Délai de rétractation : remise en mains propres

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Délai de rétractation : remise en mains propres
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Délai de rétractation : remise en mains propres
le 3 mars 2008
IMMOBILIER | Vente
La remise de l’acte en mains propres ne répond pas aux exigences de l’article L. 271-1 du code de
la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de la loi SRU du 13 décembre 2000.
Civ. 3e, 27 février 2008, FS-P+B+I, n° 07-11.303 (Décision en ligne)
Rendu à propos de la faculté de rétractation de l’article L. 271-1 du code de la construction et de
l’habitation (CCH), cet arrêt mécontentera assurément les agents immobiliers que la promulgation
de la loi ENL avait rassuré un peu vite. On sait, en effet, que l’acquéreur non professionnel d’un
immeuble à usage d’habitation (et non d’un immeuble à usage mixte : Civ. 3e, 30 janv. 2008, D.
2008. AJ. 485, obs. Vincent ) peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain
de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte. La loi précise que « cet acte est notifié à
l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen
présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de
remise ». Au contentieux, le débat s’est concentré sur le point de savoir si la remise en mains
propres contre récépissé présentait les « garanties équivalentes » requises par le CCH.
Les juridictions du fond étaient divisées. Les cours de Toulouse et d’Orléans, par deux arrêts
remarqués, ont répondu fermement par la négative (Orléans, 4 nov. 2002, inédit ; Toulouse, 1er
déc. 2003, JCP N 2003. 1582, obs. Boulanger ; Constr.-Urb. 2004, n° 109, obs. Cornille ; RDC 2004.
1131, obs. Nuytten et Sagaut). Une réponse ministérielle « Estrosi » est venue appuyer cette
jurisprudence naissante, précisant que « la remise directe de l’acte contre récépissé par le vendeur
lui-même ou l’agent immobilier (…) n’offre pas, pour la date de détermination de la date de
réception ou de remise, de garanties équivalentes à celle de la lettre recommandée », aux motifs
que « l’utilisation de la lettre recommandée (…) a pour but d’éviter toute fraude » et que « la
remise contre récépissé est une technique qui permet d’antidater la remise de l’acte » (Rép. min.
n° 41440, JOAN Q 5 oct. 2004, p. 7789). À l’inverse, les cours de Paris et de Douai ont adopté une
position plus libérale, jugeant la remise contre récépissé valable « dès lors qu’elle permet de
s’assurer avec certitude de la date de la remise » (Paris, 2 déc. 2004, n° 04/16306 ; Douai, 10 oct.
2005, Constr.-Urb. 2006, n° 91, obs. Cornille). En tout état de cause, il semblait par ailleurs acquis
que la remise contre récépissé était valable si elle émanait d’un notaire (TGI Nantes, 21 oct. 2003,
RG n° 02-05.875) ou d’un huissier de justice (Rép. min. n° 41440, préc.).
La Cour de cassation n’avait pas encore eu à connaître de la difficulté. C’est à présent chose faite, à
l’occasion d’une espèce lors de laquelle la remise d’une copie d’un compromis de vente et d’un
document rappelant les dispositions de l’article L. 271-1 CCH, daté et signé par l’acquéreur, avait
été jugée impropre à faire courir le délai de rétractation au motif qu’elle ne présentait pas les
garanties requises par le texte. Le pourvoi, qui soutenait le contraire, est rejeté dans des termes
limpides : « la remise de l’acte en mains propres ne répond pas aux exigences de l’article L. 271-1
du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13
décembre 2000 ». La haute juridiction s’en explique, indiquant que les juges du fond ont
« exactement retenu » que ce mode de notification ne présentait pas, à propos de la certitude de la
date de réception et de remise, les garanties de la lettre recommandée avec demande d’avis de
réception. La crainte de l’antidate, fondement de ce texte d’inspiration consumériste, paraît donc
avoir triomphé devant la Cour de cassation. « À ceux qui s’indigneraient que l’on puisse suspecter
des professionnels de pareils agissements », on pourrait répondre, avec M. Rouzet (Les formes
alternatives de notification des contrats de vente immobilière, Defrénois 2005. 1657), « que le
législateur, qui avait expressément autorisé à l’origine la remise contre récépissé des offres de
crédit immobilier, a été contraint de faire machine arrière ».
À ceci près qu’ici, c’est en quelque sorte l’inverse qui s’est produit. En effet, la loi ENL du 13 juillet
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2006 a modifié l’article L. 271-1 du CCH, dont l’alinéa troisième dispose désormais : « Lorsque
l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours
à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce
cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être
attestée selon des modalités fixées par décret ».
A priori, cette loi n’était pas applicable à une promesse signée en 2003. Mais sa lecture invite à tirer
quelques enseignements relatifs à la portée de l’arrêt. D’une part, il aurait pu être soutenu que
l’intervention législative avait pour unique but de préciser le sens de l’expression « garanties
équivalentes » employée par l’alinéa deuxième de l’article L. 271-1 du CCH. Dans ce cas, cette loi
aurait pu être qualifiée d’interprétative, ce qui lui aurait permis de s’appliquer dès la date d’entrée
en vigueur du texte dont elle précise le sens (V. Malaurie et Morvan, Introduction générale,
Defrénois, 2e éd., 2005, n° 266). Rapportée à l’espèce, cette considération aurait permis
d’appliquer la loi ENL à la promesse litigieuse pour en déduire la validité de la remise en mains
propres.
Cependant, la seconde phrase du texte, qui impose que la date de remise de l’acte doit être
attestée selon des modalités fixées par un décret ultérieur, semble devoir invalider cette
interprétation. La nouvelle structure de l’article L. 271-1 CCH invite dès lors à distinguer deux
formes principales de notification :
la lettre recommandée avec avis de réception, à laquelle la loi assimile les moyens de
notification présentant, au point de vue de la certitude et de la sincérité de la date, des
garanties équivalentes ou supérieures : la signification par huissier ou le récépissé signé
devant notaire (étant observé que cette remise a vocation à être par la suite constatée dans
l’acte authentique réalisant la vente) ;
la remise en mains propres par un professionnel mandaté pour réaliser la vente, dont la date
devra être attestée dans des modalités fixées par décret.
Or, il faut remarquer qu’aucun décret d’application relatif aux modalités d’attestation de la date de
la remise n’a encore été rédigé. Il en résulte que la solution initiée par le présent arrêt a vocation à
se maintenir jusqu’à l’intervention du pouvoir réglementaire. Jusqu’à cette date, la remise en mains
propres, même postérieure à l’entrée en vigueur de la loi ENL, sera, sauf revirement de
jurisprudence, jugée incompatible avec les exigences de l’article L. 271-1 du CCH.
Site de la Cour de cassation
par G. Forest
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