014 Edition-National
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014 Edition-National
14 Entretien Migros Magazine 1, 31 décembre 2007 «Avec le sexe, on se sent vivre!» Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la sexualité des couples au long cours! Rencontre avec le biologiste et sexologue Iv Psalti, auteur de «Migraine ou gros câlin?» Iv Psalti est docteur en sciences biomédicales et sexologue clinicien. Entretien Migros Magazine 1, 31 décembre 2007 A vec son empathie et sa bonhomie, sa barbe poivre et sel et son regard doux, rieur et pénétrant, le sexologue Iv Psalti ressemble à un gros ours que l’on aurait envie de serrer dans ses bras avant de s’endormir. C’est sans doute pour cela et pour son côté gentiment provocateur aussi que les femmes et les hommes qu’il reçoit dans son cabinet bruxellois se confient si volontiers à lui… Dans son livre Migraine ou gros câlin? – Quête ou reconquête de la sexualité dans les couples qui durent, paru récemment aux Editions Anne Carrière, ce Belge d’adoption analyse la dynamique érotique de huit couples au long cours, huit couples appartenant à trois catégories sexuelles différentes: les sexophiles qui aiment la chose, les sexophobes qui l’exècrent et les intermittents du sexe qui naviguent entre les deux. But de cet exercice: guider lectrices et lecteurs sur les chemins qui mènent à la félicité sexuelle et au bonheur conjugal. Car, pour cet hédoniste: «Sans le sexe, on peut très bien vivre, mais avec le sexe, on se sent vivre!» Rencontre dans le salon cossu d’un grand hôtel genevois. Des couples qui durent et qui sont heureux sexuellement, vous en avez rencontré beaucoup? C’est une question méchante! (Rires) Oui, j’en ai rencontré, mais pas beaucoup. Il faut les chercher pour les trouver. Parce que ce n’est pas évident d’arriver à une entente sexuelle dans un couple. Ce sont des gens qui en veulent, qui se sont dit à un moment donné: «On va vivre longtemps ensemble, alors autant qu’on passe du bon temps, qu’on s’entende bien et qu’on ait une vie de couple enrichissante.» Il faut travailler cette relation et ça demande beaucoup d’efforts. Ces gens, dans leur grande majorité, n’ont pas attendu que ça leur tombe dessus, que cela vienne naturellement simplement parce qu’ils s’aimaient. 15 En général, pour tous les autres, une fois la passion des débuts retombée, la routine s’installe et la libido chute… Ça, c’est malheureusement un constat universel valable pour tout le monde, pour tous les pays et pour toutes les couches sociales. Outre la routine, quels sont les autres ennemis du désir amoureux? Ce que j’entends souvent, c’est «on n’a pas le temps!» L’autre jour, j’ai eu un patient en consultation qui souffrait d’un manque de «Pour avoir une vie de couple saine, chacun doit avoir son petit jardin secret.» désir sexuel. Son excuse: «Je n’ai pas le temps, vraiment pas le temps!» Je lui fais décrire ses journées, heure par heure. Il travaille comme tout le monde. Le soir, il va prendre un verre avec des potes avant de rentrer à la maison pour manger. Et puis, trois fois par semaine, il va faire du fitness. En fait, cet homme-là a du temps. Alors, soit il ne sait pas le gérer, soit il ne veut pas s’investir dans sa vie de couple. Là, vous évoquez l’exemple d’un couple qui manque d’intimité. Mais trop d’intimité peut aussi nuire à la libido! Je crois que pour avoir une vie de couple saine, chacun doit avoir son petit jardin secret, chacun doit avoir des moments à lui, des activités à lui. C’est ça qui est enrichissant! C’est une question de distance? Oui, il s’agit de trouver la bonne distance… Ne pas être trop éloignés l’un de l’autre ni être trop fusionnels. 16 Entretien Migros Magazine 1, 31 décembre 2007 Iv Psalti: «Entretenir la flamme n’est pas une tâche harassante mais demande beaucoup de travail.» Difficile également de s’entendre au lit quand on ne vit pas sur la même planète sexuelle. Au départ, on est différent, c’est vrai! L’homme va être plus attiré vers la sexualité et la femme vers la relation amoureuse. Elle attend le prince charmant? Oui. Et l’homme, lui, qu’est-ce qu’il attend? Une Monica Bellucci aux formes généreuses, toujours prête à satisfaire ses désirs? Dans leur grande majorité, les hommes ne cherchent pas une Monica Bellucci, mais une femme qui s’accepte telle qu’elle est, qui se trouve belle et désirable, qui lui fasse l’amour. Francesco Alberoni (n.d.l.r.: sociologue italien, spécialiste des questions amoureuses et auteur notamment de Le choc amoureux et de L’érotisme) le dit aussi: «Si l’homme n’était pas sûr d’avoir des relations sexuelles, il ne se marierait pas.» Comme bien des femmes l’affirment, l’homme ne penserait donc qu’à ça! Il pense à ça, mais il cherche aussi – et ça, c’est un message que j’ai beaucoup de peine à faire passer auprès des femmes – de la tendresse et de l’amour. Un macho, que je connaissais bien et que l’on surnommait le «grand baiseur», m’a dit un jour entre quatre yeux: «Baiser, c’est important. Mais je crois qu’il y a encore quelque chose de plus important, c’est l’amour! Tu ne peux pas savoir ce qui me manque le plus – il était seul à ce mo- «Dans leur grande majorité, les hommes cherchent une femme qui s’accepte telle qu’elle est.» ment-là –, c’est de prendre quelqu’un que j’aime dans les bras et de le serrer contre moi.» Je crois que le plus grand besoin des hommes et des femmes, c’est d’aimer et d’être aimé. Idéalement, pour que l’homme et la femme atteignent la félicité sexuelle, il faudrait que lui devienne plus aimant et elle plus amante, c’est ça? C’est ça! L’homme devra plus investir dans la relation amoureuse et la femme dans la sexualité. Et comme ça, ils vont se retrouver. En fait, les deux doivent faire tout un apprentissage pour mieux connaître leur fonctionnement mutuel. De quels autres outils les couples en panne de désir ont-ils besoin pour faire redémarrer leur libido? Premièrement, ils doivent vouloir cette libido et donc être prêts à faire l’effort qu’il faut pour que ça marche mieux. Deuxièmement, ils doivent avoir envie d’apprendre, de découvrir. Et troisièmement, ils doivent faire tout ce cheminement, toute cette démarche ensemble. Ça, c’est pour la théorie, mais il faut pratiquer aussi. Evidemment qu’il faut pratiquer! (Rires) Il faut sortir de la routine, être curieux, mettre un peu de piment et de fantaisie dans la relation. En fait, entretenir la flamme, c’est du boulot! Ce n’est pas une tâche harassante, mais c’est beaucoup de travail. Pour que ça marche, il faut agir et donc arrêter de penser que tout va s’arranger naturellement. Le manque n’attiserait donc pas le désir? On nous a malheureusement mis dans la tête que le manque créait le désir. C’est certes valable pour beaucoup de choses, mais sûrement pas pour la sexualité. Les sexophiles sont d’ailleurs unanimes à ce sujet: plus la durée d’abstinence est longue et moins on a envie. Quand on a arrêté cinq ou six jours, c’est très difficile de recommencer le septième jour. On est comme des bébés, comme des adolescents, on ne sait plus comment s’y prendre… On commence à réfléchir et on perd sa spontanéité. Faut-il alors aller jusqu’à faire l’amour même quand on n’en a pas envie? J’étais récemment dans une émission avec Brigitte Lahaie (n.d.l.r.: animatrice radio sur RMC et ancienne actrice porno) et il y a un auditeur qui a appelé pour dire que sa femme veut faire l’amour, mais que lui est incapable de satisfaire à sa demande. Je m’apprêtais à Entretien Migros Magazine 1, 31 décembre 2007 17 Le scientifique bruxellois estime que les asexuels n’aiment pas la sexualité et se cherchent des excuses. répondre quand Brigitte Lahaie m’a fait signe de me taire. Vous savez ce qu’elle lui a dit? Non. Elle lui a dit: «Monsieur, je vous oblige à faire l’amour au moins deux fois par semaine!» Si moi, en tant que sexologue homme, je conseille à une femme de faire l’amour au moins deux fois par semaine, on me tue! Estce qu’il faut se forcer? Oui, il faut se forcer, mais pas pendant longtemps. Il faut que l’autre ait du répondant, que la relation s’améliore… Sinon ça n’ira pas. Mais ça vaut la peine de persévérer, car, d’après votre expérience, la sexualité est comme le bon vin: elle se bonifie avec les années. Exactement. Beaucoup de personnes semblent pourtant mener une vie heureuse sans sexe… Il y a d’ailleurs aujourd’hui de plus en plus d’asexuels qui font leur coming out! Plein de gens vivent heureux sans sexe. Le problème, dans les couples, c’est quand il y en Bio express Iv Psalti a dédié son ouvrage à ses parents «pour leur sexualité origine de ma vie». Né en 1955 à Istanbul dans une famille levantine, il a émigré en Belgique pour suivre son cursus universitaire et décrocher le titre de docteur en sciences biomédicales. Durant ses vingt années de pratique à la tête d’un laboratoire de fécondation in vitro, ce biologiste a pénétré dans l’intimité de plus de deux mille couples et découvert ainsi avec stupéfaction que l’infertilité de beaucoup de ses patients était due à une absence de… relations sexuelles! Dans les années 90, ce scientifique, qui est marié et père de deux enfants, décide de reprendre des études pour devenir sexologue clinicien. «Migraine ou gros câlin» est son premier livre. a un qui a du désir et l’autre pas. Et ça, c’est la majorité des cas auxquels le sexologue est confronté. Pour revenir aux couples de sexophobes, ils vivent comme des frères et des sœurs et ça ne pose de problème à personne. Ce mouvement, qui prône l’abstinence, n’a-t-il pas vu le jour en réaction contre la tyrannie de l’orgasme obligatoire? On prétend que si le mouvement asexuel a pris tellement d’ampleur, c’est à cause de cette soi-disant tyrannie de l’orgasme. Avant, quand tout était tu, quand il n’y avait pas de tyrannie de l’orgasme, tout le monde faisaitil l’amour? Non, évidemment. Les asexuels, les sexophobes n’aiment pas la sexualité et ils se cherchent des excuses. Finalement, l’entente sexuelle est-elle vraiment indispensable au bien-être du couple, au bonheur conjugal? Introduire la sexualité dans un couple, ce n’est pas une solution s’il y a de la frustration. Dans ce cas-là, il vaut mieux s’abstenir. Mais quand il y a une véritable entente au lit, ça facilite beaucoup les choses! Mon impression, c’est que ces couples-là arrivent à mieux gérer les conflits, marchent mieux et sont donc plus heureux que les autres. Propos recueillis par Alain Portner Photos Thierry Parel Publicité VOTRE COMPAGNIE 080 0 80 0 897 D’ÉLECTRICITÉ NE VOUS FÉLICITERA PAS. Infos Informez-vous: www.swisshaus.ch gratuites: HELIOS CHF 379 500.–, clé en main, sous-sol inclu