Les médicaments de l`épilepsie et leur utilisation chez le sujet âgé
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Les médicaments de l`épilepsie et leur utilisation chez le sujet âgé
MISE AU POINT Les médicaments de l’épilepsie et leur utilisation chez le sujet âgé J. Belmin, T. Marquet, C. Oasi, S. Pariel-Madjlessi L ’ E S S E N T I E L ■ De plus en plus de sujets âgés concernés : La fréquence de l’épilepsie débutant après l’âge de 60 ans est en forte croissance, d’autant que l’effectif des sujets de 60 ans ou davantage augmente aussi. Le taux d’incidence dépasse 100 cas pour 100 000 chez les sujets de 60 ans et plus, pour atteindre 160 cas pour 100 000 chez les sujets de 80 à 84 ans. Le taux de prévalence passe de 7 pour 1000 chez les sujets de 55 à 64 ans à 12 pour 1000 chez ceux de 85 à 94 ans. ■ Particularités cliniques : Il faut signaler la fréquence des crises partielles complexes, la possibilité d’états confusionnels liés à certaines crises ou de déficits neurologiques lentement régressifs. ■ Les indications thérapeutiques : En dehors des crises symptomatiques aiguës déclenchées par une agression cérébrale où c’est le traitement du facteur déclenchant qui doit être envisagé avant tout, la prescription de médicaments anti-épileptiques est justifiée chez les patients qui ont ien qu’elle garde classiquement B l’image d’une affection qui touche les enfants et les adultes jeunes, l’épilepsie connaît depuis plusieurs années une véritable transformation gériatrique de sa présentation et touche un nombre croissant de personnes âgées. Cette réalité est bien documentée par les enquêtes épidémiologiques et par les données issues de la consommation des médicaments anti-épileptiques [110]. Le taux d’incidence de l’épilepsie est de l’ordre de 60 cas pour 100 000 chez l’enfant, de 30 pour 100000 chez l’adulte jeune, et dépasse 100 cas pour 100 000 chez les sujets de 60 ans et plus [6, 11-13]. L’incidence continue à croître avec l’âge chez les sujets plus âgés, pouvant atteindre 160 cas pour 100 000 chez les sujets de 80 à 84 ans. Le taux de prévalence de l’épilepsie, lui aussi, augmente avec l’âge passant de 5 pour 1000 des sujets de 20 à 50 ans à 7 pour 1000 chez les sujets de 55 à 64 ans, pour atteindre 12 pour 1000 chez les sujets de 85 à 94 ans [14]. Aussi, les médecins qu’ils 16 décembre 2000 / 29 / n° 39 eu 2 crises ou plus et chez lesquels aucun facteur corrigeable n’a été trouvé. En cas d’accident vasculaire cérébral, l’intérêt d’un traitement au long cours doit être réévalué après la phase aiguë. ■ Prescription proprement dite : Quand les crises sont fréquentes et qu’un effet rapide est cherché, il faut associer une benzodiazépine jusqu’à obtention de la pleine efficacité de l’anti-épileptique. Mais, chez les sujets âgés, il importe d’être prudent pour cette prescription en raison de la sédation importante et des risques induits par ces médicaments. Tous les antiépileptiques sont actifs ; les principaux critères de choix chez le sujets âgé sont davantage fondés sur le profil de tolérance et sur le risque d’interaction médicamenteuse. Les effets sur les fonctions cognitives doivent tout particulièrement être pris en considération. soient généralistes, neurologues, gériatres ou médecins d’urgence, sont de plus en plus souvent confrontés au diagnostic et au traitement de l’épilepsie chez des personnes âgées. Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs. Les malades épileptiques ont vu leur prise en charge et leur espérance de vie considérablement améliorées au cours des dernières décennies, leur permettant ainsi d’atteindre des âgés avancés [15]. Par ailleurs, le pronostic vital des malades âgés victimes de maladies neurologiques, notamment cérébrovasculaires s’est amélioré, autorisant la survie de plus en plus prolongée d’un nombre croissant de patients, mais entraînant aussi une augmentation du nombre de sujets âgés exposés au risque de survenue d’une épilepsie. Aussi, l’épilepsie débutant après l’âge de 60 ans ou « l’épilepsie à début tardif ou late-onset epilepsy » [15-18] connaît une forte croissance, ce d’autant que l’effectif des personnes de 60 ans ou plus lui aussi augmente [19]. Presse Med 2000; 29:2143-8 © 2000, Masson, Paris Sur le plan de la présentation clinique, les crises partielles complexes apparaissent comme les manifestations les plus fréquentes de l’épilepsie chez le sujet âgé et représenteraient plus de 70 % des cas d’épilepsie à début tardif [11]. Certaines crises peuvent donner lieu à des états confusionnels particulièrement difficiles à diagnostiquer en l’absence de manifestations associées plus typiques comme les crises partielles simples ou les crises convulsives généralisées. Chez le sujet âgé, les phénomènes post-critiques sont souvent plus marqués et plus prolongés que chez l’adulte jeune. En particulier, la confusion mentale post-critique est très fréquente. Il peut aussi se produire des situations de déficits ●●● Service de Médecine interne gériatrique, Hôpital René Muret et Université Paris Nord, F 93270 Sevran. Tél. : 01 41 52 57 40. Fax : 01 41 52 57 42. e-mail : [email protected] Reçu le 14 novembre 2000 ; accepté le 30 novembre 2000. La Presse Médicale ➞ 2143 MISE AU POINT Médicaments de l’épilepsie chez le sujet âgé neurologiques lentement régressifs, posant des difficultés de diagnostic différentiel avec une accident ischémique cérébral lorsque manque la notion de phase tonico-clonique. L’existence d’une maladie neurologique, notamment les affections cérébro-vasculaires et les démences, est très fréquemment trouvée chez les sujets âgés ayant une épilepsie et l’épilepsie idiopathique est exceptionnelle chez les sujets âgés. La thérapeutique de l’épilepsie a beaucoup évolué au cours des dernières années, en particulier avec la mise sur le marché de nouveaux médicaments de l’épilepsie. Certains de ces médicaments ont un profil d’efficacité/tolérance intéressant pour les personnes âgées, qui sont particulièrement exposées aux risques d’effets indésirables, notamment sur le plan cognitif, et d’interaction avec d’autres médicaments [3, 15, 20]. Aussi, il nous a paru intéressant de faire le point sur les médicaments disponibles de l’épilepsie et d’évaluer leurs avantages et inconvénients potentiels pour traiter les malades âgés épileptiques. L’INDICATION AU TRAITEMENT ANTI-ÉPILEPTIQUE CHEZ LE SUJET ÂGÉ Sans reprendre entièrement la définition et la sémiologie de l’épilepsie, il est important de souligner quelques points importants à examiner pour valider l’indication d’un traitement médicamenteux anti-épileptique chez un sujet âgé ayant fait une ou plusieurs crises épileptiques. Il faut mener une enquête diagnostique pour savoir s’il ne s’agit pas d’une crise provoquée, encore appelée crise symptomatique aiguë, déclenchée par une agression cérébrale (maladie neurologique, problème métabolique, agression médicamenteuse ou toxique, ou encore sevrage). Dans ce cas, le traitement du facteur ou de l’affection déclenchant, s’il est possible et efficace, permet d’espérer que les crises ne se reproduiront pas, et que la prescription de médicaments anti-épileptiques au long cours ne sera pas nécessaire. La prescription de médicaments anti-épileptiques est justifiée chez les patients qui ont fait 2 crises épileptiques ou plus et chez 2144 ➞ La Presse Médicale lesquels aucun facteur déclenchant corrigeable n’a été trouvé. L’indication du traitement pour les patients qui ont fait une première crise d’épilepsie et chez lesquels aucun facteur déclenchant n’est trouvé est plus controversé. Chez le sujet âgé, les récurrences après une première crise d’épilepsie sont très fréquentes, et les conséquences traumatiques ou neurologiques des crises sont souvent plus sévères que chez les adultes plus jeunes. Aussi, il semble logique de débuter le traitement anti-épileptique sans attendre la survenue de nouvelles crises. Par exemple, dans une série de 151 patients de plus de 60 ans ayant fait une première crise, plus de 75 % d’entre eux ont eu une ou plusieurs récurrences et ont finalement reçu un traitement anti-épileptique [13]. La probabilité d’avoir une récurrence des crises était d’autant plus élevée qu’existaient des affections neurologiques, en particulier en cas d’atteinte cérébrovasculaire, de tumeur ou de maladie d’Alzheimer [13]. Une situation particulière mérite une mention car assez fréquente. Un accident vasculaire cérébral aigu peut être responsable d’une crise provoquée, mais aussi, à plus long terme, d’une épilepsie. Aussi, l’indication à un traitement anti-épileptique est souvent plus difficile à poser en cas de crise d’épilepsie au cours d’un accident vasculaire aigu et le traitement est justifié si la répétition des crises fait craindre des conséquences dommageables pour le patient, et ceci pour une période courte. L’intérêt d’un traitement anti-épileptique au long cours doit être ensuite réévalué après la phase aiguë. LE DÉLAI D’ACTION ET LE DÉBUT DU TRAITEMENT Le délai d’action des médicaments anti-épileptiques prescrits au long cours implique d’attendre plusieurs jours après le début de leur prescription pour obtenir leur plein effet. Il faut attendre 4 à 5 demi-vies du médicament pour atteindre la phase d’équilibre du traitement. Aussi, lorsque les crises sont fréquentes (plusieurs par semaine) et qu’un effet rapide est cherché, il faut associer en début de traitement une benzodiazépine (diazepam ou clonazepam) jusqu’à obtention de la pleine efficacité de l’anti-épileptique. Il faut être prudent quant aux doses des benzodiazépines prescrites chez les sujets âgés, en raison de la sédation importante et des risques induits par ces médicaments. Lorsque les crises ne sont pas fréquentes, il est préférable de ne pas prescrire de benzodiazépine en donnant des conseils pour éviter les conséquences traumatiques d’une nouvelle crise. Comme pour toute maladie chronique, il est important de faire participer le patient et son entourage au traitement. Il faut insister sur le respect de l’observance et sur la régularité des consultations de suivi. Il faut déconseiller formellement la conduite automobile et les activités potentiellement dangereuses tant que le traitement n’est pas équilibré et n’a pas fait preuve d’une efficacité complète [21], même si cela signifie pour certains sujets âgés une limitation importante de leur autonomie. La prise d’alcool doit être interdite en raison des ses effets sur le seuil epileptogène et de l’interaction avec les médicaments anti-épileptiques. Il faut informer les patients et leur entourage sur les risques potentiels d’interaction médicamenteuse entre des médicaments prescrits pour une autre maladie ou utilisés en auto-médication et les anti-épileptiques, et les encourager à s’informer auprès de leur médecin ou de leur pharmacien. L’UTILISATION DES ANTIÉPILEPTIQUES CHEZ LE SUJET ÂGÉ Chez les sujets âgés ayant une épilepsie de début tardif et chez lesquels les crises partielles sont le plus fréquemment en cause, tous les anti-épileptiques sont actifs. Aussi, les critères de choix classiques fondés sur le type de crise ne sont pas très utiles [15]. De plus, les études ayant comparé plusieurs anti-épileptiques ont en général montré des efficacités similaires. Aussi, les principaux critères de choix chez le sujet âgé sont davantage fondés sur le profil de tolérance et sur le risque d’interaction médicamenteuse [20]. A ces critères, on peut ajouter la simplicité de la prescription et du suivi (nécessité ou non d’ajustement les doses en 16 décembre 2000 / 29 / n° 39 J. Belmin et al. fonction de l’âge, ou d’une surveillance biologique). Les anti-épileptiques disponibles La famille des anti-épileptiques s’est considérablement enrichie avec la mise sur le marché français de 6 nouveaux médicaments depuis 1994. Les principaux produits disponibles en France sont présentés dans le tableau 1. Les benzodiazépines ne sont jamais utilisées pour un traitement chronique chez les sujets âgés épileptiques. De même, les barbituriques (phénobarbital), qui ont été autrefois le traitement de référence de cette affection, ne devraient plus être utilisés d’emblée chez les sujets âgés épileptiques en raison de la sédation qu’ils entraînent et de leur tolérance médiocre. Enfin, parmi les nouveaux anti- épileptiques, le felbamate doit être réservé à une forme rare d’épilepsie réfractaire (Lennox Gastaud) après évaluation du rapport bénéfice/risque puisqu'aucune autre alternative médicamenteuse n'est disponible (Tableau 1). Aussi, l’utilisation de ces médicaments ne sera pas abordée dans cet article. Parmi les anti-épileptiques disponibles, il est commode de distinguer les médicaments mis sur le marché avant 1993, des médicaments apparus après cette date (Tableau 1), que nous désignerons par commodité antiépileptiques classiques et récents. La tolérance chez le sujet âgé Les effets indésirables des anti-épileptiques classiques sont nombreux et bien connus. Les anti-épileptiques récents ont un meilleur profil de tolérance générale [3, 15, 20]. Tou- Tableau 1 Principaux anti-épileptiques disponibles en France utilisables par voie orale. Les anti-épileptiques récents, mis sur le marché après 1993, sont marqués d’un astérisque. Anti-épileptique phénobarbital Spécialités Présentation Remarques Aparoxal, Gardénal, Alepsal cp sec 100 mg cp 10, 50 et 100 mg cp 15, 50, 100 et 150 mg Est associé à de la caféine primidone Mysoline cp sec 250 mg Est métabolisée en phénobarbital diazepam Valium cp 2, 5 et 10 mg ; sol buv clonazepam Rivotril cp sec 2 mg, sol buv phénytoïne Di-hydan cp sec 100 mg carbamazépine Tégrétol cp 200 mg, sol buv cp LP 200mg et 400 mg valproate de sodium Dépakine cp 200 et 500 mg ; sol buv Dépakine Chrono cp sec 500 mg felbamate* Taloxa cp 400 et 600 mg Indication dans le syndrome de Lennox-Gastaut réfractaire si d’autres AC, en complément du traitement antérieur topiramate* Epitomax cp 50, 100 et 200 mg Indication en 2e intention, associé à d’autres AC gabapentine* Neurontin gél 100, 300 et 400 mg vigabatrin* Sabril cp 500 mg, sol buv Indication en 2e intention, en complément du traitement antérieur lamotrigine* Lamictal cp dispersible 5, 25 et 100 mg Indication en 2e intention, seul ou associé tiagabine Gabitril cp sec 5, 10 et 15 mg Indication en 2e intention, associé à d’autres AC échec Indication dans les épilepsies rebelles AC : anti-comitial ; cp : comprimé ; sol buv : solution buvable ; sec : sécabl. 16 décembre 2000 / 29 / n° 39 tefois, il faut noter l’absence d’étude spécifique menée chez le sujet âgé épileptique avec le topiramate, et l’expérience assez limitée du tiagabine et du vigabatrin [22] chez le sujet âgé. En ce qui concerne le sujet âgé, il est particulièrement important d’examiner les effets des anti-épileptiques sur les fonctions cognitives et l’état psychiatrique, tant cette population est exposée à ces troubles ou fréquemment affectée. Le respect des fonctions cognitives peut être particulièrement utile chez les sujets âgés fragiles et/ou ayant déjà des troubles cognitifs ou une maladie cérébrovasculaire. Les anti-épileptiques classiques étaient connus pour avoir des effets négatifs sur les fonctions cognitives [23]. Toutefois, quelques études comparatives menées chez des sujets âgés n’ont pas confirmé ces notions [24, 25]. Le vigabatrin [26] et la gabapentine [27, 28] n’ont pas d’effets négatifs sur les fonctions cognitives, mais on a décrit, avec le vigabatrin, des effets indésirables comme l’aggravation de dépression ou de troubles psychiatriques [29, 30], ou encore une diminution du champ visuel [31], ainsi qu’une somnolence avec la gabapentine à dose élevée [27]. La lamotrigine est particulièrement intéressante en raison du respect des fonctions cognitives [32], à la différence d’autres anti-épileptiques, comme le topiramate [33, 34] ou la phénytoïne [35] et d’autres anti-épileptiques [23] classiques. La lamotrigine doit être déconseillée chez les patients ayant des antécédents allergiques en raison des effets indésirables d’hypersensibilité [35, 36] dont certains peuvent être graves. Une augmentation très progressive de la posologie peut limiter le risque de réaction allergique. La facilité d’utilisation, de prescription et de surveillance La plupart des anti-épileptiques peuvent être donnés en 2 prises quotidiennes. Il faut le plus souvent ajuster et réduire la posologie chez le sujet âgé pour des raisons liées aux modifications de leurs propriétés pharmacocinétiques [3, 15, 37]. Cet ajustement posologique n’est pas toujours facile à réaliser en pratique. L’évaluation de la fonction rénale est nécessaire pour ajuster les doses des antiépileptiques éliminés par voie rénale ●●● La Presse Médicale ➞ 2145 MISE AU POINT Médicaments de l’épilepsie chez le sujet âgé (vigabatrin, topiramate, gabapentine) et peut être menée de façon simple en utilisant la formule de Cockcroft [38]. Les doses des anti-épileptiques classiques doivent aussi être réduites chez le sujet âgé en raison de leur forte liaison aux protéines plasmatiques, notamment chez les sujets hypoalbuminémiques, et de la réduction de leur métabolisme hépatique. L’ajustement de la posologie est assez empirique. Le dosage plasmatique des anti-épileptiques n’est disponible en routine que pour les anti-épileptiques classiques, mais n’apporte pas toujours l’aide escomptée pour l’ajustement posologique. En effet, il existe de grandes variations inter-individuelles des rapports taux plasmatique/efficacité ou encore taux plasmatique/toxicité. Chez le sujet âgé, du fait de la forte liaison aux protéines plasmatiques et du caractère global du dosage de ces médicaments, les concentrations plasmatiques mesurées reflètent imparfaitement la fraction libre du médicament qui est biologiquement active [3]. Chez les sujets âgés dénutris ou hypoalbuminémiques, cet écueil est encore plus marqué. Parmi les anti-épileptiques récents, la lamotrigine présente l’avantage de ne pas nécessiter d’ajustement posologique chez le sujet âgé, en raison de son mode d’élimination et de l’absence de liaison aux protéines plasmatiques. Une surveillance de certains paramètres biologiques en cours de traitement est nécessaire. Quel que soit le médicament anti-épileptique, il est prudent de réaliser une numération formule sanguine (NFS) et un dosage de créatinine au cours des premières semaines de traitement pour chercher une éventuelle réaction d’hypersensibilité. Il faut surveiller régulièrement la NFS pour la phénytoïne, la carbamazépine et le valproate de sodium, le ionogramme pour la carbamazépine, ainsi que des tests hépatiques pour la carbamazépine et le valproate de sodium. Médicaments anti-épileptiques classiques et récents : lesquels choisir ? Compte tenu du large éventail des médicaments anti-épileptiques disponibles et de la complexité des éléments de choix, il n’y a pas de réponse univoque à cette interrogation. 2146 ➞ La Presse Médicale Les anti-épileptiques classiques ont pour avantage le recul concernant leur utilisation et une connaissance précise de leurs limites. Toutefois, certains inconvénients peuvent être notés pour leur utilisation en gériatrie : grand nombre d’effets indésirables, grande richesse des interactions médicamenteuses (inducteurs enzymatiques et liaison aux protéines plasmatiques), effets de type sédatif et cognitifs, difficultés de l’ajustement posologique et contraintes liées à la surveillance biologique. Ces inconvénients sont plus marqués avec la phénytoïne et le phénobarbital, et la carbamazépine et le valproate de sodium restent encore très utilisés en gériatrie. Les anti-épileptiques plus récents sont, d’une façon générale, mieux tolérés et ne posent pas de problèmes d’interactions médicamenteuses. Parmi eux, la lamotrigine présente l’avantage de ne pas nécessiter d’ajustement posologique et de respecter la vigilance et les fonctions cognitives. Cependant, il est recommandé d'utiliser ce médicament avec précaution. Au cours du premier mois de traitement, il faut respecter une augmentation progressive des doses pour limiter les réactions allergiques. Enfin, il faut noter que les indications des anti-épileptiques récents ont été surtout étudiées dans le cadre d’épilepsies réfractaires avec échec d’un traitement anti-épileptique classique et, dans la plupart des essais thérapeutiques, une stratégie de renforcement du traitement classique par le médicament anti-épileptique récent est comparée à l’ajout d’un placebo. Aussi, leur indication telle qu’elle est mentionnée dans le libellé de l’autorisation de mise sur le marché concerne avant tout la prescription en seconde intention dans l’épilepsie « rebelle », en association au traitement anti-épileptique antérieur. Dans la même situation d’épilepsie résistant à un traitement anti-épileptique classique, la gabapentine ou la lamotrigine se sont montrées efficaces en substitution au traitement classique, si bien qu’ils peuvent être utilisés en monothérapie. Trois anti-épileptiques récents ont fait l’objet d’essais cliniques en monothérapie prescrite en première intention, dans le cadre d’épilepsies nouvellement diagnostiquées chez des sujets épileptiques adultes de tous âges. Chez les patients de moins de 65 ans, le vigabatrin a été comparé à la carbamazépine dans un essai randomisé ouvert [39]. Après 12 mois de suivi, le nombre de patients dont l’épilepsie était totalement contrôlée était légèrement inférieur dans le groupe vigabatrin que dans celui recevant la carbamazépine. Les effets indésirables étaient moins nombreux dans le groupe vigabatrin et les fonctions cognitives des patients de ce groupe n’ont pas été altérées au cours du traitement. Un autre essai randomisé en double insu a comparé l’efficacité et la tolérance de plusieurs doses de gabapentine à la carbamazépine [40]. Les résultats ont montré une efficacité et tolérance comparables pour des doses de gabapentine élevées (1800 mg/j) et la carbamazépine, avec un avantage en matière de tolérance pour la gabapentine à dose moyenne (900 mg). Un essai randomisé en double insu a comparé l’efficacité et la tolérance de la lamotrigine à celles de la phénytoïne chez 181 patients adultes ayant une épilepsie nouvellement diagnostiquée [35]. L’efficacité des 2 traitements était comparable, mais le profil de tolérance s’est avéré différent avec 15 % d’interruption de traitement pour le groupe lamotrigine, essentiellement du fait de rashs cutanés, contre 19 % dans le groupe phénytoïne, essentiellement du fait d’effets indésirables neuropsychiatriques. Dans un autre essai randomisé en double insu, la tolérance de la lamotrigine a été comparée à celle de la carbamazépine chez 260 patients ayant une épilepsie. Toutefois, le nombre d’interruptions de traitement était significativement plus élevé dans le groupe carbamazépine, avec une incidence de la somnolence signif icativement plus élevée dans ce groupe. La fréquence des effets secondaires cutanés était comparable dans les 2 groupes. Un essai randomisé en double insu a été spécifiquement mené dans le cadre de l’épilepsie du sujet âgé. Cet essai a comparé la tolérance de 2 anti-épileptiques, la carbamazépine et la lamotrigine, chez 150 sujets âgés de plus de 65 ans ayant une épilepsie [41]. Les interruptions de traitement liées à des effets indésirables ont été beaucoup plus nombreuses dans le groupe carbamazépine (42 %) que dans le groupe lamotrigine (18 %). En particulier, les effets indésirables cutanés se 16 décembre 2000 / 29 / n° 39 J. Belmin et al. M A I N P O I N T S Use of anti-epilepsy agents in the elderly ■ Rising incidence and prevalence: The frequency of epilepsy after the age of 60 years is increasing, a particularly important point in light of the rise in this age group. Incidence is estimated to exceed 100 cases per 100,000 subjects over the age of 60, reaching 160 per 100,000 in subjects aged 80 to 84 years. Prevalence exceeds 7 per 1000 in the 55 to 64 age group and 12 per 1000 in the 85 to 94 age group. ■ Clinical features in the elderly: Partial complex seizures are particularly frequent. Some patients experience seizure-related confusion states or slowly regressive neurological deficits. and for whom no amendable triggering factor can be identified. For stroke patients, long-term treatment should be reexamined after the acute phase. Drug prescription: Benzodiazepines have proven efficacy when the objective is to achieve rapid control of frequent seizures. However, for elderly subjects, the risk of sedation and known adverse effects must be carefully assessed for these drugs. All anti-epilepsy agents are active: choosing the right drug for elderly subjects depends basically on patient tolerance and risk of drug interaction. Special attention should be given to the effect on cognitive function. ■ ■ Therapeutic strategy: Excepting acute seizures induced by aggressive cerebral events, treatment should be aimed at the triggering factor. Anti-epilepsy drugs are warranted in patients who experience 2 or more seizures sont avérés moins nombreux sous lamotrigine que sous carbamazépine ou que dans les études de la lamotrigine chez les adultes plus jeunes. De même chez les sujets âgés, la somnolence était moins fréquente sous lamotrigine que sous carbamazépine. Dans cet essai, l’efficacité de la lamotrigine, étudiée en intention de traiter, s’est avérée supérieure, principalement à cause de la fréquence élevée des interruptions de traitement sous carbamazépine. Toutefois, il faut rappeler que, dans les mentions de l’autorisation de mise sur le marché (Dictionnaire Vidal 2000), la lamotrigine doit être réservée aux cas d’échec d’un traitement anti-épileptique antérieur. Il est difficile de situer la place de la gabapentine ou de la lamotrigine par rapport au valproate, qui est très utilisé en France dans l’épilepsie du sujet âgé, faute d’essais comparatifs contrôlés. Peut-on arrêter le traitement antiépileptique après plusieurs années ? Cette question est controversée chez l’adulte jeune, certains auteurs proposant l’arrêt du traitement anti-épileptique après 2 à 3 ans de recul sans récurrence de crise. Chez le sujet âgé, il n’y a pas d’étude d’interruption pouvant guider l’attitude des médecins. Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes chez le sujet âgé épileptique en raison du risque très élevé de récidive du fait des lésions neurologiques en cause et des conséquences traumatiques plus graves auxquels ces patients sont exposés. [Références] 1. 2. 3. 4. 5. 6. Annegers JF, Hauser WA, Lee JR, Rocca WA. Incidence of acute symptomatic seizures in Rochester, Minnesota, 1935-1984. Epilepsia 1995 ; 36:327-33. de la Court A, Breteler MM, Meinardi H, Hauser WA, Hofman A. Prevalence of epilepsy in the elderly: the Rotterdam Study. Epilepsia 1996 ; 37:141-7. Faught E. Epidemiology and drug treatment of epilepsy in elderly people. Drugs Aging 1999 ; 15:255-69. Jallon P, Goumaz M, Haenggeli C, Morabia A. Incidence of first epileptic seizures in the canton of Geneva, Switzerland. Epilepsia 1997 ; 38:547-52. Loiseau J, Loiseau P, Duche B, Guyot M, Dartigues JF, Aublet B. A survey of epileptic disorders in southwest France: seizures in elderly patients. Ann Neurol 1990 ; 27:232-7. 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Belmin, T. Marquet, C. Oasi, S. Pariel-Madjlessi Presse Med 2000 ; 29:2143-8 © 2000, Masson, Paris CONCLUSION Il est important que les médecins qui soignent des personnes âgées soient davantage sensibilisés aux problèmes diagnostiques et thérapeutiques posés par les manifestations comitiales sur ce terrain. Il est important de bien connaître l’utilisation des anti-épileptiques chez les sujets âgés afin de limiter chez eux le risque d’effets indésirables des médicaments (anti-épileptiques ou non) et d’obtenir la meilleure tolérance au traitement et la meilleure qualité de vie possible. A ce titre, les progrès accomplis avec l’avènement de nouveaux médicaments anti-épileptiques pourront largement profiter aux malades âgés épileptiques. ❏ 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. Hauser WA, Annegers JF, Kurland LT. Prevalence of epilepsy in Rochester, Minnesota: 1940-1980. Epilepsia 1991 ; 32:429-45. Luhdorf K, Jensen LK, Plesner AM. Epilepsy in the elderly: incidence, social function, and disability. 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Cette médecine gériatrique ne jouit pas en France de la considération qu’elle mérite, peut-être en raison d’une certaine difficulté dans la définition de cette discipline. Par contraste, elle est très développée en Europe. Elle constitue une spécialité à part entière en Angleterre, en Irlande, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, dans tous les pays du Nord. Les gériatres européens qui se destinent à l’enseignement et à la recherche peuvent bénéficier d’un cursus de 2 ans à l’European Academy for Medicine of Ageing (EAMA). Deux workshops sont nés de cet EAMA, avec pour thème la « Mobilité » pour l’un, « Médecine gériatrique et Santé publique » pour l’autre, tandis que plusieurs projets de recherche multicentrique ont été élaborés en commun pour répondre aux appels d’offre de la Communauté Européenne. Il s’est donc créé une dynamique européenne avec création d’une Société Européenne de Médecine Gériatrique (EUGMS) réservée aux médecins gériatres des pays de la Communauté Européenne. Ses buts sont principalement : – de représenter la spécialité auprès du Parlement Européen, par le biais de l’European Union of Medical Specialists (ITUMS) afin de l’aider à se développer dans les pays où cela est encore difficile ; – d’élaborer des référentiels de qualité et des guidelines utilisables par tous ceux qui sont concernés par la médecine gériatrique ; – d’aider au développement de la recherche européenne dans cette discipline ; – de favoriser la formation continue des gériatres. Le « baptême » de cette société aura lieu à Paris en septembre 2001 à l’occasion des 2es Journées Transatlantiques de Gériatrie. Ph. L. 2148 ➞ La Presse Médicale 16 décembre 2000 / 29 / n° 39