Fiche-élève pour Zéro de conduite
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Fiche-élève pour Zéro de conduite
« Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) 1. A quoi se réfèrent les deux mots du titre du film ? Quel est d’ailleurs le sous-titre de ce film ? 1. A quoi se réfèrent les deux mots du titre du film ? Quel est d’ailleurs le sous-titre de ce film ? 2. Pensez-vous qu’il soit adapté au contenu du film ? 2. Pensez-vous qu’il soit adapté au contenu du film ? 3. A quoi voit-on que l’histoire se déroule à une autre époque que la nôtre ? Donnez quelques détails. 3. A quoi voit-on que l’histoire se déroule à une autre époque que la nôtre ? Donnez quelques détails. 4. Etablissez la liste des principaux personnages de cette histoire, en leur donnant à chacun, un signe particulier. 4. Etablissez la liste des principaux personnages de cette histoire, en leur donnant à chacun, un signe particulier. 5. Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège. 5. Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège. 6. Ce film, bien que déjà parlant, a été tourné en 1932, c’est-à-dire à une époque de transition où le cinéma, de muet, passait petit à petit au sonore. Montrez que ce film garde encore quelques particularités des films muets. 6. Ce film, bien que déjà parlant, a été tourné en 1932, c’est-à-dire à une époque de transition où le cinéma, de muet, passait petit à petit au sonore. Montrez que ce film garde encore quelques particularités des films muets. 7. De nombreuses scènes du film sont tournées soit en plongée* soit, comme à la fin, en contre-plongée** (cf. la scène finale sur le toit). Ce parti pris du réalisateur, montrant plusieurs points de vue, produit du sens chez le spectateur. Quel sens voyez-vous donc dans l’utilisation de ces plans en plongée et en contre-plongée par rapport au statut des personnages ? 7. De nombreuses scènes du film sont tournées soit en plongée* soit, comme à la fin, en contre-plongée** (cf. la scène finale sur le toit). Ce parti pris du réalisateur, montrant plusieurs points de vue, produit du sens chez le spectateur. Quel sens voyez-vous donc dans l’utilisation de ces plans en plongée et en contre-plongée par rapport au statut des personnages ? 8. Ce film a fait scandale à sa première projection en 1933. Il a été censuré par les institutions qu’il dénonce d’ailleurs. Citez quelques exemples de scènes pouvant avoir été censurées à l’époque. 8. Ce film a fait scandale à sa première projection en 1933. Il a été censuré par les institutions qu’il dénonce d’ailleurs. Citez quelques exemples de scènes pouvant avoir été censurées à l’époque. 9. Le réalisateur, dans ce film très bien structuré, fait des références cinématographiques indéniables à d’autres cinéastes reconnus. Pouvez-vous en citer ? A leur tour, plusieurs cinéastes modernes rendront hommage à Jean Vigo dans leurs films. Pouvez-vous en citer ? 9. Le réalisateur, dans ce film très bien structuré, fait des références cinématographiques indéniables à d’autres cinéastes reconnus. Pouvez-vous en citer ? A leur tour, plusieurs cinéastes modernes rendront hommage à Jean Vigo dans leurs films. Pouvez-vous en citer ? *Un plan est en plongée, quand il est montré de haut en bas et inversement en contreplongée. *Un plan est en plongée, quand il est montré de haut en bas et inversement en contreplongée. « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) Eléments de correction : 1. A quoi se réfèrent les deux mots du titre du film ? Quel est d’ailleurs le sous-titre de ce film ? - A une sanction, une sentence donnée contre un comportement déviant et défiant l’autorité (plusieurs fois entendu dans le film : 3 fois). Le sous-titre est « Jeunes diables au collège ». 2. Pensez-vous qu’il soit adapté au contenu du film ? - Oui, car il met en scène l’indiscipline de collégiens face à une autorité excessive. 3. A quoi voit-on que l’histoire se déroule à une autre époque que la nôtre ? Donnez quelques détails. - On peut le voir entre autres aux uniformes des élèves, le train à vapeur, les costumes des adultes, noir pour l’autorité et gris pour la liberté, chapeau compris (pas les mêmes pour Huguet, chapeau non rond, sauf quand il imite Charlot avec sa canne, et les autres, chapeau rond ; cf. le sketch avec le chapeau mis sous cloche par le directeur, trop petit), l’intérieur du pensionnat et des salles de cours... 4. Etablissez la liste des principaux personnages de cette histoire, en leur donnant à chacun, un signe particulier. - Les personnages principaux sont : Huguet, le surveillant ‘lunaire’, rêveur (il a souvent la tête en l’air), « un brave type » (d’après Caussat), il est du côté des enfants (cf. la scène où le directeur vient réprimander Tabard, Huguet est détaché du groupe d’autorité) René Tabard, l’élève qui se rebelle Mme Tabard, sa mère Caussat, Colin et Bruel, trois élèves farceurs Le surveillant-général, dit Bec-de-gaz, moustachu, muet (on ne le voit jamais parler ; « ... zéro de conduite. Consignés dimanche », dit hors-champ) et marchant ou plutôt glissant entre deux eaux, aimant les friandises des élèves et cleptomane à ses heures ; il surveille plus le surveillant Huguet que les élèves Le surveillant à lunettes, dit Pète-sec (celui qui les attend à la gare) Cornacchia, le censeur Le professeur de chimie, gros plein de soupe, suant et à tendance pédophile Le veilleur de nuit, semble-t-il « aveugle » avec ses lunettes noires Le directeur Le gardien Remarque : Tous les personnages qui représentent l’autorité portent des lunettes et/ou la barbe ou la moustache. « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) 5. Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège. - Les cris d’animaux de la ferme au couché, à 21h00 ; la toux répétée et rythmée des élèves punis jusqu’à 23h00, le mal au ventre simulé de Colin, le somnambule, fumer dans les toilettes pendant la récréation, l’imitation par Huguet de Charlot dans la cour, Huguet qui fait le poirier sur le bureau de permanence, la bataille d’haricots qui ne fait pas rire Colin, car c’est sa mère qui a cuisiné, le squelette qui suit le professeur de chimie, la bataille de polochons, l’injure « Merde » faite au professeur de chimie puis au directeur, la révolte, la crucifixion du surveillant dans son lit, ... 6. Ce film, bien que déjà parlant, a été tourné en 1932, c’est-à-dire à une époque de transition où le cinéma, de muet, passait petit à petit au sonore. Montrez que ce film garde encore quelques particularités des films muets. - cf. les cartons ([Finies les vacances. La Rentrée] ; [Complot d’enfants] ; [Dimanche. Caussat chez son correspondant...] ; [Et Colin auprès de la mère Haricot, sa maman...] ; ), la rareté des dialogues (cf. les gamins se retrouvant au début dans le train, ne parlent pas, mais font des gags : le pouce coupé, la balle sauteuse, la mini trompette, les faux seins en baudruches, les plumes dans le derrière, les cigares (cf. le raccord sur la fumée), ), la présence plutôt de la musique imitative (cf. le train, au début ou la musique au tambour pendant la parade des révoltés) et des chansons d’enfant. 7. De nombreuses scènes du film sont tournées soit en plongée* soit, comme à la fin, en contre-plongée** (cf. la scène finale sur le toit). Ce parti pris du réalisateur, montrant plusieurs points de vue, produit du sens chez le spectateur. Quel sens voyez-vous donc dans l’utilisation de ces plans en plongée et en contre-plongée par rapport au statut des personnages ? - En plongée pour écraser les enfants, ne pas les faire grandir, et en contreplongée, pour les libérer, les faire grandir, les faire devenir adultes (d’ailleurs Caussat a des pantalons longs en haut du toit). 8. Ce film a fait scandale à sa première projection en 1933. Il a été censuré par les institutions qu’il dénonce d’ailleurs. Citez quelques exemples de scènes pouvant avoir été censurées à l’époque. - Les scènes-tabous : l’autorité (sortant du compartiment, on nous montre la panneau « Non fumeurs » ; la petite taille et la voix aigue du directeur ; le non respect de l’autorité par Huguet, le préfet tiré comme un pantin, le drapeau « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) français jeté et remplacé par le drapeau à tête de mort), le sexe (les faux seins, les fesses au lever du lit et sortant des toilettes dans la cour, le côté féminin de Tabard (cheveux longs, il dort en chemise de nuit) ; l’allusion aux relations homosexuelles de Tabard avec son camarade Bruel, indiquée par le directeur ; les jambes à moitié nues, les mi-bas et la culotte de la petite fille vues sous sa robe chez le correspondant de Caussat ; le corps nu, puis le sexe d’un garçon pendant la parade ; ), la religion (la femme transformée en curé en robe noire, près de l’église, le curé au début de la fête du collège ; la crucifixion du surveillant dans son lit), la mort (cf. au début, dans le compartiment : « Il est mort ! Foutons le camp ! » ) 9. Le réalisateur, dans ce film très bien structuré, fait des références cinématographiques indéniables à d’autres cinéastes reconnus. Pouvez-vous en citer ? A leur tour, plusieurs cinéastes modernes rendront hommage à Jean Vigo dans leurs films. Pouvez-vous en citer ? - Les références cinématographiques renvoient à : Charlie Chaplin (« Les Lumières de la ville », 1931) ; à Luis Buñuel (« Un Chien Andalou », 1928 pour les références à la religion surtout ; Exemple : la transformation surréaliste à la Buñuel de la femme en prêtre) ; à Jean Cocteau ( « Le Sang d'un poète », 1930 ; « La Belle et la bête », 1946 ; « Orphée » , 1950, pour les scènes de ralenti) ; - Les cinéastes qui lui ont rendu hommage sont : Jacques Tati (« Jour de fête », 1949, « Les Vacances de Monsieur Hulot », 1953 ; « Mon Oncle », 1958) pour le personnage désarticulé et ressemblant à un pantin de Monsieur Hulot, voir la pantomime de Bec-de-gaz quand il apprend la venue de Monsieur de directeur ; François Truffaut (« Les Quatre Cents Coups », 1959) pour la sortie en ville avec Huguet qui fait la cour à une dame, suivi par les pensionnaires ; ou encore Luchino Visconti (« Mort à Venise », 1971) pour le personnage de Tabard, double de Tadzio. *Un plan est en plongée, quand il est montré de haut en bas et inversement en contre-plongée. « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) Quelques informations supplémentaires : Les effets comiques ? – les lunettes noires du veilleur de nuit, la marche glissante du surveillant-général, ses pantomimes, le dessin sur la feuille qui se met à s’animer ressemblant à Bec-de-gaz lequel se métamorphose en Napoléon, l’imitation par Huguet de Charlot, l’apparition du directeur, avec sa petite taille et sa voix aigüe, l’effet du miroir grandissant quand le directeur s’y contemple, l’apparition de sa chauffeuse à ses pieds, le lever de casquette par toute la classe, suivant celui de Huguet face à la dame ; la course poursuite des enfants derrière Huguet poursuivant lui-même la dame, la transformation de la dame en curé dans la rue ; « M. le surveillant général, vous aviez raison. Il faut les surveiller » dit le directeur ; le plan diabolique en contre-plongée du directeur semblable à un diable ; Caussat et Colin, imitant la marche de Bec-de-gaz ; la bataille d’haricots qui préfigure celle avec les polochons ; la manière de parler de Caussat, semblable à un ivrogne ; le squelette qui suit le professeur de chimie quand il entre en classe ; la crucifixion du surveillant dormant dans son lit au matin de la rébellion ; les personnalités (religion, institution scolaire, pouvoir-préfet) assises devant le stand de tirs avec les pantins-potiches (caricatures, les enfants vont les prendre d’ailleurs ainsi puisqu’ils se mettent à leur tirer dessus, Huguet comptant les tirs vainqueurs) ; cf. le faux raccord quand Huguet salue la dame ; avec la balle envoyée par la mère à Colin dans la cuisine ; Citez quelques farces produites par les pensionnaires de ce collège. - les cris d’animaux de la ferme au couché, à 21h00 ; la toux répétée et rythmée des élèves punis jusqu’à 23h00, le mal au ventre simulé de Colin, le somnambule, fumer dans les toilettes pendant la récréation, l’imitation par Huguet de Charlot dans la cour, Huguet qui fait le poirier sur le bureau de permanence, la bataille d’haricots qui ne fait pas rire Colin, car c’est sa mère qui a cuisiné, le squelette qui suit le professeur de chimie, la bataille de polochons, l’injure « Merde » faite au professeur de chimie puis au directeur, la révolte, la crucifixion du surveillant dans son lit, « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) cf. Références à : théâtre d’ombres chinoises ou l’effet du miroir renvoyant par artifice l’image surdimensionnée du directeur, en fait celle de son surveillant-général ; et aux effets spéciaux : le tour de magie avec le ballon en permanence, le dessin animé sur la feuille, représentant a priori Bec-de-gaz qui se métamorphose en Napoléon ; la musique de tambour extradiégétique qui vient appuyer la parade des révoltés dans le dortoir , le ralenti de la parade pendant la révolte ; Le film est parlant et mis en musique, mais les mots ont du mal à se connecter à l’image : la plupart sont soit prononcés hors champ, soit attribués à des personnages au dos tourné, soit à d’autres filmés de loin ; d’où parfois, et même dans des cas où le personnage parlant est filmé de près, des écarts de synchronisation des dialogues. La technologie primitive qui forme le squelette du film, un muet sur lequel le son a été simplement plaqué, manque ici de rigueur pour donner l’illusion d’une vraie parole captée. Le parti pris de la caméra pour les enfants et non les adultes : On peut citer également les mouvements de caméra et l’usage de certains plans faits pour aider le spectateur à comprendre, ou à accuser les méfaits des adultes ou le désintérêt des enfants vis-à-vis d’eux (cf. le mouvement de caméra, du côté des enfants, qui montre le responsable du vol de chocolat en permanence, ou encore le gros plan sur la main du professeur pédophile sur la main de Tabard, dénonçant le travers du professeur ou encore le mouvement de va-et-vient de la caméra qui se détourne de l’autorité du directeur venu dans la classe demander à Tabard qu’il fasse des excuses) cf. les raccords trompeurs du montage : Huguet qui sort de sa chaise pour aller ... non pas punir Caussat qui colle tous les livres de l’étagère, mais pour aider un gamin à faire la chandelle, en permanence cf. les illogismes : Tabard sur le toit en train de fixer le drapeau de la révolte et en même temps Tabard dans le dortoir en train de parader Cela tient en partie au fait que la question du sexe et de son oppression, loin de faire irruption comme un coup de force dans cette partie finale, hantait le film depuis le début, la lutte d’indépendance se doublant d’une lutte pour l’identité sexuelle. On ne pourra oublier le personnage de l’élève Tabard, garçon effacé d’apparence efféminée – peut-être sous l’influence de sa mère couveuse, entrevue au début – et qui réveillera avec véhémence sa personnalité au moment de faire l’objet de caresses suspectes (dénoncées en deux gros plans, sur la victime et sur la main coupable) d’un de ses professeurs, pour prendre la tête de la rébellion. « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) On a souvent dit que ce film manquait de structure et de rigueur, ce qui est absolument infondé et inexact. Essayez de retrouver sa structure, son plan (début, milieu, fin). Maurice Jaubert est un compositeur français né à Nice le 3 janvier 1900 et mort au front, à l'hôpital de Baccarat, le 19 juin 1940. Maurice Jaubert est particulièrement connu pour ses nombreuses partitions pour le cinéma, Zéro de conduite et L'Atalante de Jean Vigo, Quatorze Juillet de René Clair, Un carnet de bal et La Fin du jour de Julien Duvivier, Drôle de drame, Hôtel du Nord, Le Quai des brumes et Le jour se lève de Marcel Carné. Ce film a été tourné en 1932 par Jean Vigo dans le collège de SaintCloud où il passa lui-même une partie de sa scolarité ; celui-ci s’inspire donc de ses propres souvenirs personnels. L'institution scolaire y apparaît répressive et fermée. Le film est jugé « antifrançais » et, sous la pression des Pères de famille organisés, il fut censuré et n'obtient son visa d'exploitation qu'en 1945, après la Libération, c’est-à-dire douze ans après sa première et seule projection. Les vacances se terminent et il est temps pour quelques garçons de revenir au collège, un lieu sans joie où les professeurs, des adultes obtus, leur infligent des punitions sévères et les privent de liberté et de créativité. Quatre d'entre eux, punis avec un « zéro » de conduite, décident de se rebeller, avec la complicité d'un nouveau surveillant, Huguet (Jean Dasté), plus proche de la mentalité des jeunes que de celle, rigide, des autres adultes. C'est ainsi que se déchaîne une bataille le jour de la fête du collège, les adultes ont le dessous et les garçons peuvent courir sur les toits, enfin libres. Le début du récit de Vigo souligne l'insouciance joyeuse de l'enfance : le train qui ramène deux garçons à l'école après les vacances est le théâtre de leurs farces. À la gare se profile la sévérité du collège qui accueille les garçons alignés en file par deux, mais également la figure extravagante du nouveau surveillant, Huguet. Le dortoir nous montre au « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) premier plan les figures de trois plus jeunes des protagonistes (Caussat, Colin et Briel) soumis aux punitions du « censeur ». C'est lors de la récréation que commence le complot des trois, apparemment protégés par l'adulte Huguet, lequel, après avoir imité le célèbre Charlot, se montrera même capable de faire le poirier sur le bureau au milieu des garçons enthousiastes, ce à quoi met fin l'entrée de l'autre surveillant ; celui-ci, dont la façon n'est pas du tout la même, punira plus tard les garçons avec l'habituel zéro de conduite et l'interdiction de sortir le dimanche. La présentation du directeur du collège est un des instants les plus amusants du film ; il arrive alors que les garçons sont sur le point de sortir en compagnie du jeune maître qui, les ayant laissés seuls, se promène l'air distrait et fait la cour à une dame. Un autre personnage grotesque dans le corps enseignant est « Cornacchia », surpris à voler aux garçons leurs desserts et puni par eux-mêmes qui se servent de colle. La nourriture du collège déchaîne une réaction désordonnée et railleuse. Les attentions équivoques du professeur de sciences provoquent une violente réaction verbale (« Y a la merde », anagramme du pseudonyme du père de Vigo) de l'autre tout jeune protagoniste (Tabart), présenté depuis la scène de la gare avec des traits délicats et efféminés, et qui ainsi est définitivement accepté par les trois rebelles. L'action touche à son sommet : à l'occasion de la fête de l'école les quatre garçons organisent une révolte, au cours de laquelle des mannequins et des exhibitions dignes d'un cirque soulignent de façon expressive l'impasse d'un pouvoir définitivement mis au pilori, et les enfants s'enfuient sur les toits, vers les cieux sereins garants d'une nouvelle liberté. Nounez qui exècre l’académisme du cinéma de cette époque. Il va financer zéro de conduite dont il trouve le scénario formidable. Un certain nombre de personnes (dont Pierre Merle, Albert Riera, Henri Stork, le journaliste Charles Goldblatt, futur parolier des chansons de l’Atalante…) vont constituer le clan Vigo et c’est à l’occasion du tournage de son premier long métrage (65 minutes) que ce clan va se concrétiser. Vigo est un homme de rencontres. Il va avoir la chance de rencontrer quelqu’un qui va croire totalement en lui et voir le génie sous-jacent dans A propos de Nice. Ce mécène (on ne peut pas l’appeler autrement au vu de ce qui va arriver) est un dénommé Jacques Louis- Zéro de conduite raconte la conspiration fomentée, pour combattre l’ennui et se révolter contre l’autorité, par quatre adolescents (Caussat, Colin, Bruel et Tabard) à l’occasion de la fête officielle d’un pensionnat de province. Il s’agit d’un film sur l’enfance, tourné par un enfant à qui on a confié une équipe de tournage et des studios. Film au montage chaotique et décousu, dont on a parfois du mal à suivre la trame narrative (mais çà n’a pas beaucoup d’importance et çà ne gêne pas à la compréhension de l’histoire), c’est un monument à la gloire de la désobéissance dont le sommet, qui pourrait nous paraître bien anodin aujourd’hui, est cette séquence où le jeune Tabard dit ‘Merde’ à l’autorité. Ceci dit, malgré un côté potache très prononcé, les différents regards du réalisateur sur la morale, l’autorité, la religion, (ainsi que l’évocation sans équivoque de la pédophilie) sont d’une acuité confondante et d’une audace rarement égalée. Zéro de conduite est un film qui a manifestement inspiré bien des cinéastes. On en donnera un exemple parmi d’autres. Vigo, montre rarement ses propres influences. Il fera un hommage amusant à Charlie Chaplin par l’intermédiaire du personnage du surveillant incarné par Jean Dasté (que l’on retrouvera dans le rôle du marinier, dans l’Atalante) imitant Charlot dans la cour de récréation. Mais, il est quasi évident que ce personnage lunaire habillé d’un pardessus gris et d’un chapeau, gaffeur, légèrement obsessionnel, est l’archétype de Monsieur Hulot. Zéro de conduite est aussi un film de transition entre le muet et le cinéma parlant. Le film commence par une très belle séquence muette dans le train, où deux jeunes pensionnaires comparent les différents jeux qu’ils ont amenés avec eux pour la rentrée des classes. Vigo nous montre qu’il connaît les conventions du muet et qu’il sait en jouer avec vivacité et humour, la séquence se termine sur un bruitage du train qui surprend le spectateur. Les techniques de sonorisation viennent d’arriver en France et Vigo n’aura aucun mal à s’en emparer, osant les expérimentations les plus variées avec les moyens du bord, ce qui donnera une bande son « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933) étonnante mais malheureusement fort abîmée à l’arrivée. Pendant longtemps, les versions que l’on a pu voir dans les Ciné-club (ou à la télévision où Zéro de conduite n’a guère été diffusé avant minuit) étaient à la limite de l’audible. C’est sûrement un des prétextes qui ont justifié la diffusion restreinte de Vigo à la télévision, empêchant ainsi toute reconnaissance par un large public. Même si Lobster Films (société de restauration connue d’une grande partie des cinéphiles) a fait, une fois de plus, un travail incomparable pour nous redonner un confort d’écoute, il faudra encore rester attentif. On pourra, malgré cela, remarquer les qualités de la bande son, et surtout les judicieuses ponctuations musicales de Maurice Jaubert indissociables du film (ce sera encore plus vrai dans l’Atalante), notamment la modernité de l’illustration sonore d’un des sommets du film, la bataille de polochons dans le dortoir. Cette scène d’anthologie résume presque toutes les qualités de ce film. Une certaine maladresse enfantine et un sens poétique indéniable, mais en même temps une grande maîtrise filmique. Mais aussi scène scandaleuse qui est sûrement pour beaucoup dans l’interdiction du film : non seulement il s’agit, sans aucun doute, d’une parodie de procession, mais l’un des plans laisse entrevoir brièvement, quoiqu’ assez clairement, un sexe d’adolescent sous la chemise de nuit qui se soulève. Selon les témoins, la présentation du film est, c’est le moins que l’on puisse dire, houleuse ! Zéro de conduite ne sera jamais diffusé au public du vivant de l’auteur. Le film est frappé d’interdiction par la commission de censure qui réclame tellement de coupes que celui-ci déjà très court deviendrait totalement inexploitable. Il ne sera à nouveau visible qu’à la libération, en 1945. Le Clan Vigo est consterné. Jean a fait un film extrêmement personnel où il y a mis beaucoup de sa vie et de ses convictions. La sanction est douloureuse. Jacques Louis-Nounez (qui adore le film) se retrouve avec une perte sèche dont beaucoup ne se relèveraient pas, or il insiste car il croit au talent de Vigo. Mais il décide (car il ne peut pas prendre le risque d’un second échec) de confier à l’enfant terrible un scénario très consensuel que l’on pourrait même qualifier d’un peu mièvre. Il sait que Vigo en tirera quelque chose de fort, mais au moins il compte se débarrasser des aspects politiques qui pourraient conduire la censure à frapper de nouveau. « Collège au cinéma » n°1 « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1933)