Le patron du MoDem entend monnayer cher son soutien à Juppé

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Le patron du MoDem entend monnayer cher son soutien à Juppé
Le patron du MoDem entend monnayer cher son
soutien à Juppé, dans l'espoir que ce dernier soit
élu président. Son grand dessein ? Recréer le
centre disparu.
Jubilatoire. Il faut voir le grand sourire gourmand de François Bayrou. « Être au
centre du jeu, c'est formidable », confie-t-il en petit comité. Pas peu fier d'être
l'homme dont tout le monde parle. A l'aube du premier tour de la primaire à droite, le
centriste est devenu le punching-ball favori de Nicolas Sarkozy. Quelle revanche
pour le « mort-vivant de Pau », méchant surnom donné par un élu LR depuis que
l'intéressé n'occupe plus de mandat national, suite à sa défaite aux législatives de
2012. Revenu au premier plan par la grâce de son accord avec Alain Juppé, Bayrou
est persuadé qu'il peut l'aider à se propulser au sommet de l'Etat. Et devenir
l'éminence grise du prochain quinquennat.
Entre lui et Juppé, ce fut simple comme un coup de fil. Il y a deux ans, le président
du MoDem a décroché son téléphone pour glisser au maire de Bordeaux : « Tu es
mieux placé que moi, je te soutiens. » De marchandage, de discussion de
marchands de tapis, il ne fut point question, foi de Béarnais ! Les deux hommes ont,
jure-t-il, une simple « entente ». Un pacte d'honneur. Mais que cherche donc Bayrou
? Il sait bien que, Juppé président, il ne serait pas Premier ministre. Trop compliqué.
Et le poste est plus ou moins promis à une femme, Valérie Pécresse. Ministre, alors
? Ça ne lui déplairait pas. Mais certainement pas sur un strapontin. Il a prévenu
Juppé : « Je ne jouerai pas les utilités. » Dans l'entourage du favori de la primaire,
une idée circule : pourquoi pas garde des Sceaux, ministre d'Etat, titre honorifique s'il
en est ?
Mais le grand dessein de Bayrou est ailleurs. Il veut « reconstruire le centre »,
dispersé en tant de chapelles (UDI, Nouveau Centre, Parti radical valoisien...) qu'il le
compare à... « une brouette de grenouilles qui sautent dans tous les sens ». Que les
grenouilles se méfient, il entend bien les croquer ! Et notamment l'homme qu'il
déteste entre tous, le patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde. « Si Juppé est élu,
Bayrou sera le roi du pétrole. Il va manger Lagarde et les autres à la petite cuillère !
C'est lui qui composera l'entrée des centristes au gouvernement. Et il fera payer au
centuple sa non-candidature », pronostique un centriste de l'écurie Sarkozy. Le seul
que Bayrou épargnerait, c'est son « copain » Hervé Morin.
Pour recréer le centre englouti, Bayrou a besoin de députés. C'est là qu'il compte se
rappeler au bon souvenir de Juppé, qu'il sait homme de parole. Il veut un droit de
regard sur les investitures de la droite et du centre pour les législatives. A-t-il réclamé
70 à 100 circonscriptions, comme le veut la rumeur ? Il dément. Mollement. A la belle
époque, entre 1978 et 2002, on comptait en moyenne une centaine de députés UDF.
La création de l'UMP, en 2002, leur a été fatale. Il attend donc de Juppé qu'il fasse
des sacrifices en décapitant des députés sortants sarkozystes. Sinon, met-il en
garde, le maire de Bordeaux devra composer avec des frondeurs fidèles à l'exprésident ! Car Bayrou ne croit pas que Sarkozy arrêtera la politique s'il échoue à la
primaire. « C'est un virus », dit-il... Si l'on ajoute un groupe de députés FN — 30 à 80
selon les bookmakers —, on comprend vite que Juppé aura besoin du renfort des
voix du centre pour gouverner au Parlement. Ce qui ferait de Bayrou un homme très
puissant !
C'est bien ce que lui reproche Sarkozy. « Bayrou veut que Juppé échoue », peste
l'ancien président en privé. « On ne peut pas mettre l'alternance sous son chantage.
Qu'est-ce qu'il exigera ? » Sarkozy hait le patron du MoDem. « Je n'ai pas de
problème personnel avec lui, corrige-t-il toutefois. On n'a jamais eu d'atomes
crochus. » Avant de sortir la sulfateuse : « Dans ses Mémoires, Simone Veil lui
réserve deux pages bien gratinées. » Indigne, s'étrangle Bayrou, inquiet pour la
santé de l'icône Veil, très affaiblie. Ils se détestent, on vous dit...