rendement sinon maximal,
du moins en adéquation avec le réel potentiel du réseau. En effet, certaines branches du
réseau travaillent toujours moins que d'autres, qui sont proches de l'inactivité dans certains
cas. La gestion du réseau rencontre ici ses limites.
En effet, au même titre que l'entreprise vis-à-vis des vendeurs, les leaders des réseaux
sont tributaires du bon vouloir des membres du réseau de vendeurs qu'ils animent. De
nombreuses causes peuvent justifier la baisse d'activité, voire l'inactivité de l'une des
branches du réseau. Si les leaders des sous-réseaux accusent une baisse de motivation,
ou sont obligés d'interrompre leur activité pour n'importe quelle raison, c'est l'ensemble
de l'activité du sous-réseau qui est touchée. Pauline explique à ce propos que « c'est la
motivation personnelle qui détermine les performances. Le travail des leaders est souvent
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BAUDOT Benoit_2009
II) Leader et réseau : le générateur de la motivation.
révélateur de la mobilisation ou la démobilisation du réseau ». Dans certains cas, il est
tout simplement impossible de réagir pour les têtes de réseau. C'est notamment le cas
lorsqu'elles sont confrontées à la « démission » de membres du réseau impliqués jusquelà, qui interrompent leur activité volontairement pendant une longue période, sans aucun
désir ou possibilité de la reprendre.
Dans d'autres situations, notamment liées à la démotivation, il est possible pour le
leader d'agir pour relancer l'activité du réseau de façon ciblée, en utilisant les mécanismes
précédemment cités. On peut pallier aux problèmes du réseau par des mécanismes de
motivation individuelle utilisés à bon escient. Le rôle du leader est ici d'accompagner au
maximum les membres de son réseau.
Des pistes pour agir n°13.
Améliorer la gestion du réseau.
Le réseau de vente directe que nous avons étudié ne présente pas de
dysfonctionnement majeur qui remettrait en cause l'efficacité de son fonctionnement. La
tête de réseau qui le gère s'investit largement dans sa tâche de gestion, avec des effets
positifs sur les membres du réseau qui réagissent bien à la dynamique initiée par le leader.
Les problèmes rencontrés sont avant tout individuels. En effet, la gestion de la
motivation collective du réseau porte ses fruits, avec l'appui de l'entreprise, mais il existe un
manque de stratégies de développement individuelles mises en place à l'échelle du réseau,
en fixant par exemple des objectifs. Seules les personnes qui en expriment le désir se
fixent des objectifs en collaboration avec leur tête de réseau, qui ne souhaite pas imposer
d'objectifs aux membres de son réseau.
Cependant, dans des cas précis, comme par exemple une « stagnation » de l'un
des membres du réseau à un palier de progression dont le franchissement permettrait
de développer le réseau, l'action du leader peut faire évoluer favorablement la situation
sans pour autant faire ressentir de pression à la personne avec laquelle il fixerait des
objectifs. Il s'agirait en fait de cibler l'accompagnement personnel nécessaire en anticipant
les besoins des membres du réseau, et de leur donner les moyens de progresser. Cette
disposition existe déjà au sein du réseau, mais elle ne fait pas encore l'objet d'une stratégie
de développement du réseau. Elle a déjà des effets positifs en termes de motivation, mais
reste trop timide par rapport au potentiel de développement du réseau qu'elle représente.
Conclusion sur l'action des réseaux :
Le réseau de vente directe est le principal générateur de sa propre motivation. Sa
structure en fait une sorte de mini-entreprise, au fonctionnement extrêmement flexible. Les
deux acteurs principaux de ces réseaux sont le leader et les membres du réseau euxmêmes, dont les actions respectives constituent la source de motivation la plus importante
au sein des réseaux de vente directe.
Le leader occupe une place de gestionnaire du réseau, et doit identifier les besoins
de son réseau pour pouvoir y répondre de façon adaptée. Les têtes de réseau inventent
leurs propres outils pour les aider à la gestion de leur réseau de vendeurs. La condition à
remplir pour mettre en place de tels outils est avant tout d'obtenir la cohésion du réseau en
lieu et place d'une somme d'individualités. Cette cohésion peut être obtenue de plusieurs
manières, la plus simple et la plus répandue consistant à faire entrer en contact les membres
du réseau, et de favoriser l'émergence d'un sentiment d'appartenance et d'une solidarité
entre les membres de l'équipe.
BAUDOT Benoit_2009
45
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Les membres du réseau jouent un rôle complémentaire de celui qui est endossé par
la tête de réseau. En effet, en tant que destinataires des mesures mises en place par la
tête de réseau, les membres doivent adhérer aux pratiques de gestion proposées, et en
devenir acteurs à part entière. Les membres du réseau jouent un rôle déterminant dans
la dynamique de motivation collective qui se crée au sein du réseau. Les échanges entre
les membres suscitent de l'envie, un sentiment de sécurité face à la grande incertitude
du métier, et surtout une forte émulation. Les succès des uns renforcent la motivation des
autres.
La relation d'interdépendance qui existe entre le leader et les membres de son réseau
permet également l'émergence d'autres mécanismes de motivation, notamment par le biais
de la délégation d'une partie des tâches liées à la gestion du réseau du leader vers les
vendeurs. Les tâches des vendeurs s'en trouvent enrichies, et leur motivation relancée.
Au sein des réseaux, on constate donc qu'il existe une sorte de transposition de
la situation des vendeurs indépendants dans la vente directe au niveau du réseau. On
pourrait en effet tirer une analogie entre le vendeur indépendant isolé, qui génère sa propre
motivation, qui n'est poussé au travail que par lui-même, et le réseau de vendeurs. Le réseau
de vendeur est également le générateur de sa plus importante source de motivation.
L'une des principales limites rencontrée dans la gestion de la motivation au sein des
réseaux est celle de la gestion des individus, et non du groupe. En effet, la question de la
motivation de base des acteurs se pose toujours, il reste extrêmement difficile d'augmenter
la motivation des individus qui ne veulent pas s'investir largement dans la vente directe.
46
BAUDOT Benoit_2009
III) La formation des leaders : un enjeu de taille.
III) La formation des leaders : un enjeu
de taille.
Jusqu'ici, notre travail nous a permis de mettre en évidence le rôle majeur qui est celui
des leaders dans la dynamique de motivation au sein des réseaux de vente directe. Nous
avons en effet pu constater que ce sont eux qui tiennent le rôle de moteur de la motivation
au sein des réseaux. Ils sont les principaux initiateurs des mécanismes qui fonctionnent
ensuite grâce à la participation des membres du réseau. Sans revenir plus en détail sur le
rôle qu'ils jouent, leur position au sein des groupes de vendeurs et l'impact de leurs actions
en font des acteurs essentiels dans la vente directe. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que
l'on constate depuis quelques années une évolution de l'attitude des entreprises de vente
directe à l'adresse de leurs têtes de réseau.
Les leaders font l'objet d'une attention particulière de la part des entreprises pour
lesquelles ils travaillent. De nombreuses mesures sont prises pour stimuler leur activité,
favoriser l'émulation, et surtout maintenir ces leaders au sein de l'entreprise. On peut par
exemple penser aux concours qui sont mis en place au sein des entreprises de vente directe
(un grand nombre d'entre elles ont mis en œuvre cette pratique), avec des voyages à la clé
pour les managers les plus performants.
Ces mesures d'incitation ont avant tout pour but de stimuler l'activité des leaders et
à les faire rester dans l'entreprise, parce qu'ils constituent un potentiel non négligeable
pour celle-ci. Ce n'est pourtant pas là que se joue le principal de l'action qui se développe
autour des leaders, mais dans leur formation. Les entreprises font un pari sur leurs leaders.
Leur champ d'action directe étant très limité sur les réseaux de vendeurs, elles peuvent
avoir un impact sur eux par le biais des leaders. On essaie ici de contourner les limites
posées par l'organisation même des entreprises de vente directe, et d'en atténuer les effets
pervers. On sort de la logique d'un partage strict du management des réseaux, dans lequel
le réseau, et notamment son leader, viennent combler les vides laissés par l'entreprise. Les
entreprises misent sur une réaction en chaîne à l'issue de la formation des leaders : des
leaders plus compétents et plus motivés donneront des réseaux de vendeurs eux-mêmes
plus compétents et plus motivés.
Dans une telle dynamique, il apparaît alors absolument indispensable que l'ensemble
des têtes de réseau soient formées au management de leur réseau de vendeurs. Une
telle dynamique de formation des leaders est un processus lourd, dont la mise en place
peut s'avérer complexe, et qui présente malgré tout quelques travers, notamment parce
que l'ensemble des têtes de réseau n'est pas nécessairement disposé à suivre de telles
formations, en particulier si la vente directe ne représente pas pour elles leur activité
principale.
On peut s'interroger sur les gains qui sont à réaliser à former les leaders, et quel
sera l'impact de ces formations sur la gestion des réseaux, qui s'en trouve nécessairement
affectée. On peut attendre trois conséquences de la formation des leaders. La première
conséquence attendue est bien entendu que les têtes de réseau seront plus compétentes.
Ensuite, de telles formations apportent aux leaders des outils de gestion de réseau,
notamment par le biais de cycles de formation thématiques. Enfin, la formation des leaders
BAUDOT Benoit_2009
47
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
vise à fidéliser les leaders ainsi que les membres des réseaux en agissant directement sur
leur motivation. C'est le combat le plus difficile à mener pour les entreprises et les réseaux
de vente directe, qui sont confrontés à une forte déperdition d'effectifs à court terme.
1) Des leaders plus compétents.
Comme nous venons de le voir, la formation des leaders des réseaux apparaît comme un
complément absolument nécessaire aux autres formations que les vendeurs et les têtes de
réseau peuvent recevoir au cours de leur carrière en vente directe. Au-delà du pari à long
terme que font les entreprises en misant sur la formation massive des leaders, et que nous
avons précédemment évoqué, il s'agit pour les leaders d'être en mesure de faire face à une
situation de gestion de réseau.
Les leaders sont avant tout des vendeurs indépendants qui ont recruté suffisamment
d'autres vendeurs pour constituer un réseau d'individus. Une telle situation n'est pas toujours
souhaitée par les membres des réseaux de vente directe. Il existe une réelle appréhension
de certains vendeurs à l'idée de se trouver dans une situation de leadership à la tête d'un
réseau de vendeurs. Sophie, explique ainsi, à propos de la tête de réseau : « pour l'instant
c'est un poste qui me fait peur, [...] c'est celui qui motive les troupes, qui transmet les
informations de la société. On en attend du conseil, des informations, un éventuel coup
de main, une aide plus psychologique, l'organisation des animations, etc. ». Une autre
vendeuse, nettement plus expérimentée, explique qu'elle n'a jamais cherché à créer un
réseau, que ce n'est pas son but.
Il existe une certaine réserve face aux responsabilités qu'implique le poste de
responsable de réseau. Celle-ci est compréhensible si l'on se rappelle que les réseaux de
vente directe sont composés d'individus extrêmement différents, qui pour la plupart n'ont
pas de notions de management particulières, et qui peuvent percevoir la fonction de tête
de réseau comme hors de leur atteinte ou hors de leurs capacités. C'est une idée contre
laquelle les entreprises comme les leaders des réseaux essaient de lutter, car la vente
directe se veut accessible à tous dans l'ensemble des fonctions qu'elle implique. Cependant,
on constate qu'il existe un réel besoin d'information des personnes qui se trouvent d'ores
et déjà en situation de leadership d'un réseau de vente directe et qui pour autant ne
s'impliquent pas dans la gestion de ce réseau.
a) Éveiller la conscience des leaders.
C'est l'un des gains que les réseaux, tout comme l'entreprise, ont à réaliser par le biais
de la formation des leaders. En effet, les leaders ont pendant longtemps considéré le
recrutement comme un simple moyen de franchir les paliers de progression et d'augmenter
ainsi leur pourcentage de commission. L'une des vendeuses du réseau que nous avons
étudié dénonce ces situations, dans lesquelles des réseaux de vendeurs existent, et sont
laissés à l'abandon, laissant les nouvelles recrues plus ou moins livrées à elles-mêmes
dans une activité qui demande un minimum de guides au départ : « c'est très important
d'avoir une bonne marraine. On entend souvent parler des filles qui sont larguées par
leur marraine. »(Alice). Ces situations sont souvent dues au fait que les têtes de réseau
ne perçoivent pas le potentiel que représente leur situation, ni les gains qu'elles peuvent
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BAUDOT Benoit_2009
III) La formation des leaders : un enjeu de taille.
réaliser en gérant le réseau. Il faut préciser ici que cette prise de conscience ne va pas
de soi, en particulier parce que les personnes qui se lancent dans la vente directe puis y
progressent le font toutes pour des raisons différentes. Certaines n'aspirent tout simplement
pas à un rôle de gestionnaires.
La formation des leaders peut déjà apporter une réponse adéquate à ce problème. En
effet, la formation des leaders leur permet de prendre conscience de l'importance majeure
de leur rôle au sein de leur réseau de vendeurs. Il n'est pas non plus évident pour les têtes de
réseau de cerner les problématiques qui sont liées à leur position par rapport aux vendeurs
de leur réseau. Les leaders peuvent ainsi saisir au cours de la formation les enjeux qui sont
liés notamment à la cohésion de leur réseau, leur rôle de moteur au sein du groupe, le fait
qu'ils sont les acteurs du développement du réseau. En effet, ces trois dimensions du rôle
de leader peuvent suffire à garantir à un réseau un fonctionnement correct, même sans
formation plus poussée. Ce sont en général des éléments que les leaders qui s'impliquent
d'eux-mêmes dans le développement de leur réseau identifient seuls. Toutefois, lorsque la
tête de réseau n'a pas envisagé de gérer son réseau, il est nécessaire d'agir auprès des
leaders pour que s'effectue cette prise de conscience. Les mécanismes de motivation du
réseau se mettent en place pratiquement d'eux-mêmes dès l'instant où le leader prend en
compte la nécessité d'établir la cohésion de son réseau et de gérer son développement.
La conscience des leaders est donc éveillée en ce qui concerne leur rôle et leur impact
potentiel sur leur réseau de vendeurs. C'est également l'occasion pour les têtes de réseau
d'avoir une idée plus précise sur les attentes que peuvent avoir les membres d'un réseau
vis-à-vis d'eux. Il suffit parfois de peu pour que les membres des réseaux se trouvent isolés :
des conflits mal gérés par exemple, peuvent aboutir à des situations de rupture de réseau.
Dans certains cas, il arrive que des membres d'un réseau se rendent aux animation d'un
autre réseau que le leur pour pouvoir bénéficier de l'action de la tête de réseau, lorsque
celle-ci se révèle compétente. C'est le cas de Sophie que nous avons rencontrée au cours
de notre travail terrain, qui explique que son réseau « tourne à deux, il n'y a pas d'animation
proposée ». La formation des têtes de réseau joue ici un rôle important, car il permet
d'éviter la création de réseaux « morts », qui représentent une perte considérable en termes
de motivation et de performances de l'ensemble des individus qui devraient s'y trouver
impliqués.
La formation des têtes de réseau peut, au même titre que les formations commerciales
le font pour les vendeurs, combler les manques des leaders dans l'exercice de leur activité.
Les leaders sans formation parviennent à gérer leur réseau petit à petit, par des ajustements
successifs de leurs propres pratiques de management du réseau. Ce processus d'autoajustement est par définition très long, et implique que le réseau supporte des ajustements
permanents et d'éventuels échecs à répétition. L'une des compétences qui peut être
rapidement développée par les têtes de réseau est celle de l'analyse de leur propre réseau
qui leur permet d'identifier les situations qui font appel à une réponse de leur part, et
d'adapter cette réponse.
b) Transformer le potentiel des managers en performances.
La plupart des têtes de réseau ont commencé à gérer leur réseau avant d'être formées à le
faire. A partir de cet apprentissage « sur le tas », les leaders ont pu développer certaines
compétences nécessaires à la gestion de leur réseau. Les réseaux qui fonctionnent malgré
une absence de compétences a priori laissent présager du potentiel des leaders qui les
gèrent. D'une manière générale, les personnes qui ont réussi à créer un réseau de vendeurs
BAUDOT Benoit_2009
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
représentent pour l'entreprise un potentiel non négligeable en termes de gestion de la force
de vente.
Il existe donc une attente importante de l'entreprise vis-à-vis des têtes de réseau, qui se
traduit par des formations proposées aux leaders. Le but recherché par de telles formations
est d'utiliser le potentiel des leaders et par la formation, de le transformer en performances
encore meilleures. Il s'agit de faire en sorte que les têtes de réseau se comportent vis-àvis de leurs réseaux comme des chefs d'entreprise. C'est ce qu'explique Julie : « L'objectif
de ces formations: on a des potentiels énormes, et si ces leaders commencent à manager
comme des chefs d'entreprise, ça ira beaucoup plus loin ». C'est la condition à laquelle le
pari effectué par l'entreprise sur ses leaders peut être gagné. Une telle situation ne peut
être obtenue qu'en donnant aux têtes de réseau la formation qui peut leur manquer pour
la gestion de leur réseau.
Cette formation passe par la prise de conscience par les leaders des implications de leur
position au sein de leur réseau de vendeurs, comme nous l'avons vu précédemment, mais
aussi par l'acquisition de compétences plus concrètes, permettant aux leaders d'ajuster
leurs pratiques de gestion de réseau de la façon la plus adaptée qui soit en fonction des
besoins de leur réseau.
La formation des leaders permet d'avoir, à la tête des réseaux de vendeurs, des
personnes plus compétentes. L'importance de l'information et de la formation des leaders
est ici visible, elle permet d'éviter des situations dans lesquelles les réseaux de vente restent
morts. Le gain qui est réalisé ici est considérable : les leaders peuvent envisager leur
réseau de vendeurs non plus comme une organisation difficile à gérer, nécessitant des
ajustements permanents, mais comme une sorte d'entreprise miniature. C'est en tout cas
l'enjeu d'une telle formation. En effet, à partir du moment où les réseaux de vendeurs sont
gérés comme des entreprises miniatures par leurs leaders, elles gagnent en dynamisme
et leurs performances évoluent positivement. Cela sous-entend que les têtes de réseau
prennent en compte l'évaluation des performances du réseau et cherchent à les optimiser
dans le cadre d'une stratégie de développement de leur réseau.
2) Des outils de gestion pour les têtes de réseau.
Les têtes de réseau manquent cruellement d'outils concrets pour leur permettre de gérer
des situations qui apparaissent au sein des réseaux de vente directe au même titre que dans
d'autres organisations. Les formations destinées aux leaders leur permettent d'acquérir ce
type d'outils et ainsi de réagir avec efficacité aux problèmes qui peuvent se poser à eux.
Les entreprises forment spécifiquement leurs têtes de réseaux à certains types de
situations, et ont progressivement mis en place des outils de formation à l'adresse de
leurs leaders. Nous essaierons d'en analyser deux, qui correspondent à ceux qui ont été
abordés par les acteurs du réseau que nous avons étudié. Il s'agit de cycles de formation
thématiques et d'un coaching personnalisé des têtes de réseau. Ici l'entreprise apporte donc
des réponses concrètes aux leaders par le biais de la formation, et leur permet de mettre
en place une gestion de réseau plus adaptée.
a) Les cycles de formation thématiques.
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BAUDOT Benoit_2009
III) La formation des leaders : un enjeu de taille.
Il s'agit ici de former les leaders à des aspects spécifiques de leur fonction au sein du
réseau, et de pouvoir ainsi améliorer leur gestion. Ces cycles de formation représentent un
investissement important pour les leaders, car ils sont proposés à tous les leaders, mais
payants pour les participants. Ce type de formation représente cependant un atout majeur
pour l'ensemble des têtes de réseau qui décident de le suivre. En effet, comme nous l'avons
dit plus haut, la plupart des personnes qui se trouvent en situation de leadership, à la tête
d'un réseau de vendeurs, même réduit, peuvent rapidement être dépassées par l'ampleur
que prend l'organisation de la vie de ce réseau.
Il faut considérer ici que les réseaux de vente directe sont des organisations très
dynamiques, et que les membres d'un réseau peuvent aussi bien ressentir une certaine
appréhension pour la fonction de tête de réseau qu'ils peuvent être attirés par elle. L'une
des vendeuses que nous avons interrogée explique, après avoir effectué son premier
recrutement, avoir envie de gérer un réseau de vendeurs : « [La marraine] est quelqu'un qui
conseille, qui écoute, qui se rend disponible. Le réseau commence là. J'aimerais avoir ce
chapeau-là de marraine parce que j'aime aider les gens. C'est un héritage de mon parcours
précédent. » (Alice). Les membres d'un réseau peuvent donc rapidement recruter à leur tour,
créant ainsi un sous-réseau, et se trouver ainsi en situation de leadership. L'empilement des
réseaux de vendeurs a pour effet d'augmenter de façon considérable la taille du premier
réseau, qui finit petit à petit par ressembler à un réseau de leaders. La tête de réseau est
alors confrontée au problème de la hausse rapide des effectifs de son réseau.
Le schéma ci-dessous montre comment s’effectue cet empilement entre le réseau de
base dans lequel on considère le leader comme le niveau 1, ses recrues le niveau 2, et les
sous-réseaux qui s’ajoutent au premier comme le niveau 3. Chacun de ces sous-réseaux
peut lui-même être considéré comme un réseau à part entière, c’est en général ce qui se
produit, puisque la plupart des leaders que l’on considère ici comme le niveau 0 sont en
réalité membres d’un autre réseau (à un niveau qui serait ici de -1). Un tel empilement aboutit
rapidement pour les leaders, en particulier ceux qui sont inexpérimentés, à des situations
qui peuvent devenir ingérables. Les membres des réseaux que nous avons interrogés
racontent ainsi qu’ils ont pu voir des réseaux pratiquement paralysés par des conflits entre
les membres, sans que la tête de réseau dispose des outils nécessaires pour faire face à
une telle situation.
Figure : Exemple d'empilement de réseaux.
C’est pour faire face à ce type de problème que les formations par cycles thématiques
s’avèrent très utiles. En effet, elles permettent de fournir aux leaders des outils concrets pour
gérer les problèmes rencontrés de façon récurrente, et même de les anticiper. De tels cycles
de formation permettent d’améliorer l’action des têtes de réseau et l’efficacité de leur gestion
dans des domaines comme la motivation, le management d’équipe, la communication, etc.
Les leaders qui disposent de ce type de formation sont armés pour réagir et anticiper
un bon nombre de situations. La tête de réseau que nous avons rencontrée explique ainsi
que les formations lui ont apporté des techniques de gestion qui lui manquaient, ainsi que
de l’assurance dans sa tâche de leader.
Les cycles de formation thématique constituent donc une première réponse au besoin
d’outils concrets de gestion dont font état les leaders des réseaux de vente directe. Ils
permettent de s’adapter à la plupart des situations, mais sont néanmoins limités par le fait
qu’ils ne seront jamais exhaustifs, étant donné l’infinité de situations auxquelles les leaders
de réseau peuvent être confrontés. Leur plus grand mérite tient avant tout en ce qu’ils
permettent aux têtes de réseau d’intégrer un type de raisonnement nécessaire pour gérer
BAUDOT Benoit_2009
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
efficacement leur réseau. La réaction en chaîne sur laquelle parie l’entreprise ici a de bonnes
chances de se produire. La motivation et la performance des réseaux dépendent avant tout
de l’efficacité de la gestion du réseau par le leader. Le gain réalisé à l’issue des formations
peut donc être considérable s’il est bien intégré par les leaders, ce qui suppose que la
formation soit accessible à l’ensemble des têtes de réseau. Il ne s’agit pas pour autant de
la seule disposition prise par les entreprises de vente directe pour assurer la formation de
leurs leaders.
b) Le coaching personnalisé des têtes de réseau.
Former l’ensemble des têtes de réseau d’une entreprise de vente directe est un processus
long et complexe. Il est d’autant plus difficile à mener à bien qu’il n’est jamais terminé,
puisqu’il y a toujours de nouvelles têtes de réseau à former, souvent de plus en plus
nombreuses. Il n’est donc pas étonnant, à cet égard, que la plupart des leaders se trouvent
confrontés à la gestion de leur réseau avant même d’avoir été formés. C’est même souvent
un passage obligé, puisque les entreprises forment leurs leaders à partir du moment où ils
se trouvent en situation de gestion d’un réseau, rarement avant. En effet, il est plus sûr pour
l’entreprise de former des personnes déjà confrontées aux problèmes de la gestion d’un
réseau que de miser sur des individus qui n’ont pas encore recruté, et qui par conséquent
peuvent encore ne jamais recruter par la suite.
La formation ne constitue donc pas une réponse complète aux problèmes rencontrés
par les leaders sur le terrain. Il s’agit donc de compléter cette formation par un
accompagnement des leaders, le plus personnalisé possible, étant donné la spécificité de
la composition de chaque réseau. On est ici dans une démarche qui est proche de celle
mise en place par la tête de réseau que nous avons rencontrée, qui consiste à assister les
individus en difficulté pour les aider à surmonter le problème auquel ils font face, et relancer
ainsi leur motivation. L’entreprise de vente directe a un intérêt certain à mettre en place
de tels mécanismes à l’attention des leaders des réseaux, et parmi eux en particulier, un
système de coaching personnalisé pour les têtes de réseau.
Il s’agit de motiver les leaders avec l’idée qu’ils motiveront ensuite le reste des vendeurs
indépendants du réseau. On a ici une volonté nette de contourner les principales limites
posées par le statut d’indépendants des vendeurs, qui empêche l’entreprise de faire
fonctionner certaines possibilités de contrôle de l’activité des réseaux, comme par exemple
la fixation d’objectifs. On compte donc sur les leaders des réseaux pour mettre en place
de tels systèmes, avec comme attente un résultat comparable à celui qui aurait été atteint
si l’entreprise avait été en mesure de fixer des objectifs par exemple. La responsable du
pôle de développement commercial que nous avons interrogée explique ainsi que certaines
têtes de réseau n’hésitent pas à donner des objectifs aux membres de leur réseau.
Le coaching des leaders tel qu’il est pratiqué actuellement comporte essentiellement
deux volets, l’un recouvrant la formation, le second consistant à motiver les leaders. La
responsable du pôle de développement commercial que nous avons interrogée précise qu’il
s’agit d’un « coaching intéressant, parce qu'il n'ya pas de hiérarchie, pas d'ordre à donner.
C'est du management sans hiérarchie et tout tient à la motivation. On travaille la motivation
intrinsèque. La motivation extrinsèque, ce sont les carottes. »
L’absence de hiérarchie représente en effet un défi pour l’entreprise qu’elle peut relever
ici exactement de la même façon que ce que pratiquent les leaders des réseaux avec
leurs vendeurs. Cela revient à désigner au sein de l’entreprise une personne qui servira de
52
BAUDOT Benoit_2009
III) La formation des leaders : un enjeu de taille.
référence pour les têtes de réseau et leur permettra de progresser tout en gérant au mieux
leur réseau de vendeurs. On a donc la mise en place d’une sorte de cadre, qui n’a pas
pour autant de position dominante hiérarchiquement parlant, ni le pouvoir issu d’une telle
position. Le rôle joué par ce responsable comporte de multiples facettes et suppose une
connaissance parfaite du fonctionnement des réseaux et la capacité d’analyser les besoins
des leaders.
L’accompagnement individualisé des leaders implique donc avant tout une large part
de conseil, d’aide personnalisée, mais il s’agit aussi de motiver les leaders en résolvant un
problème souvent rencontré dans la vente directe, à savoir celui de la confiance. Comme
nous l’avons vu précédemment, les membres des réseaux éprouvent parfois à l’égard de
certains aspects de leur profession une certaine appréhension. Elle s’exerce dans tous les
domaines de l’activité de vente directe. Il arrive souvent que les individus ne se sentent pas
capables de réaliser certaines choses. Le recrutement par exemple, fait partie des aspects
du métier de vente directe à propos desquels nombre d’individus ne se sentent pas capables
de réaliser des performances suffisantes. L’entreprise met avant tout l’accent sur la prise
de conscience des têtes de réseau sur leur capacité à remplir leur rôle de leader. Elle agit
5
ici sur l’un des principaux leviers de la motivation identifiés dans par Vroom (1964) dans
la théorie dite de l’expectation.
Cette théorie de la motivation s’appuie sur trois leviers, l’expectation, l’instrumentalité
et la valence. L’expectation correspond à la perception qu’a l’individu de sa propre capacité
à réussir quelque chose (remplir un objectif, passer une formation, etc.). L’instrumentalité fait
référence à la récompense que l’individu s’attend à obtenir en retour de la performance issue
de ses efforts, tandis que la valence est la valeur que l’individu accorde à cette récompense.
Pour qu’il y ait une réelle motivation de l’individu, il faut qu’il se sente capable de réaliser
l’objectif qu’il se fixe, et que celui-ci lui soit accessible (expectation), qu’il soit en mesure de
se donner les moyens de réaliser la performance qu’il vise et d’en obtenir la récompense
souhaitée (instrumentalité), et enfin qu’il ait le sentiment que la récompense vaut la peine
de mettre en œuvre les efforts auxquels il consent.
Par l’accompagnement personnalisé des têtes de réseau, l’entreprise agit sur ces trois
leviers. Elle applique un effort particulier sur l’expectation des individus en leur donnant
confiance en eux. En effet, il est absolument indispensable que les leaders se sentent
capables d’assumer leur tâche de gestion. La responsable du pôle de développement
commercial interrogée explique ainsi comment elle agit sur la motivation des leaders :
« Il faut faire prendre conscience au gens qu'ils ont des capacités, des compétences.
L'avantage de la vente directe est l'indépendance, mais l'avance ne se doit qu'à soi-même,
pas aux autres. » On cherche ici à agir directement sur la croyance des acteurs, qui sousestiment souvent leur potentiel.
L’accompagnement des leaders des réseaux de vente directe permet à l’entreprise
d’activer un puissant moteur de motivation. La valorisation des individus permet d’agir sur
les croyances qui peuvent parfois suffire à démotiver les acteurs. En effet, il est courant de
constater que les individus au sein des réseaux de vente directe fournissent moins d’efforts,
persuadés de ne pas être en mesure de parvenir à remplir un certain nombre de tâches.
Cela est particulièrement vrai pour les leaders, mais également pour les vendeurs. Ce type
de comportement est souvent désigné au sein des réseaux de vente directe sous le terme
de « préjugés ». On se figure qu’on n’est pas capable d’arriver à des résultats qui s’avèrent
pourtant parfaitement accessibles. La responsable de développement commercial explique
5
Chantal RIVALEAU, « Les théories de la motivation », www.cadredesante.com , p.5 et source universitaire.
BAUDOT Benoit_2009
53
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
ainsi que « les convictions et les motivations suffisent en général. Les pièges de la vente
directe, ce sont les préjugés, les a priori. »
La formation des leaders est censée porter un coup d’arrêt à ce type de croyances
chez les individus. En effet, les leaders formés sont en mesure de transmettre beaucoup
de confiance, de conviction aux réseaux, et deviennent par là-même des moteurs efficaces
de motivation. Ces formations permettent donc d’une part de mettre à disposition des
leaders des outils de gestion pratiques, par le biais des cycles de formation thématiques
par exemple, et des outils plus théoriques, mais dont la mise en application s’avère très
efficace sur la motivation des individus. Cela passe avant tout par la mise en confiance
des leaders qui gèrent leurs réseaux de façon plus efficace et plus dynamique, et peuvent
donc transposer sur leurs vendeurs le mécanisme de motivation utilisé par l’entreprise à
leur égard.
3) Fidéliser les réseaux de vente.
Le principal problème des leaders consiste à fixer leur réseau, et à maintenir la majorité
des personnes entrantes au sein de leur activité de vente directe dans la durée. Sur dix
personnes qui se lancent dans une activité de vente directe, huit l’abandonnent en moins
de deux ans. Cette fuite des effectifs représente un important manque à gagner pour les
réseaux et pour les entreprises. Cette perte est d’autant plus lourde que l’on remarque que
les vendeurs indépendants réalisent un chiffre d’affaires de plus en plus important, et sont
donc plus productifs, à mesure que leur ancienneté augmente.
La fidélisation des individus et la stabilisation des réseaux représentent donc l’un des
plus gros, sinon le plus gros enjeu de la formation des leaders par l’entreprise. C’est en
effet par le travail des leaders que s’effectue ce processus, et notamment dans la mesure
où les têtes de réseau parviennent à créer une réelle cohésion au sein de leur réseau de
vente. Il est également plus facile de motiver des personnes qui sont fidélisées au réseau,
car cela suppose qu’elles ont la motivation nécessaire pour s’impliquer dans leur activité
sans qu’il y ait trop d’efforts à fournir pour s’assurer qu’elles ont toujours envie de poursuivre
leur activité.
Il est avant tout nécessaire de fidéliser les têtes de réseaux. En effet, la perte
des leaders, notamment ceux qui s’impliquaient jusque là dans leur activité de gestion
représente un manque à gagner énorme pour l’entreprise, parce que cela revient peu
ou prou à constater la mort du réseau. Non pas que les vendeurs quitteront à leur tour
l’entreprise, mais la perte d’un leader revient à voir la cohésion du réseau sévèrement
touchée.
a) Fidéliser les têtes de réseau.
Comme nous venons de le dire, la perte des leaders réduit pratiquement à néant la cohésion
des groupes qui se constituent dans les réseaux de vente directe. Il est assez rare que
l’ensemble des membres d’un même réseau se connaissent, à moins que celui-ci soit d’une
taille relativement modeste. Pourtant, les éléments moteurs, eux, sont ceux qui forment
la cohésion du réseau autour du leader. Nous avons mis en évidence le rôle central que
tiennent les leaders au sein des réseaux de vente directe. La formation permet de les
54
BAUDOT Benoit_2009
III) La formation des leaders : un enjeu de taille.
fidéliser en jouant sur plusieurs aspects de leur fonction, et en renforçant leur intérêt pour les
tâches spécifiques qui leur reviennent, à savoir la gestion du réseau, et plus particulièrement
de la motivation des vendeurs indépendants qui les composent.
La formation des leaders renforce leur intérêt pour la gestion de leur réseau, elle
la facilite et la rend plus gratifiante dans la mesure où les leaders qui ont bénéficié
d’une formation voient plus facilement leurs efforts récompensés par le développement de
leur réseau d’une part mais aussi par des gains financiers plus importants du fait de ce
développement. Il faut considérer ici que les leaders peuvent envisager le contenu de leur
travail différemment après avoir été formés, en particulier du fait de l’action de la formation
sur les attentes des têtes de réseau à propos des efforts qu’ils fournissent. Comme nous
l’avons vu plus haut, ils sont en mesure d’attendre des résultats conséquents des efforts
qu’ils fournissent pour gérer leur réseau, notamment en termes de motivation des membres
qui le composent. Si la formation porte ses fruits, et qu’il s’avère que les leaders mettent
effectivement en place une gestion de leur réseau plus efficace que la précédente, leur
intérêt pour leur tâche de gestionnaire s’en trouvera grandi, mais surtout, la satisfaction
personnelle qu’ils peuvent en retirer sera importante.
Il est crucial ici de jouer sur le sentiment de satisfaction des leaders. On part en
effet du principe qu’il leur sera plus difficile d’abandonner une activité dans laquelle ils ont
réussi à mener à bien un projet ambitieux. Cela est de plus en plus vrai à mesure que les
leaders gagnent en ancienneté, car leur réseau se développe de plus en plus. Les réseaux
de vente directe les plus développés en France comptent environ un millier de vendeurs
indépendants, la moyenne de l’entreprise à laquelle nous nous sommes intéressés est
d’environ cent personnes par réseau. Le développement des réseaux de vendeurs peut
don atteindre des proportions relativement importantes, et il est difficile pour les leaders qui
se sont investis dans leur développement de renoncer aux multiples avantages que leur
procure un réseau opérationnel.
La formation des leaders contribue à les impliquer fortement dans leur tâche de gestion
de leur réseau. Les résultats obtenus grâce aux compétences acquises par les leaders
au cours de leur formation créent un lien affectif entre le leader et son réseau, doublé
d’un fort sentiment de satisfaction lorsque la gestion du réseau mise en place s’avère
payante. La fidélisation des leaders repose sur cet attachement, et le maintien constant de la
motivation des têtes de réseau, et permet dans une certaine mesure de fidéliser également
les membres des réseaux qui ne sont pas encore en situation de leadership.
b) Fidéliser les membres des réseaux.
Il existe plusieurs enjeux à la fidélisation des membres des réseaux par les leaders. Ce
processus peut être considéré comme une conséquence de la formation des têtes de
réseau. En mettant en place une gestion du réseau plus efficace, notamment en termes de
motivation et en agissant sur la confiance des individus, on peut aboutir avec les membres
des réseaux aux mêmes résultats qu’avec les leaders, à savoir un fort attachement à leur
activité de vente directe.
La fidélisation des membres du réseau présente plusieurs intérêts : on évite la grande
déperdition de la force de vente que les entreprises de vente directe constatent au sein
de leurs effectifs. Cela permet de gagner en productivité, puisque les performances des
vendeurs augmentent avec leur ancienneté. Le réseau gagne aussi en cohésion, puisque
ses membres travaillent ensemble sur une durée plus longue.
BAUDOT Benoit_2009
55
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Le processus de fidélisation des membres des réseaux passe dans l’entreprise par
la mise en place de certains mécanismes comme par exemple charger les leaders de la
transmission des informations fournies par l’entreprise. Le leader voit ainsi sa position de
référent renforcée, et peut en user pour consolider la cohésion de son réseau de vendeurs.
Cependant, ce processus est relativement lent, et demande aux têtes des réseau de
faire preuve de capacités de gestion qu’elles acquièrent lors des formations qui leur sont
dispensées.
Conclusion :
La formation des têtes de réseau représente des gains potentiels très importants pour
l’entreprise de vente directe, ce qui justifie le fait que ces dernières fournissent pour les
leaders des efforts considérables. Les gains réalisables par le biais de la formation sont
avant tout des gains en termes de compétences de gestion, qui viennent combler le manque
qui est celui des leaders des réseaux de vendeurs. Ce manque est dû au fait que le
recrutement au sein des entreprises de vente directe n’est pas soumis à des restrictions
particulières. Chacun est considéré comme ayant sa chance dans cette activité, et des
individus qui n’étaient a priori pas considérés comme des gestionnaires potentiels s’avèrent
être parfaitement capables de relever les défis posés par la gestion d’un réseau d’individus
pouvant atteindre rapidement une taille de plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de
personnes.
De tels résultats sont obtenus en partie par l’adaptabilité dont font preuve les leaders
face à la réalité des besoins de leurs réseaux, mais aussi, et en grande partie par la
formation qui leur est proposée par l’entreprise pour laquelle ils travaillent. Les têtes de
réseau acquièrent des compétences qui leur permettent de prendre du recul par rapport à
la situation de leur réseau. Les leaders peuvent ainsi analyser la situation de leur réseau et
adapter la gestion qu’ils mettent en place au sein de celui-ci aux cas précis qui se présentent
à eux.
Pour ce faire, les leaders ont besoin d’outils, que les entreprises mettent à leur
disposition, notamment à travers de cycles de formation thématiques. Les leaders peuvent
y trouver des réponses à des problèmes concrets (comme les conflits entre les membres
par exemple, ou la motivation des équipes) qui se posent régulièrement au sein des réseaux
de vente directe comme dans de nombreuses autres organisations.
La formation des leaders permet de les impliquer davantage et de favoriser la
fidélisation des membres des réseaux, mais elle a ses limites : le nombre de leaders est
généralement trop élevé pour que l’entreprise puisse former l’ensemble de ses leaders, il
faut donc qu’elle parvienne à détecter ses plus forts potentiels pour les, former en priorité.
Avec la formation des leaders, les entreprises de vente directe cherchent à corriger
deux travers qui freinent le développement des réseaux et leurs performances, à savoir
le manque de compétences dans certains cas, et la croyance largement répandue chez
les membres des réseaux de ne pas être capables de réussir en exerçant une activité
professionnelle qui demande autant d’autonomie que la vente directe. Une telle croyance a
des effets néfastes sur la motivation des individus, qui se découragent face à un défi sans
avoir tenté de le relever.
L’entreprise joue ici sur les attentes (voir ici la théorie de l’expectation, mentionnée
plus haut) des membres des réseaux, et particulièrement des leaders, pour qu’ils prennent
conscience de leurs propres capacités, et donnent le meilleur d’eux-mêmes. Une fois
ce pari remporté auprès des têtes de réseau, le transfert s’effectue généralement assez
efficacement aux membres des réseaux.
56
BAUDOT Benoit_2009
Conclusion
Conclusion
Au cours de ce mémoire, nous nous sommes penchés sur la problématique de la
motivation au sein des réseaux de vente directe, qui constituent une forme organisationnelle
particulière de réseau d’individus. On y trouve des individus à la tête de réseaux de
personnes pouvant atteindre des tailles comparables à celles de petites entreprises. Après
avoir défini plus précisément la spécificité de ce type d’organisation, nous nous sommes
interrogés sur les facteurs de leur efficacité, et nous avions organisé notre réflexion à partir
d’une hypothèse de base.
Nous avions émis l’idée que l’efficacité des réseaux de vente directe reposait
essentiellement sur la motivation des individus, et que cette motivation dépendait largement
de deux facteurs, le premier d’entre eux étant le contenu du travail (la nature et le type
de tâches effectuées, le produit avec lequel on travaille, etc.), le second la gestion de la
motivation des individus par les leaders des réseaux de vendeurs.
Formuler cette hypothèse revient à faire la supposition qu’il existe au sein des réseaux
de vendeurs un déséquilibre important entre les facteurs de motivation dits « extrinsèques »,
et ceux qualifiés d’ « intrinsèques », au profit de ces derniers. Il s’agissait donc pour
nous d’identifier et d’analyser au cours de notre travail terrain les principales sources de
motivation des acteurs au sein du réseau de vendeurs que nous avons étudié, mais aussi
de se faire une idée d’ensemble des pratiques les plus courantes dans les entreprises de
vente directe, de façon à pouvoir isoler ce qui était spécifique à l’entreprise étudiée de ce
qui se retrouvait également dans d’autres entreprises.
Il s’agit désormais pour nous de récapituler les éléments que nous avons pu tirer de
ces analyses pour tenter de vérifier ou non l’hypothèse que nous avons émise au départ
de notre démarche, en retraçant les différentes étapes de notre raisonnement et en en
tirant les éléments qui nous permettent de déterminer l’impact réel des différents facteurs
de motivation qui exercent une influence sur les individus au sein des réseaux de vendeurs.
1) Déterminer la part des sources de la motivation :
intrinsèque et extrinsèque.
Notre premier objectif a été d’analyser le partage du contrôle des facteurs de motivation
courants qui existe entre l’entreprise de vente directe et les réseaux de vendeurs qui
travaillent pour elle. Nous nous sommes appuyés sur la distinction effectuée par F. Herzberg
6
dans The Motivation to Work puis par la suite par d’autres auteurs entre la motivation
intrinsèque et la motivation extrinsèque pour constater que l’entreprise contrôlait la plupart
des leviers de motivation extrinsèques, et tout particulièrement celui du système de
rémunération et celui des conditions de travail.
6
Frederick HERZBERG et al., “ The motivation to work”, Ed New Brunswick London, 1993, 157p
BAUDOT Benoit_2009
57
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Le système de rémunération appliqué au sein des entreprises de vente directe est un
système très largement incitatif. Il est entièrement fondé sur le principe de rémunération
à la performance, qui est censé inciter les acteurs à s’investir au maximum dans leur
activité de façon à augmenter leurs gains proportionnellement à l’effort qu’ils auront
fourni. La traduction pratique de ce système de rémunération à la performance est le
commissionnement des vendeurs sur le volume de leurs ventes. L’incitation est renforcée
par un système de paliers de progression qui permet de s’octroyer un pourcentage de
commission plus important pour peu que l’on ait rempli les conditions de passage d’un
échelon à l’autre.
Autre mécanisme de motivation extrinsèque dont l’entreprise a le contrôle, les
conditions de travail des vendeurs au sein des réseaux. En effet, l’entreprise décide avant
tout du statut qu’elle propose à ses collaborateurs en vente directe. L’immense majorité des
vendeurs en vente directe exerce sa profession sous le statut de vendeur indépendant, le
plus souvent vendeur à domicile indépendant (VDI). Cela revient à mettre en place une très
grande flexibilité pour les vendeurs comme pour l’entreprise, qui ne subit pas les contraintes
liées au statut des salariés. La contrepartie pour l’entreprise, c’est qu’elle renonce à une
très large part des mécanismes de contrôle qu’elle pourrait exercer sur ses collaborateurs
dans un cadre organisationnel plus rigide, et notamment à la possibilité de fixer des objectifs
à ses vendeurs pour garantir au maximum un taux d’activité suffisant. Les conditions de
travail très souples, et la très grande autonomie laissée aux vendeurs sont des facteurs de
motivation non négligeables dont l’entreprise se sert pour les inciter à fournir un effort plus
soutenu et à s’impliquer de manière régulière dans leur activité de vente directe.
On voit ici que l’entreprise dispose d’un certain nombre de leviers de motivation
extrinsèque, mais ils ne sont pas les seuls qu’elle contrôle directement. En effet, l’entreprise
contrôle également une partie des facteurs de motivation dits intrinsèques, liés à la nature
du travail des vendeurs. Elle choisit la forme que prend la vente (le plus souvent, une
démonstration à domicile), et crée le produit que les vendeurs vont utiliser au quotidien
dans leur travail. L’entreprise dispose ici d’un levier de motivation dont elle n’hésite pas à
jouer, particulièrement avec le produit. La vente directe nécessite de la part du vendeur une
adhésion totale au produit qu’il distribue. L’entreprise joue beaucoup de cette relation du
vendeur au produit, ainsi qu’au métier dans la forme qu’il prend (la démonstration), parce
qu’elle implique une forte dimension affective, qui fait passer une activité professionnelle,
commerciale, pour une activité qui est beaucoup plus proche du loisir que d’une contrainte
destinée à répondre à des besoins par exemple.
L’entreprise de vente directe contrôle donc une forte part des mécanismes de motivation
extrinsèques, et fonde une part de sa stratégie de motivation des individus dessus. La part
de la motivation extrinsèque dans les mécanismes à l’œuvre au sein des réseaux semble
donc importante à première vue, mais la question de l’impact des réseaux sur la motivation
se pose aussi.
2) Saisir l’impact des réseaux.
Après avoir déterminé la part de la motivation intrinsèque et celle de la motivation
extrinsèque dans l’action de l’entreprise envers l’ensemble des membres des réseaux, il
fallait pouvoir mesurer l’impact des pratiques mises en place au sein des réseaux par des
acteurs des ces mêmes réseaux, et en particulier par les leaders.
58
BAUDOT Benoit_2009
Conclusion
Les leaders tiennent en effet un rôle primordial dans la motivation des membres des
réseaux de vente directe. Ils occupent une position privilégiée pour mettre en place une
réelle cohésion de leur réseau, et en faire un groupe d’individus solidaires, une véritable
équipe, certains acteurs allant jusqu’à le qualifier de famille. Une telle solidarité est très
importante pour pouvoir exercer au sein du réseau des pratiques collectives qui ont un
réel impact sur la motivation des individus. Le leader pose les bases du fonctionnement
de son propre réseau, son action est donc déterminante pour impliquer les vendeurs au
sein du réseau et les sortir de la dimension très individuelle de la vente directe tant qu’elle
s’exerce hors d’un réseau. Il peut pourtant s’avérer plus difficile que prévu de mettre en
place une cohésion de groupe parfaite. Une telle situation verrait l’ensemble des membres
du réseau impliqués au sein d’une même équipe, et communiquant librement l’ensemble
des informations nécessaires à la bonne marche du réseau. Cela n’est que rarement le
cas dans la réalité, puisque la taille des réseaux devient souvent vite trop importante pour
maintenir un mode de fonctionnement idéal, qui peut fonctionner avec des effectifs réduits.
Les membres du réseau jouent eux aussi un rôle très important, aussi paradoxal
que cela puisse paraître, car ils sont les générateurs d’une grande partie de leur propre
motivation. En effet, la cohésion du groupe permet aux différents membres d’échanger
entre eux des informations, des connaissances, des savoir-faire qui viennent compléter des
lacunes individuelles. On assiste donc à une auto-formation du groupe constitué par les
vendeurs qui composent le réseau, qui est facilitée par la très grande diversité des profils qui
se croisent au sein des réseaux de vente directe. L’échange entre les membres du réseau
a un effet très motivant, il réactive l’envie des individus et favorise un climat d’émulation. On
assiste à une multiplication d’attitudes volontaires du type « Si X arrive à faire cela, alors je
peux le faire moi aussi. »(Sophie, Anne).
Les membres du réseau sont également à l’origine d’un effet de feed-back sur la tête
de réseau. Initialement, c’est le leader qui emmène son réseau avec lui, et est l’élément
moteur premier. Les membres du réseau prennent ensuite le relais d’eux-mêmes, puisque
les échanges se font au sein même du réseau. L’échange entre les membres fait partie
intégrante du travail des vendeurs dès l’instant où il existe une cohésion de l’équipe, et
constitue un facteur important de motivation, lié au contenu du travail.
Un second levier de motivation est à l’œuvre au sein des réseaux, notamment lorsque
les leaders ont la responsabilité d’un réseau de vendeurs qui prend de l’ampleur. Le leader
ne peut pas assumer à la fois l’ensemble des tâches nécessaires à la vie du réseau et
au maintien de sa cohésion et l’activité commerciale que l’on attend de lui. Il lui est donc
nécessaire de pouvoir déléguer certaines de ces tâches à d’autres membres du réseau. Le
travail de ces membres du réseau s’en trouve donc enrichi de fait, et les pousse à s’impliquer
davantage. De telles pratiques ont également pour effet de sortir les individus de l’idée selon
laquelle ils ne travaillent jamais que pour eux-mêmes. Il y a une dimension collective du
travail lorsque la vie d’un réseau de vendeurs fait partie intégrante des tâches d’un individu.
C’est de l’enrichissement du travail des individus, et donc d’une source de motivation
dite intrinsèque que provient l’essentiel de la motivation des membres des réseaux de vente
directe. Les pratiques mises en place par le leader du réseau, et l’attitude des membres de
celui-ci (adhésion ou refus de la stratégie de gestion mise en place) déterminent l’efficacité
d’un réseau de vente directe, mais on peut dire que le réseau est à lui seul un facteur de
motivation considérable, pour ne pas dire le principal facteur de motivation des vendeurs.
Il ne faut pas non plus négliger pour autant ici que les conditions de travail du réseau
sont créées par le réseau lui-même, qui contrôle par là-même une source de motivation
extrinsèque, dont l’impact n’est pas à négliger. L’ambiance au sein d’un réseau peut suffire
BAUDOT Benoit_2009
59
Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
à ruiner ou à renforcer l’ensemble des autres mécanismes à l’œuvre au sein du réseau.
Dès lors, on peut comprendre que l’importance du rôle du leader du réseau s’en trouve
renforcée, et pose la question des compétences de la tête de réseau.
3) La formation des leaders.
Les leaders des réseaux de vente directe sont pour ainsi dire « issus du rang » et ne
disposent pas, a priori des compétences nécessaires pour gérer des réseaux atteignant
rapidement des tailles importantes. Pourtant, les entreprises misent gros sur les leaders,
pour la bonne et simple raison qu’elles ont gros à y gagner.
Le statut d’indépendants des vendeurs au sein des réseaux de vente directe empêche
l’entrepris d’exercer sur eux un contrôle qui garantit une activité minimale, il est donc
nécessaire d’agir avant tout sur la motivation des individus. Il n’est pas de meilleur moyen
pour ce faire que d’agir d’abord sur les têtes de réseau qui chapeautent l’organisation et
l’activité des vendeurs de leur réseau. Il s’agit donc pour les entreprises de provoquer ici une
sorte de réaction en chaîne dont les conséquences seraient bénéfiques pour l’ensemble
des acteurs impliqués dans cette réaction.
En donnant aux leaders les moyens d’agir de façon efficace sur les vendeurs de leurs
réseaux respectifs, l’entreprise espère toucher un territoire qui est d’ordinaire hors de son
atteinte directe. Il s’agit donc d’une sorte de contournement du « partage » informel des
leviers de motivation qui existe entre l’entreprise et les réseaux de vendeurs qui travaillent
pour elle.
Il s’agit pour l’entreprise de donner aux leaders les connaissances dont ils ont besoin
pour évaluer la situation de leur réseau, ainsi que les outils dont ils peuvent manquer pour
réagir à certaines situations complexes à gérer, notamment les conflits au sein de l’équipe,
destructeurs de la cohésion du réseau, les problèmes de communication ou de management
d’équipe.
Par le biais de la formation des leaders, l’entreprise fait également face à un problème
de fond, probablement lié à la grande diversité des cursus présente au sein des effectifs de la
force de vente. De nombreuses personnes en situation de leadership de réseau doutent de
leurs capacités à assumer ce rôle de façon efficace, estiment que la tâche est au-dessus de
leurs moyens, et que le jeu n’en vaut pas la chandelle. C’est contre ce type de raisonnement
contreproductif que l’entreprise agit en formant les leaders. D’une part, elle rend le défi
nettement plus accessible en donnant à ses leaders des compétences en gestion, mais
d’autre part, elle active un facteur de motivation important, la confiance des individus. En
nous appuyant sur la théorie dite des expectations de Vroom (1964), nous pouvons mettre
en évidence que l’entreprise agit sur l’expectation des têtes de réseau, en mettant en avant
leur capacité avérée à gérer un réseau par exemple.
Les leaders formés peuvent réutiliser ce levier, qui renforce l’intérêt des individus pour
leur travail, et donne une certaine confiance en soi. Les membres des réseaux peuvent ainsi
se sentir en mesure de relever des défis, même informels, et d’augmenter leurs efforts et
leurs performances. Ici encore, c’est la motivation intrinsèque des individus que l’on cherche
à stimuler.
60
BAUDOT Benoit_2009
Conclusion
4) Vérification de l’hypothèse de départ.
De l’analyse que nous avons faite des principaux mécanismes de motivation à l’œuvre dans
les entreprises et les réseaux de vente directe, il ressort que l’on retrouve les deux aspects
de la motivation (intrinsèque et extrinsèque) à l’œuvre tant au niveau de l’entreprise que
des réseaux de vendeurs. Cette présence n’est toutefois pas égale : il semble qu’il y ait plus
d’efforts fournis par les entreprises de vente directe sont ceux qui stimulent la motivation
intrinsèque des individus.
De plus, il apparaît également que les éléments les plus efficaces en termes de
motivation sont ceux qui relèvent de la motivation intrinsèque, ce qui justifie le déséquilibre
que l’on constate dans les efforts fournis par les entreprises pour maintenir et stimuler sans
cesse la motivation intrinsèque des individus. Les membres des réseaux de vente directe
perçoivent aussi plus nettement l’impact des actions entreprises pour stimuler la motivation
intrinsèque que celles mises en place pour stimuler l’autre aspect de la motivation. Ces deux
aspects restent très complémentaires, et n’ont de réelle efficacité qu’utilisés de concert.
Notre hypothèse de départ nous semble donc vérifiée dans une large mesure, avec
cependant une certaine réserve. Les facteurs intrinsèques de la motivation ont souvent été
présentés par les acteurs comme les plus importants. Cela peut tenir au fait qu’ils sont plus
facilement perceptibles par les individus.
Les éléments retirés de l’étude d’un des réseaux de vente directe ne s’appliquent pas
seulement au cadre réduit de notre objet d’étude. Ils peuvent être utilisés pour travailler
sur les mécanismes de motivation d’individus particuliers et/ou d’équipes dans un cadre
organisationnel très souple, comparable aux réseaux de vente directe.
5) Prescription.
On peut considérer que les entreprises de vente directe adaptent leur attitude face aux
limites structurelles auxquelles elles se trouvent confrontées. Le déséquilibre qui existe
entre les deux aspects de la motivation définis au début de ce travail apparaît comme
justifié par ces mêmes limites. Notre travail, notamment le travail que nous avons réalisé
sur le terrain nous a permis d’observer le fonctionnement concret d’un réseau de vente
directe, d’en rencontrer certains acteurs, et nous a permis de remarquer certains éléments
qui semblent pouvoir être davantage exploités par les entreprises de vente directe, et les
leaders de réseau. La majeure partie d’entre eux a été intégrée au corps de ce mémoire.
Deux dispositions importantes pourraient éventuellement être encore envisagées.
a) Améliorer l’incitation à la gestion de réseau.
Le système de paliers de progression que nous avons analysé dans la première partie de
ce mémoire représente un mécanisme d’incitation à la performance efficace, cependant il
se heurte rapidement à sa propre finitude, et intègre tardivement le recrutement dans les
conditions de franchissement des paliers. Plusieurs vendeurs ont fait la remarque qu’ils sont
bloqués dans leur progression par le recrutement qui doit être important (deux recrues à
chaque fois). Il peut sembler envisageable de répartir l’effort de recrutement plus largement
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
entre les paliers de progression, en le faisant commencer plus tôt, de façon à ce qu’il ne
représente plus un effort trop considérable pour les membres des réseaux.
Cela aurait également pour conséquence de faire intégrer la logique de recrutement
aux nouveaux arrivants dès le début de leur activité en vente directe (par exemple dès le
deuxième échelon), de sorte qu’ils auraient moins tendance à ne se consacrer qu’à l’aspect
commercial de la vente directe en négligeant le recrutement.
Dernière conséquence envisageable d’une telle mesure : les individus seraient incités à
fournir un effort régulier et soutenu, synonyme en général de performance en vente directe.
Une seconde disposition à propos des paliers de progression, pour inciter davantage à
la gestion de réseau serait de prévoir des échelons supplémentaires qui ne se franchiraient
qu’en fonction du développement et des performances du réseau.
b) Miser sur la participation.
La participation des membres des réseaux à l’élaboration des projets de l’entreprise peut
être un plus qui favoriserait leur implication dans leur activité et susciterait une dynamique
affective importante autour des projets auxquels ils seraient associés. Nous entendons par
là d’envisager une participation des membres des réseaux qui s’effectuerait sur une base
de participants élargie par rapport à ce qui peut déjà exister.
La participation peut également être étendue au niveau des réseaux, pour impliquer
davantage les membres au sein de la vie du réseau, et renforcer par là-même la cohésion
du groupe. C’est une pratique déjà répandue au sein de certains réseaux de vente directe,
mais qui n’est pas une généralité. Elle peut être considérée comme un facteur de cohésion
supplémentaire, mise à disposition de la tête de réseau pour s’assurer des conditions de
gestion du réseau favorables.
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Annexes
Annexes
Ces annexes sont à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine
de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon
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Gérer les individus dans un cadre flexible : Le cas des réseaux de vente directe.
Bibliographie
Ouvrages
Bernard BAUDRY, « Economie de la firme », Ed. La Découverte, 2003
Frederick HERZBERG et allii., “ The motivation to work”, Ed New Brunswick London,
1993, 157p.
Frederick HERZBERG “Le Travail et la nature de l’Homme”, Entreprise moderne
d’édition, Paris, 1978, 213 p.
Code de la Consommation, article L.122-6, alinéa 2.
Articles
Chantal RIVALEAU, « Les théories de la motivation », www.cadredesante.com
Sites internet:
Fédération de la Vente Directe, syndicat de la vente directe en France: www.fvd.fr
Légifrance, le portail du droit français.
http://www.legifrance.gouv.fr/
Guy Demarle, entreprise de vente directe dans le domaine culinaire:
http://www.guy-demarle.fr/
Tupperware, entreprise de vente directe dans le domaine culinaire:
http://www.tupperware.fr/
Stanhome, entreprise de vente directe de produits d’entretien:
http://www.stanhome-world.fr/
Charlott’, entreprise de vente directe de lingerie :
http://www.charlott.fr/
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Bibliographie
SoftParis, enterprise de vente directe de lingerie:
http://www.softparis.com/
Reportage télévisé
"Petit business entre copines" Reportage sur la vente directe à domicile diffusé sur TF1,
le 24 janvier 2009.
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