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Témoignages Elles ont consulté un sexologue P Que se passe-t-il dans le cabinet des sexologues ? Comment se déroulent les séances ? Et surtout quel bénéfice peut‑on en tirer ? Enquête et témoignages. ascale, mariée, deux enfants, n’a plus envie de faire l’amour avec son mari. « Je n’aurais jamais cru que je consulterais un jour une sexologue. J’entretenais le préjugé que les sexologues étaient réservés à des gens bizarres avec des difficultés bizarres. » Pascal de Sutter et Valérie Doyen, sexologues, racontent son cheminement dans leur premier roman sexoinformatif dédié à la baisse de désir1. « Notre livre raconte une sexothérapie vue de l’intérieur, explique Pascal de Sutter. Ce que ressent notre héroïne est inspiré de témoignages de vraies patientes. À la fin de chaque chapitre, des conseils, des exercices et des pistes de solutions sont proposés aux lectrices, comme on le ferait en consultation. L’idée était aussi de rompre avec certaines croyances : non, il ne faut pas se déshabiller chez le sexologue, non, les réponses apportées ne sont pas uniquement d’ordre médical et non, vous ne passerez pas les séances allongé sur un divan à parler de votre enfance ! » Les « généralistes » du sexe © catherine macbride/getty images. par Fabienne Broucaret Si un certain flou règne encore, c’est d’abord parce que la sexologie est une discipline assez récente. La Société française de sexologie clinique a été fondée il y a tout juste quarante ans et la validité du diplôme inter universitaire de sexologie et santé publique n’a été reconnue par l’Ordre des médecins qu’en… 1996 ! Sans oublier que la profession de sexologue, qui n’est pas réglementée, est divisée encore aujourd’hui en deux groupes : les médecins (généralistes, psychiatres, gynécologues, etc.) et les non-médecins (psychologues, sages-femmes…). Les consultations ont lieu en cabinet ou à l’hôpital, seul ou en couple. « Nous sommes un peu les généralistes du sexe, résume le Dr Manon Bestaux, présidente du Syndicat national des sexologues cliniciens. Nous nous occupons de tous les problèmes inhérents à la sexualité et pas seulement au rapport sexuel. » Troubles du désir, anorgasmie, éjaculation précoce, douleurs au moment de la pénétration, mésentente sexuelle, peur des conséquences de la ménopause… Les motifs de consultation sont variés et évoluent dans le temps. « De plus en plus d’hommes viennent pour une baisse de désir et, plus largement, pour des raisons relationnelles, commente Ghislaine Paris, médecin sexologue et auteure d’Un désir si fragile : les secrets du désir au féminin2. C’était impensable il y a vingt ans. À l’inverse, les femmes ont des demandes plus concrètes. Il n’est plus rare que des quadragénaires consultent car elles n’ont jamais eu d’orgasme et veulent connaître le plaisir. Elles s’excusent presque et me demandent souvent si ce n’est pas trop tard. Bien évidemment non, ça ne l’est pas ! » Des exercices pour débloquer les corps Les séances peuvent prendre autant de formes qu’il y a de sexologues et de patients. « La connaissance de soi et de son corps est une des clés, insiste Manon Bestaux, auteure du Petit guide du plaisir sexuel féminin3. Pour l’évaluer, schémas à l’appui, il est souvent utile de parler des organes concernés, notamment du clitoris. Dans le couple, il est indispensable de rétablir, voire d’établir, une communication sur le sujet encore tabou du plaisir sexuel. » Si l’écoute et le dialogue occupent une place prépondérante, les mots suffisent rarement, à eux seuls, à débloquer les corps. Le sexologue peut recommander certains films ou livres. Il faut généralement en passer aussi par des exercices pratiques, des « devoirs à faire à la maison », sous forme de jeux érotiques. Mais la démarche de consulter un sexologue n’a toujours rien d’évident. « Exposer son intimité et ses souffrances reste difficile, admet Ghislaine Paris. Il y a de la pudeur, mais aussi de la honte. Beaucoup de personnes ont peur du ridicule ou craignent d’être jugées. Le premier rendez-vous est une vraie étape à franchir. Il arrive très souvent qu’il soit annulé ou reporté. On me pose aussi énormément de questions au téléphone pour savoir comment les consultations vont se passer ». Rien d’étonnant à cela. À part quelques éventuelles confidences d’ami(e)s, quelques lectures, on ne sait rien finalement rien, ou si peu, de ce qui va se passer dans le cabinet du spécialiste. Quatre femmes nous racontent… X 1. Désir, roman sexo-informatif (éd. Odile Jacob). 2. Aux éditions Quotidien Malin. 3. à commander sur le site editionsparticulieres-sprl.com septembre-octobre 2014 - www.mariefrance.fr - 445 Témoignages à l’aise sur le sujet, même si je prétendais le contraire devant mes amies, ça fait du bien. Mon regard sur la sexualité a changé. J’en parle plus librement, notamment à mes enfants. J’ai compris que ce n’est pas quelque chose de honteux, ça fait partie de la vie, tout simplement. » « Son premier conseil ? Il va falloir s’entraîner ! » Alice, 44 ans, mariée, trois enfants. « J’ai consulté une sexologue – je voulais absolument une femme – quand j’avais 23 ans car je n’aimais pas du tout la pénétration. Je trouvais ça désagréable. Comme tout le monde avait l’air d’adorer ça, j’estimais que c’était profondément injuste : moi aussi j’avais droit au plaisir ! Je lui ai expliqué que tout allait bien dans ma vie sexuelle, sauf ça. Elle a d’abord eu des mots apaisants en balayant toute idée de norme. Elle m’a rassurée en me disant, par exemple, que, non, toutes les femmes ne jouissaient pas pendant la pénétration. Cela m’a décomplexée. Je me souviens aussi de son premier conseil : il va falloir s’entraîner ! Elle m’a recommandé d’utiliser un godemichet et m’a expliqué comment m’en servir, au pic de l’excitation, quand je me masturbais. Comme les sextoys n’étaient pas aussi répandus qu’aujourd’hui, elle m’a proposé de l’acheter pour moi. Ce que j’ai volontiers accepté (déjà que j’étais venue un peu rougissante dans son cabinet !). L’idée était de m’entraîner seule, et donc sans pression, jusqu’à ce que cela devienne naturel. Et ça a marché ! » « Mon regard sur la sexualité a changé » Comment trouver un sexologue ? X Les médecins généralistes et les gynécologues peuvent vous recommander un spécialiste. Autre piste de confiance : les annuaires proposés par les sites de l’Association interdisciplinaire post universitaire de sexologie (aius.fr), du Syndicat national des médecins sexologues (snms.org) et du Syndicat national des sexologues cliniciens (snsc.fr). Enfin, sachez que l’obtention du diplôme interuniversitaire de sexologie (DIU) est un gage de sérieux. 446 - www.mariefrance.fr - septembre-octobre 2014 « Je n’ai jamais été très satisfaite de ma vie sexuelle. J’en étais consciente mais je reléguais “ça” au second plan en m’investissant à fond dans ma vie professionnelle et dans la maternité. Et puis, à force d’entendre le discours de mes copines qui trouvaient ça génial, de lire des articles où les nanas étaient au bord de l’évanouissement en ayant un orgasme, je me suis dit que j’avais un problème. J’en ai discuté avec mon mari, mais son écoute a été toute relative. J’ai donc décidé, il y a un peu plus de six mois, de consulter une sexologue pour savoir si j’étais normale ou pas. Elle m’a d’abord fait réfléchir sur ce que j’entendais par « normale » pour déconstruire mes idées reçues et me détacher de tout diktat. Elle m’a ensuite montré des schémas du vagin et du clitoris © izabela habur/getty images. Nathalie, 45 ans, mariée, deux enfants. pour que je connaisse mieux mon corps et que je me le réapproprie. C’était très technique, mais très utile ! À chaque séance, on fait le point sur ce que j’ai ressenti pendant les exercices pratiques que je fais chez moi. En me masturbant et en utilisant un vibromasseur, j’ai appris à écouter mes sensations et à savoir quelles zones de mon corps activer pour me faire plaisir. Ce n’est pas encore l’extase totale, mais je progresse ! Ce que j’aime dans les consultations, c’est la légèreté avec laquelle on parle de sexe. On rit beaucoup ! Pour quelqu’un comme moi qui n’étais pas « Parler m’a décoincée » Élodie, 28 ans, célibataire. « Après de nombreux examens et traitements médicaux qui n’ont rien donné, mon médecin de famille m’a diagnostiqué une sécheresse vaginale d’origine psychologique et m’a conseillé de consulter un sexologue. Je n’avais plus de rapports sexuels avec mon compagnon depuis plusieurs mois tellement la douleur était importante au moment de la pénétration. Cela a fait énormément de mal à notre couple, mais aussi à mon estime personnelle. La sexologue, que j’ai d’abord vue avec mon ami, puis seule, m’a expliqué que je souffrais de vaginisme secondaire*. Au fil des séances, nous avons beaucoup échangé sur le plaisir, le désir, l’orgasme… Je n’avais jamais osé aborder ces sujets aussi ouvertement, la sexualité restait tabou pour moi. En parler m’a « décoincée » ! J’ai aussi pris du recul. J’ai compris qu’il fallait que je sois davantage dans le jeu et moins dans la réflexion. Pour cela, elle m’a donné des exercices à faire chez moi, comme me servir de sextoys, et des conseils pratiques. J’utilise désormais un gel pour hydrater mon vagin tous les jours et un lubrifiant pendant les rapports sexuels, ce que je ne faisais pas auparavant. Mon couple n’a pas résisté car tout ne s’est pas réglé en quelques jours, il a fallu du temps. Je me mettais une pression trop importante, je me sens plus détendue aujourd’hui. Et j’ai surtout davantage confiance en moi. » * Douleurs au moment de la pénétration après une période prolongée de relations sexuelles sans problème. « J’étais davantage mère que femme » Corinne, 41 ans, mariée, un enfant. « Cela faisait deux ans que je n’avais plus de rapports sexuels avec mon mari. Je n’avais plus de désir, plus envie de faire l’amour. Lui s’en plaignait, moi je faisais comme si de rien n’était. J’étais la reine de l’évitement. Jusqu’au jour où je me suis demandé si j’étais normale. Je me suis posé beaucoup de questions sur ma vie sexuelle qui était réduite à néant. J’ai décidé de consulter un sexologue, mais je ne voulais pas aller dans un cabinet, avant tout par souci d’anonymat. J’ai donc consulté via le site « Ma santé sexuelle »*. Au fil des séances, j’ai pris conscience que ce n’était pas moi ou mon mari le souci. Nous nous sommes laissés enfermer par le quotidien… J’ai aussi réalisé que je me voyais davantage comme une mère que comme une femme. Après une longue période d’abstinence, je n’osais plus rien faire. Consulter un sexologue m’a redonné confiance et m’a aidée à franchir ce cap. » * masantesexuelle.com : plus de 30 sexologues, diplômés à un niveau universitaire, consultent par vidéoconférence. septembre-octobre 2014 - www.mariefrance.fr - 447