revue générale Mécanismes de l`activité antivirale indirecte de l
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abc revue générale Ann Biol Clin 2005 ; 63 (2) : 155-63 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Mécanismes de l’activité antivirale indirecte de l’imiquimod D. Hober1 L. Ajram1,2 W. Chehadeh1,3 M. Lazrek1 A. Goffard1 A. Dewilde1 P. Wattré1 1 Service de virologie, Upres EA3610 CHRU, Lille <[email protected]> 2 Inserm-UMR 599, Institut du cancer, Marseille 3 Département de microbiologie, faculté de médecine, Université de Koweït Résumé. L’implication d’une réponse immune dans les maladies anogénitales à papillomavirus humains (HPV) avait déjà été pressentie par les cliniciens. En effet, l’efflorescence des lésions et le caractère récidivant de l’infection à HPV chez les patients VIH séropositifs, l’absence de récidive chez les sujets qui guérissent spontanément fournissaient les indices d’une intervention immunologique probable. Aujourd’hui, le rôle du système immunitaire dans l’évolution des maladies anogénitales à HPV est bien établi : les HPV induisent une réponse immunitaire cellulaire et humorale. Cette réponse s’effectue principalement vis-à-vis des cellules infectées ; elle s’exerce également au niveau systémique par la synthèse d’anticorps, mais cette voie s’avère secondaire. Devant les limites des thérapeutiques actuelles (soit purement destructrices et marquées par la fréquence des récidives, soit antivirales mais difficilement maniables), il était nécessaire de trouver un nouveau type de traitement qui favorise la réponse immunitaire locale, entraîne la disparition des lésions et permette de réduire le risque de récidives. Le mécanisme d’action original du premier modificateur de la réponse immunitaire cellulaire, l’imiquimod, en application locale (AldaraTM 5 % crème) répond à ce besoin, Les premiers résultats positifs observés in vitro et chez l’animal ont été confirmés chez l’homme porteur de condylomes acuminés à HPV dans une étude en double aveugle contre placebo : l’imiquimod inhibe la réplication des HPV et provoque la régression des condylomes. Son action repose sur l’activation combinée de l’immunité naturelle locale, par la mise en jeu d’interféron alpha (IFNa) et de l’immunité acquise, par stimulation d’une réponse cellulaire de type T. Ainsi, l’imiquimod se présente comme un antiviral original car il n’agit pas de manière directe sur le virus lui-même. Mots clés : imiquimod, papillomavirus humain, condylome acuminé Article reçu le 26 avril 2004, accepté le 7 décembre 2004 Abstract. The potential role of an immune response in HPV-related anogenital disorders had already been anticipated by clinicians. Indeed the lesions efflorescence and the relapsing HPV infection in HIV positive patients as well as the lack of recurrence in patients with spontaneous cure, provided relevant clues for a likely immune mechanism. At present time, the role of the immune system in the development of HPV-related anogenital disorders is well established : HPV induce a humoral and cell mediated immune response. This response is mainly exerted towards infected cells; it is also exerted at the systemic level, through antibodies synthesis, but this pathway remains a secondary one. Due to the limits of the present therapies (either purely destructive and characterized by the rate of recurrences, or antiviral, but difficult to use), it was necessary to find a new treatment type which enhances the local immune response, results in the disappearance of lesions and allows for a decrease in the risk of recurrences. The original mechanism of action of the first cellmediated immune response modifier: imiquimod, for local use (AldaraTM 5 % cream) is an answer to this need. The first positive results observed in vitro and Tirés à part : D. Hober Ann Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 155 revue générale in animals were confirmed in patients with HPV anogenital warts in a double blind placebo-controlled study: imiquimod inhibits HPV replication and results in the condyloma regression. Its action is based on the combined activation of the natural local immunity, by stimulating interferon alpha; and of the acquired immunity, by stimulating a T-cell mediated immune response. Thus imiquimod appears to be an original antiviral compound, because it does not act directly on the virus itself. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Key words: imiquimod, human papillomavirus, condyloma Dans les années 1980, des équipes tentent de découvrir de nouveaux analogues de nucléosides pour traiter les infections virales. L’imiquimod induit in vivo une protection de cobayes et de souris, vis-à-vis d’une infection primaire et de réinfections par différents virus, notamment herpes simplex et cytomégalovirus [1-4]. Cependant, in vitro, cette molécule n’inhibe pas la réplication virale. C’est l’effet stimulant des cellules de l’immunité qui confère à cette molécule son pouvoir antiviral. L’activité antivirale indirecte de l’imiquimod est corrélée à son pouvoir d’induction d’interféron et d’autres cytokines dans les cellules mononucléées du sang périphérique in vitro et chez certains animaux. Cet article a pour but d’expliquer le mécanisme de l’activité antivirale de l’imiquimod mise à profit dans le traitement des condylomes acuminés, lésions provoquées par les papillomavirus. impliqués dans les mécanismes d’immortalisation et de transformation des cellules infectées par ces virus. À la suite d’une lésion cutanéo-muqueuse, les HPV infectent les kératinocytes basaux, cellules immatures dont le rôle est de remplacer par différenciation les cellules superficielles de l’épithélium cutané. La multiplication du virus est étroitement liée à la différenciation de la cellule hôte. Lorsque le papillomavirus pénètre dans le noyau du kératinocyte, la réplication virale de l’ADN est initiée sous le contrôle des gènes El et E2. Avec la différenciation et la progression de la cellule hôte, le virus passe du stade d’ADN viral à un stade plus avancé de sa réplication ; des gènes tardifs (L1, L2, L4) participent à la production de nouvelles particules virales (virions). Lorsqu’il atteint la couche cornée, le kératinocyte mature contient des millions de virions qui seront libérés en phase finale de conversion, lors de la desquamation de l’épithélium cutané, pouvant alors contaminer les cellules d’autres sujets. Les papillomavirus humains Les infections à papillomavirus (HPV) sont actuellement considérées comme les infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes, et l’incidence annuelle des condylomes acuminés ne cesse de croître. Ce chapitre a pour objectif d’être un bref rappel, des informations plus complètes sont fournies dans plusieurs publications référencées dans cette revue [5-7]. Les HPV constituent une vaste famille ; plus de 120 génotypes ont été identifiés à ce jour. Chez l’homme, à côté des HPV 6 et 11 et, à un moindre degré des HPV 42 et 45, responsables des condylomes acuminés externes, les HPV de sérotypes 16 et 18 ont une implication reconnue dans les dysplasies cervicales et les cancers du col utérin. Ces virus, d’une taille d’environ 55 nm, possèdent un ADN à double brin et sont dépourvus d’enveloppe (figure 1). Leur génome est constitué de gènes de structure - notamment L1 et L2 (codant pour les protéines de capside du virus) et de gènes de régulation, parmi lesquels E6, E7 et E4, 156 Mécanismes de défense antivirale de l’organisme Pour lutter contre une infection virale, l’organisme met en jeu des défenses naturelles innées et acquises. Les acteurs HPV sérotypes Maladies associées 6 11 42 43 44 16 18 Condylomes acuminés Dysplasies cervicales, cancer du col Protéine de capside majeure LRR E6 E7 Immortalisation L1 Protéine de capside mineure HPV 11 Réplication 7931 b.p. E1 L2 Transactivation, E5b E4 E2 réplication E5a ?Maturation Immortalisation Figure 1. Papillomavirus humain (HPV). Ann Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 Imiquimod principaux de l’immunité innée sont les interférons alpha (IFNa) et bêta (IFNb) qui limitent la réplication virale - et les cellules NK (natural killers), capables de détruire les cellules infectées par les virus. À côté de ces défenses naturelles, des défenses spécifiques, acquises, font intervenir les lymphocytes T et les anticorps. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Génération des défenses spécifiques En présence de cytokines, comme l’interleukine 12 (IL-12) ou l’IFNa, les lymphocytes Th0 peuvent acquérir les propriétés de lymphocytes de type Th1, impliqués dans la réponse immunitaire cellulaire, efficaces dans la destruction des cellules infectées par les virus, notamment par le biais d’effecteurs cellulaires, tels que les cellules T cytotoxiques. Les lymphocytes Th0 indifférenciés peuvent aussi, en présence de cytokines comme l’IL-4, acquérir les propriétés de lymphocytes de type Th2, capables de sécréter des cytokines telles que l’IL-5, l’IL-6 et l’IL-10, impliquées dans les processus d’immunité humorale (différenciation et prolifération des lymphocytes B, synthèse d’anticorps). Rôle de la présentation d’antigène dans la réponse immunitaire cellulaire vis-à-vis des cellules infectées par un virus Une réponse immunitaire efficace repose sur une étape essentielle : la capacité de certaines cellules de l’organisme (macrophages, monocytes ou cellules dendritiques) de présenter efficacement l’antigène (figure 2). Ces cellules sont capables de capter des virus, des antigènes viraux ou différentes protéines virales issues des cellules infectées. Ainsi, elles peuvent “ capter ” les antigènes viraux, les “ apprêter “, les transformer et les présenter de manière efficace à leur surface, en les associant à des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II. Principe de différenciation et de mise en place d’effecteurs cellulaires : les lymphocytes T cytotoxiques Lorsque la cellule présente à sa surface des peptides antigéniques associés au CMH de classe II, les lymphocytes T4 helpers (T CD4), qui possèdent un récepteur spécifique vis-à-vis du peptide présenté de manière efficace, pourront être activés. Ce contact antigène-lymphocyte T CD4 entraîne la synthèse de cytokines - notamment d’interleukine 2 (IL-2) et d’interféron gamma (IFNc) - qui participent à l’activation des lymphocytes T CD8+. Les lymphocytes T CD8+ acquièrent ainsi la capacité de détruire les cellules infectées (lymphocytes T cytotoxiques (CTL)) à condition que l’antigène soit effectivement présenté à la surface de la cellule cible, en association avec des molécules du CMH de classe I. Ann Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 L’immunité naturelle et l’immunité acquise dans les infections a HPV Plusieurs essais in vitro ont démontré le rôle de l’immunité naturelle dans les infections à HPV responsables de condylomes acuminés ou impliquées dans des affections à potentialité maligne : les IFNa et IFNb interviennent en bloquant l’expression de l’ARN messager des HPV [8]. En ce qui concerne l’immunité acquise, le système immunitaire détecte les HPV et participe au contrôle de l’extension des lésions des infections ainsi induites, comme en témoigne, a contrario, l’expression floride des condylomes acuminés lorsque le système immunitaire est altéré, comme c’est le cas chez les sujets VIH positifs. Chez les sujets infectés par HPV des anticorps anti-HPV peuvent être détectés. Ils sont notamment dirigés contre les protéines E6, E7 et L1 des virus [9, 10]. Les lymphocytes T du sang périphérique de sujets porteurs de HPV sont activés lorsqu’ils sont mis en culture en présence de protéines de HPV E6, E7 ou L1. Il existe ainsi chez ces sujets, des lymphocytes T capables de reconnaître les protéines virales [11]. Les protéines des HPV sont donc immunogènes. En outre, dans les lésions induites par les HPV la présence d’un infiltrat cellulaire composé de lymphocytes T CD4 et CD8 démontre l’existence d’une réponse immunitaire cellulaire locale. Par ailleurs, dans les modèles cellulaires in vitro, l’IFNc libéré au cours de la réponse immunitaire acquise par les lymphocytes T peut bloquer l’expression de l’ARN messager des HPV [12]. L’ensemble de ces données démontre que le système immunitaire est capable de répondre aux infections par HPV L’imiquimod : nouvelle thérapeutique de l’infection à HPV De nombreuses thérapeutiques à visée destructrice des infections à HPV, notamment les condylomes acuminés Cellule infectée Cellule présentatrice d'antigène Présentation des peptides associés au CMH II CMH II CMH I CD8 IL-2 IFNγ CD4 Lymphocyte TCD4+ helper Lymphocyte TCD8+ cytotoxique Figure 2. Réponse immunitaire cellulaire vis-à-vis de cellules infectées par un virus. 157 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. revue générale externes (chirurgie, ablation physique par cryothérapie, vaporisation, kératolytiques corrosifs, antimitotiques et antimétaboliques) ont été utilisées [13]. Elles donnent des résultats qui ne sont pas totalement satisfaisants, en raison d’une efficacité insuffisante d’emblée, et/ou d’un taux de récidives trop élevé et/ou de leur tolérance souvent médiocre, du fait des fréquentes réactions cutanées locales : douleurs, brûlures et prurit (tableau 1). Les interférons ont suscité un grand intérêt dans cette indication, en tant que molécules utilisables par voie locale, intralésionnelle ou systémique. En pratique, leur efficacité n’apparaît pas supérieure à celle des traitements destructeurs classiques, et ils entraînent la survenue de nombreux effets indésirables, tant locaux (douleur locale à l’injection) que généraux (fatigue, fièvre, myalgies, céphalées, anomalies de la formule sanguine et élévation des enzymes hépatiques) [14]. L’arsenal thérapeutique destiné à traiter les condylomes acuminés externes s’est récemment enrichi d’un immunomodulateur topique, l’imiquimod qui constitue une des thérapeutiques de première intention de cette affection, où il permet d’obtenir un taux de rémission complète d’au moins 50 % et un faible taux de récidive à 3 mois (environ 13 %). L’imiquimod est une imidazoquinoline, développée par les laboratoires 3M Pharmaceuticals (Saint Paul, MN, États-Unis), de formule chimique C14H16N4 : 1-(2méthylpropyl)-1H-imidazo[4,5-c] quinolin-4-amine, dont le poids moléculaire est de 240,3 (figure 3). Cette molécule n’inhibe pas directement la réplication virale, c’est un immunomodulateur dont l’activité antivirale est liée au pouvoir inducteur d’interféron alpha et d’autres cytokines. La forme commerciale de l’imiquimod, Aldara™, se présente sous la forme d’une crème à 5 % de principe actif, NH2 N N N CH3 CH3 Figure 3. Formule chimique de l’imiquimod (R837). 158 Tableau 1. Taux de disparitions et de récidives des condylomes acuminés avec les traitments à visée destructrice (d’après [13]). Traitements chimiques Podophylline Podophyllotoxine Acide trichloracétique 5-fluoro-uracile Techniques ablatives Excision chirurgicale Cryothérapie Laser Électrocautérisation Taux de disparitions (%) Taux de récidives (%) 22-77 56-100 81 10-73 11-74 23-40 36 non évalué 93 63-88 31-91 94 29 21-39 3-95 22 en sachets unidoses de 0,25 g, dont l’indication est le traitement local des verrues génitales et périanales externes (condylomes acuminés) de l’adulte. La posologie est de trois applications par semaine avant le coucher afin que la crème reste en contact six à dix heures avec la peau, ce jusqu’à disparition des verrues génitales ou pour une durée maximale de traitement de 16 semaines lors de chaque épisode de verrue. La crème s’applique en couche mince sur la zone lésée après l’avoir préalablement nettoyée et doit être massée jusqu’à pénétration totale. Mécanismes d’induction des cytokines par l’imiquimod L’originalité du mode d’action de l’imiquimod réside dans son induction d’une synthèse endogène d’IFNa, de tumor necrosis factor (TNFa) et d’autres cytokines, notamment les interleukines IL-6, IL-8, IL-10 et IL-12. Celles-ci sont impliquées dans l’activation des cellules effectrices et la stimulation d’une réponse immunitaire cellulaire locale physiologique de type Th1, qui accroît l’élimination des cellules infectées par HPV In vitro, plusieurs études d’affinité montrent l’existence d’un récepteur membranaire de l’imiquimod à la surface des cellules immunitaires répondeuses, principalement les monocytes et les macrophages [15]. Dans un modèle murin, il a récemment été montré que l’imiquimod active les cellules immunitaires via le Toll-like récepteur 7 [16]. L’imiquimod et ses dérivés sont les seules petites molécules de synthèse à se fixer au TLR ; ce sont de plus les seuls ligands connus du TLR7 et du TLR8 [16]. La fixation de l’imiquimod sur ce récepteur induit une synthèse dosedépendante d’ARNm de diverses cytokines (IFNa, TNFa, IL-1, IL-6, IL-8, IL-10 et autres) [17]. L’addition de cycloheximide, inhibiteur de la synthèse des protéines, ne bloque pas la production d’ARNm de Ann Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Imiquimod l’IFNa, du TNFa et des cytokines induites par l’imiquimod. Ces résultats montrent qu’aucune de ces cytokines n’est induite par une réaction en cascade. En d’autres termes, l’induction d’une cytokine n’est pas une condition préalable à l’induction des autres. L’induction des cytokines par l’imiquimod est un événement primaire, et cette molécule induit la production des ARNm de cytokines de manière directe et indépendante. Le mécanisme moléculaire d’induction des cytokines par l’imiquimod a été étudié par Megyeri et al. en 1995 [18], en comparant la nature des cytokines induites par l’imiquimod et le virus Sendai dans des cellules mononucléées de sang périphérique d’origine humaine. Ils ont montré que l’imiquimod induit l’expression des gènes d’IFNa/b et d’autres cytokines (IL-6, IL-8 et TNFa). Contrairement à l’infection virale, qui stimule efficacement les gènes d’IFNa dans une large variété de cellules primaires et de lignées cellulaires, l’imiquimod induit ces gènes uniquement dans les monocytes primaires humains. L’induction des gènes codant pour les IFNa/b par l’imiquimod et le virus Sendai nécessite une activation de la thymidine kinase et de la protéine kinase C. L’imiquimod et l’infection virale stimulent d’une part, des complexes protéiques nucléaires notamment NFjB qui se fixe sur le promoteur de tous les gènes de cytokines induites sauf ceux de l’IFNa et, d’autre part, des complexes qui se fixent sur le site A4F1 conservé dans le gène codant pour l’IFNa. Le mécanisme moléculaire d’induction des interférons, des gènes stimulés par les interférons et des cytokines pro-inflammatoires (en l’occurrence l’interleukine 6) a été étudié dans des modèles murins [19]. Des souris déficientes en IRF-1 (interferon regulatory factor) ou en PKR (protéine kinase induite par l’IFNa) répondent normalement à l’imiquimod, alors que chez la souris déficiente en Stat-1 (signal transducer and activator transcription), traitée par imiquimod, le niveau d’IFN circulant est 32 fois plus faible, et le traitement est sans effet sur l’induction des gènes de la 2’-5’ oligo adénylate synthétase et de l’IRF. Ces résultats tendent à confirmer le rôle de Stat-1 dans le mécanisme d’activation des gènes induite par l’imiquimod [19]. Effets de l’imiquimod sur l’immunité Dans différents modèles animaux, chez la souris, le rat, le cobaye et le singe il a été montré que l’imiquimod, administré par voie parentérale, orale ou locale (peau, muqueuse vaginale) stimulait in vivo la production de nombreuses cytokines, dont l’IFNa/b, l’IL-6 et le TNFa, ainsi que de la 2’-5’ oligoadénylate synthétase, enzyme à activité antivirale [20-23]. De même, chez l’homme, l’imiquimod induit la stimulation de nombreuses cytokines au niveau des cellules Ann Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 mononuclées du sang périphérique [24], et notamment des monocytes (IFNa, TNFa, IL-1, -1R, -6, -8, -10, -12 ; p40 ; G-CSF (granulocyte colony stimulating factor), GM-CSF (granulocyte/macrophage colony stimulating factor), MIP-1a (macrophage inflammatory protein 1a), MIP-1b et MCP-1 (macrophage chemotactic protein), ainsi qu’au niveau des kératinocytes (IFNa, IL-6 et IL-8). L’imiquimod entraîne, au niveau des macrophages, une forte induction de 13 gènes impliqués dans la réponse inflammatoire : les macrophage inflammatory proteins : MIP-1a, MIP-1b, MIP-2a, IL-1b et PAI-2 ainsi que dans l’expression des récepteurs de surface (CD40, ICAM1) et dans l’expression des molécules régulatrices de la transcription (IjBa, IjBb, c-rel) qui par la suite interviennent dans l’expression des gènes des cytokines [25]. L’augmentation locale de concentration de cytokines, au niveau du site d’application, active les cellules de Langerhans qui présentent les antigènes aux lymphocytes T [20, 26]. Le mécanisme de cette activation a été étudié par Burns et al. [27]. Ils ont montré que l’imiquimod active la maturation fonctionnelle des cellules de Langerhans qui se manifeste par une augmentation de la prolifération des cellules T dans une réaction lymphocytaire mixte primaire, et une augmentation de la production d’IFNc par les lymphocytes T. Dans les cellules de Langerhans traitées, une expression d’ARNm d’IL-12 p40, d’IL-1b, de TNFa, et d’ IL-1 receptor antagonist est mise en évidence. L’imiquimod ne stimule pas la prolifération des lymphocytes T mais est capable de stimuler indirectement la production des cytokines de la réponse T helper de type 1 en particulier l’IFNc. La stimulation de la production d’IFNa, d’IFNc et IL-12 montre que l’imiquimod est capable d’activer la réponse immune acquise [28]. Cela explique probablement la réduction du nombre de rechutes d’une infection par le virus herpes simplex de type 2 chez le cobaye, après l’arrêt du traitement, par stimulation de l’immunité cellulaire (et en particulier de la mémoire immunitaire) contre les antigènes du virus herpes simplex [28, 29]. L’imiquimod inhibe la production des cytokines de la réponse T helper de type 2 en particulier l’IL-5 chez la souris et l’homme [28]. Dans plusieurs modèles animaux, l’imiquimod inhibe l’éosinophilie induite par les antigènes et les virus [30]. Une étude chez la souris a confirmé que l’imiquimod stimule les lymphocytes B, de façon plus importante sur les lymphocytes activés, et augmente la production d’immunoglobulines spécifiques d’antigène. Cette activité diffère de celle induite par les lipopolysaccharides ou les nucléosides guanine [31]. 159 revue générale Activité antivirale indirecte de l’imiquimod Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Résultats chez l’animal L’administration intravaginale, topique, orale ou parentérale d’imiquimod et ses dérivés protège les animaux contre l’infection primaire par le virus herpes simplex via l’induction de la synthèse d’IFNa [32, 33]. Chez la souris, l’imiquimod a augmenté la durée de vie des animaux infectés par le virus Banzi (flaviviridae) et le virus de la fièvre de la vallée du Rift (bunyaviridae) [4]. Dans ce dernier cas, la production d’IFNa est critique pour l’effet antiviral de l’imiquimod. De même dans certains modèles d’infection à cytomégalovirus chez le cobaye, l’imiquimod a montré une efficacité antivirale indirecte importante [2]. Activité antipapillomavirus chez l’homme Les données obtenues in vitro et à partir de modèles animaux supposent que l’activité antivirale indirecte de l’imiquimod soit médiée par l’induction des cytokines de la réponse immune naturelle et acquise. Une étude contrôlée et randomisée, en double insu, portant sur l’élimination de condylomes acuminés au cours d’un traitement par l’imiquimod, a été réalisée [34, 35]. L’objectif de l’étude était d’évaluer le(s) mécanisme(s) d’action par le(s)quel(s) le condylome acuminé disparaît au cours d’un traitement par imiquimod en crème à 5 %. Dans cette étude, 22 patients adultes (12 hommes et 10 femmes) ont reçu soit l’imiquimod 5 % (Aldara 5 % crème) soit un placebo en application locale pendant la nuit (8 ± 2 heures), trois fois par semaines, pendant 16 semaines. Les visites de contrôle avaient lieu toutes les 2 semaines jusqu’à disparition des lésions ou pendant 16 semaines au plus. Le diagnostic et la détermination des marqueurs biologiques initiaux ainsi que du génotype du HPV étaient effectués à partir de biopsies cutanées. Les biopsies du même site anatomique étaient répétées à 6 semaines et au terme des 16 semaines. Ces prélèvements ont permis de quantifier les marqueurs viraux (ARNm et ADN), ainsi que l’ARN des médiateurs antiviraux, des cytokines et des marqueurs cellulaires de différenciation et des marqueurs lymphocytaires CD4 et CD8. Seize patients traités par l’imiquimod ont présenté une réduction de la taille de plus de 75 % de leurs condylomes lors de la visite finale. Chez 7 d’entre eux, une élimination complète des condylomes a été notée, et chez 3 autres une réduction supérieure à 98 %. Une régression totale des lésions est observée chez un patient traité par placebo. La régression complète des lésions est corrélée à l’augmentation significative des taux de l’ARNm de l’IFNa, et de l’ARNm du TNFa. Une augmentation de l’ARNm de l’IL-2 et de la 2’-5’ oligoadénylate synthétase a également 160 été observée chez les patients dont les lésions étaient éliminées. L’augmentation des taux de TNFa et d’IFNa confirme les études précliniques au cours desquelles une induction des ARNm du TNFa et de l’IFNa a été observée dans la peau après application locale d’imiquimod [26]. Une augmentation de IL-2 p40 et de l’IFNc, cytokines fortement impliquées dans la réponse immune de type Th1, a été constatée chez certains patients sous imiquimod. Une diminution d’expression des marqueurs associée à l’hyperprolifération (PCNA, c-myc) et une augmentation d’expression des marqueurs de différenciation (fillagrine, involucrine, p53, Rb) sont observées lors de la régression des verrues. Par ailleurs, il a été observé sous imiquimod une augmentation significative de la quantité de marqueurs lymphocytaires CD4, CD8, CD29, CD30 et CD45 Ro, compatible avec un infiltrat de cellules T activées. Une diminution parallèle du marqueur lymphocytaire CD1a suggère une diminution du nombre des cellules (notamment les cellules de Langerhans) porteuses de ce marqueur qui ont probablement migré vers d’autres sites et notamment vers des ganglions lymphatiques pour stimuler des cellules T. Enfin, l’absence de modifications des marqueurs lymphocytaires CD16 et CD56 laisse penser qu’il n’existe pas d’afflux de cellules NK dans ces lésions. La disparition des condylomes observée dans cette étude s’est accompagnée d’une réduction significative de la charge virale dans les lésions, mise en évidence par la diminution de la quantité d’ADN de HPV et par la diminution des ARNm pour les protéines précoces de HPV (figure 4). L’administration d’imiquimod par voie topique chez des patients porteurs de condylomes génitaux externes a entraîné un accroissement significatif de la production locale d’ARNm d’IFNa et de cytokines. Les profils des résultats des analyses virologiques et immunologiques étaient semblables chez les patients traités efficacement avec imiquimod et chez le sujet traité avec un placebo dont les lésions ont régressé complètement. Cette observation suggère que l’effet de l’imiquimod mimerait la réponse immunitaire physiologique. L’action de l’imiquimod repose sur une activation combinée de l’immunité naturelle par la mise en jeu d’IFNa et de l’immunité acquise, en stimulant la réponse des lymphocytes T mise en évidence par la présence d’IL-2 et d’IFNc dans les lésions. La figure 5 présente les voies de l’activité antiHPV de l’imiquimod. Chez des patients porteurs de condylomes acuminés [2], traités par imiquimod, les niveaux avant traitement des gènes potentiellement impliqués dans le mécanisme d’action moléculaire de l’imiquimod (gènes de la voie Jak/Stat et leurs inhibiteurs) ainsi que les IRF (interferon response factor) ont été mesurés au niveau de biopsies des lésions [36]. Deux groupes ont été constitués a posteriori selon que les patients étaient considérés comme réponAnn Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 Imiquimod Comparaison avec les valeurs initiales (rapport) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. deurs ou non-répondeurs. Chez ces derniers, les niveaux d’ARNm, de Stat1 et IRF1 se sont avérés moins élevés que chez les patients répondeurs [35]. L’ensemble de ces résultats a permis de démontrer que l’imiquimod, à travers un mécanisme d’action original, présente une efficacité thérapeutique dans le traitement des infections anogénitales à HPV, en particulier le condylome acuminé. L’intérêt thérapeutique de l’imiquimod s’est trouvé confirmé au cours de plusieurs études multicentriques, réalisées chez des patients immunodéprimés ou immunocompétents et souffrant de condylomes acuminés externes. Sous la forme de crème à 5 %, l’imiquimod a permis d’obtenir des taux d’éradication complète compris entre 37 et 52 % selon les études, avec un taux de récidive à 12 semaines de 13 à 19 % [37, 38]. Grâce à ces résultats, l’imiquimod est aujourd’hui l’un des rares traitements ambulatoires, avec le cidofovir, des condylomes acuminés externes recommandés dans les European guidelines for the management of anogenital warts [39, 40]. Patients avec régression ≤ 75 % 5 Patients avec régression > 75 % 5 4,5 4,5 4 4 3,5 3,5 3 3 2,5 2,5 2 2 1,5 1,5 1 1 0,5 0,5 ADN HPV ARNm HPV L1 ARNm HPV E7 Régression spontanée p ≤ 0,05 0 6ème sem. 16ème sem. 6ème sem. 16ème sem. Figure 4. Modification des marqueurs viraux au cours du traitement (d’après [34]). CD1a Macrophage 2'-5' AS IFNα Macrophage CD1a CD1a IFNα CD1a TNFα IL-12 Captation d'antigène TNFα viral IFNα Imiquimod Kératinocyte CD1a IFNα TNFα IFNβ IFNα IFNα IFNβ CD1a TCD4+ TCD4+ IL2 IFNγ TCD8+ PVH+ IFNα Ganglion lymphatique TCD8+ IL-2 TCD8+ IFNγ TCD4+ IFNγ antigène viral PVH+ ARN L1 ARN E7 CMH I PVH+ Fibroblaste Fibroblaste IFNβ Figure 5. Mécanisme de l’activité anti-HPV de l’imiquimod (HPV : papillomavirus humain). Au niveau des lésions cutanées à papillomavirus, la molécule active la production de cytokines par les macrophages, les fibroblastes et les kératinocytes. L’IFNa stimule la synthèse de protéine antivirale par les cellules et notamment la 2’-5’ oligoadénylate synthétase (2’,-5’ AS). Les IFNa et b sont capables d’inhiber la réplication virale. Les cytokines provoqueraient la lyse de cellules infectées et l’activation des cellules de Langerhans (cellules CD1a+), facilitant ainsi la captation d’antigènes par ces cellules et leur migration vers les ganglions lymphatiques. Dans les ganglions lymphatiques, les cellules T (TCD4+ et TCD8+) anti-papillomavirus sont recrutées pour agir au niveau du site de lésion afin de détruire les cellules infectées. Ann Biol Clin, vol. 63, n° 2, mars-avril 2005 161 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. revue générale Conclusion 13. Kraus SJ, Stone KM. Management of genital infections caused by human papillomavirus. Rev Infect Dis 1990 ; 12 : 5620-32. Le mécanisme de l’activité antivirale de l’imiquimod repose sur l’induction combinée de l’immunité naturelle, par la mise en jeu de l’interféron alpha et de l’immunité acquise, en stimulant la réponse des lymphocytes T. Ce mécanisme d’action original contribue à diminuer la réplication virale et à faciliter la réponse immunitaire vis-à-vis des papillomavirus humains et provoque la régression des condylomes acuminés. L’imiquimod et d’autres molécules de la famille des imidazoquinolines pourraient constituer de la même manière un nouveau traitement de diverses affections dermatologiques [41, 42]. 14. Rockley PF, Tyring SK. Interferons alpha, beta and gamma therapy of anogenital human papillomavirus infections. Pharmacol Ther 1995 ; 65 : 265-87. Références 1. Bernstein DI, Harrison CJ. Effects of the immunomodulating agent R837 on acute and latent herpes simplex virus type 2 infections. Antimicrob Agents Chemother 1989 ; 33 : 1511-5. 2. Chen M, Griffith BP, Lucia HL, Hsuing GD. Efficacy of S26308 against guinea pig cytomegalovirus. Antimicrob Agents Chemother 1988 ; 32 : 678-83. 3. Harrison CJ, Jenski L, Voychehovski T, Bernstein DI. Modification of immunological responses and clinical disease during topical R837 treatment of genital HSV-2 infection. Antiviral Res 1988 ; 10 : 209-23. 4. Kende M, Lupton HW, Canonico PG. Treatment of experimental viral infections with immmunomodulators. 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