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TENDANCES RETAIL 2015 Prof. Olivier Badot, Doyen associé à la recherche ESCP Europe Université de Caen-Basse Normandie (IAE/NIMEC) Juin 2015 Le contexte actuel — fort néfaste pour le commerce physique du fait de la crise économique et sociale, des arbitrages des consommateurs, des tendances à repenser leur consommation autour de valeurs de la décroissance, des évolutions sociologiques et urbaines et du commerce électronique sous toutes ses formes — conduit à une baisse inédite de la fréquentation et du chiffre d’affaires des points de vente et autres centres commerciaux (y compris dans des pays en croissance comme la Chine). Cette crise de la fréquentation apparaît comme structurelle et devrait contraindre les distributeurs à repenser radicalement leurs stratégies. Nous assistons sans doute à une nouvelle Révolution commerciale de même ampleur que celle du XIXème siècle qui structura le commerce moderne et les principes du capitalisme marchand du XXème siècle. Deux perspectives stratégiques semblent se dessiner : 1. La stratégie de « l’attractivité renforcée » Cette stratégie parie, à l’instar de Dubaï (version extrême) ou du projet Europa City du groupe Auchan ou des infrastructures marchandes de Marne la Vallée, sur une mutualisation des raisons de fréquentation de l’acheteur. Comme le dit le site web du projet Europa City : « L'identité d’EuropaCity s’appuye sur un alliage : culture + commerce + loisirs + hôtels ». Cette stratégie cherche à maximiser la valeur du site (trafic, chiffre d’affaires) et à s’exonérer des risques structurels de baisse du trafic. Elle est fondée : sur l’accroissement du volume de clientèle (élargissement de la zone de chalandise) ; sur l’« hédonisation extrême » de l’acte d’achat (une aventure extraordinairement dépaysante et émerveillante) par hybridation des expériences touristiques et commerciales (accroissement du taux de transformation et de la profitabilité) ; sur la combinaison de clientèles de flux et de destination ; et sur la conjugaison d’une fréquentation occasionnelle et d’une fréquentation récurrente. L’attractivité du point de vente pourra être également renforcée par l’excitation pour l’offre ou le lieu produite via les réseaux sociaux, on parlera alors de « #-to-store » (cf. Fred & Farid). Ces stratagèmes inédits seront sans doute, pour les sites commerciaux physiques, le prix à payer dans le futur pour conserver de l’attractivité et amener le chaland à sortir de sa « zone de confort » et de proximité et de facilité. 2. La stratégie de la « viscosité cross-canal » Cette autre stratégie — qui devrait représenter le commerce courant de demain — consiste à articuler des canaux physiques et des canaux électroniques afin de servir le consommateur au plus près de ses contraintes spacio-temporelles, « any time any where, any device, any cloud » (ATAWADAC)… dit aussi : de façon « visqueuse ». 3 configurations se dessinent : - d’une part, le commerce devrait venir de plus en plus se coller sur les flux de consommateurs (quel que soit le mode de déplacement, du piéton… au travel retail en aéroport) et sur les proximités, afin de permettre au consommateur de minimiser son taux d’effort et aux distributeurs de maximiser leurs volumes de transactions. Dans cette configuration, il s’agit d’un commerce « physique-and-click », articulant des (petits) points de contacts physiques collés sur les flux et les proximités (du magasin de gare au stand, food-truck, triporteur ou autre pop-up store ou « magasin agile » se déplaçant au gré des volumes de clientèle) et des applications Internet pré- et postachat ; - par ailleurs, le mainstream du commerce de demain devrait être « click/talk/touch-andcollect », permettant aux consommateurs de commander n’importe où (maison, travail, voiture, rue, lieux de loisirs, etc.) via n’importe quelle interface (smartphones, tablettes, objets connectés, voiture, smarttables, murs virtuels, micro-videoprojections personnelles, etc.) et de récupérer leurs achats n’importe où (maison, immeuble, relais, consignes sur flux, conciergeries, parkings intelligents, drives, drives mobiles, etc.). Dans cette perspective, l’achat, mais également le shopping (créateur de valeur additionnelle), quittent le magasin et pourront s’exercer dans n’importe quel endroit (notamment à la maison) au plus près, au plus visqueux des situations et ce, aidé par les technologies numériques qui elles-mêmes dépasseront le cadre restrictif de l’écran (home ciné, réalité augmentée, 3D, objets visuels à déplacer, etc.). Du fait de la démultiplication de petits paquets à transiter dans des espaces contraints et à moindre coût, cette configuration inédite du commerce conduira à repenser les modalités et les business models de la micro-logistique via des formes plus granuleuses, coopératives, C2C, C2B, plus agiles et moins coûteuses. Dans le cas où ce sera possible, le produit sera livré en « pay-per-make » via des imprimantes 3D, ce qui évitera son transit et facilitera l’immédiateté d’acquisition et d’usage, surtout dans une société de l’« homo faber » ; - la version extrême de la cross-canalité « visqueuse » est le développement du « commerce ubiquitaire ou 4.0 » dont des applications de type Shazam sont une première matérialisation. Il s’agit alors de demander à l’interface (smartphones, montres, objets connectés, etc.), en lui parlant vocalement ou corporellement de visualiser/photographier un produit désiré, vu où que ce soit (rue, magasin, intérieur, à vélo, en voiture, etc.) et d’indiquer le meilleur moyen de l’acheter, en local (« around me ») ou à distance (neuf ou d’occasion), le tout en rapatriant le maximum d’informations sur le produits, le vendeur, les façons de se le procurer, etc. ainsi que les avis des blogs et autres réseaux sociaux. Le « commerce ubiquitaire 4.0 » pouvant même, à l’instar de la Chine, se faire à l’occasion de chats via des produits-tags à acheter apparaissant au fil des conversations et le paiement pouvant s’opérer par un selfie, ce qui est à la fois ludique et ne rompt pas la gestuelle usuelle et permanente des consommateurs connectés. Les data (numériques comme iconiques) récupérées lors de ces transactions via les réseaux sociaux seront sans doute la monnaie de demain, découplant ainsi la transaction d’un prix et assurant un pacte inédit d’échange entre intrusion et pouvoir d’achat. Le « commerce 4.0 » sera alors « Flow – Fun – Free ». Ces deux perspectives stratégiques clivées devraient — à l’instar de la révolution commerciale liée à la révolution industrielle du XIXème siècle — modifier assez radicalement l’« économie politique » des secteurs de la consommation et de la distribution, c’est-à-dire, tant les rapports de force entre acteurs que la répartition de la valeur. D’autant que de nouveaux acteurs entrent dans le jeu (univers Internet, réseaux sociaux, consommateurs-vendeurs, économie circulaire et solidaire, opérateurs touristiques, infrastructures de transports et de flux, hubs, etc.). ***