Pourquoi ont-ils tué Laurent
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Pourquoi ont-ils tué Laurent
Pourquoi ont-ils tué Laurent-Désiré Kabila ? Du m.êm.e auteur o Le méga-énonciateur. Pour une analyse sémio-pragmatique du discours de la presse, Bruxelles: Academia Bruylant, 2002. Emmanuel M.A. NASH I POURQUOI ONT-ILS TUÉ Laurent-Désiré KAS ILA ? L'Harmattan Points de vue Collection dirigée par Denis Pryen Déjà parus A-J. MBEM et D. FLAUX, Vers une société eurafricaine, 2006. Charles DEBBASCH, La succession d'Eyadema, le perroquet de Kara, 2006. Azarias Ruberwa MANYW A, Notre vision de la République Démocratique du Congo, 2006. Philémon NGUELE AMOUGOU, Afrique, lève-toi et marche I, 2006. Yitzhak KOULA, Pétrole et violences au Congo-Brazzaville, 2006. Jean-Louis TSHIMBALANGA, L'impératif d'une culture démocratique en République Démocratique du Congo, 2006. Maligui SOUMAH, Guinée: la démocratie sans le peule, 2006. Fodjo Kadjo ABO, Pour un véritable réflexe patriotique en Afrique, 2005. Anicet-Maxime DJEHOURY, Marcoussis: les raisons d'un échec. Recommandations pour une médiation, 2005. FODZO Léon, L'exclusion sociale au Cameroun, 2004. J.C. DJEREKE, Fallait-il prendre les armes en Côte d'Ivoire ?, 2003. ST ALON Jean-Luc, Construire une démocratie consensuelle au Rwanda, 2002. EMONGO Lomomba, Le devoir de libération. Esclave, libèretoi toi-même. ÉBOUA Samuel, D'Ahidjo à Biya Le changement au Cameroun. KUOH Manga, Cameroun un nouveau départ. KISSANGOU Ignace, Une Afrique, un espoir. BEMBET Christian Gilbert, Congo: impostures "souveraines" et crimes "démocratiques ». EMONGO Lomomba, L'esclavage moderne. Le droit de lutter. BABU-ZALE, Le Congo de Lissouba. NKAINFON PEFURA Samuel, Le Cameroun du multipartisme au multipartisme. « Un siècle après Berlin, le Congo est donc encore et toujours au coeur de toutes les convoitises. Ses dirigeants d'hier et d'aujourd'hui et peut-être ceux de demain, peu importe qu'ils s'appellent Kabila, Mobutu ou Lumumba, se trouvent toujours confrontés face à des appétits du dehors. La durée de leur mandat est inversement proportionnelle à leur capacité d'honorer ce principe» (Isidore Ndaywell è Nziem) http://www.1ibrairieharmattan.com [email protected] harmattan 1@\vanadoo.fr @ L'Harmattan, 2007 ISBN: 978-2-296-02352-9 EAN : 9782296023529 Prologue Mardi 16 janvier 2001, Kinshasa, RDC. Le Président Laurent-Désiré Kabila (LDK) est victime d'un attentat dans lequel il perd la vie. Plusieurs versions aussi vraisemblables les unes que les autres sont avancées par les spécialistes concernant ce crime et ses commanditaires: Kabila aurait été victime de sa garde rapprochée ou des services plus organisés, tantôt de l'Ouganda ou du Rwanda, tantôt de l'Occident1. En réalité, il est évident que plusieurs plans simultanés étaient montés depuis des mois en vue d'éliminer Kabila2. Mais, secret d'Etat, comme le meurtre de Patrice Lumumba, cette disparition pourrait demeurer un mystère pendant quelques décennies, et on risque de ne pas savoir, avant longtemps, lequel de ces complots précisément aura emporté LDK. Comme la plupart de ses pairs africains, le président congolais est mort sans avoir rédigé ses mémoires. Comme son prédécesseur Mobutu, Kabila a emporté ses secrets d'Etat avec lui dans la tombe. Il n'a pas laissé à ses compatriotes le témoignage écrit de son expérience du 1 On se rappellera que Kampala et Bruxelles s'empressèrent d'annoncer le décès du président Kabila, au moment où le gouvernement congolais luimême le donnait pour «blessé», sans doute dans le but de gagner du temps pour organiser la succession et prévenir le chaos. 2La thèse des complots multiples est défendue, entre autres, par deux journaux spécialisés sur l'Afrique centrale. Le premier, belge, écrit: «L'assassinat du président, que tous présentaient comme un "obstacle au dialogue", un "verrou à la libéralisation", a été l'aboutissement d'un complot savamment orchestré, aux ramifications multiples menant en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis» (Braeckman C., « La mort de Kabila reste un secret d'Etat», Le Soir, Bruxelles, 16 janvier 2002). Le second quotidien, français, rapporte: «Un an après, la version officielle de l'assassinat n'es2t guère éclairante. Seule certitude: plusieurs complots étaient ourdis (. ..) La thèse des complots multiples, insiste-t-il, que corrobore notre enquête sur une conspiration mêlant intérêts mafieux et caciques mobutistes...» (Ayad C., «Qui a tué Kabila? Toujours le mystère », Libération, Paris, 18 janvier 2002). pouvoir, de ses ambitions pour le Congo, de ses relations avec les puissances occidentales. De tout ce qui est paru à ce jour en français sur ce sujet, l'ouvrage de Ludo Martensl constitue sans doute l'un des plus renseignés, en termes quantitatifs. Mais, les orientations idéologiques qui ont inspiré et guidé la rédaction de ce livre en altèrent sensiblement la qualité. J'ai à mon tour été tenté d'écrire un livre sur Kabila, personnalité controversée s'il en fut, tant je voulais comprendre les raisons qui ont poussé les dirigeants occidentaux à se réjouir2 de sa disparition rapide. Cet homme, tous l'avaient pourtant célébré comme le sauveur du processus démocratique arrêté par le régime de Mobutu. Ce, en dépit du fait que l'avènement de Laurent Désiré Kabila remettait justement en question les acquis de ladite démocratisation inaugurée par la Conférence nationale souveraine de 1991-1992. Mais, pendant que je préparais cet ouvrage, un événement est survenu qui m'a convaincu d'abandonner ce projet. En réunissant ma documentation, j'entrai en possession d'un enregistrement vidéo de la rencontre que feu le président Kabila avait eue au Gabon, un mois après la seconde invasion du Congo d'août 1998, avec la communauté congolaise de Libreville. Je visionnai et re-visionnai cette cassette, et me rendis compte que je tenais là un document historique. D'abord, à cause du contexte de l'événement: alors qu'il se rendait à un rendez-vous politique avec ses IMartens L., Kabila et la révolution congolaise. Panafricanisme ou néocolonialisme ?, EPO, Bruxelles, 2002. 2 Des responsables politiques occidentaux, parmi ceux qui avaient salué la mise à l'écart de Mobutu par Kabila en mai 1997, ont caché difficilement leur hostilité envers celui-ci, y compris lors de son assassinat. Exemples: « La mort de Kabila n'est pas surprenante. C'était un homme néfaste pour son pays. Il l'est devenu beaucoup plus rapidement que Mobutu. Il fut finalement pire que Mobutu... » (Mark Eyskens, ancien Premier ministre belge, dans La Libre Belgique,Bruxelles, 18 janvier 2001); « Kabila ? C'est Mobutu II ! C'est un des personnages les plus sinistres de toute l'Afrique» (Hervé de Charette, ancien ministre français des Affaires étrangères, cité dans La Libre Belgique, Bruxelles, 29-30 août 1998). 8 homologues du continent africain, Kabila avait prévu de rencontrer ses compatriotes de la diaspora, mais il prit le soin de se faire accompagner de la crème des artistes musiciens congolais. Cela donnait un air de famille à la rencontre. A travers cet échange avec des représentants des Congolais de l'intérieur et de l'extérieur, le président s'adressait, en quelque sorte, et comme il le dira d'ailleurs lui-même, à tous ses compatriotes. On savait que depuis sa «guerre de libération », il devait des explications aux Congolais. Inédit, ensuite, parce qu'en fait d'échange, les participants auront eu droit plutôt à une «confession intime », comme si Kabila sentait un besoin impérieux de se décharger d'un poids qu'il avait de plus en plus de mal à porter seul. C'est donc à cœur ouvert, en un langage excluant la langue de bois classique, que l'ancien président s'adressa à son auditoire. Rarement discours de chef d'Etat en exercice aura été aussi franc (je ne dis pas sincère) ! Discours franc lorsqu'il explique les raisons de la seconde guerre que l'Ouganda et le Rwanda, ses anciens maîtres, ont déclenché en août 1998 contre la RDC, par «rébellion» du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) interposée; franc encore lorsqu'il raconte la genèse du mouvement insurrectionnel (AFDL) qui le porta lui-même au pouvoir en mai 1997 ; franc lorsqu'il révèle les raisons de sa rupture avec les présidents Museveni et Kagame; franc enfin quand il cite les puissances occidentales qui avaient juré sa perte et qui sont en fait les véritables commanditaires des deux guerres du Congo1. Ce document est encore inédit parce que dans cet entretien, non seulement Kabila parle du rêve qu'il 1 Comme Mayoyo Bitumba Tipo- Tipo et bien d'autres, je défens la thèse d'une «guerre par double procuration»: les mouvements dits rebelles comme le RCD-Goma et le MLC sous-traitent la guerre pour le compte des gouvernements du Rwanda et de l'Ouganda, qui eux-mêmes la soustraitent au bénéfice de gouvernements occidentaux. http://kikwitonline.com/ kikwitwe b .nsf / article / KivuE pee Damocles Tran sition. 9 entretenait pour le Congo, mais aussi parce que, pour la première fois, un responsable politique du Tiers-monde lève le voile sur la nature réelle des rapports que les chefs d'Etat africains entretiennent avec les dirigeants occidentaux et les organismes internationaux. C'est dire si ce témoignage pourra instruire également d'autres peuples d'Afrique et d'ailleurs. Il est inédit, enfin, au vu des thèses développées lors de cet entretien. Ce sont pratiquement celles que, de manière récurrente, l'ex-président congolais a défendues dans plusieurs de ses discours, quasiment avec les mêmes termes. Tant devant les instances internationales (Conseil de sécurité de l'ONU, sommets africains), que lors de rendezvous importants avec ses compatriotes (communauté congolaise de Bruxelles, autorités civiles coutumières et militaires de Bukavu, ex-FAZ, population de Kinshasa, etc.), LDK avait cet unique message à la bouche: Il n'y a pas de guerre civile ni de rébellion. Le Congo est agressé par le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda, qui ont le soutien de la communauté internationale, Etats-Unis en tête. Ceux-ci ont entrepris de renverser mon gouvernement parce que je refuse qu'ils décident à ma place avec quelles multinationales il faut signer les contrats miniers, qui doit faire partie de mon gouvernement, quand et comment il faut organiser les élections. Pour la première fois depuis 1960, des élections libres et démocratiques seront organisées au Congo dans ce pays, et il est capital qu'elles soient financées par nous-mêmes, etc. ». On comprend dès lors le choix du titre de la première partie de cet opuscule: le testament politique de Kabila. Plutôt qu'un énième travail d'« expert» sur le personnage, l'évidence s'est imposée à moi de le laisser parler, pour raison d'authenticité essentiellement. Certes, l'ex-président congolais occulte, autant qu'il le peut, ses propres responsabilités dans les deux guerres. Qui s'offusquera de n'avoir pas affaire à un exercice d'auto flagellation? 10 Voilà pourquoi, à mes yeux, une restitution sans commentaire de ce discours pour le moins séducteur de Kabila, aurait ressemblé à un exercice de propagande. C'est par ailleurs le sentiment que l'on éprouve à la lecture du récit rapporté par le journal Le Palmarès de Kinshasal, qui s' est contenté de reproduire cet entretien. J'avoue, pour ma part, qu' ayant été parmi les premiers et rares Congolais à fustiger la démarche militariste de l'accession de Kabila au pouvoir par les armes, je fais cependant ici œuvre de scientifique, adoptant une posture distanciée par rapport aux positions défendues dans le cadre de mes activités associatives, aidé en cela par une certaine « déformation du métier» . En 1996, j'étais, en effet, président de l'asbl SIMA-KIVU2 lorsqu'éclata la première guerre d'agression de l'ex-Zaïre. Grâce au travail de cette organisation, et aux contacts entretenus avec la société civile du Kivu, en particulier avec Mgr Christophe Munzihirwa, l'archevêque de Bukavu lâchement assassiné par des militaires rwandais le 29 octobre 1996, je me suis forgé deux convictions concernant les guerres successives du Congo - Zaïre. D'abord, celle-ci: toutes ces guerres sont téléguidées par les Etats-Unis d' Amérique, qui se servent de l'Ouganda, du Burundi et du Rwanda comme bras armé. Ensuite, celle-ci: Laurent Désiré Kabila lui-même ne fut qu'un Congolais de service, recruté pour servir de masque à cette entreprise d'agression dont l'objectif était et demeure la balkanisation du Congo. Au départ, mon envie de comprendre était aiguisée par une question lancinante toute simple: comment Kabila, recrue américaine3 tout comme le dictateur Mobutu 1MukengeA., « Kabila raconte comment les Rwandais avaient préparé son assassinat », dans Le Palmarès, Kinshasa, n° 1343, 28 sept. 1998. 2 Soutien aux initiatives des mouvements actifs au Kivu, association de droit belge, fondée en 1993, regroupant les ressortissants et amis du Kivu en Belgique. 3 Nous disposions d'informations assez précises quant au rôle de l'attaché militaire américain et du numéro deux de l'ambassade américaine à Kigali dans le recrutement de Kabila. Voir détails à ce sujet dans Reyntjens F.,La 11 qu'il venait renverser, pouvait-il représenter une opportunité de changement démocratique au Zaïre, alors qu'il remettait en cause un fondement de base que la Conférence nationale souveraine avait bétonné dans la constitutionl, à savoir que personne ne pouvait plus s'emparer du pouvoir par les armes et la violence? J'avoue que c'est Honoré N gbanda, l'ancien conseiller spécial en matière de sécurité de feu le président Mobutu, qui a apporté la réponse la plus satisfaisante à mon questionnement. Il rapporte dans son dernier ouvrage2 une discussion fort révélatrice qu'il eut en 1997 avec Dan Simpson, l'ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa, au moment où les troupes de l'AFDL « dirigées» par LaurentDésiré Kabila, s'apprêtaient à donner l'assaut final sur Kinshasa. Le conseiller spécial posa donc au diplomate américain une question qu'avait dû se poser à l'époque toute personne qui connaissait le passé «terroriste» de Kabila. Dans les années 1965, en effet, le maquisard Kabila avait pris en otage des citoyens américains et exigé une rançon pour la libération, ce qui lui valut d'être indexé par la CIA. Je cite l'échange entre N' gbanda et Simpson: - Comment pouvez-vous aujourd'hui vous acoquiner avec celui que vos services qualifiaient encore hier de « bandit» et d' « escroc» pour combattre Mobutu? On dirait que vous avez brûlé vos archives à Washington! ». - Qui vous a dit que Kabila est devenu notre ami ? Pour l'instant, nous avons besoin de lui. Mais, nous lui réglerons son compte3 quand nous en aurons fini avec lui. Pour guerre des grands lacs. Alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique centrale, L'Harmattan, Paris, 1999, pp. 75-89, ou encore Braeckman C., L'enjeu congolais, Fayard, Paris, 1999, p. 47. 1 «Tout Zaïrois a le droit et le devoir sacrés de défendre la Nation et son intégrité territoriale et de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force... » (Acte constitutionnel de la Transition, article 37, n° spécial du Journal officiel de la République du Zaïre, avril 1994). 2 Ngbanda Nzambo H., Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux nvandais et occidentaux, Duboiris, Paris, 2004, p. 212. 3 C'est moi qui souligne. 12 l'instant, c'est lui l'homme qu'il nous faut! Nous savons qu'il n' a pas le profil pour diriger ce pays! . Ayant acquis quelques certitudes sur les prétextes et les enjeux réels des invasions de 1996 et de 1998, je devais ici y référer opportunément en vue d'éclairer les propos de Laurent Désiré Kabila par ses autres discours et son action politique, ainsi que par mes propres analysesl. C'est le sens à accorder aux commentaires en note de bas de page, que j' ai voulus très limités afin d'orienter le moins possible mon lecteur. C'est également le souci du lecteur qui m'a poussé à réécrire certains passages, tant certaines tournures ou expressions propres à la culture congolaise pourraient dérouter le francophone ordinaire. On voudra bien noter que j'ai toutefois respecté le style parlé du discours. Je livre ma propre analyse de cet assassinat et des leçons à en tirer pour la République démocratique du Congo dans la seconde partie de l'ouvrage intitulée: La seconde mort de Laurent-Désiré Kabila. 1 Je renvoie en particulier à mes écrits suivants (voir bibliographie) : - «La nouvelle diplomatie belge: Tout ça ne nous arrachera pas le Congo» , - «Le Congo des Kabila : des concessions aux compromissions », - « Médias et diplomatie: la guerre du Congo dans le journal», - «Perdre Kabila pour ne pas perdre le Congo? », - M.A. Nashi E. & Braspenning T., «La République démocratique du Congo entre les pressions externes et internes », in Géopolitique africaine, n° 3, Paris, 2001 (http:j jwww.african-geopolitics.orgjholne_french.htm). 13 Première partie: Le testaInent politique de Laurent-Désiré Kabila Dimanche 7 mars 1999, aéroport de Harare. Grâce au détecteur de métal, la police de douane zimbabwéenne vient d'appréhender trois Américains en provenance de la République démocratique du Congo, qui se présentent comme des missionnaires de l'Eglise pentecôtiste « Harvest Fields Ministries ». Mais, très rapidement, les enquêtes menées au Zimbabwe et au Congo permettent de mettre en lumière les faits ciaprès1 : Les suspects s'appellent Joseph Pettijohn, Jona Dixon et Gary Blanchard. On découvre qu'il s'agit en réalité de militaires chevronnés, disposant d'une grande quantité d'armes sophistiquées. On révèle aussi qu'ils sont en liaison avec un fonctionnaire américain et quatre fonctionnaires britanniques arrêtés à Kinshasa le 9 mars, accusés d'espionnage et placés en résidence surveillée, avant d'être expulsés quelques jours plus tard, après l'intervention des postes diplomatiques américains et britanniques. Le ministre congolais de l'Intérieur de l'époque, Gaëtan Kakudji, déclarera: «cette expulsion est directement liée à l'arrestation, ce week-end, de trois Américains à Harare ». Leurs réseaux s'étendent au Zimbabwe et au Congo; ils avaient loué des caches d'armes à Harare, ainsi qu'à Lubumbashi où ils s'étaient installés vers le mois de mars 1997, juste avant l'arrivée du président Kabila dans cette ville. 1 Sur ces événements, C., « 1999. voir Martens L., op. cit., pp. 535-539 ; et Braeckman Congo: une guerre, plusieurs visages», Le Soir, Bruxelles, 15 mars La vérification des aveux a permis aux officiers du renseignement du Zimbabwe de découvrir que les trois « missionnaires» étaient liés au gouvernement américain. Leur mission était de déstabiliser le Congo et le Zimbabwe. Ils portaient sur eux un plan du State House, la résidence du président Robert Mugabe, dont le renversement, suscité par son engagement aux côtés de Kabila, était évoqué depuis le mois de novembre. Mais, plus précisément, note le journal zimbabwéen The Herald du 15 mars 1999, «les trois ont admis que leur but était d'assassiner Kabila... ». Ils l'ont raté cette fois-là! Mais, qui se souvient encore de cette révélation parue dans un quotidien belge spécialisé dans les questions congolaises une année après l'attentat contre Laurent Désiré Kabila : «Depuis Kinshasa on a noté qu'au lendemain de l'assassinat, le colonel Sandursky, attaché militaire à l'ambassade des Etats-Unis, dont la carte de visite se trouvait dans la poche de Rachidi1, fut ramené en voiture diplomatique blindée jusqu'au pied de l'avion qui l'évacua d'urgence... »2 ? 1 Rachidi Kasereka Minzele est le nom du jeune garde du corps de Laurent Désiré Kabila qui aurait tiré sur lui plusieurs coups à bout portant, avant d'être lui-même abattu par le chef d'état-major du Président, Eddy Kapend. 2 Braeckman C., « Congo: la mort de Kabila reste un secret d'Etat», Le Soir, Bruxelles, 16 janvier 2002. 18 Ce qu'ils voulaient, c'est le Congo [Le délégué de la communauté congolaise de Libreville] : L'occasion nous est donnée ici aujourd'hui d'entendre de la bouche de notre président la genèse du conflit et tout ce qui se fait autour de ce problème. [Laurent Désiré Kabila] : Je suis content. Vous êtes certainement les représentants de beaucoup de Congolais qui vivent ici au Gabon, que j'aurais bien voulu voir, avec lesquels j'aurais bien voulu partager l'analyse de la situation de notre pays. Mais, parce que vous êtes un groupe représentatif, je ne saurai pas répondre exactement à la demande de votre représentant: la genèse de la situation. Ce serait très, très long. Contentonsnous de faire le point de la situation. Qu'est-ce qui se passe dans votre pays? Vous le savez tous. Quelles sont les motivations de nos agresseurs, on les a expliquées à plusieurs reprises et de différentes manières. D'autres ont des versions selon lesquelles les Rwandais ne voulaient pas de Kabila, ni les Ougandais, naturellement. Pourquoi ne voulaient-ils pas de Kabila ? Parce que Kabila n'était pas manipulable. Mais, ce qu'ils voulaient, c'est le Congo, ce n'est pas du tout Kabila. Moi, ils me prennent pour un obstacle. Tout était marchandage politique Nous étions en alliance avec le Rwanda, cette alliance était une alliance d'intérêts, tout le monde le sait. Nous l'avons clamé tout haut. Nous devions passer par le Rwanda pour détrôner le régime de chez nous qui n'était plus populaire, un régime qui a apporté beaucoup de misère. Cela aussi, tout le monde le sait1. Nous nous sommes réconciliés d'ailleurs avec tout ce monde-là, à commencer par Mobutu lui-même (rires). Mais, son régime était un régime qui a plongé dans une irresponsabilité illimitée, chose que Mobutu lui-même a reconnue, lorsque nous nous sommes retrouvés sur le bateau2. Il ne faisait que s'étonner. Il (croyait qu'il) était dieu. Moi je lui disais: - Tu n'es qu'un homme, tu as plongé ton pays dans la misère... . Cela dit, notre révolution est une révolution de pardon. L'objectif principal de notre alliance avec les Rwandais c'était de libérer notre pays. Car, aucun pays limitrophe n'a jamais supporté une entreprise révolutionnaire qui visait le changement politique dans notre pays. Donc, nous étions laissés à nous-mêmes. Un peu comme les hutus d'aujourd'hui, les hutus du Burundi et du Rwanda. ID'entrée de jeu, Kabila tient à magnifier son rôle dans la chute de Mobutu en prétendant qu'il agit dans le cadre d'une alliance d'intérêts. Or, c'est désormais un secret de polichinelle que sur recommandation du président tanzanien Nyerere, il fut recruté par le Rwandais Kagame et l'Ougandais Museveni. Ce dernier a expliqué pourquoi Kabila représentait l'homme idéal pour eux: Zaïrois, du Katanga, non Tutsi, opposé à Mobutu depuis 30 ans, parlant swahili. Museveni a déclaré: « j'ai accepté de le présenter à Kagame. Pourquoi? Parce que le Rwanda avait de sérieux problèmes avec Mobutu» (Tiré de Canal +/ Capa Production/PIani Presse, L'Afrique en n10rceaux : la tragédie des Grands-Lacs, documentaire, 2001). 2 Il s'agit du « S.A.P. Outenika », le navire sud-africain qui servit de cadre à la rencontre Mobutu-Kabila, noire (Congo-Brazzaville). le 4 mai 1997, aux larges du port de Pointe20