quel rôle pour les agences

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quel rôle pour les agences
17 - 06 -15
Publié par : Mélanie Roosen
QUEL RÔLE POUR LES AGENCES ?
Pour MNSTR, il faut mixer les métiers, repenser les manières de travailler et se remettre constamment en question
quand on est une agence. Interview de Lionel Curt, CEO, et Perrine Lizé, Directrice Associée, qui nous livrent leur
vision du marché et leurs convictions sur le rôle des agences de communication.
Aujourd’hui, quel est votre regard sur la créativité en France ?
Lionel Curt : Pour répondre à cette question, il n’est pas possible de se focaliser sur le seul marché des agences, il faut les observer avec le
prisme annonceurs. Les agences ont entrepris une démarche nouvelle, des réorganisations profondes. La vraie question est de savoir si les
clients peuvent évoluer au même rythme. Je pense qu’en France, il y a énormément de créativité, beaucoup d’agences créatives. Mais nous
restons contraints par les schémas organisationnels de certains annonceurs. Par exemple, les mots « marketing » ou « communication » ont
encore de multiples significations. L’intégration des métiers se fait progressivement au sein des annonceurs, parfois avec retard. La conduite
du changement chez les clients constitue un enjeu fort pour des agences conseil et créatives comme MNSTR. Mais dans le tissu des agences
et des créatifs en France, je suis persuadé que les idées et les talents sont là.
Opposeriez-vous les grands groupes aux plus petites agences ?
L. C. : Historiquement, on peut avoir l’impression d’une omniprésence des grands groupes de communication en France. Mais contrairement
à certains discours entendus, cela ne sclérose en rien la créativité. Au contraire, les groupes ont une approche et une créativité complémentaires
aux nôtres. Il y a des agences plus ou moins créatives, bien entendu. Mais la taille ne joue pas. Ce sont les enjeux qui comptent.
Perrine Lizé : Quand on analyse les compétitions auxquelles nous participons, on constate que nous sommes constamment mélangés
: il y a les gros groupes, des petites agences, des moyennes indépendantes… il y a clairement un mélange sur le marché qui marque un
changement chez les annonceurs.
Quelles sont les principales évolutions que vous constatez sur le marché publicitaire dans la façon de communiquer et
la relation aux marques ?
L. C. : Depuis une quinzaine d’années, on constate une sorte de ras-le-bol du cliché publicitaire. Le brand content et le storytelling changent
la donne car ils permettent une narration plus douce dans la communication. C’en est fini de la réclame pure et dure : il faut entretenir le
discours dans la longueur. Nous devons entrer dans une vraie relation, développée dans le temps. Pour exister, il est désormais nécessaire
de trouver et d’entretenir un récit de marque, un fil rouge. Il est fini le temps où la marque lance un feu d’artifice et attend de voir si les gens
s’en souviennent !
Et au niveau des transformations internes ?
P. L. : Plusieurs constats. Pour commencer, les agences ultra-spécialisées avec une offre unique n’ont plus de raison d’être. Après, vient
la question de l’intégration digitale. C’est encore un enjeu dans les grands groupes : certains ont ainsi créé 2 ou 3 postes de Creative
Technologists, à qui on a demandé de digitaliser le tout. Le terme est intéressant mais un peu journalistique : c’est comme si les agences se
rendaient compte que la création pouvait venir de la technologie ou du digital…
L. C. : A partir du moment où tu crées un département digital, tu es dans l’erreur. Cela implique que tu dissocies le pôle du reste de l’activité,
et ça n’est plus possible. C’est comme le social media ! Aujourd’hui, tout le monde à l’agence est concerné. Quand nous avons recruté un
Social Media Strategist, c’était avec la conviction qu’il allait devenir Directeur Conseil. Le social media fait partie d’un tout, il faut l’infuser
aux équipes et monter en compétences. Nous avons récemment créé la fonction de Channel Planneur et Lead Manager. Il est l’interlocuteur
média et performance de nos clients. Sa mission : les accompagner dans l’optimisation des moyens médias, la mesure de l’impact et le suivi
de la performance. Le « média » devient extrêmement complexe, et avec un positionnement comme le nôtre, nous sommes obligés de le
maîtriser : nous ne proposons pas d’opérations 360 ; nous pensons des dispositifs « en cercle » plutôt « qu’en étoile ».
La dimension « conseil » des agences de création est-elle comprise et respectée par les annonceurs aujourd’hui ?
P. L. : C’est vraiment du cas par cas. Pour une marque comme Desperados, par exemple, sortir de belles campagnes sur le digital est un
vrai défi, loi Evin oblige. Sans compter que la concurrence est rude… Mais notre collaboration fructifie depuis plusieurs années grâce à la
co-création et au travail en mode workshops. Avec Pepsi, nous avons, je pense, bien compris leur cible et leurs enjeux : la stratégie mise en
œuvre depuis quelques semaines est très fidèle à ce que nous avions présenté lors de la compétition. Nous n’avons pas le sentiment d’avoir
tout juste. Mais quand on a le sentiment d’être écouté, on écoute en retour et cela engendre une spirale très vertueuse.
L. C. : Globalement, le rapport à l’agence change. Il est parfois compliqué de faire entendre que la stratégie et le conseil représentent 50%
du travail. Mais la nouvelle génération de décideurs vient du digital. Ils changent la donne et font évoluer les choses chez les annonceurs.
Que ce soit chez Lacoste, Desperados, Salomon… Les relations sont différentes : l’écoute active permet l’évolution et d’affirmer une posture
de marque forte. Notre rôle est d’aider les annonceurs à se repenser et à avancer. Par rapport aux nouvelles technologies, par exemple, il est
important de savoir se lancer. Lacoste est extraordinaire à ce niveau-là. Ils font tout, et bien. Il y a ceux qui choisissent de penser comme des
marques agiles, et ceux qui attendent de voir si cela va fonctionner. C’est important que l’on sache dire aux clients ce qui va marcher, avoir
un impact, et permettre de construire une image de marque moderne. Après, il est aussi notre rôle de pouvoir mettre en garde et de ne pas
foncer à tout prix vers le premier gadget venu.
P. L. : Quand les clients sont ouverts à la discussion, curieux et ambitieux, l’aventure est positive. C’est une posture plus constructive que de
se retrouver face à des gens fermés qui ne veulent pas tester de nouvelles idées.
Un conseil à donner aux publicitaires en herbe ?
L. C. : S’ils ont du talent, qu’ils viennent chez nous ! Le métier est passionnant.
P. L. : C’est un métier de feeling. Nous sommes très vigilants dans nos recrutements. Il faut pouvoir se comprendre à demi-mot. L’expérience
et la personnalité comptent plus que le cursus.

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