Mieux vaut tard que jamais …

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Mieux vaut tard que jamais …
MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS …
La BCE, la banque centrale de la Nouvelle Zélande ou celle de la Suède avec leurs coupes de taux jeudi dernier,
sans oublier la Fed qui affûte ses ciseaux pour la fin du mois.. tout le monde semble être sous l’emprise d’une
maladie plus contagieuse que le SRAS, celle de la relaxation monétaire, soucis de croissance obligent. Sauf que
dans certains cas, cette baisse des taux arrive un peu trop tard, il faisait longtemps que les marchés et l’économie
la demandaient, en vain - thanks, but no thanks, la BCE !
MERCI POUR LE GESTE , MAIS ..
Sans surprise, car le marché avait déjà « pricé » le mouvement, la BCE s’est décidée à faire ce qu’elle aurait dû
faire depuis longtemps: baisser les taux d’intérêts de 50 pb (la seule « mauvaise surprise » possible aurait été une
coupe insignifiante, de seulement 25 pb). C’est ainsi qu’on arrive en Europe à des taux au plus bas, au moins,
depuis 1948, tandis que le principal taux directeur de la BCE est à 2% - c’est la fin du statu quo qui durait depuis
décembre dernier, mais le geste (venu trop tard) ne fait que montrer comment les gens de Francfort sont lents et
peu réactifs aux besoins réels de l’économie.
Mr Duisenberg a même essayé de faire plus, c’est à dire laisser une porte ouverte aux autres baisses, disant que
la banque « n’a pas épuisé sa marge de manœuvre», si la conjoncture ne s’améliore pas (et tel n’est pas le cas) ..
alors, rêvez encore d’une autre coupe des taux, bientôt !
Bien sûr, il y a des économistes plus optimistes (ou qui veulent le rester, malgré les mauvaises habitudes de la
BCE), qui croient que le mouvement de relâche monétaire est loin d'être terminé. On a des voix des banques
anglo-saxonnes qui parlent de taux à 1,5% à la fin de l’année. On voudrait bien le croire, M Duisenberg, mais,
malgré l’actuelle régression des prix à la consommation (et baisse de l’inflation, actuellement à 1,9%), la
réputation rigoriste et surtout trop immobiliste de la BCE nous fait penser que c’est fini avec les coupes cette
année, malheureusement (ou, à la limite, juste une autre baisse, en septembre, de 25 pb, sans effet..).
Dommage, les gens de Francfort auraient pu faire beaucoup plus que cela, et surtout, beaucoup plus tôt: donner
un peu d’air frais à l’économie de la zone euro qui en avait besoin depuis longtemps. Mais ils ont tergiversé,
comme d’habitude, pour être sûrs que l’inflation n’était plus une menace, comme si la confirmation d’une
croissance nulle au T1 (et les prévisions de très faible progression au T2 et T3, 0,4% à peine) ne suffisait pas pour
les faire agir).
Et maintenant ils viennent prôner les bénéfices d’une telle opération sur les taux… Il faut surtout se rappeler que le
miracle immédiat est hors de question, vu que toute décision monétaire a surtout un impact psychologique, tandis
que l’impact réel, dû à la réduction des coûts du crédit, n’apparaîtra que beaucoup plus tard dans l’année, après 69 mois d’attente… Et justement pour jouer cet effet psycho (et aussi pour calmer les esprits) le président de la BCE
se presse de dire que, malgré une croissance molle en 2003, l'économie de la zone euro va connaître une "reprise
modérée en cours d'année prochaine" .. vivement 2004 !
UNE EUROPE A PLUSIEURS VITESSES ... ET PLUSIEURS TAUX D’INFLATION ?
Wim Duisenberg lui-même dit que cette fois il s'agit se donner «une marge de sécurité suffisante pour se prémunir
contre des risques potentiels de déflation» - pour nous convaincre du changement de vision et de psychologie
(quelle révolution de velours !) à la cour de la BCE.
On sait, la BCE reste fidèle à son objectif de stabilité des prix (hausse maximum de l’IPC de 2% par an), mais
désormais elle dit qu’il ne faut plus respecter strictement, chaque année, ce plafond, mais d’être près de lui à
moyen tere.
Parce qu’il faut tenir compte des biais éventuels dans la mesure de l'inflation dans la multitude des pays de
l’Euroland, et d’autre part, des effets que les différentiels d'inflation à l'intérieur de la Zone Euro peuvent avoir. Plus
clairement, la BCE ne va plus considérer l’Eurozone comme un espace homogène, représenté par un seule chiffre
(la moyenne) de l’inflation; on se rend compte qu’on est différent, qu’il y a des écarts d'un pays à l'autre, de quoi
respecter ces « exceptions » à la règle de la moyenne, qui n’est pas représentative (par exemple, que dire d’un
taux d’inflation allemand à 0.7% en termes annuels, par rapport à 2,6-2,8 % en Espagne, pour les mêmes bases
annuelles ?).
Voilà pourquoi la nouvelle approche de politique de la BCE: elle veut pratiquer des taux d'intérêt supportables pour
l'ensemble des pays membres, mais surtout pour chacun de ces membres, pris individuellement. On sait en fait
que l’inflation européenne évolue sur plusieurs paliers, selon les pays et leurs phases de développement
économique. On a donc des économies en rattrapage, alors leurs taux d’inflation sont plus élevés (comme c’est le
cas de l’Espagne, l’Irlande, la Grèce); ces pays ont forcément besoin d'une politique monétaire suffisamment
restrictive pour lutter contre les déviations dangereuses des prix, surtout immobiliers (à cause des taux de crédit
trop bas). En même temps, d’autres pays sont en phase post-industrielle, comme l’Allemagne, où l’excès de
production et la perte de compétitivité à l’extérieur, à cause d’un euro trop fort, font baisser les prix. C’est à ces
pays surtout, que la baisse de jeudi dernier a été destinée.
Une petite surprise allemande…
Mais oui, si quelqu’un devrait bénéficier de cette baisse des taux, ce serait l’Allemagne (ou, au moins, c’est
l’intention de la BCE de l’aider), pays victime, sans l’admettre, de la récession et de la déflation…
Pourtant, pour nous contrarier, la dernière photo du marché du travail allemand prise en mai nous montre une
image optimiste: on y compte 4 000 demandeurs d’emploi de moins par rapport à avril, alors qu’on attendait une
hausse de 40 000 personnes. Avec 4,453 millions de chômeurs, on est alors à un taux du chômage de 10,7% (le
plus haut depuis 4 ans et demi), contre 10,8% le mois précédent, selon les chiffres de l’Office du travail, corrigés
des variations saisonnières. C’est un chiffre surprenant, de même que la hausse des commandes allemandes du
secteur manufacturier en avril - de quoi étonner les analystes et apporter de l’eau au moulin du chancelier
Schröeder qui minimise les problèmes réels de l’économie allemande.
ET L’EURO ?
Salué par les gouvernements français, allemand et italien, l’assouplissement monétaire fait par la BCE se veut une
solution miracle non seulement à la croissance, mais aussi à la course sans arrêt de l’euro… Même si, dans la
foulée de la décision des taux, la devise européenne avait gagné encore du terrain face au dollar, la détente
monétaire, selon l’opinion de la BCE et la théorie monétaire, devrait avoir un effet inverse, et donc faire baisser
l’euro, à cause du différentiel des taux entre l’Europe et l’Amérique, qui est en train de se réduire.
Mais, pour le moment, on est loin de voir l’euro baisser, bien au contraire! De quoi inquiéter d’avantage les
exportateurs de l’Euroland qui ne cessent pas de perdre de leur compétitivité, dans une économie européenne en
stagnation, avec un PIB total de 8000 mlds € pour laquelle la FMI a déjà prévu une chute de l’inflation vers 1,5%
l’année prochaine. La même macroéconomie pour laquelle la BCE doit réviser à la baisse les chiffres de
croissance 2003 et 2004 (sachant que le taux prévu pour 2003, de 1%, est déjà le plus faible depuis au moins 10
ans !) et dont les exportations vont dans 20% des cas … aux USA !
Cristina VASILESCU

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