Le discours d`investiture de F. Hollande - Bloc
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Le discours d`investiture de F. Hollande - Bloc
Le discours d’investiture de F. Hollande Le texte du discours d'investiture de Commentaires François Hollande « En ce jour où je suis investi de la plus haute charge de l'État, j'adresse aux Français un message de confiance. Nous sommes un grand pays qui, dans son Histoire, a toujours su affronter les épreuves et relever les défis qui se présentaient à lui. Le discours d’investiture du nouveau président à valeur de feuille de route pour les politiques des mois à venir. Conçu pour ménager les susceptibilités et suggérer à demi-mot les orientations, il n’en est pas moins significatif par ses non-dits et ses ambigüités. Les bonnes intentions proclamées restent à confirmer en acte, mais celles qui n’ont même pas été jugé dignes d’être énoncées risquent peu d’émerger dans les mois qui viennent. À chaque fois, il y est parvenu en restant lui-même, toujours dans l'élévation et l'ouverture, jamais dans l'abaissement et le repli. Tel est le mandat que j'ai reçu du peuple français le 6 mai : redresser la France dans la justice, ouvrir une voie nouvelle en Or l’emploi, les salaires et l’industrie sont les siEurope, contribuer à la paix du monde comme à la lences les plus assourdissants de ce discours dont la modestie revendiquée se distingue difficilement du préservation de la planète. manque d’ambition. Le constat serait juste s’il n’omettait l’essentiel : une désindustrialisation massive due à une monnaie surévaluée, des taux d’intérêts excessifs et un rationnement du crédit en raison des vices fondateurs du système financier européen. La « dette massive » Mais je l'affirme ici : il n'y a pas de fatalité dès n’est qu’un symptôme ; un financement sain, hors lors qu'une volonté commune nous anime, qu'une marchés financiers, la rendrait supportable. En redirection claire est fixée et que nous mobilisons plei- vanche la désindustrialisation, le déficit de la balance commerciale, la faiblesse de l’investissement pronement nos forces et les atouts de la France. ductif compromettent gravement l’avenir du pays. Je mesure aujourd'hui même le poids des contraintes auxquelles notre pays fait face, une dette massive, une croissance faible, un chômage élevé et une compétitivité dégradée et une Europe qui peine à sortir de la crise. Quant à « l’Europe qui peine à sortir de la crise », c’est bien entendu un euphémisme explicable par les circonstances, mais la formule juste eut été « une Europe qui nous enfonce dans la crise » ! « Une volonté commune nous anime »-t-elle sur ces questions ? Le fait même que le Président les ait contournées indique que non. Ils sont considérables, la productivité de nos travailleurs, l'excellence de nos chercheurs, le dynamisme de nos entrepreneurs, le travail de nos agriculteurs, la qualité de nos services publics, le rayonnement de notre culture et notre langue, sans oublier la vitalité de notre démographie et l'impatience de notre jeunesse. Au-delà du formalisme du propos, tout ceci est exact : les forces productives sous-jacentes de notre pays subsistent – mais ajoutons que ce ne saurait être durables : le sous-emploi mine notre culture productive. Nos entrepreneurs sont étranglés entre le rationnement du crédit, les exigences de la finance et l’atonie de la demande solvable. Quant à la démographie, elle est menacée par le délaissement de l’institution familiale – totalement « oubliée » dans le discours ! La première condition de la confiance retrouvée, c'est l'unité de la Nation. Nos différences ne doivent pas devenir des divisions, nos diversités des discordes. Le pays a besoin d'apaisement, de réconciliation, de rassemblement. C'est le rôle du président de la République de faire vivre ensemble tous les Français sans distinction d'origine, de parcours, de lieu de résidence, autour des mêmes valeurs, celles de la République. La logique des institutions est que le président ne s’implique pas personnellement dans les enjeux et conflits subsidiaires, de sorte de conserver un rôle d’arbitre et de pouvoir infléchir la trajectoire sans se dédire. Une grande faute politique de N. Sarkozy fut sans doute de méconnaître cette division des rôles entre le président, incarnation de la nation, et le gouvernement chargé des tâches courantes. Tel est mon impérieux devoir, quel que soit notre âge, quelles que soient nos convictions, où que nous vivions, dans l'Hexagone ou dans les Outre-mer, dans nos villes, dans nos quartiers, dans nos territoires ruraux, nous sommes la France. Une France non pas dressée contre une autre mais une France réunie dans une même communauté de destin. Et je réaffirmerai en toutes circonstances nos principes intangibles de laïcité, comme je lutterai contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les discriminations. La référence à la laïcité et aux discriminations pourrait aller de soi, encore faudra-t-il en préciser le contenu tant ces notions ont été « retournées » en leur contraire : la laïcité comme « tolérance » de n’importe quoi, y compris les oppressions communautaristes, la lutte contre les discriminations comme prétexte au démembrement de la citoyenneté en distribuant des privilèges ou des quotas en fonction de statuts de femme, d’immigré, etc. Notons aussi que la lutte contre les discriminations est utilisée comme un succédané pervers de la lutte contre le chômage – il s’agit alors non de réduire celui-ci mais de le reporter d’une catégorie à l’autre. La confiance c'est aussi l'exemplarité. Président de la République, j'assumerai pleinement les responsabilités exceptionnelles de cette haute mission. Je fixerai les priorités mais je ne déciderai pas de tout, pour tous et partout. Cf. commentaires précédent. F. Hollande annonce un retour à la norme républicaine quant au rôle du président. Au-delà de la distinction facile d’avec son brouillon prédécesseur, cela donne au Président la marge de manœuvre « au-dessus des partis » pour les Conformément à la Constitution, le gouvernement changements radicaux qu’imposeront les circonsdéterminera et conduira la politique de la Nation, le tances – mais encore faudra-t-il qu’il soit à la hauteur Parlement sera respecté dans ses droits, la justice de telles révisions déchirantes. disposera de toutes les garanties de son indépendance. Le pouvoir au sommet de l'État sera exercé avec dignité et simplicité, avec une grande ambition pour le pays. Et une scrupuleuse sobriété dans les comportements. L'État sera impartial parce qu'il est la propriété de tous les Français et qu'il n'appartient donc pas à ceux qui ont en ont reçu pour un temps limité la charge. Les règles de nomination des responsables publics seront encadrées et la loyauté, la compétence et le service de l'intérêt général seront les seuls critères pour déterminer mes choix pour les grands serviteurs de l'État. La France a la chance de disposer d'une fonction Les services publics sont affaiblis par de longues publique de grande qualité. Je veux lui dire ma re- années de dénigrement et d’insuffisance des moyens connaissance et l'attente que je place en elle et en – ce qui au-delà des carences immédiates produit chacun de ses agents. insensiblement la démoralisation, la perte de l’ « esprit service public » qui est au fondement de leur efficacité. Au-delà du « coup de chapeau » imposé, rien n’est indiqué quant aux moyens matériels et à la définition des tâches qui permettront le redressement de la justice et de la police, grandes oubliées de 40 dernières années. La confiance, elle est dans la démocratie elle-même. Je crois en la démocratie locale et j'entends la revivifier par un nouvel acte de décentralisation susceptible de donner des libertés nouvelles pour le développement de nos territoires. « Démocratie locale » et « décentralisation » sonnent bien mais ne définissent aucune réforme utile. Jusqu’à présent les politiques de décentralisation n’ont conduit qu’au chevauchement et à la duplication de compétences, à contresens de la nécessaire rationalisation de l’action publique. Nouvelles technologies et transports réduisent les distances et multiplient les interactions entre les territoires. Face à cette évolution, la décentralisation est un complet contresens. S’agit-il une fois encore de donner le change de l’affaiblissement de l'État en distribuant ses tâches à des acteurs locaux, souvent moins à même de les accomplir et sans les moyens financiers nécessaires ? Je crois en la démocratie sociale et de nouveaux espaces de négociations seront ouverts aux partenaires sociaux que je respecterai, aussi bien les représentants des syndicats de salariés que les organisations professionnelles. Propos remarquablement formel ! Aucune référence aux enjeux de ces négociations : salaires, emploi, retraite, protection sociale. Une non-priorité explosive ! Je crois à la démocratie citoyenne, celle des associations et des engagements civiques qu'elles mobilisent. Les bénévoles seront soutenus pour leur dévouement pour la République. Hommage appuyé à la culture des « associations », qui est évidemment légitime par lui-même mais dont la comparaison avec la « démocratie sociale » ne laisse pas d’inquiéter. Les « mouvements sociaux » de la petite bourgeoisie sont érigés au même niveau que les partenaires socioprofessionnels. Signe du retour du compassionalisme bobo ? La confiance, elle repose sur la justice, dans les choix, la justice dans la conception même de la création de richesse. Il est temps de remettre la production avant la spéculation, l'investissement d'avenir avant la satisfaction du présent, l'emploi durable avant le profit immédiat. À part le non-sens de « la justice dans la conception même de la création de richesse », la proclamation est prometteuse. Reste à en définir le mode d’emploi ! Il est temps d'engager la transition énergétique et écologique, il est temps d'ouvrir une nouvelle frontière pour le développement technologique et pour l'innovation. Mais la justice, elle est aussi dans la répartition de l'effort indispensable. Il ne peut pas y avoir des sacrifices pour les uns, toujours plus nombreux, et des privilèges pour les autres sans cesse moins nombreux. Ce sera le sens des réformes que le gouvernement conduira, avec le souci de récompenser le travail, le mérite, l'initiative et de décourager la Là encore, tout dépendra des moyens : « récompenser le travail » suppose d’enrayer la précarité et de relancer le pouvoir d’achat. Mais rien n’est précisé sur ces points. Récompenser le mérite et l’initiative : idem, comment libérer les décideurs du poids de la finance et de la stagnation des débouchés ? Décourager la rente ? Cela suppose des mesures fortes rente et les rémunérations exorbitantes. comme casser la surévaluation de l’immobilier ou discipliner la finance La justice ce sera le seul critère sur lequel chacune Bien entendu. décision publique sera prise au nom de la République. Enfin, la confiance c'est à la jeunesse que la République doit l'accorder. Je lui rendrai la place qui doit être la sienne, la première. C'est le fondement de mon engagement pour l'école de la République, car sa mission est vitale pour la cohésion de notre pays, pour la réussite de notre économie et pour la promotion de chacun. C'est la volonté qui m'anime pour rénover la formation professionnelle, pour accompagner les jeunes vers l'emploi et lutter contre toutes les précarités. Ce sera aussi la belle idée du service civique, que j'entends relancer. Mesdames, Messieurs, en ce jour où bien des peuples, et d'abord en Europe, nous attendent et nous regardent, pour surmonter la crise, elle a besoin de solidarité, elle a besoin de croissance. À nos partenaires, je proposerai un nouveau pacte qui alliera la réduction nécessaire des dettes publiques avec l'indispensable stimulation de l'économie. L’utile création de postes dans l’Éducation Nationale ne résoudra pas à elle seule la définition d’objectifs civiques et professionnels au-delà de l’occupation de la jeunesse et de la distribution de diplômes. Quant au lien entre la formation professionnelle et l’emploi, il est mal posé. L’emploi en France n’est pas un problème de formation, mais de débouché des entreprises et en partie de répartition des coûts de la protection sociale. La formation peut permettre d’améliorer l’efficacité de la main d’œuvre, ce qui est évidemment nécessaire – mais ne résout pas le problème de l’emploi, qui, comme déjà indiqué, est le grand absent du discours. La question la plus sensible est l’occasion de la pire langue de bois. La « stimulation de la croissance » dans un système capitaliste passe toujours et partout par la création de dettes – dette des entreprises pour investir, des ménages pour se loger si tout va bien. Ces dettes mobilisent les moyens de production nécessaires à la croissance, et mettent en circulation les liquidités nécessaires pour que la production nouvelle soit achetée dans des conditions rémunératrices pour les producteurs. Si ces dettes deviennent inférieures aux flux de remboursement, l’économie entre en déflation à moins que l'État ne prenne à sa charge un flux suffisant de dette nouvelle. C’est le B-A-B-A de l’analyse macroéconomique qu’on peut supposer que F. Hollande connaît bien. Dans le contexte actuel la relance de l’endettement public est la condition nécessaire (mais non suffisante) de la reprise de la croissance. La formule présidentielle est donc un non-sens économique – mais ce comprend par des prudences diplomatiques et les craintes de soubresauts spéculatifs. Il n’en reste pas moins que sur cette question conjoncturellement cruciale, aucune véritable alternative n’est tracée. « À nos partenaires, je proposerai un nouveau pacte » La formule peut se justifier mais si elle devait être littéralement appliquée, et compte tenu de l’état présent de la politique allemande, elle n’annoncerait qu’une capitulation en rase campagne. « proposer » … ou agir ? Et leur dirai la nécessité pour notre continent de protéger dans un monde si instable non seulement ses valeurs mais ses intérêts, au nom du principe de réciprocité de nos échanges commerciaux. En matière de « réciprocité des échanges commerciaux » les intérêts européens sont divergents et on voit mal quel intérêt collectif serait assez fort en la matière pour transcender les particularismes nationaux. l’adjonction de cette formule peu contraignante marque pourtant la progression de proposition dont aurait été peu d’années auparavant stigmatisé le « protectionnisme ». La France est une nation engagée dans le monde. Par son histoire, par sa culture, par ses valeurs d'humanisme, d'universalité et de liberté, elle y occupe une place singulière. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a fait le tour du monde. Nous devons en être, et moi le premier, les dépositaires et nous situer aux côtés de toutes les forces démocratiques du monde qui se recommandent de ses principes. La France respectera tous les peuples, elle sera partout fidèle à la vocation qui est la sienne, défendre la liberté des peuples, l'honneur des opprimés, la dignité des femmes. Dans cet instant, et j'en mesure la solennité, où je suis chargé de présider la destinée de notre pays et de le représenter dans le monde, je salue mes prédécesseurs, tous ceux qui avant moi ont eu la responsabilité de conduire la République : Charles de Gaulle, qui a mis son prestige au service de la grandeur et de la souveraineté de la France; Georges Pompidou, qui fit de l'impératif industriel un enjeu national; Valéry Giscard d'Estaing, qui relança la modernisation de la société française; François Mitterrand, pour lequel j'ai une pensée toute particulière aujourd'hui même, qui fit tant pour faire avancer les libertés et le progrès social; Jacques Chirac, qui marqua son attachement aux valeurs de la République; Nicolas Sarkozy, à qui j'adresse des vœux pour la nouvelle vie qui s'ouvre devant lui. Mesdames, Messieurs, je veux servir une grande cause, le rassemblement, le redressement, le dépassement et l'espoir doivent en être le fil conducteur. Vive la République et vive la France ! »