De Madame X enseignante au lycée Y dans la ville Z
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De Madame X enseignante au lycée Y dans la ville Z
Voici un témoignage qui a été posté par une enseignante du 93 sur un espace d’échanges pour professionnels sans restriction d’accès (tout le monde peut le lire et il est éthiquement correct et neutre). Je vous le recopie donc et vous le commente car il me semble extrêmement important et d’actualité dans la plupart des lycées de France. Du fait de mon devoir de réserve de fonctionnaire, je suis astreint à ne pas donner, ni même laisser filtrer, certaines informations. Je formulerai les choses en prenant soin de respecter cette contrainte Voici le témoignage, copié-collé en bleu et italique ci-dessous : De Madame X enseignante au lycée Y dans la ville Z Bon je vais sans doute enfoncer des portes ouvertes mais il m'est arrivé quelque chose de tellement hallucinant en conseil de classe que j'avais envie de le partager sur ce forum. Le contexte : le conseil de classe de 1ES débute et les délégués des élèves prennent la parole. Ils glissent quelques remarques sur quelques profs et puis arrive le tour du prof de maths (c'est-à-dire moi). Alors, selon eux, les contrôles n'ont rien à voir avec ce qu'ils font en exercices. Je vous laisse juger sur pièce (voir les pièces jointes) : Exercice 1 du contrôle = exercice 5 de la feuille d'exercices Exercice 2 du contrôle = exercice 2 de la feuille d'exercices Exercice 3 du contrôle = exercice 7 de la feuille d’exercices Exercice 4 du contrôle = exercice 13 de la feuille d'exercices Exercice 5 du contrôle = exercice 17 de la feuille d'exercices. Je précise que tous les exercices précédents ont été corrigés en classe. Bon, si je poste cette histoire, c'est aussi (et surtout) pour lancer un débat : ce n'est pas une anecdote car je pense que ce genre de choses arrivent souvent (même si c’est une première pour moi). Et j'ai du mal à comprendre comment les élèves font pour penser que les exercices du contrôle sont différents ici. Pensez-vous vraiment qu'il s'agit uniquement de mauvaise foi ? Vous a-t-on déjà fait le même reproche ? Doit-on mettre EXACTEMENT (au mot près) les mêmes exercices en contrôle pour éviter une pétition (et acheter la paix) ? A ma connaissance, c’est la toute première fois que j’ai l’occasion de saisir sur internet une réalisation aussi « cash » si j’ose dire d’une escroquerie dont j’ai souvent pris le temps de décrire avec le plus de précision les contours. J’ai même fait une enquête juridique pour essayer de voir si la loi se prononce sur cette thématique. Je résume très rapidement la problématique. S’il y a eu des évolutions dans l’éducation nationale depuis une trentaine d’années, les lois fondamentales n’ont cependant pas tant changé qu’on pourrait le croire. Par exemple, les résultats publiés dans tous les quotidiens nationaux il y a deux jours (la France bon dernier pays dans le monde pour l’enseignement des maths, derrière des pays où la matière maths… est absente officiellement des cursus scolaires) ne sont pas la conséquence de changements de lois fondamentales du code de l’éducation. Les programmes changent, les pratiques changent, les examens et les barèmes changent, mais ils ne sont pas réglementés par les « grandes lois » de l’éducation. La fraude a toujours été illégale et la loi l’a toujours interdite et sanctionnée. Même si les gouvernements successifs se font de plus en plus discrets et indulgents à l’égard des fraudeurs au bac par exemple (et surtout en maths, et pour cause…) Cependant, et je l’ai un peu découvert en cherchant des jurisprudences et des textes de lois, il existe un trou juridique sur la question suivante : y a-t-il un coupable et comment gère-t-on une situation où ce n’est plus l’élève, le candidat à l’examen (par exemple au bac ou à son partiel de L3) mais l’organisateur de l’épreuve qui triche à la place des candidats qu’il doit évaluer ? Malgré mes recherches sur LEGIFRANCE ou d’autres supports, je ne suis pas parvenu à trouver de réponses juridiques officielles à cette question. Je ne ferai donc pas semblant de savoir comment un juge réagirait s’il était appelé à statuer. Mon intuition de non juriste est que la réponse n’est pas si évidente et qu’on aurait tort de penser qu’un juge se déclarerait incompétent, renvoyant à un jeu à deux joueurs l’entité examinateur-évalués où la liberté pour l’examinateur serait TOTALE de donner les réponses à l’évalué afin de lui donner son diplôme sans lui demander une réussite en retour. Je vous invite à réfléchir et à partager cette problématique autour de vous. Elle n’est pas politique, ni idéologique. Elle est neutre. Si je vous y invite ce n’est pas du tout parce que j’ai observé que la fraude conjointe est de plus en plus répandue. Je ne suis pas un « chasseur de fraudes » ni un moralisateur, ni un policier. Ce qui motive mon invitation est tout à fait autre chose. Depuis une quinzaine d’année environ, une « maladie » qui me parait, elle, grave et inquiétante, et qui n’a rien à voir avec la loi se répand de plus en plus sans qu’on ne semble essayer de l’éradiquer. Or elle peut avoir des conséquences désastreuses. Cette maladie, qui ne porte de nom, se détecte quand justement on voit le témoignage que j’ai mis en introduction de ce document : qu’est-ce qu’on voit ? On voit une professionnelle tout à fait honnête, sincère et donc de bonne foi témoigner qu’elle triche et que des adversaires (mineures : 15-16-17ans) au statut de délégués « en conseil de classe » dit-elle, lui font le reproche de … ne pas assez tricher. Cette professionnelle diffuse alors ses propres sujets de devoir surveillé et ses propres TP sur un espace professionnel non pas pour nier qu’elle triche, mais au contraire pour … prouver qu’elle triche et qu’elle a bien donné les réponses aux questions du contrôle avant de donner le contrôle Je le répète, cette professionnelle est de bonne foi ! Il y a fort à parier qu’elle n’envisage pas un seul instant d’aller en prison pour avoir donné les réponses à tous ses contrôles à ses propres élèves avant la date du contrôle. Mon devoir de réserve m’interdit d’en dire plus. Je me permets juste de vous signaler, car vous serez majeurs dans au plus 2ans, que cette maladie s’est heureusement peu répandue… en dehors des affaires de maths et de sciences dans le secondaire. Aujourd’hui, il est rarissime de voir un individu (par exemple un policier), dont l’identité peut facilement être retrouvée, venir échanger sur le serveur national d’échanges professionnels entre policiers et dire : << bonjour, à notre dernière réunion interne, le commissaire nous a reproché de ne pas avoir tué assez d’innocents en intervention, il nous a reproché de n’avoir tué que des méchants. Pourtant, regardez les photos que j’ai faites de mes victimes, il y en a déjà 19, et je peux vous assurer qu’elle n’étaient que des passants collatéraux. Je souhaiterais avoir l’avis de plus de collègues parmi vous car je suis perplexe. Pensez-vous que je dois tuer plus de gens en intervention pour plaire à mon chef commissaire. J’aimerais bien qu’on reconnaisse que j’ai tué ces gens, je ne trouve pas agréable qu’on me fasse le reproche de ne tuer personne >> Je ne vous révèlerai bien sûr pas comment je vais échanger avec cette collègue. Mais ne vous sentez pas étrangers à cet exemple « incroyable » survenu dans le 93. Depuis que j’enseigne (et je n’ai pas commencé hier), je n’ai pas fait le calcul exact, mais je peux moi-même témoigner que j’ai bien dû rappeler au moins 1200 fois (sans exagérer) à mes différents élèves qu’ils devraient arrêter de demander à leurs enseignants de tricher à leur place. J’ai eu à envoyer bouler au moins 300 élèves ou délégués de classes ces 15 dernières années (quand ce n’était pas certains parents inconscients) qui venaient quémander que je fraude à leur place (en leur donnant en DST des exercices dont ils avaient eu la correction (ou un moyen automatique de la produire) avant en classe). Et j’ajoute que j’ai eu à le faire quel que soit le niveau (collège, lycée). Ce n’était pas réservé aux classes à enjeux. La fraude est un sujet vieux comme le monde. Encore une fois, je me répète, je n’écris pas du tout, mais alors pas du tout ce document pour « dénoncer » la fraude (il y a des services spécialisés pour ça). Je l’écris pour attirer votre attention sur un phénomène de société pour lequel il n’existe pas de service spécialisé : quand des pans de population se mettent à demander publiquement qu’on fraude à d’autres pans et que ces derniers s’excusent de ne pas avoir fraudé Ce « nouveau monde » où on observe ces anomalies qui ne pouvaient à mon sens pas être prévues par nos vieux penseurs est celui qui sera le vôtre. J’ai donc décidé de taper ce petit message. Il est en priorité destiné aux élèves de première (même s’il ne me parait pas choquant que des élèves de seconde puissent le lire, mais comprendront-ils ?) Quelques précisions techniques : évidemment, les gens sont « malins », et savent faire usage de maquillages dialectiques lorsqu’ils adressent leurs demandes qu’on fraude à leur place. Par exemple ils ne diront pas « donnez-nous la correction de l’interro avant de la faire », mais utiliseront un langage codé pour traduire cette demande, comme par exemple « on veut avoir en cours ce qui tombera en interro », etc. Ce maquillage me donne de l’espoir : en effet, puisqu’ils utilisent une forme détournée et en quelque sorte « discrète » pour réclamer leur recel c’est qu’au fond d’eux, qu’ils soient élèves ou qu’ils soient parents, ils ont une sorte de demi-conscience de la fautivité de leur demande. La situation n’est peut-être pas désespérée… Annexe : je me sens aussi obligé de faire un rappel, car je ne veux pas que ce document ait une quelconque tendance à être perçu avec malentendu. Il n’y a aucune morale ici présent. Je ne suis pas entrain, et ce n’est pas mon rôle, de condamner la fraude. Je ne fais pas de politique. Avoir des mauvaises notes à l’école n’est pas une faute . J’ai même envie d’ajouter et j’espère que je serai compris à 100% que c’est un acte généreux***. En effet, qu’on le veuille ou non, tous les systèmes scolaires du monde ont toujours été et seront toujours de facto des concours. Il ne faut pas croire les apprentis-sorciers et les charlatans qui se prétendent capables de faire qu’il en soit autrement. Il ne faut pas non plus confondre : on aimerait bien que ce ne soient pas des concours. Mais c’en sont. Peut-être un jour les civilisations évolueront-elles vers des sociétés élaborées où on aura réussi à ce qu’il n’y ait plus de concurrence entre les citoyens pour les meilleures places. Mais nous n’avons à l’heure actuelle aucune idée même du début de la première lettre du traité sérieux qui décrira comment construire un tel monde. *** vous offrez (volontairement ou non) votre place à quelqu’un d’autre. Une mauvaise note n’est pas plus fautive qu’un bas salaire. La triche aux examens, qu’elle soit le fait des candidats ou des organisateurs (qui donnent les corrigés ou ce qui en fait office aux candidats ou procèdent autrement, pour pouvoir leur mettre des bonnes notes) n’est pas un crime moral. Je ne mets bien sûr personne en accusation. Le mot triche est ici utilisé dans son sens matériel pas dans son sens moral, c’est-à-dire comme proche des notions de « faux en écriture », « falsifications », « fausse monnaie », etc. En aucun cas je n’émets une opinion ou ne prends une posture « scandalisée » (qui serait un manquement au devoir de réserve) quant à ce que le code pénal prévoit pour les producteurs de fausse monnaie (pour information le code pénal est très très dur avec eux, mais je n’émets aucune opinion à ce propos)