L`avocat qui ne se fixe aucune limite

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LE PORTRAIT
10.07.2011
L'avocat qui ne se fixe aucune limite
Me DAVID KOUBBI, défenseur de Tristane Banon
Le geste fébrile, les yeux encore remplis de mauvais sommeil, David Koubbi s'attaque à son premier café et au
courrier du matin. La pile d'enveloppes ne cesse de grossir depuis le début de l'affaire DSK. « Bravo pour tout,
je soutiens Tristane, j'aime beaucoup ce que vous faites », lit en substance l'avocat de Tristane Banon. « Mais
ça peut très bien commencer comme ça et le mec finit sa lettre en me traitant de tous les noms », lance cet
homme de 38 ans avec une ironie un brin désabusée. Depuis le dépôt de plainte contre Dominique
Strauss-Kahn de Tristane Banon, le 5 juillet, pour « tentative de viol » , « la standardiste du cabinet se fait
insulter ». Le jeune pénaliste ne compte plus les fois où il se fait apostropher, pas toujours gentiment, dans la
rue. Et son sommeil n'est pas seulement hanté par son dossier. Une nuit, un mauvais plaisantin s'est accroché
à la sonnette de son appartement. « Je m'y étais préparé, Tristane aussi », confie David Koubbi en allumant
une cigarette. « Et je rendrai tous les coups, un par un », promet cet adepte de boxe française et thaïe, assis
dans son bureau où s'affiche l'inscription bravache Négocier nuit gravement à la santé, entre deux œuvres d'art
contemporain qui changent au gré des expositions organisées dans son cabinet de 600 m2, à deux pas de
l'Etoile. Car l'avocat, né à Toulouse de parents entrepreneurs et monté à Paris « pour ne pas devenir l'avocat
de la presse locale », ne doute pas de gagner. « Je ne pars jamais sans rien », lance celui qui a cofondé, à
32 ans, le cabinet 28 Octobre réunissant une vingtaine de collaborateurs spécialisés dans le droit des affaires
et de la presse, sa propre spécialité. L'homme ne manque en tout cas pas d'assurance. « Ma stratégie est
millimétrée, promet le pénaliste. Kenneth Thompson (NDLR : avocat de Nafissatou Diallo, l'accusatrice de
DSK) a joué au bowling. Moi, je joue aux échecs. » Ni d'un enthousiasme désarmant. « C'est un dossier sans
limites. Ça tombe bien, je n'en ai pas. J'ai juste compris que je ne volerai jamais dans les airs, la seule chose à
laquelle j'ai renoncé. » S'il n'a pas attendu Tristane Banon pour devenir médiatique — il défend le
neurochirurgien Stéphane Delajoux, qui a opéré Johnny Hallyday, l'ex-star du X Clara Morgan, l'ancien trader
Jerôme Kerviel ou encore Marie Laforêt —, ses premiers détracteurs non plus. Beaucoup le trouvent
prétentieux et insupportable. « Il n'a toujours cherché qu'à faire parler de lui sans penser à ses clients »,
lance-t-on dans le microcosme judiciaire parisien, sans qu'aucun avocat veuille être cité en flagrant délit de
critique contre un confrère. « Il ne défend aucun grand média et n'est l'auteur d'aucune jurisprudence. C'est un
clown », assène un spécialiste du droit de la presse. « Il emmène sa cliente droit dans le mur, complète un
pénaliste aguerri. La tentative de viol est très difficile à prouver. Alors huit ans après les faits! » « J'ai rencontré
Tristane il y a longtemps pour une autre affaire, rétorque Me Koubbi, qui précise à l'occasion ne pas avoir de
carte d'électeur. La décision de porter plainte, comme annoncé aux médias, nous l'avions prise bien avant le
revirement de situation à New York. Dans cette affaire, je n'ai que des coups à prendre. » Son actuel associé,
Me Benoît Pruvost, monte au créneau pour le défendre : « David ne fait pas de clientélisme. Il ne promet pas
ce qu'il ne peut pas donner. » Un autre fidèle, Jean-Marc Prunet, croisé sur les bancs de la fac de droit,
confirme. « David plie la réalité à l'aune de ses convictions. Je crois qu'il ne connaît ni la peur ni le
compromis. » Et ses proches peinent à lui trouver des failles. « Les caméras, les médias, il en joue », assure
Me Pruvost. « Oui, parfois il se pavane, admet un de ses clients qui loue les qualités d'écoute et la grande
intelligence de son conseil. Mais c'est un lion! Un lion qui ne se pavane pas, ça n'existe pas ! » S'il parade,
David Koubbi sait aussi s'amuser. En coproduisant, par exemple, la cérémonie des Gérards de la politique, qui
attribuent des prix loufoques aux élus. « Ça ne fait pas très sérieux, mais ça me fait marrer », sourit ce père
d'un petit garçon. Il a également créé un site Internet de services aux particuliers, publié un roman et en
prépare un second. Quittant quelques secondes son armure de certitudes, il dévoile des blessures. Comme la
perte, à 12 ans, de Céline, sa meilleure amie. Un deuil qui le plonge dans un échec scolaire surmonté grâce à
une année de sport-études. Et David Koubbi rêve, parfois, « que le pouvoir de tout cesse de gagner contre le
droit de rien. Si, un jour, un président de la République utilise l'Elysée pour abriter les SDF, je voterai peut-être.
J'aimerais aussi m'installer à New York ». Une envie née bien avant l'affaire DSK.
Le Parisien
Cet article a été publié dans la rubrique Faits divers
27/09/2012 15:47