Le grand bazar de l`ouverture des commerces le dimanche
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Le grand bazar de l`ouverture des commerces le dimanche
Le grand bazar de l’ouverture des commerces le dimanche LE MONDE ECONOMIE | 12.02.2016 à 11h37 | Par Cécile Prudhomme Les Français devront attendre encore un peu pour être certains de ne pas trouver porte close lorsqu’ils auront décidé de faire leurs courses le dimanche ou en soirée. Certes, la loi Macron, promulguée en août 2015, autorise les commerces situés dans des périmètres prédéfinis de certaines villes – appelés zones touristiques internationales (ZTI) –, à ouvrir tous les dimanches et le soir jusqu’à minuit. L’arrêté officialisant le travail dominical dans douze grandes gares a par ailleurs été publié, jeudi 11 février, au Journal officiel. Mais dans tous les cas, cette possibilité doit préalablement passer, pour les entreprises de plus de onze salariés, par une validation syndicale sur les compensations salariales. Et, en la matière, les négociations des enseignes avec leurs syndicats avancent pour le moins doucement. Aux Galeries Lafayette, elles s’ouvrent vendredi 12 février… « et dureront plusieurs semaines », explique-t-on dans le groupe, où l’on précise avoir attendu que les discussions au niveau de la branche soient terminées. Car depuis juin 2015, la filière commerce avait engagé des pourparlers avec les syndicats pour parvenir à un accord national. Plus homogène, il se serait appliqué à toutes les enseignes. Mais le dialogue a tourné court fin 2015, les syndicats ayant refusé de signer. La CGT et FO, majoritaires, restent hostiles au travail dominical, et la CFDT réclame l’extension de l’accord aux salariés employés directement par les marques dans les grands magasins. Certaines enseignes, plus pressées que d’autres de pouvoir bénéficier des nouvelles dispositions législatives, étaient toutefois parvenues à un accord au sein de leur entreprise : Darty, mioctobre 2015, Inditex en France (Zara, Bershka, Massimo Dutti, Oysho, Pull & Bear, Stradivarius), fin décembre, Etam et Nature & Découvertes. D’autres se sont heurtées au refus de leurs organisations syndicales, comme la Fnac, qui avait proposé de payer triple douze dimanches par an et double les quarante autres. La CGT, SUD et FO ont décidé de mettre leur veto fin janvier au texte, fruit des négociations engagées depuis octobre 2015, qui venait pourtant d’être signé par la CFTC, la CFDT et la CFE-CGC. Nouvelles dispositions Le paysage commercial d’ouverture dominicale apparaît désormais tout à fait illisible pour le grand public. L’exemple de la filière des bijoutiers l’illustre parfaitement. L’Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles (UFBJOP), la fédération des grands joailliers (Baccarat, Boucheron, Cartier…), vient de signer définitivement un accord compensatoire avec les syndicats de la filière, le 15 janvier. Mais pour les réseaux de distribution et les chaînes de bijouterie (comme Histoire d’Or, Marc Orian…) qui, eux, dépendent de l’Union de la bijouterie-horlogerie rassemblant 850 entreprises et 2 700 points de vente, les négociations sont plus difficiles. En clair, les boutiques de la place Vendôme à Paris, qui sont à la fois fabricants et commerçants, pourront ouvrir le dimanche et rémunérer le personnel détaché qui officie pour leur compte dans les grands magasins, mais les réseaux de magasins, en centre commercial, ne le pourront pas. « Les syndicats ont surtout été sensibles au fait que les bénéfices de cet accord s’étendront à l’ensemble des fabricants et ateliers français, car les grandes maisons font fabriquer en France », raconte Bernadette Pinet-Cuoq, présidente déléguée de l’UFBJOP, qui représente 220 enseignes et fabricants. Le gouvernement, qui ne s’attendait vraisemblablement pas à une mise en œuvre de la loi aussi complexe, paraît décidé à prendre de nouvelles dispositions pour débloquer nationalement la situation. Il envisage d’introduire une mesure dans sa réforme du Code du travail – dont le projet de loi doit être présenté en conseil des ministres du 9 mars –, qui permettrait de simplifier le dispositif en instaurant des référendums pour valider les accords d’entreprise où il existe un début de consensus. Sur cette question, François Hollande a d’ailleurs déclaré, lors de son intervention du 11 février : « On fera aussi le référendum pour faciliter un certain nombre d’évolutions. » Classement surprise Aujourd’hui, pour qu’un accord soit validé, il faut que les syndicats représentant au moins 30 % des suffrages exprimés le signent. Puis s’instaure ensuite un délai d’opposition, où la signature de l’accord peut être invalidée si plus de 50 % des suffrages s’y opposent. L’idée du gouvernement serait ainsi que des syndicats représentant entre 30 % et 50 % des salariés auraient la possibilité de déclencher un référendum d’entreprise pour que les salariés valident l’accord, supprimant de facto le délai d’opposition. Ce serait l’avènement du « principe majoritaire », avait déclaré la ministre du travail, Myriam El Khomri, sur France Inter le 26 janvier. Une proposition envers laquelle la CFDT ne semble pas hostile. « Reste à savoir si le gouvernement ira jusqu’au bout », souligne Claude Boulle, le président exécutif de l’Union du commerce de centreville (UCV), ajoutant que la lenteur du processus de fabrication des lois fait que, dans le meilleur des cas, la mise en application de nouvelles règles ne se fera pas avant décembre 2016 ou janvier 2017. Toutes les enseignes ne se montrent toutefois pas aussi pressées d’ouvrir leurs portes le dimanche. La fédération du commerce spécialisé Procos a mis en place un numéro spécial pour répondre aux interrogations de ses adhérents. « Les seules questions que nous avons eues des commerçants portent sur “comment peut-on échapper aux ouvertures dominicales ?”, et notamment y déroger dans les centres commerciaux. Car dans certains baux commerciaux, ils ont l’obligation d’ouvrir si le centre est ouvert », rapporte Pascal Madry, directeur de Procos. Des questions qui vont se multiplier avec le classement surprise en ZTI de centres commerciaux. Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var, Polygone Riviera à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) et Val d’Europe à Serris (Seine-et-Marne) ont désormais l’autorisation légale d’ouvrir le dimanche et en soirée grâce à des arrêtés parus dimanche 7 février au Journal officiel, en même temps que la définition des périmètres des zones qui étaient prévus à Nice, Cannes (Alpes-Maritimes) et Deauville (Calvados). Cécile Prudhomme