Marie Potiron « Plaisir et souffrance au travail chez les

Transcription

Marie Potiron « Plaisir et souffrance au travail chez les
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Marie Potiron « Plaisir et souffrance au travail
chez les comédiens ».
Posté le 6 mai, 2014
Journaliste, puis psychologue clinicienne, la jeune doctorante a obtenu une
allocation doctorale du DIM Gestes en 2013, pour un projet sur le plaisir et la
souffrance dans le travail des comédiens. Sa thèse est dirigée par Christophe
Dejours.
Marie Potiron, est une des lauréates 2013 du DIM Gestes.
C’est après avoir été journaliste, puis psychologue clinicienne,
que Marie Potiron, aujourd’hui âgée de 39 ans, s’est tournée vers la
recherche en psychodynamique du travail. Après des études de
Lettres, sa première passion, la jeune femme est devenue journaliste
à la Voix du Nord, avant d’exercer comme indépendante. C’est à 28
ans qu’elle choisit de se reconvertir, et de reprendre des études en
psychologie clinique à l’Université Paris-Diderot.
Sa première « rencontre » avec les écrits de Christophe Dejours date
de cette époque. « J’avais d’abord lu ses travaux sur la
psychosomatique, le corps, dans le cadre de mon mémoire de
Master 1 autour de l’identité sexuée, se souvient-elle aujourd’hui. Il
portait sur le personnage de Claude, dans la série de romans pour
enfants « Le Club des Cinq », qui refuse d’être une fille.
Ma directrice de mémoire de l’époque s’intéressait beaucoup à la
littérature enfantine… » Et de fil en aiguille, elle finit par prendre
connaissance des écrits du psychanalyste sur le travail. « Ce domaine me semblait curieux. C’est à ce
moment-là que je me suis intéressée aux « Enjeux psychiques du travail », pour reprendre le titre d’un
ouvrage de Pascale Molinier. »
Elle ne reviendra spécifiquement dessus que quelques années plus
tard, après avoir obtenu son diplôme de psychologue à 32 ans, et
exercé autant en consultation que dans le cadre de dispositifs d’aide,
tels que le Fil Santé Jeunes ou Jeunes violence écoute « où nous
recevions d’ailleurs beaucoup d’appels en rapport avec le travail ».
Cette expérience dure cinq ans. Pendant ce laps de temps, elle
complète sa formation par un autre Master, de recherche cette foisci, en psychodynamique du travail, et sous la direction de Christophe
Dejours.
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Groupe d'Etudes Sur le Travail Et la Souffrance au travail, Domaine d'intérêt majeur, action financée par la région Ile-de-France 2012-2015
©2013
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« Psychodynamique de la souffrance et du plaisir au
travail du comédien » et « théories du jeu »
Elle choisit, pour son mémoire, de se pencher sur le travail de
comédien. « J’ai rencontré un certain nombre de comédiens
et j’ai toujours été frappée par la manière dont Ils parlaient de
leur travail : d’une façon très pointue, très fine, et en même
temps mystérieuse. J’étais intriguée par ces conversations
sur « l’énergie », la « présence »… Des notions très difficiles
à définir. »
Ses premiers résultats lui semblent tellement riches, qu’elle
décide de poursuivre en thèse. Mais ayant réalisé son Master
de recherche en parallèle de son activité de clinicienne, une
expérience plutôt éprouvante, il lui semblait impossible de
poursuivre sans financement.
Marie Potiron candidate alors à une allocation doctorale du DIM GESTES. Son projet de
recherche est retenu. Elle est sélectionnée pour le mener au LPCP, Université Paris-Diderot,
au terme des auditions de juin 2013.
« Je m’intéresse au travail de comédien, pas seulement en tant que travail singulier, mais aussi parce
que je crois qu’une discussion pourrait s’engager entre la psychodynamique du travail, qui s’intéresse
notamment au réel, du travail, à l’engagement intime de soi dans le travail, y compris corporellement et
les discours théoriques sur le jeu. » Des « théories du jeu » (la biomécanique de Vsevolod Myerhold, le
« système » de Constantin Stanislavski, la distanciation de Bertold Brecht) qui, sans avoir une ambition
« scientifique » proprement dite n’en forment pas moins des systèmes relativement cohérents, « avec
une véritable ambition théorique ».
L’idée serait donc d’installer ce dialogue, car ces théories
comportent parfois quelques « angles morts », des
« silences », auxquels l’étudiante d’alors s’était
auparavant confrontée, sur la coopération, la convivialité
au travail ou encore l’autorité. Ces questions sont pourtant
« au centre du travail de comédien » selon elle. « En se
concentrant sur le jeu, ces théories omettent ce qu’il se
passe hors plateau. Et elles sont souvent élaborées par
des metteurs en scène, qui sont prescripteurs du travail.
Leur but est en effet, au moins en partie, de construire un
acteur idéal, ou plus globalement de former les acteurs,
de développer une certaine idée du métier. » Autant de
théories qui évacuent donc les relations de domination…
Que Marie Potiron ne compte, quant à elle, pas laisser de
côté.
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Amour et travail, ou l’amour dans le travail
« D’autres aspects m’intéressent, mais je ne
sais pas encore de quelle manière je vais les
traiter dans ma thèse : la question du genre, en
particulier. Ce n’est pas pareil d’être comédien
ou comédienne… » La doctorante n’avait en
effet pas abordé ce thème dans son mémoire de
Master Recherche. Il lui semble cependant, de
plus en plus incontournable.
« Je crois également que le travail de comédien peut reposer des questions théoriques à la
psychodynamique du travail, notamment sur l’articulation entre le travail et l’amour. « Ce que je me
demande, aujourd’hui, c’est : dans quelle mesure les relations affectives, ou « l’amour », font partie du
travail ? Comment le rendent-elles possible, en quoi peuvent-elles être une ressource pour le travail ? »
Des questionnements qu’elle retrouve, « même si tout cela est encore vraiment à affiner », dans les
travaux portant sur le travail du « care ». Des métiers qui demandent également un très fort
investissement émotionnel.
« Je compte aussi me pencher sur le plaisir au travail. Cela me paraît essentiel. Il est possible de
percevoir chez les comédiens, cet « enthousiasme » dans le travail, que décrit Christophe Dejours dans
« Travail Vivant »… On peut même le « sentir » corporellement, percevoir une sorte de joie, par exemple
après une représentation qui s’est bien déroulée. » Et côté souffrance donc ? « Elle est également
présente en effet, en particulier parce qu’il y a cette mise en jeu de l’intime, exploitée, surexploitée,
travaillée, « surtravaillée »… » Pour la doctorante, l’objectif serait en outre, à la lumière de ces
recherches, « d’enrichir », « préciser », voire questionner certaines découvertes de la psychodynamique
du travail.
« Mécanique » et poésie
Pourquoi la psychologie ? Et plus précisément la
psychanalyse,
dont
est
empreinte
la
psychodynamique du travail ? « Ce qui m’a
intéressée, je crois, au départ, c’est la
« mécanique ». C’est de savoir comment fonctionne
« le moteur », même si la comparaison est trop
froide… La psychanalyse me semble être un
chemin théorique juste pour expliquer l’humain,
pour faire entendre le sens et la complexité des
conduites : comment peut-on vouloir et ne pas
vouloir en même temps ? Comment ne devient-on
pas fou au travail ? » (Rires) Et, rappelle-t-elle, son
« premier amour » reste la littérature. « Lorsque l’on
écoute les personnes qui nous parlent, on réalise
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que les constructions de l’inconscient sont poétiques. La psychanalyse
même, à mes yeux, est une science humaine poétique. »
On comprend donc d’autant mieux que la jeune clinicienne envisage, outre
continuer la recherche après cette thèse, de s’installer un jour comme
psychanalyste. « Cela peut être compliqué à articuler, parce que ce sont des
cadres et des postures très différents. Mais d’autres le font. » « En même
temps, être psychodynamicienne est déjà un numéro d’équilibriste… » Une
pause. « En fait, être psychologue aussi. »
Références bibliographiques
« Vsévolod Meyerhold ou l’invention de la mise en scène théatrale », Gérard Abensour ;
«
Le
corps
entre
biologie
et
psychanalyse
»,
Christophe
Dejours
;
«
Travail
vivant
–
Tome1
– Sexualité
et
travail
»,
Christophe
Dejours
;
« Travail vivant – Tome2 -Travail et émancipation », Christophe Dejours ;
« De l’ergonomie à la psychodynamique du travail : Méthodologie de l’action », Dominique Dessors,
Damien
Cru,
Marie-Pierre
Guiho-Bailly,
Pascale
Molinier
;
« Les enjeux psychiques du travail : Introduction à la psychodynamique du travail », Pascale Molinier ;
« La formation de l’acteur », Constantin Stanislavski.
Dans la série des « Portraits des
Lauréats DIM Gestes », celui de
Marie Potiron, est mis en ligne
le 6 mai 2014
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