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L’Encéphale (2009) Supplément 1, S20–S23 j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e m - c o n s u l t e . c o m / p r o d u i t / e n c e p Éducation et prévention des rechutes M. Maurel Marseille MOTS CLÉS Schizophrénie ; Rechutes ; Psychoéducation ; Observance thérapeutique KEYWORDS Schizophrenia ; Educational programmes Résumé L’existence, et surtout la répétition des rechutes conditionnent le pronostic clinique et fonctionnel des personnes atteintes de schizophrénie. La multiplication et la durée cumulée des hospitalisations qui en résultent sont associées à une détérioration des différentes habiletés susceptibles de permettre aux patients de s’insérer de façon satisfaisante dans leur environnement socio-professionnel et familial. La mauvaise observance du traitement médicamenteux est la première cause de ces rechutes. Le rapport de l’OMS établi en 2003 sur les maladies chroniques, souligne que l’amélioration de l’observance est plus susceptible aujourd’hui que les progrès pharmacologiques de permettre aux patients atteint de maladies chroniques d’améliorer leur état de santé. De nombreux programmes psychoéducatifs ont fait la preuve de leur efficacité dans cette perspective. L’un d’entre eux est le programme d’autogestion du traitement médicamenteux dans la schizophrénie et les résultats préliminaires d’une étude réalisée dans le service sont encourageants. La positivité de ces résultats ne permet cependant pas de déterminer quels éléments sont les plus pertinents pour rendre compte de cette efficacité tant les cibles de ce programme sont nombreuses. L’ensemble des publications met en exergue le contenu informatif des programmes et la modification de la relation thérapeutique qui en résulte. En effet, ce type d’approche permet une relation plus collaborative corrélée à une meilleure alliance thérapeutique, elle-même facteur majeur d’observance. Ainsi, la mise en place de programmes éducatifs centrés sur la maladie, et l’observance de son traitement apparaît de plus en plus nécessaire et la généralisation de ces pratiques indispensable. Abstract The clinical and functional prognosis of people suffering from schizophrenia is influenced by the presence and particularly recurrence of relapses. Multiple hospitalisations and the cumulative hospitalisation time resulting from these are associated with deterioration in different functions liable to enable patients to become inserted satisfactorily into their social, occupational and family environment. Poor adherence to drug treatment is the leading cause of these relapses. The 2003 WHO report on chronic diseases highlights the fact that improved adherence is presently more likely than pharmacological advances to enable patients suffering from chronic diseases to improve their state of health. Numerous psychoeducational programmes have been proven to be effective in this context. One of these is the schizophrenia drug treatment self-management programme and the preliminary results of a study conducted in the service are encouraging. These positive results however do not enable us to determine the most relevant factors to explain this effectiveness as the programme has multiple targets. All publications emphasize the informative content of the programmes and the resultant change in the therapeutic relationship. This type of approach allows a more collaborative relationship, which correlates with improved therapeutic alliance, itself a major factor in adherence. Establishing disease-based educational programmes and adherence to its treatment appear to be increasingly necessary and generalisation of these practices to be essential. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] ConÁits d’intérêts : none. © L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés. Éducation et prévention des rechutes Introduction La prévention des rechutes au cours des pathologies chroniques, en particulier dans les troubles schizophréniques fait partie intégrante du traitement de la maladie ellemême. Leur existence et leur récurrence conditionnent le pronostic clinique et fonctionnel des patients [6, 10]. La majorité des travaux dans ce domaine sont fondés sur une approche comportementale et cognitive. Le traitement d’une personne atteinte de schizophrénie peut ainsi être schématiquement résumé en trois étapes. Des objectifs à court terme Sur le plan clinique, l’essentiel est ici d’obtenir la disparition, ou tout au moins la meilleure régression possible des symptômes. Cet objectif, dans le cadre d’une démarche comportementaliste n’est pas cependant suffisant. En effet, dès que l’état clinique du patient le permet, les bases des étapes suivantes et les ressources qui seront nécessaires sont mises en place : information diagnostique et information sur le traitement médicamenteux. Des objectifs à moyen terme Il s’agit ici principalement sur le plan clinique d’obtenir un maintien de la réponse au traitement et de favoriser son observance. Là encore, les ressources nécessaires au terme suivant sont recensées et vont commencer à être mises en place. Des objectifs à long terme Ces objectifs sont plus fonctionnels que strictement cliniques et sont centrés sur l’amélioration de la qualité de vie des patients et leur insertion dans la communauté tant sur le plan familial que professionnel. L’idéal est d’obtenir ainsi une véritable guérison, lorsqu’elle est possible. Cette modélisation très schématique s’envisage comme une véritable construction où chaque étape est une base dont la solidité conditionne l’atteinte des objectifs suivants. Programmes psychoéducatifs Historiquement, cette approche est fondée sur le modèle des compétences adaptatives d’Anthony et Liberman, qui est directement issu du modèle plus général de vulnérabilité de Zubin et Spring [1, 12]. Ces modèles actuellement généralisés, postulent que l’émergence de symptômes ou que le résultat de la réhabilitation est sous la dépendance de l’interaction de trois facteurs : des facteurs de vulnérabilité endogène, des facteurs environnementaux dits « stresseurs » et des facteurs protecteurs. Ainsi, l’amélioration des facteurs protecteurs comme le traitement médicamenteux ou l’amélioration de la capacité des patients à faire face aux événements de vie stressants sont la cible des programmes psychoéducatifs. Les programmes psychoéducatifs destinés aux personnes atteintes de schizophrénie sont centrés principalement sur le moyen et le long terme. S21 Les programmes pionniers élaborés par RP Liberman et al. sont ainsi composés d’un ensemble de modules dont le nombre, la succession, et le rythme sont adaptés individuellement selon les besoins propres du patient [2]. Ces modules sont variés et concernent par exemple l’apprentissage de la gestion du traitement, le repérage des symptômes de rechute, la gestion des symptômes résiduels, l’amélioration des habiletés sociales, ou encore la recherche et le maintien d’un emploi. Certains sont également destinés aux personnes ressources, familles ou aidants afin de permettre la réattribution de certains comportements à la maladie et non à la personne atteinte de schizophrénie. Il est ainsi possible de proposer à l’entourage des stratégies pertinentes pour faire face aux difficultés rencontrées. Les auteurs élargissent encore leur projet en proposant pour les patients qui le nécessitent des programmes de soutien social continu, mais la question devient ici moins médicale que politique. Quel que soit le thème abordé, les techniques utilisées lors de l’apprentissage sont identiques. Elles sont destinées à favoriser la motivation des patients et la mémorisation des informations. Ainsi, des techniques élémentaires telles que le renforcement positif, la reformulation, la répétition, la vérification de la compréhension, sont utilisées lors de taches plus complexes que sont les jeux de rôles et les techniques de résolution de problèmes. L’efficacité de certains de ces programmes a été largement démontrée dans la littérature [3, 8, 11, 13]. Éducation au traitement médicamenteux Le premier outil nécessaire au psychiatre tout autant qu’au patient, dans la schizophrénie, est le traitement médicamenteux. Le traitement antipsychotique est indispensable à la prévention des rechutes, même s’il n’est pas toujours suffisant. Il est établi que les rechutes sont principalement dues à un défaut d’observance du traitement [10]. Hamilton et al. définissent l’observance comme un problème complexe qui représente la contribution d’un sujet à la gestion de sa propre maladie [5]. Cette définition rend bien compte que l’observance ne se résume pas à la prise d’un médicament, mais s’étend plus largement à tout ce qui sera prescrit. À titre d’exemple, on peut citer l’observance des rendez-vous de consultation, des mesures hygiéno-diététiques éventuelles, ou encore de l’application de stratégies prédéfinies lors de l’apparition de symptômes de rechute. Cette observance est ainsi le facteur principal qui conditionne le pronostic clinique et fonctionnel des patients atteints de schizophrénie. De nombreux auteurs ont démontré que la détérioration du fonctionnement social, de la qualité de vie et de l’autonomie est d’autant plus marquée que le nombre de rechutes et la durée d’hospitalisation augmentent [7, 9]. Dans certains pays européens, il est aujourd’hui obligatoire de fournir au patient des informations précises sur son diagnostic et son traitement. Un outil intéressant, le « Medication Management Module » a été élaboré par RP Liberman. L’objectif de ce S22 programme psychoéducatif est de promouvoir l’autonomie des patients dans la gestion de leur traitement antipsychotique. Ce module qui est centré sur le traitement médicamenteux et son observance, combine un contenu informatif sur le traitement et des techniques d’entraînement à la communication [2]. L’ensemble du programme est structuré en quatre domaines de compétences, eux-mêmes organisés en sept étapes successives où le patient a un rôle de plus en plus actif et une autonomie croissante. Les quatre domaines de compétence sont les suivants : • Obtenir de l’information sur les traitements. • Connaître les principes d’une auto administration Àable. • Connaître les effets secondaires des médicaments. • Savoir discuter des problèmes de traitement avec les professionnels de santé, et en particulier négocier son traitement avec son psychiatre. Le programme permet en particulier d’apprendre aux patients à ajuster leur traitement devant des signes évocateurs de rechute, apprentissage guidé par le psychiatre traitant. Il apparaît ainsi que doivent être explicitement évoqués la maladie elle-même, ses symptômes, les facteurs susceptibles de provoquer leur récidive ou leur aggravation, ainsi que les signes précoces évocateurs de rechute. Résultats Ce module a été évalué dans une étude prospective contrôlée dont les résultats sont actuellement soumis pour publication. Quatre-vingt-un patients ont été inclus et répartis aléatoirement en deux groupes, l’un a bénéÀcié du programme psychoéducatif, l’autre d’une thérapie contrôle pendant la même durée. Trois quarts des patients environ présentaient une schizophrénie en accord avec les critères du DSM IV, les autres avaient un diagnostic de Trouble Schizoaffectif. Le choix a été fait d’exclure toute mesure directe d’observance, au bénéÀce de ses conséquences cliniques. Nous avons considéré que chaque réhospitalisation témoignait d’une rechute, ce qui est une position classique dans la littérature, bien que toutes les réhospitalisations ne soient pas liées à des rechutes mais à des motifs autres, en particulier sociaux. Les paramètres principaux d’observation étaient les caractéristiques des hospitalisations : durée, mode, et nombre de recours aux urgences hospitalières. Les paramètres secondaires étaient principalement constitués d’évaluations de la sévérité de la psychopathologie et de la qualité de vie. Ces évaluations étaient conduites par des psychologues aveugles à l’attribution de groupe. AÀn d’augmenter la puissance de l’essai, et de contrôler l’effet de l’usage croissant d’antipsychotiques atypiques, les paramètres d’hospitalisation ont également été recensés pour les deux années précédant l’entrée dans le programme de recherche. Les paramètres de surveillance étaient statistiquement comparables dans les deux groupes à l’inclusion. M. Maurel Les principaux résultats sont positifs et concordants, ils témoignent d’une amélioration nette et signiÀcative en faveur du groupe ayant bénéÀcié d’une psychoéducation. Cette amélioration a été mise en évidence sur les paramètres d’hospitalisation pour l’évaluation rétrospective. Elle est également présente sur les données prospectives comparant les deux groupes en ce qui concerne les caractéristiques d’hospitalisation : moins de journées d’hospitalisation, moins d’hospitalisations contraintes et moins de recours aux urgences. Les paramètres cliniques et fonctionnels sont également meilleurs dans le groupe ayant bénéÀcié d’une psychoéducation. Les instruments utilisés pour évaluer l’aspect clinique et fonctionnel étaient représentés d’une part par le Positif and Negative Sypmtom Scale (PANSS) et la Glogal Clinical Impression (CGI), d’autre part par l’échelle de qualité de vie de Carpenter et l’axe V du DSM IV, le Global Assesment of Functionning (GAF). Le nombre de traitements psychotropes prescrit a également été recensé, il est peu important dans l’ensemble de l’effectif, et signiÀcativement plus faible dans le groupe ayant bénéÀcié d’une psychoéducation (une à deux spécialités versus deux à trois pour les patients contrôles, en moyenne). Ces résultats sont globalement conformes à ceux retrouvés dans la littérature. Il faut signaler cependant d’une part, qu’aucune étude ne s’est intéressée jusqu’à présent à l’évolution de l’ensemble de ces paramètres, d’autre part les patients qui ont participé à l’étude sont plus jeunes que ceux habituellement recrutés puisque la moyenne d’âge est d’environ 32 ans, ce qui correspond à des patients dont la maladie est dans une phase plus active, alors que la moyenne d’âge dans la majorité des autres études est supérieure. La positivité des résultats sur une période de deux ans nous a conduite à prolonger l’observation sur deux années supplémentaires, ces données sont en cours de traitement. Discussion Ces résultats positifs soulèvent de nombreuses questions, en particulier celle du vecteur d’efÀcacité. Les points d’impact d’une telle approche sont multiples, et il est en l’état actuel seulement possible de les recenser, sans que l’on puisse attribuer à l’un ou à l’autre l’essentiel de l’efÀcacité du programme, d’autant que les effets de leur combinaison sont peu connus. Les caractéristiques principales susceptibles de rendre compte des résultats sont résumées ci-dessous. • Le contenu informatif du programme : il permet au patient d’acquérir des notions techniques sur le traitement, de connaître le rôle de chaque médicament, de rectiÀer certaines idées fausses. Ainsi par exemple, les explications données sur la conduite à tenir en cas d’oubli d’une prise, ou de l’association du traitement avec l’alcool, sont utiles. Elles permettent aux patients de ne pas interrompre le traitement lorsque l’oubli d’une prise n’a pas de conséquences cliniques, ou lorsqu’à l’occasion d’un repas il y a eu une prise d’alcool modérée. Éducation et prévention des rechutes L’association de la prise du traitement avec un comportement préexistant, tel que le coucher est également un renforçateur positif puissant. • Les modalités d’apprentissage sont également à prendre en compte. La pratique récurrente de jeux de rôles et des habiletés de communication font partie des compétences sociales de base et sont classiquement associées à un bénéÀce clinique et fonctionnel. La technique de résolution de problème peut aussi être une réponse aux troubles des fonctions exécutives et de la planiÀcation de l’action présents chez ces patients. • La modiÀcation de la relation thérapeutique joue probablement un rôle essentiel. Le travail psychoéducatif implique une plus grande coopération du patient et une relation plus collaborative. Ces caractéristiques sont associées dans la littérature à une meilleure alliance thérapeutique, elle-même facteur déterminant d’une observance satisfaisante. • D’autres éléments peuvent également être évoqués, tels que la simpliÀcation du traitement. Les patients ayant bénéÀcié du groupe psychoéducatif prennent moins de spécialités médicamenteuses, et il a été démontré que la multiplication des traitements et du nombre de prises est un facteur de mauvaise observance. • La dynamique du groupe psychoéducatif est à prendre en compte puisqu’elle impliquait également des techniques comportementales centrées sur l’augmentation de la motivation. Conclusion La majorité des programmes psychoéducatifs évalués par des études contrôlées ont fait la preuve d’une efÀcacité dans la schizophrénie. Cette efÀcacité s’observe régulièrement sur les durées d’hospitalisation, elle est moins souvent recherchée sur le plan des paramètres cliniques. Les premiers à bénéÀcier de ces améliorations, en terme d’autonomie et de qualité de vie sont les personnes atteintes de schizophrénie ; il serait réducteur de ne pas considérer d’autres avantages. Les familles et les proches sont aussi directement concernés. Au-delà encore, il a été démontré que ce type d’approche permet de limiter signiÀcativement les coûts de santé [4]. EnÀn, si ces pratiques sont en voie de généralisation, elles restent encore trop marginales au regard de l’abondante littérature qui les soutient. L’une des raisons S23 est probablement la difÀculté rencontrée dans la mise en place de programmes comparables à celui qui a été ici évalué, nécessitant des thérapeutes formés à des techniques comportementales spéciÀques et disposant d’une bonne connaissance des caractéristiques de la maladie. De plus, ce programme dispensé en soixante-quinze heures de formation est difÀcile à intégrer dans de nombreux services. Compte tenu des multiples hypothèses qui peuvent étayer l’efÀcacité observée, il est important de proposer d’autres programmes, plus courts aÀn d’évaluer leur efÀcacité propre et de faciliter leur généralisation. Références : [1] Anthony WA, Liberman RP, 1986. The practice of psychiatric rehabilitation : historical, conceptual, and research base. Schizophrenia Bulletin 12, 4 : 542-559. [2] Eckman TH, Liberman RP, Philipps C, et coll. Teaching medication management skill to schizophrenic patients. J Clin Psychopharmacol 1990 ; 10 (1) : 33-38. [3] Eckman TH, Williams D, Wirshing MD, et coll. Technique for training schizophrenic Patients in illness self-management : a controlled trial. Am J Psychiatry 1992 ; 149 (11) : 1549-1555. [4] Favrod J, Huguelet P, Chambon O. Patient education about neuroleptic treatment, can it reduce costs ? A pilot study. Encéphale 1996 ; 22 (5) : 331-6. [5] Hamilton GA, Haynes RB, Taylor DW and Sackett DL. Compliance health care. 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