Une histoire du mouvement syndical en Nouvelle
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Une histoire du mouvement syndical en Nouvelle
Une histoire du mouvement syndical en Nouvelle-Calédonie Préface Bien que connaissant le dynamisme des militants de l’Usoenc, j’étais loin, comme la plupart des Français de Métropole et, je le crains, de la majorité des Calédoniens, d’imaginer la richesse de l’action syndicale et des acquis sociaux obtenus sur cette terre du bout du monde. Le premier mérite du livre d’Henri Israël tient justement à cette découverte. Il existe un parallélisme et de nombreuses différences entre les histoires syndicales en France métropolitaine et en Nouvelle-Calédonie. Il y a d’abord, juste après la guerre de 1940 – 1945, l’hégémonie d’un mouvement syndical puissant de culture marxiste même si, à Nouméa, cette orientation était plutôt du fait de ses dirigeants qu’une option clairement affichée. Ensuite, c’est l’émergence d’un syndicalisme plus pragmatique même si, à ses débuts, il est encore très marqué par des valeurs de lutte des classes et se revendique du socialisme démocratique. Parallélisme encore, lorsqu’en 1965 le Soenc prend la place du Syndicat autonome à la SLN et qu’en novembre1964 la CFDT décide, à son congrès d’Issy-lesMoulineaux, en présence de Roland Caron, militant calédonien, de rompre avec « la morale sociale de l’Eglise » pour créer une syndicalisme laïc qui revendique bientôt la planification démocratique, puis le socialisme. Usoenc et CFDT, l’une et l’autre, prennent, dans les années quatre-vingt, une orientation qui valorise la négociation et les résultats concrets plutôt que l’attente d’un changement politique : le Grand soir et ses petits matins blêmes. Il était donc naturel qu’en 1985, nous soyons amenés à signer, l’Usoenc et la CFDT, un partenariat qui respecte l’autonomie de chacun en s’enrichissant de nos différences et de nos spécificités. Communes aussi nos relations à la politique. Avec évidemment des différences importantes dues à nos cultures, à nos réalités sociales et politiques. En NouvelleCalédonie, les politiques n’apprécient guère plus qu’en France métropolitaine, l’existence de syndicats auto-émancipés. Au fond, l’Union Calédonienne et le Syndicat autonome jouaient dans les deux sens le jeu aujourd’hui dépassé des courroies de transmission. Le parti pour s’implanter dans le monde ouvrier, le syndicat pour faire passer ses revendications à l’Assemblée Territoriale. Et, peut-être suis-je un peu rapide, mais lorsque l’UC n’a plus voulu travailler avec les Autonomes, qu’a-t-elle fait ? Elle a encouragé la création du Soenc. Nous avons connu, nous aussi, des situations analogues lorsque la CGT était organiquement liée au parti communiste, relayait les positions du parti dans le syndicat. Le parti se considérant alors comme l’avant-garde du prolétariat. Les socialistes, surtout après 1981, ront réagi avec une culture similaire. Ils ne comprenaient pas que la CFDT refusait d’être le bras armé du parti en milieu ouvrier. Le Soenc et l’Usoenc, comme d’ailleurs la CFDT, ont su s’émanciper de cette culture syndicalo-politique et on le voit clairement dans le livre de Henri Israël, ce ne fut ni sans difficultés ni sans heurts. Notre syndicalisme, Usoenc et CFDT, cherche aujourd’hui, par le dialogue social, la confrontation entre deux logiques légitimes, celle des employeurs et celle des salariés, à obtenir des résultats tangibles dans l’intérêt des salariés. A cet instant, je veux souligner que la grève est l’un des moyens, pas le seul, de construire un rapport de force. En Nouvelle-Calédonie, faute d’un interlocuteur patronal capable de négocier, les syndicats et les travailleurs ont connu des grèves dont la longueur et la dureté évoque plus le XIXème siècle que la deuxième moitié du XXème. Dès les années cinquante, puis en 1971, en 1978, et encore en 1990, la SLN a connu des conflits qui étaient longs, très longs. Comment peut-on imaginer cette impossibilité de dialoguer pendant un mois voire plus ! Je veux aussi, dans cette préface rendre hommage aux syndicats, à tous les syndicats de ce Territoire qui ont, par leurs actions, permis des avancées considérables. Comment ne pas saluer les luttes des années cinquante sur la parité des salaires ! Accepterions-nous de nos jours qu’un Européen soit payé le double d’un Kanak parce qu’il est Kanak, d’un Vietnamien ou d’un Javanais parce qu’il est Vietnamien ou Javanais ? On peut dire la même chose à propos des allocations familiales qui étaient, au début, versées uniquement aux travailleurs européens ! De la parité des salaires à l’instauration d’un régime de retraite, le Syndicat autonome a fait un travail que l’histoire devait reconnaître. J’ai la même approche sur la poursuite de l’action en faveur des Calédoniens, de tous les Calédoniens, entreprise par le Soenc puis l’Usoenc, avec la Cafat, votre système de protection sociale, les mutuelles, la création des comités d’entreprise sans parler du combat permanent contre la hausse des prix pour maintenir et améliorer le pouvoir d’achat des plus défavorisés. J’aimerais mentionner particulièrement le Fonds social de l’habitat, l’exemple même d’une action syndicale telle que nous l’appelons de nos voeux. Un conflit qui aurait pu s’enliser et qui a abouti grâce à la décision des partenaires sociaux de créer un fonds, abondé par des cotisations, dans le but de construire des logements sociaux. Le FSH existe toujours. Il est reconnu et légitimement apprécié grâce à l’action des syndicats. Que serait la Nouvelle-Calédonie sans son syndicalisme, des premiers syndicats d’avant-guerre aux revendications d’aujourd’hui ? Vous avez écrit une page essentielle de l’histoire des hommes au travail. C’est d’abord cela que ce livre, premier du genre, relate. Le livre d’Henri Israël est un peu notre manière à nous, CFDT, d’apporter notre pierre à l’histoire sociale et syndicale de la Nouvelle-Calédonie. A ce propos, je voudrais lancer, bien modestement, un appel aux chercheurs, aux historiens, à l’université de Nouméa. Il n’est pas une université en sciences sociales en Métropole qui ne possède son département d’histoire du mouvement ouvrier. J’ai cru comprendre que ce laboratoire d’histoire sociale manquait en Nouvelle-Calédonie. Si ce premier travail pouvait susciter l’envie de jeunes historiens, de jeunes chercheurs calédoniens, pour aller plus loin, pour découvrir d’autres aspects de cette histoire qui constitue le socle de cet « avenir commun » dont on parle tant depuis les accords de Nouméa, il faudra remercier Didier Guénant-Jeanson et Henri Israël pour leur engagement. Ils auront alors vraiment fait œuvre utile. François Chérèque Secrétaire général de la CFDT