Le pitch ! Qui l`emportera ? pourquoi

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Le pitch ! Qui l`emportera ? pourquoi
DOSsIER
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Aussi : Cinq points incontournables pour choisir une agence… p. 19 >> Des annonceurs frileux…
L’art
du pitch
Le pitch ! Qui l’emportera ? Pourquoi ? Qu’est-ce
qui fera pencher la balance ? Le point sur un
processus déterminant pour les agences et
les annonceurs, et qui signifie souvent un gain
ou une perte à la fin de l’année financière.
Patrick Bellerose
«L
e processus de sélection d’une entreprise de communication coûte cher en temps, en énergie et en
dollars, autant pour les annonceurs que pour les
agences. » Tel est le point de vue de Paul Hétu, viceprésident, Québec, de l’Association canadienne des
annonceurs (ACA). »
L’entreprise doit mettre sur pied un comité, préparer une demande d’offre
de services, étudier le marché pour connaître les agences pertinentes et disponibles, rencontrer les agences, puis assister aux pitchs finaux. Le tout, en
monopolisant plusieurs vice-présidents et autres décideurs afin d’arriver à un
consensus. « Cela signifie plusieurs jours de travail », confirme Paul Hétu.
Si le processus est si déplaisant pour les deux parties impliquées, comment se fait-il que les appels d’offres soient si fréquents ? « En moyenne,
14 Décembre 2009 Marketing QC
la relation client-agence dure environ cinq ans, indique Dan Reynolds,
cofondateur de la firme de consultants Sark & Reynolds, qui accompagne
les annonceurs dans les processus d’évaluation des agences. Ce sont deux
années de moins qu’il y a 10 ans. »
Selon lui, le roulement fréquent des responsables en marketing chez
l’annonceur est à blâmer lourdement : « Aujourd’hui, le directeur du
marketing est généralement en poste pour une durée de deux ans »,
précise-t-il.
S’ajoutent à cela les politiques internes des annonceurs. Gayle
Padvaiskas, directrice du marketing pour Molson Export et Molson
Dry, affirme que son entreprise procède à une évaluation de ses agences
publicitaires tous les trois ans : « C’est notre façon de nous assurer que
nous demeurons concurrentiels. »
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Le pitch spéculatif ? Non merci !
Paul Hétu ne croit pas que les relations client-agence durent moins longtemps que par le passé : « Auparavant, un annonceur avait une seule agence
pour combler tous ses besoins, tandis que, maintenant, il peut en avoir
plusieurs pour le marketing numérique, viral, direct, etc. Cela donne
l’impression qu’il y a plus de pitchs, mais, au fond, il y a plus d’agences. »
Quoi qu’il en soit, un point semble faire consensus dans l’industrie : le
pitch spéculatif, où l’on présente une campagne plus ou moins finale, a
perdu son attrait d’antan. Tous les intervenants sollicités pour cet article
ont décrit le processus comme long, coûteux et
inefficace.
« Le pitch spéculatif coûte très cher aux agences »,
affirme Yves Blain, vice-président et directeur général
de Taxis Montréal. Selon lui, une présentation spéculative représente pour son équipe plusieurs centaines
d’heures de travail et des centaines de milliers de dollars en temps investi. « La dépense de temps requise
correspond environ à la marge de profit réalisée
sur le compte durant la première année. »
Un point de vue que l’ACA partage avec les
Paul Hétu, vice-président,
agences depuis plusieurs années. « À l’époque où
Québec, de l’Association
j’étais en agence, on présentait des maquettes sur
canadienne des annonceurs
des cartons dessinés, ça pouvait nous coûter 20 000
(ACA)
dollars à produire, c’était du gaspillage, se souvient
Paul Hétu. Mais le pire, c’est qu’environ 80 % des campagnes créées lors
de présentations spéculatives ne sont pas utilisées par la suite, même si
l’agence est retenue. »
Ainsi, l’ACA recommande généralement à ses membres d’éviter les pitchs
à grand déploiement. « Mais certains annonceurs le demandent et certaines
agences aiment le faire, poursuit Paul Hétu. Ça leur permet de démontrer
leur capacité à exécuter une idée et, comme on dit, une image vaut mille
mots. »
« La dépense de temps requise correspond
environ à la marge de profit
réalisée sur le compte
durant la première année. »
C’est pourquoi Dan
Reynolds favorise une
approche différente. Il suggère d’inviter les agences
qui accèdent au dernier
tour à participer à une séance de travail avec l’annonceur sur un même
problème de communication. « Encore une fois, insiste-t-il l’important,
dans cette approche, est le processus davantage que la solution. Pouvez-vous
travailler avec cette agence ? »
Yves Blain, de Taxis Montréal, a participé à un pitch similaire pour obtenir
le compte d’Hydro-Québec. Il dit apprécier ce format : « Cela a permis aux
gens d’Hydro-Québec de voir comment nous réfléchissons et travaillons
en équipe. Au fond, ils ont vu à quoi ressemblerait une réunion avec Taxis
Montréal. »
Être créatif
Pour sa part, Molson a trié sur le volet des agences qui détenaient déjà un
compte de l’entreprise et a remis un document à chacune. « Elle y expliquait où
en est la marque et où nous voulons l’amener », indique Gayle Padvaiskas.
>
Êtes-vous compatibles ?
Alors, quel est le meilleur format pour choisir une nouvelle agence ? À
vrai dire, on trouve autant de types de pitchs que d’annonceurs.
Entre-temps, Sid Lee a également remporté le compte d’adidas
Originals – dont le siège social est basé en Allemagne –, un contrat
évalué à cinq millions. Cette première historique au Québec pour un
compte étranger de cette ampleur semble avoir galvanisé l’industrie,
l’incitant à poursuivre le développement vers l’international.
Dan Reynolds croit toutefois qu’une étape trop souvent ignorée est
une première rencontre informelle. « Dans le processus de recherche
d’agence, on compte trop de réunions et de présentations apprises
par cœur, dit-il. Mais ce que vous voulez vraiment savoir est si cette
agence est compatible avec vous et votre entreprise. »
Par la suite, certains annonceurs exigeront une présentation de campagnes réalisées par l’agence pour d’autres clients. Si cette approche est utile,
elle a ses limites. « Une agence met sur pied une campagne conjointement
avec un annonceur donné, explique Paul Hétu. Dans la même situation,
vous n’auriez pas obtenu exactement le même résultat. »
D&D
Marketing qc décembre 2009 15
Dossier
Chaque agence a eu une dizaine de jours pour
préparer une présentation où elle démontrerait
sa compréhension des enjeux et les solutions proposées : « Nous voulions connaître les stratégies et
les moyens qui seraient mis en place, plus que les
campagnes publicitaires elles-mêmes. »
D’autres annonceurs poussent le concept encore
plus loin. Paul Hétu raconte qu’un annonceur
québécois, qu’il ne peut nommer, a confié récemment des mandats publicitaires à deux agences
pour une période de plusieurs mois. « Parfois,
il s’agissait d’un même mandat confié aux deux
agences, parfois, c’étaient des mandats différents »,
explique le vice-président de l’ACA. À la fin du
processus, l’annonceur savait d’expérience avec
qui il souhaitait travailler. Le processus, toutefois,
n’est pas à la portée de toutes les bourses.
Mais la meilleure présentation et l’idée la plus
géniale ne suffisent pas toujours à remporter la
mise. D’autres facteurs, comme l’appartenance à
un réseau, peuvent faire pencher la balance.
Ainsi, Red Urban, une agence interactive,
propriété d’Omnicom, est devenue l’agence de
référence de Volkswagen en novembre dernier,
deux mois avant l’ouverture de son premier
bu­reau canadien à Toronto. La raison ? Des
« Les agences et les clients devraient faire
une évaluation mutuelle
deux fois par an, une formelle
et une autre informelle. »
agences d’Omnicom détiennent le compte dans
d’autres pays et l’annonceur souhaitait créer plus
de sy­nergie entre elles.
Même son de cloche chez Walmart, qui a déménagé la portion québécoise de son compte d’Allard
Johnson Communications chez JWT Montréal,
en juin dernier. « Nous étions avec JWT Toronto
depuis l’an dernier, explique Alex Roberton,
directeur des affaires corporatives au Québec. Le passage à
JWT Montréal nous permettait
d’intégrer nos communications
au sein d’une seule entreprise
et ainsi de réduire nos coûts. »
Par exemple, en réalisant des
économies d’échelle sur l’achat
d’un espace publicitaire.
Dan Reynolds, cofondateur
de la firme de consultants
Sark & Reynolds.
Crown
18 Décembre 2009 Marketing QC
Commencer par la fin
Toutefois, avant de consacrer
autant d’énergie dans un processus de recherche d’agence,
Paul Hétu conseille aux annonceurs d’évaluer les
problèmes qui ont mené à la rupture de la relation. « J’ai vu au moins trois cas où un annonceur
qui voulait “aller en pitch” s’est ravisé après avoir
clairement expliqué le problème à son agence,
prévient Paul Hétu. Les agences sont généralement prêtes à faire énormément d’efforts pour
garder un client. »
Pour Dan Reynolds, le processus commence
bien avant. « Les agences et les clients devraient
faire une évaluation mutuelle deux fois par an,
une formelle et une autre informelle », préconise
le consultant. À son avis, c’est le manque de communication qui, la plupart du temps, mène à la
rupture de la relation client-agence : « Au fond,
c’est comme dans un couple. »
Il existe plusieurs documents permettant d’aider
les annonceurs à choisir la bonne agence. L’ACA
offre exclusivement à ses membres À la recherche
d’une agence de communication-marketing. Pour
sa part, l’Institut des communications et de la
publicité (ICA) propose gratuitement en ligne
Best Practices in Agency Search and Selection. Enfin,
l’ACA, l’Association des agences de publicité du
Québec (AAPQ) et l’ICA ont publié en commun le
guide Faites équipe, qui vise à améliorer la relation
d’un annonceur avec son agence actuelle. <
Cinq points
incontournables
pour choisir
une agence
Dan Reynolds, cofondateur de l’agence de consultants Sark & Reynolds,
une entreprise qui aide les annonceurs à trouver une agence,
conseille de choisir son nouveau partenaire en communication
selon cinq critères essentiels.
1 > Compatibilité de l’ADN : Avant même le talent créatif d’une agence, un annonceur devrait s’assurer que celle-ci
pourra travailler harmonieusement avec son entreprise. « Il faut que les deux sociétés soient compatibles; cela inclut
non seulement les gens, mais aussi la culture, la vision, la façon de travailler, etc. Plusieurs études montrent que cet
aspect est de loin le plus important pour une relation durable entre deux entreprises. » 2 > Talent créatif : « Après la
compatibilité, la capacité d’une agence à offrir de bonnes créations est l’élément le plus important. Après tout, c’est
ce que vous achetez. » 3 > Compréhension stratégique : « Il faut s’assurer que l’agence comprend bien ses stratégies
et les principes qui sont à la base de sa compagnie. La création est importante, mais il faut vérifier à ce que les idées
soient en lien avec la stratégie globale. 4 > Qui sont les
leaders ? : On dit souvent que le fonds de commerce d’une
agence est le cerveau de ses employés. « Vous devez déterminer qui sont les leaders et les penseurs dans l’agence. »
Vous connaîtrez ainsi sa véritable valeur. 5 > Discipline :
« Le manque de discipline dans les agences enrage les
clients. Par exemple, ces dernières ont tendance à négliger
l’administration et la gestion financière. Alors, on peut
trouver des erreurs dans les factures ou celles-ci peuvent
arriver en retard. Parfois, ce sont des erreurs dans le
matériel publicitaire. Tous ces détails minent peu à peu
la relation client-agence et peuvent mener à une séparation, alors que cela n’est pas nécessaire. » <
des annonceurs
frileux
Audiobec
Pourriez-vous nous dire pourquoi
et comment vous avez choisi votre
agence de communications ?
La question semblait plutôt anodine. Pourtant, la
majorité des grands annonceurs sollicités ont refusé
de parler de leur processus d’attribution de compte.
Et, à la grande question « Pourquoi ? », les langues se
sont déliées encore plus difficilement. Espérons que
les entreprises seront plus promptes à expliquer leurs
raisons aux agences qui n’ont pas été retenues. Après
tout, le meilleur moyen de s’améliorer est d’apprendre
de ses erreurs. <
Marketing qc décembre 2009 19

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