La place de l`homme dans les territoires-1

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La place de l`homme dans les territoires-1
Et l’homme dans tout ça ?
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
Et l’homme dans tout ça ?
La place de l’homme dans
les territoires
3 - Face à la compétition globale des
territoires, que faire pour être plus
attractif ?
4 - Les enjeux de la gouvernance
territoriale
Première partie
Comment concilier « compétitivité
globale » et « identité locale » ?
Pierre Veltz
Photo : Laurent Mayeux
Débat avec :
Jean-Paul Bailly, PDG du groupe La
Poste,
Jean- Pierre
honoraire,
Duport,
Préfet
Pierre Veltz, délégué ministériel du
cluster de Saclay,
Joël Billard, sénateur d’Eure et Loir
Michel Delebarre, ancien ministre
d’Etat, député-maire de Dunkerque
1 - Comment concilier « compétitivité
globale » et « identité locale ?
2 - Face à l’expansion des
métropoles, quel avenir pour les
territoires ruraux ?
Nous sommes dans notre monde
moderne en face d’un paradoxe
assez extraordinaire : nous avons
d’un côté cette « connectivité »
généralisée et en même temps nous
voyons un peu partout dans le
monde un véritable retour du local,
du territoire.
Dans la jungle du monde, nous
avons besoin de clairières
On aurait pu imaginer que le local et
les territoires soient balayés dans ce
système mondial de flux : il se
produit le contraire. Au point
d’ailleurs que le local met en
difficulté, les structures
intermédiaires, en particulier cette
grande construction des XIXe et
XXe siècles que sont les Etats
nations, peu nombreux dans le
monde. Nous revenons ainsi à une
situation du monde qui est la sienne
depuis toujours : alors que nous
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
avons tendance à représenter le
monde sur les cartes comme un
ensemble de nations supposées être
des Etats nations, sa réalité
économique, humaine et culturelle
est plutôt un ensemble, un archipel
de grandes régions qui sont des
t erri toir es tr an sn atio na u x o u
infranationaux.
On peut s’interroger sur les raisons
de ce paradoxe. Il y a d’abord une
dimension anthropologique, c’est-àdire que bien qu’on puisse se dire
citoyen du monde, le monde est un
peu trop grand pour s’y identifier. Le
philosophe allemand Rüdiger
Safranski a écrit un joli livre qui
s’appelle Quelle dose de
mondialisation l’homme peut-il
supporter ?, qui introduit le concept
de « clairière ». Il explique que nos
vies, qu’il s’agisse des entreprises
ou
des
individus,
sont dans
une sorte
de jungle
touffue
avec des
l i e n s
dans tous
les sens,
que nous
n’arrivons
plus
à
maîtriser, et qu’au milieu de la
jungle, il faut à un moment se créer
une clairière, c’est-à-dire un endroit
où nous puissions reconnaître nos
voisins, nous apaiser quelque peu.
Je pense que cette dimension joue.
Ce retour des identités locales peut
certes être régressif, il peut être
protecteur, comme on bâtit une
forteresse, mais il peut aussi être
ouvert sur le monde, et il est à, mes
yeux, profondément légitime.
La généralisation du télécommunicable donne de la valeur
au non télé-communicable
Au-delà de cet te di me nsion
émotionnelle profonde, si nous
prenons les choses avec le
vocabulaire de l’économie, nous
pouvons reprendre cette phrase
qu’aimait bien mon ami François
Ascher « La généralisation du télécommunicable fait par contraste
monter la valeur de tout ce qui n’est
pas télé-communicable. » Le télécommunicable s’est généralisé mais
subsiste un noyau important de
choses que nous ne pouvons pas
faire à distance. Pourquoi nousréunissons-nous aujourd’hui à Lille ?
Pour se voir, pour se parler. Sous
forme de vidéoconférence, ce
n’aurait pas du tout été la même
chose, nous n’aurions pas parlé de
sujets divers : dans les couloirs,
vous avez discuté de toutes sortes
de choses qui n’ont rien à voir avec
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ça ?
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la conférence, c’est cela qui au fond
est important.
Si nous regardons maintenant
l’aspect développement
économique, nous constatons qu’il
est essentiellement local et régional
et non pas national. Cela a toujours
été ainsi. Je vous conseille un livre
très intéressant, quoiqu’un
peu compliqué par moments,
qui s’appelle La Grande
Divergence, et dont l’auteur
a mé r i c a i n
essaie
de
comprendre pourquoi dans
l’Eurasie les trajectoires de
l’Europe occidentale et de la
Chine ont divergé à un
moment donné : la Chine était
en avance sur l’Europe, puis
l’Europe a rattrapé, dépassé, et nous
sommes peut-être en train de jouer
un nouveau set de cette partie ; il y
explique très bien que les acteurs ne
sont pas tellement les grands
ensembles, les grandes nations,
mais les grandes régions : le delta
du Yang-Tse, la rivière des Perles,
et en Europe des régions qui sont
largement transnationales comme
l’ensemble Nord-Ouest, la Flandre,
le Sud de l’Angleterre. Ce sont les
acteurs du jeu mondial.
Pourquoi ceci est-il revivifié à notre
époque baptisée économie de la
connaissance ? La réponse tient en
deux mots : innovation et confiance.
L’innovation est le brassage des
idées, des cultures, des techniques,
la biodiversité au sens large. Une
partie de l’innovation est de
l’optimisation, ce que les ingénieurs
savent bien faire, et sur laquelle le
territoire joue peu. Mais la vraie
innovation, c’est la création,
laquelle a beaucoup à faire
avec le hasard des lieux, des
rencontres. Ce n’est pas par
hasard qu’aujourd’hui, dans le
monde entier, les grands
pôles universitaires ou
« universitaro-industriels »
jouent un rôle majeur : la
puissance des Etats-Unis
repose largement là-dessus, et sur
le fait qu’elle y attire des gens du
monde entier.
Quant à la confiance, il est très
i mp o rt an t da n s un syst è me
économique de savoir certifier ses
partenaires. Plus le jeu est mondial,
plus nous sommes dans l’inconnu et
plus le raccourci de la confiance est
essentiel. Or, la confiance n’existe
pas sans relations interpersonnelles.
Tous les
chance
territoires
ont
leur
Pour toutes ces raisons, il apparaît
clairement aujourd’hui que les
régions ou les métropoles qui
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gagnent sont celles qui savent créer
à la fois cette biodiversité, cette
ouverture et cette identité.
Pour terminer, quelle est la bonne
échelle ? Elle n’existe pas. Les
grands acteurs mondiaux en matière
territoriale sont de très grandes
régions urbaines. On peut en
discuter mais certains auteurs
considèrent qu’une quinzaine dans
le monde comptent vraiment. Elles
représentent à peu près 10 % de la
population mondiale, 40 à 45 % du
PIB mondial, et 60 à 70 % de la
technologie mondiale. Cela veut-il
dire que les autres territoires n’ont
pas de chance ? Je ne crois pas,
parce que toutes les échelles sont
pertinentes, et même certaines villes
moyennes, des petites villes, voire
des terroirs ruraux sont parfaitement
capables de tirer leur épingle de ce
grand jeu très ouvert qu’est le
système économique, technologique
et culturel mondial, à condition que
les ingrédients soient là : la capacité
de créer de la confiance, de brasser
les cultures, la question de la
gouvernance et de la capacité de
monter des projets.
Jean-Paul Bailly
Le thème tel qu’il a été formulé,
« concilier la compétitivité globale et
l ’i d e n t i t é l o ca l e » , r e n v o i e
exactement à la réalité et aux défis
quotidiens d’une entreprise comme
La Poste. La Poste est à la fois une
très grande institution de service
public, complètement orientée vers
l’accessibilité, la proximité, la
présence sur le territoire.
La Poste, une entreprise mondiale
de proximité
C’est vrai du service des facteurs,
tous les jours – sauf le dimanche,
sur tout le territoire, à tous les
domiciles. C’est vrai évidemment de
la présence territoriale au travers
des bureaux de poste : la France en
compte dix-sept mille et, après
l’école primaire, La Poste est, de
tous les services publics ou
commerçants, le plus accessible en
milieu rural. C’est vrai aussi de
toutes les autr es for mes
d’accessibilité et de proximité : je
pense par exemple à l’accessibilité
bancaire, qui est une dimension très
importante ; son absence entraîne
des formes d’exclusion dans notre
société. En même temps, c’est une
très grande entreprise logistique et
industrielle, dont tous les marchés
sont ouverts à la concurrence. Au 1er
janvier 2011, toutes ses activités
sans exception seront en totale
concurrence.
Cette entreprise est évidemment en
lien avec son environnement, et a
affaire à tous les défis de cet
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
environnement comme toutes les
grandes entreprises. Je pense en
particulier à la mutation vers la
s o c i é t é n u mé r i q u e q u i e s t
aujourd’hui, pour La Poste plus
encore que pour d’autres
entreprises, une grande menace
mais offre aussi de formidables
opportunités. J‘ai bien aimé ce qui a
été dit sur la valeur du non
télécommunicable : aujourd’hui,
autour d’Internet, l es
inquiétudes montent quant à
la vie privée et La Poste, qui
est un acteur de confiance,
peut avoir des opportunités
importantes. Vous avez vu
que nous avons aussi réussi
à articuler notre formidable
présence sur le territoire avec
la capacité de devenir un
acteur dans la téléphonie
mobile : c‘est montrer la
capacité à transformer en
opportunité ce qui peut être perçu
comme une menace.
La Po ste,
performante
l’homme
une e nt rep ris e
au service de
C’est aussi une entreprise qui doit
être compétitive, simplement pour
avoir des résultats économiques qui
lui permettent d’investir, de se
moderniser et de continuer à se
développer. Bien sûr, elle n’a de
sens que si elle est en phase avec
les attentes de sa clientèle. Celle-ci
est le grand public, pour les activités
de courrier, de colis, d’express, etc.,
mais 90 % de sa clientèle sont
constitués par les entreprises et les
grands acteurs économiques.
Quelques chiffres montrent à quel
point c’est une entreprise qui est
« dans le grand bain » : son chiffre
d’affaires est supérieur à 20 Mds€,
ce qui en fait à peu près la vingtième
entreprise française.
En termes de création
de valeur ajoutée,
c’est la première :
85 % des donneurs
d’ordre sont le monde
é c o n o mi q u e ,
en
particulier le monde
industriel
et
des
services, et 97 % des
flux
de
courrier
express ont comme
origine ou destination
le monde économique.
Enfin, pour terminer ce tableau
destiné à vous donner une vision
correcte de ce qu’elle est, La Poste,
contrairement à ce que beaucoup de
gens pensent, ne vit absolument pas
du contribuable : toutes ses
ressources viennent de la vente de
ses produits et de ses services.
Pour essayer de combiner les deux
aspects de la question, quels sont
les points importants ?
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
Le premier est que nous avons fait le
choix, assez original, d’un groupe
unitaire mul ti-métiers et
multiservices, entièrement tourné
vers la proximité, la relation de
service et la confiance. Ce choix
n’est pas évident : la poste
all e ma nd e a ch oisi d ’ê tr e
uniquement un logisticien ; la poste
italienne, d’être uniquement une
banque ; la poste américaine, de ne
s’occuper que du courrier. Notre
modèle est donc très intéressant, et
est évidemment très favorable à la
présence sur le territoire, parce que
c’est sa vocation, et parce qu’il
existe cette sorte de mutualisation
qui, à l’image de notre banque, que
nous nous sommes battus pour
obtenir, aide à s’ancrer dans les
territoires. Cette organisation
ma xi mi se l e s b é n é f i ce s d u
partenariat et de la mutualisation et
je suis convaincu que, notamment
d a n s l e d o ma i n e r u r a l , l a
construction de partenariats ou de
solutions mutualisées permet non
seulement de rendre le service mais,
dans des économies souvent
fondées sur le coût marginal,
constitue la réponse de demain.
Finalement, et c’est très important,
cela assure une bonne robustesse et
permet, même pendant la crise, de
conserver de bons résultats ; ces
résultats permettent de financer à la
fois en partie le coût d’un certain
nombre de missions de service
public et la modernisation et le
développement. Cette politique
nécessite une tête de groupe
puissante, aussi bien sur le plan
juridique que sur le plan financier.
Le deuxième point, évidemment
essentiel, réside dans nos missions
de service public. Elles sont définies
par la loi. Nous avons une sorte de
cahier des charges législatif
indiquant nos obligations. C’est très
important, parce qu’à partir du
moment où il existe un cahier des
charges qui s’impose à tous et qui
est parfaitement clair, la recherche
de la compétitivité ne s’oppose pas à
la qualité du service public. Je dirais
même qu’au contraire, elle permet
de dé gag er d es r essour ces
importantes qui aident à mieux
assurer le service public.
La Poste, une entreprise investie
dans le développement durable
Un dernier point me paraît important
dans cette première approche : le
fait que derrière tout cela, il existe
des valeurs. Ce sont des valeurs de
pro xi mité, d’a cce ssibilité, de
confiance avec les clients, les élus,
les salariés, les citoyens, et ces
valeurs adossées à son histoire et à
ses missions de service public se
révèlent, dans le monde tel qu’il
évolue, un avantage compétitif et
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ça ?
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concurrentiel. C’est aussi
naturellement vrai de ce qui a trait à
la responsabilité sociale des
entreprises, du développement
durable, parce que notre sentiment
est que l’accessibilité et la proximité
sont des valeurs montantes et que
nous avons de très bons atouts pour
y répondre.
Cela nous amène évidemment à être
très engagés dans le domaine du
développement durable : quand on a
la première flotte de France et le
premier parc immobilier de France
après l’Etat, et qu’on sait que ce sont
les transports et les immeubles qui
génèrent le plus de CO2, cela vous
crée des obligations. C’est pourquoi
dans le domaine du transport nous
avons de très gros programmes qui
portent à la fois sur l’optimisation et
la réduction du kilométrage, sur le
développement, auprès des facteurs
en particulier, de la conduite
écologique, qui ne coûte pas grandchose et qui fait économiser 5 à 7 %
de carburant Le papier est un autre
point important. Nous sommes
d’abord des utilisateurs
responsables, en contrôlant la
quantité et en étant attentifs au
recyclage.
La valeur ajoutée d’un territoire,
c’est l’homme
Jean-Pierre Duport
Les territoires sont dans une
situation de compétitivité par rapport
à l’accueil, notamment, des activités
économiques ; ils le sont moins par
rapport à l’accueil des populations.
De ce point de vue, je suis partisan
d’un appareil de l’Etat fort capable
de jouer son rôle de régulateur dans
la compétitivité des territoires.
Cette compétitivité ne peut être bien
régulée que si nous avons un
système de transports qui ne
handicape pas certains territoires.
L’un des éléments essentiels est le
développement d’Internet. Il faut que
l’ensemble des territoires aient des
possibilités d’accès au haut débit, ce
qui permettra à chacun de jouer sa
carte. Et c’est parce qu’il existera un
réseau à haut débit et des
infrastructures de communication de
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qualité que les identités locales
seront valorisées.
Je terminerai par un point également
essentiel : l’utilisation, dans cette
articulation entre compétitivité
globale et identité locale, des
compétences et des qualités de la
main d’œuvre.
Anette Burgdorf
Jean-François ROUBAUD, vous
êtes président de la CGPME.
Comment le lien entre l’entreprise et
les territoires a-t-il évolué ces
cinquante dernières années, qui ont
été marquées par de grands
changements ?
Jean-François Roubaud (De la
salle)
Vous disiez, Pierre VELTZ, que
l’homme a besoin d’une clairière.
C’est vrai que l’homme a besoin de
s’identifier à un territoire, mais en ce
qui concerne les entreprises, c’est
vrai essentiellement pour les
entreprises patrimoniales. Les
hommes ont une histoire qui est
attachée à leur territoire, ils aiment
leur « clairière ». Il est très important
de conserver le côté patrimonial,
quelle que soit la taille de
l’entreprise.
Vous avez orienté votre université
sur la problématique de l’homme ; à
la CGPME, notre maxime est : « La
valeur ajoutée, c’est l’homme ». Cela
me paraît essentiel : plus nous irons,
plus la valeur de l’homme aura de
l’importance. On essaie de se
concentrer sur les territoires que l’on
aime, que l’on connaît, parce qu’il s’y
trouve des hommes et des femmes
de qualité, qui ont été formés, qui
ont une histoire. Et l’entreprise a un
rôle
essentiel,
puisqu’elle
est
le
m o t e u r
d u
développement
économique
Anette Burgdorf
Joël Billard, comment
maintenir le service de
proximité ?
Joël Billard
L’exemple de La Poste est
significatif, puisque c’est une
entreprise qui arrose tout le territoire
rural, qui a fait face à
sa
réorganisation,
qui a su conserver sa
structure
sur
le
territoire rural tout en
maintenant
sa
compétitivité. C’est
un exemple très
encourageant
puisque des débats
ont eu lieu avec l’ensemble des
partenaires qui sont les entreprises
et les élus, et c’est une vraie
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
réussite. La Poste a su s’adapter
aux exigences des territoires ruraux,
et tous les élus se rendent compte
aujourd’hui que les points-poste, les
relais postaux, apportent une qualité
de service égale, voire supérieure,
sans charges supplémentaires pour
les collectivités.
Anette Burgdorf
Michel Delebarre, il existe des
territoires, voire des régions, qui se
vident et qui sont abandonnés.
Pensez-vous qu’il existe un seuil
minimal d’infrastructures en dessous
duquel un territoire ne peut plus se
développer ?
Michel Delebarre
Je ne suis pas sûr que les choses
soient si automatiques que cela. Ce
sont des modes de vie différents. Il
est un propos qui a tendance à
m’énerver – il n’a pas été tenu ici :
« Je vis en milieu rural et je veux
l’équivalent des services du milieu
urbain ». Mais non ! Si vous voulez
l’équivalent des services du milieu
urbain, allez donc vivre en ville. Mais
qu’on arrête de laisser entendre ou
de laisser croire que sur l’ensemble
du territoire, on va pouvoir apporter
le même niveau de services que
dans la ville de Lille : ce n’est pas
sérieux. D’un autre côté, je
comprends tout à fait que des
familles, des personnes, aient envie
d’un mode de vie qui ne soit pas le
mode de vie urbain, qui soit plus
proche du milieu rural. Mais elles ne
peuvent pas tout demander. Il est
vrai que les réseaux de
co mmuni cati on modernes
permettent d’accéder à un certain
nombre de choses, y compris dans
des secteurs isolés. Mais on a fait ce
choix. On ne peut pas être dans un
endroit plaisant, aéré, payer peu,
voire pas du tout, d’impôts locaux et
souhaiter avoir un niveau de
s er vice s e xtra ordi naire me n t
compétitif.
Tout territoire a droit à un projet
Cela ne veut pas dire qu’il faut créer
de la désertification. Le président
BAILLY le sait bien, tous les élus
n’ont pas été enthousiastes sur les
évolutions de La Poste parce que
pour eux, le critère d’évaluation de
ces évolutions était la disparition du
bureau de poste. La Poste tend à
apporter maintenant la preuve qu’il
est possible de rendre un service
p o st a l a ve c d e s st r u ct u r e s
différentes. On a même découvert à
cette occasion, et tant mieux pour la
conception qu’on a du service public,
qu’il peut exister des endroits où un
service postal est rendu avec
d’autres types de services, pourquoi
pas de santé, sous l’angle par
exemple de la distribution de
mé d i ca me n t s. Ce s é lé me n t s
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
d’évolution vont dans le bon sens.
Je ne suis donc pas sûr qu’il existe a
priori un niveau d’équipement qui fait
qu’un territoire est condamné à la
désertification.
Je ne crois pas à l’égalité des
territoires. Je défends un autre
scénario : tout territoire a droit à un
projet, mais tous les projets ne sont
pas identiques. Un territoire sans
projet est un territoire qui meurt.
Mais quand vous prenez une vallée
des Alpes, vous ne pouvez pas avoir
la même idée de développement
que notre littoral de la Côte d’Opale.
Il faut l’accepter, mais cela ne
signifie pas qu’on condamne un
territoire à la désertification.
Je voudrais reprendre l’exemple de
La Poste, car je ne crois pas que la
différenciation
rural-urbain
soit la seule
q ui
e xi ste .
Dans certains
territoires
urbains,
La
Poste est le
seul
service
public présent :
ce sont les
banlieues en difficulté. Dans certains
territoires de mon agglomération de
Dunkerque, vous avez un
représentant de service public au
contact de la population : c’est le
postier, le facteur ; lui voit tout le
monde. Il faut donc bien réfléchir au
fait que, y compris dans des
territoires dits urbains, il existe des
phénomènes d’exclusion ou de mise
à l’écart qui posent de gros
problèmes auxquels il faut répondre.
Je ne crois pas qu’il existe un seuil
ou un niveau permettant de dire
qu’un territoire est condamné. Il est
condamné s’il n’a pas de projet. Et le
devoir de toutes les institutions,
qu’elles soient Communauté,
Région, Département ou Etat, est
d’aider à la mise en œuvre de ces
projets, qui seront différents et qui
demanderont des moyens différents.
La qualité avant la proximité
Anette Burgdorf
Nous avons vu que globalité et
identité ne s’opposent pas. Nous
voyons une autre tendance : les
villes s’étendent, ceux qui vivent à la
campagne se sentent désavantagés
et ont l’impression qu’une partie de
la France est sacrifiée ; quatorze
millions de personnes vivent en
milieu rural.
Jean-Pierre Duport
Toutes les enquêtes qui ont été
réalisées montrent que les citoyens
privilégient la qualité par rapport à la
proximité. Et qu’on ne me dise pas le
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Et l’homme dans tout ça ?
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La place de l’homme dans l’entreprise et les territoires
contraire. Qu’on me montre l’homme
qui, quand sa femme a un
accouchement difficile, n’ira pas au
CHU régional. Quel est celui qui
n’utilisera pas tous les moyens,
quels que soient les problèmes de
carte scolaire, pour aller dans les
meilleurs collèges ou les meilleurs
lycées quand il trouve que
l’établissement de son chef-lieu de
canton est médiocre ?
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