HISTOIRE - THEME 3

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HISTOIRE - THEME 3
H I 1 – Les migrations irlandaises au XIXe siècle.
Au XIXe siècle, l’Europe est à l’origine, en raison de la transition démographique, d’importants mouvements
migratoires. L’Irlande est le pays européen qui va connaître la plus forte émigration par rapport à sa
population.
Comment expliquer l’importance des migrations irlandaises au XIXe siècle ? Comment se déroulent-elles ?
Plusieurs facteurs expliquent le départ des Irlandais vers d’autres pays au cours d’un trajet plus ou moins
facile. Parmi les destinations de ces migrations, les Etats-Unis, principale terre d’accueil des Irlandais, offrent
un témoignage intéressant sur les conditions d’accueil des nouveaux arrivants.
I. Pourquoi les Irlandais quittent-ils en masse leur pays ?
L’Irlande est, depuis le 1er janvier 1801, rattachée à la Grande-Bretagne (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles)
formant ainsi le Royaume-Uni. Cependant, dans la réalité, l’Irlande constitue une colonie britannique servant de
grenier à blé et de réservoir de main-d’œuvre. La majorité des terres agricoles, près de 90%, appartient à des
colons anglais qui les louent à des Irlandais pratiquant la monoculture de la pomme de terre. Les catholiques
irlandais sont aussi soumis à une dîme obligatoire à destination de l’Eglise anglicane. Cette situation de
soumission conduit à des tensions politiques entre l’Irlande et la Grande-Bretagne.
Entre 1845 et 1855, l’Irlande fut frappée par une famine majeure, connue sous le nom de « Grande Famine »
ou « hungry forties ». En effet, vers 1845, éclate une épidémie de mildiou empêchant le développement des
pommes de terre, base de l’alimentation irlandaise, ce qui provoque un début de famine. S’ajoute, ensuite, une
série d’hivers rigoureux qui aggrave la famine et conduit au développement des épidémies qui déciment des
populations affaiblis (entre 1 et 1,6 millions de morts, soit entre 12% et 19% de la population). Les tenanciers
qui survivent à la famine ont de plus en plus de difficulté à payer leur loyer et sont donc souvent expulsés de
leurs terres. Face à cette situation, deux solutions s’offrent aux Irlandais : rester en Irlande et espérer survivre
ou bien partir. La famine aggrave les revendications nationalistes vis-à-vis de la Grande-Bretagne comme le
montre la répression de l’insurrection du mouvement « Jeune Irlande » en juillet 1848 et la fondation de
l’« Irish Republican Brotherhood » (IRB) qui mènent des attentats contre les Anglais.
L’Irlande, qui comptait environ 8,3 millions d’habitants en 1840, voit sa population tomber à 6,5 millions en
1851 et même à 4,4 millions en 1910. La population actuelle de l’Irlande n’est encore que de 5,1 millions.
Les conditions de vie en Irlande, à partir du milieu du XIXe siècle, provoquent une importante émigration.
Où vont émigrer les Irlandais et dans quelles conditions ?
II. Destinations et conditions d’installation.
A la fin du XIXe siècle, les moyens de transport maritime ont évolué. Jusque là, les immigrés arrivaient par
bateau à voile. Désormais, grâce aux innovations en matière de moteur à vapeur, de plus grands navires
permirent de transporter davantage d’immigrés. Cependant, les conditions de voyage sont souvent difficiles.
Les navires sont souvent en piteux état provoquant de nombreux naufrages. Les trajets s’effectuent, la plupart
du temps, entassés sur le pont ou dans la cale des navires pour des raisons de coût. Malgré ces conditions
éprouvantes, les Irlandais quittent massivement l’île : près de 20% de la population irlandaise émigre entre
1840 et 1850.
Les destinations majeures sont les Etats-Unis (3 millions entre 1845 et 1914), le Canada (1 million) et la
Grande-Bretagne (0,63 million). D’autres optent pour des destinations plus lointaines : Australie (0,186
million), Nouvelle-Zélande (43 000), Afrique du Sud (5 000) et Argentine (5 000). Il s’agit essentiellement de
pays anglophones, liés au Royaume-Uni ce qui, a priori devrait faciliter l’intégration des émigrants. De leur
côté, les terres d’accueil recherchent une main-d’œuvre nombreuse et peu qualifiée. Les tenanciers irlandais
vont ainsi fournir de parfaits agriculteurs pour mettre en valeur les nouvelles terres de la pampa argentine ou de
Nouvelle-Zélande.
Pour la majorité des migrants irlandais, l’arrivée s’effectue à Castle Garden puis à Ellis Island, à partir de
1892, avant d’entrer aux Etats-Unis. Située dans l’Etat du New Jersey, cette île a accueilli environ 20 millions
de personnes entre son ouverture le 1er janvier 1892 et sa fermeture en novembre 1954. Certains jours on
pouvait examiner jusqu’à 5 000 nouveaux arrivants. L’examen est d’abord médical. Des médecins militaires
observent rapidement la démarche des candidats pour rechercher, chez chaque individu, les signes des soixante
affections ou défauts (physiques et mentaux) listés. Si un problème est identifié, le sujet est instantanément
marqué d’une croix à la craie blanche. Il subit ensuite un examen plus approfondi. Une série de questions est
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posée à chaque arrivant. Comme il n’y a aucun moyen de recouper les informations, les agents s’appliquent à
être intimidants et suspicieux afin de débusquer les éventuels menteurs. S’ajoutent aussi les incompréhensions
et malentendus dus aux problèmes linguistiques. En outre, sans que cela ait été officiel, la règle générale voulait
que chaque immigrant ait sur lui de quoi payer le voyage jusqu’à sa destination finale et 25 $ (l’équivalent
d’une semaine de salaire d’un fonctionnaire comme ceux travaillant sur l’île). Ceux à qui on refuse l’entrée sur
le territoire américain doivent reprendre au plus vite le même bateau pour rentrer chez eux. On estime que
seulement 2% des immigrants étaient rejetés, soit parce qu’ils étaient porteurs d’une maladie contagieuse, soit
parce qu’ils n’étaient pas en mesure de travailler et risquaient donc de devenir une charge pour la société).
Après une traversée souvent difficile, les émigrants irlandais arrivent dans leur nouvelle terre d’accueil. La
première de celles-ci est les Etats-Unis. Comment, une fois entrés aux Etats-Unis, les émigrants irlandais vontils s’intégrer ?
III. Comment vivent les Irlandais aux Etats-Unis ?
Ces immigrés irlandais qui quittèrent leur pays à l’époque de la grande famine furent parmi les plus
désavantagés que les Etats-Unis aient alors jamais connus. Ils vivent dans les sous-sols, dans des caves ou dans
des appartements d’une seule pièce privés de lumière naturelle et de ventilation, et souvent inondés par les
égouts. Le choléra, la fièvre jaune, le typhus, la tuberculose et la pneumonie y sont particulièrement répandus.
En outre, nombreux immigrés irlandais sombrent dans des maladies mentales, fréquemment compliquées par
l’alcoolisme. Ils sont alors admis en nombre disproportionné dans les maisons des pauvres et les hospices et ils
figurent en tête de liste des registres de police relatifs aux arrestations et aux peines de prison, en particulier
pour trouble à l’ordre public.
Les immigrés irlandais sont essentiellement des travailleurs non qualifiés, prêts à travailler pour un salaire de
misère et souvent embauchés pour remplacer des ouvriers en grève et pour briser ainsi les mouvements sociaux.
Ils travaillent aussi dans les chantiers de chemin de fer. Les femmes, elles, sont employées comme domestiques
ou ouvrières dans le textile. Ce n’est qu’à la deuxième génération que des métiers plus considérés deviennent
accessibles : contremaître, postier, conducteur de tramway ou policier. L’image du policier irlandais fait partie
de l’imaginaire classique des New-Yorkais.
La présence d’Irlandais suscite chez certains Américains de souche une forme de racisme. Ce sont les
nativistes qui reprochent aux Irlandais leur religion catholique et leur langue gaélique. En 1834, des émeutiers
brûlèrent le couvent des Ursulines à Charlestown, dans le Massachusetts. En 1836, des nativistes de New York
publièrent le récit d’une jeune femme souffrant de troubles mentaux et qui disait avoir été témoin d’actes de
débauche et d’infanticides lorsqu’elle était dans un couvent. Le livre, qui avait pour titre Awful Disclosures of
Maria Monk (Les Révélations horribles de Maria Monk), connut un succès considérable. En 1844, des
émeutiers nativistes brûlèrent deux églises catholiques dans les faubourgs de Philadelphie à la suite d’un litige
relatif à la version de la Bible qui devait être utilisée dans les écoles publiques, la version catholique ou celle du
roi Jacques, protestante.
Malgré tout, en dépit de l’hostilité des nativistes, dès le début du XIXe siècle, les Irlandais s’assimilent
facilement à la population. Ils ne furent jamais confrontés au racisme dont souffrent les Afro-Américains et les
Asiatiques, qui se virent interdire le droit d’être des citoyens ou dont l’entrée aux Etats Unis fut restreinte.
Ainsi, la communauté irlandaise s’intègre progressivement, en particulier en raison d’une forte implication
politique. Dès 1880, un maire irlandais est élu à New York.
Malgré une intégration réussie, les Irlandais conservent une identité nationale forte. Ainsi, lorsque l’IRB est
fondé en 1858, il est créé en même temps à Dublin et à New York. Les fennians américains vont même mener
des attentats contre les Anglais au Canada en 1867. Chaque année, la Saint Patrick (fête du saint patron de
l’Irlande) donne lieu à des célébrations importantes à New York où les Irlandais représentent un tiers de la
population étrangère. Leur présence importante permet aussi l’existence de gangs irlandais qui contrôlent de
nombreux trafics criminels.
L’Irlande, en raison de sa situation politique et agricole, va subir une forte émigration, à partir de la
seconde moitié du XIXe siècle. Le départ des Irlandais va se faire dans des conditions souvent difficiles et leur
installation sera généralement complexe. Mais, progressivement les Irlandais vont s’intégrer dans leur pays
d’accueil tout en conservant certains souvenirs de leur patrie d’origine.
La situation des Irlandais est-elle la même pour les autres populations de migrants européens, au XIXe ?
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