Hyperliens

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Hyperliens
3 FEVRIER 2004
P.03.1427.N/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.03.1427.N
R. V.,
prévenu,
Me Stephan Doukhopelnikoff, avocat au barreau d’Hasselt, et Mes Thomas de
Meese et Christoph De Preter, avocats au barreau de Bruxelles.
I.
La décision attaquée
Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2003 par la cour
d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
II.
La procédure devant la Cour
Le conseiller Jean-Pierre Frère a fait rapport.
L’avocat général Marc De Swaef a conclu.
III.
Les moyens de cassation
(…)
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IV.
P.03.1427.N/2
La décision de la Cour
A. Sur les moyens
1. Premier moyen
Attendu que l'article 779, alinéa 1er, du Code judiciaire prévoit que le
jugement ne peut être rendu que par le nombre prescrit de juges qui doivent
avoir assisté à toutes les audiences de la cause, le tout, à peine de nullité ;
Attendu qu'il n'est pas requis que le juge qui a participé au délibéré et
qui est légitimement empêché au moment de la décision et remplacé ensuite de
l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, soit présent aux
audiences au cours desquelles la cause est remise à une date ultérieure en
raison du report du délibéré ;
Que le moyen manque en droit ;
2. Deuxième moyen pris dans son intégralité
Attendu que l'article 20, § 1er, de la loi du 11 mars 2003 sur certains
aspects juridiques des services de la société de l'information, prévoit qu'en cas
de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des
informations fournies par un destinataire du service, le prestataire n'est pas
responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du
service, à condition :
1° qu'il n'ait pas une connaissance effective de l'activité ou de
l'information illicite, ou, en ce qui concerne une action civile en réparation,
qu'il n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances laissant apparaître le
caractère illicite de l'activité ou de l'information ; ou
2° qu'il agisse promptement, dès le moment où il a une telle
connaissance, pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci
impossible et pour autant qu'il agisse conformément au § 3 de cette
disposition ;
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Que le § 2 de ce même article prévoit que le § 1er ne s'applique pas
lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du
prestataire ;
Attendu que l'article 18 de ladite loi décharge également, sous certaines
conditions, le prestataire de services de la responsabilité des informations
transmises en cas de fourniture d'un service de la société de l'information,
consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations
fournies par le destinataire du service, ou à fournir un accès au réseau de
communication ;
Attendu que, cependant, ces dispositions ne prévoient l'exclusion de la
responsabilité que pour chaque prestataire de services qui agit en tant
qu'intermédiaire au sens de cette loi du 11 mars 2003, dans la mesure où son
activité revêt un caractère purement technique, automatique et passif, ce qui
implique que l'intermédiaire ne connaît pas et n'exerce pas de contrôle sur
l'information qui est transmise ou stockée ;
Attendu que cette loi est entrée en vigueur le 27 mars 2003, à savoir au
cours du délibéré de la cour d'appel ; que, insérant une cause exclusive de
peine, cette loi s'applique également à des faits commis antérieurement à son
entrée en vigueur ;
Attendu que le demandeur allègue que l'activité mise à charge consiste
en l'exploitation d'un site web à partir duquel des tiers peuvent installer des
hyperliens vers d'autres sites web et que l'arrêt n'applique pas, à tort, les causes
exclusives de peine énoncées aux articles 18 et 20 de la loi susmentionnée,
dispositions qu'il y a lieu d'appliquer à l'activité incriminée en raison de l'article
2 du Code pénal ;
Attendu que les juges d'appel ont constaté « qu'en effet, la participation
du (demandeur) dans la diffusion de pornographie enfantine via internet
consistait à avoir acheté, développé et exploité économiquement un site web à
partir duquel était proposé, sous le couvert de sa responsabilité, un ensemble
d'hyperliens ayant clairement un dénominateur commun, à savoir des images
de pornographie enfantine » et que l'argument du demandeur, selon lequel
l'exploitant du site ne peut être tenu responsable « du contenu concret des sites
web auxquels renvoient les hyperliens, ne tient pas la route dès lors que son
implication ressort assurément du fait même que les hyperliens ont été réunis
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et proposés sur son site, ce dont, nonobstant ses allégations, il avait
connaissance » ;
Que, par ailleurs, ils ont décidé « qu'en effet, il ressort des propres
déclarations du prévenu à l'audience du premier juge qu'il était bien impliqué
dans la publication d'hyperliens à partir desquels de la pornographie enfantine
illégale était accessible via son site web […] » ;
Attendu qu'il ressort de ces motifs que les juges d'appel ont décidé que
l'installation d'hyperliens par des tiers sur le site web du demandeur s'effectuait
sous son contrôle et sans qu'il l'ignore ;
Attendu qu'il en résulte que le demandeur ne peut prétendre, en qualité
de prestataire de services, à la cause exclusive de peine prévue aux articles 18
et 20, § 1er, de la loi précitée ;
Qu'en tant qu'il allègue la violation de la loi du 11 mars 2001 et de
l'article 2 du Code pénal, le moyen ne peut être accueilli ;
Attendu que, pour le surplus, dans la mesure où il invoque la violation
de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000
relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information,
et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, le moyen ne
soutient pas que la loi du 11 mars 2003 contiendrait une transposition non
correcte de cette directive ;
Qu'à défaut d'intérêt, le moyen est également irrecevable ;
3. Troisième moyen
Attendu que, déduit de l'illégalité invoquée à tort par le deuxième
moyen, le moyen est, partant, irrecevable ;
4. Quatrième moyen
Attendu que, sans préjudice de l'application des articles 379 et 380 du
Code pénal, l'article 383bis, § 1er, dudit code punit quiconque aura exposé,
vendu, loué, distribué, diffusé ou remis des emblèmes, objets, films, photos,
diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou des
actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou présentant des mineurs
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ou les aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqués ou détenus,
importés ou fait importer, remis à un agent de transport ou de distribution ;
Attendu qu'il y a également lieu d'entendre par exposer ou diffuser au
sens de ladite disposition, l'installation sur un site web d'hyperliens vers des
emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui
représentent des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique,
impliquant ou présentant des mineurs d'âge ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
B. Sur l'examen d'office de la décision rendue sur l'action publique
Attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité
ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Edward Forrier, les conseillers Ghislain
Dhaeyer, Luc Huybrechts, Jean-Pierre Frère et Dirk Debruyne, et prononcé en
audience publique du trois février deux mille quatre par le président de section
Edward Forrier, en présence de l’avocat général Marc De Swaef, avec
l’assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Paul
Mathieu et transcrite avec l’assistance du greffier
délégué Véronique Kosynsky.
Le greffier délégué,
Le conseiller,

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