L`Ordre des avocats de Nantes condamné pour

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L`Ordre des avocats de Nantes condamné pour
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L’Ordre des avocats de Nantes condamné pour
harcèlement moral
le 29 juin 2016
AVOCAT | Organisation de la profession
SOCIAL | Hygiène - Sécurité - Conditions de travail
La cour d’appel de Poitiers a confirmé une décision du Conseil des prud’hommes de La
Roche-sur-Yon qui a annulé le licenciement d’une secrétaire, reconnaissant qu’elle avait fait l’objet
d’un harcèlement moral. Poitiers, 22 juin 2016, n°15/03297
D’abord engagée comme secrétaire à la Carpa de Nantes, une employée a ensuite été affectée à
l’Ordre des avocats dans les mêmes fonctions. Après huit années passées au sein de l’Ordre, elle
s’est vue notifier un avertissement par le bâtonnier pour refus d’exécuter ses instructions. La
salariée a contesté cet avertissement. Elle a été placée en arrêt de travail pour état dépressif
réactionnel avant de compléter une déclaration de maladie professionnelle. L’inspection du travail,
avertie par le délégué du personnel de l’Ordre, a demandé la mise en place d’un plan d’évaluation
des risques psycho-sociaux. La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de la Roche-sur-Yon aux
fins d’annulation de l’avertissement et pour demander la reconnaissance du harcèlement moral
dont elle estimait avoir été l’objet. Elle sollicitait également la résiliation judiciaire de son contrat de
travail, demandant à ce qu’il produise les effets d’un licenciement nul. En cours de procédure, le
médecin du travail a émis un avis d’inaptitude et la salariée a été licenciée pour ce motif.
Reconnaissance du harcèlement moral
Le conseil de prud’hommes a annulé l’avertissement prononcé par le bâtonnier, reconnu le
harcèlement moral et condamné, de ce chef, l’Ordre des avocats à payer 30 000 € de dommages et
intérêts à la salariée. Par ailleurs, les premiers juges ont prononcé la nullité du licenciement, lui
accordant 45 000 € de dommages et intérêts de ce chef. L’indemnité spéciale de licenciement a,
par la suite, été chiffrée à 29 000 €. L’Ordre des avocats de Nantes a interjeté appel de la décision,
contestant notamment les faits de harcèlement moral. C’est sur ce point que la décision est la plus
prolixe. La décision de la cour d’appel relève en effet, que la salariée verse aux débats plus de 100
pièces relatives aux faits allégués, qui ont d’ailleurs donné lieu à une enquête préliminaire, puis à
des poursuites pénales, toujours en cours. Les autres membres du personnel attestent de manière
détaillée de l’attitude du bâtonnier, de ses « violences verbales » envers les employées féminines,
de ses colères et de ses sautes d’humeur, des insultes qu’il proférait et de l’inaction du conseil de
l’Ordre. Les faits sont détaillés sur cinq pages de l’arrêt et les juges d’appel considèrent que les
témoignages concordants, ainsi rapportés, ainsi que les éléments issus de l’enquête de l’inspection
du travail et de l’enquête préliminaire diligentée par le procureur attestent de ce que le bâtonnier a
« systématiquement et violemment humilié » la salariée, portant atteinte à sa santé et à sa dignité.
Ils en déduisent qu’il y a bien eu harcèlement moral. L’argument de la « résistance au changement
», avancé par l’Ordre des avocats est considéré comme dépourvu de fondement, l’arrêt soulignant
que les compétences de la salariée n’étaient pas en cause, mais que le bâtonnier avait choisi
d’appliquer des méthodes de « management destructeur ». Les juges ont noté que les arrêts de
travail ont été pris en charge à titre professionnel, reconnaissant ainsi un lien de causalité entre les
agissements du bâtonnier et l’état de la salariée, même si la prise en charge a été déclarée
inopposable à l’Ordre par la commission de recours de la caisse primaire d’assurance maladie.
Annulation de l’avertissement et du licenciement
L’avertissement dont la salariée a fait l’objet s’inscrit dans le processus de harcèlement dont elle a
été victime, a jugé la cour. Elle a également confirmé que le licenciement pour inaptitude devait
être considéré comme nul. Les juges d’appel ont cependant porté à 60 000 € l’indemnité pour perte
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d’emploi injustifiée. La cour y a ajouté 3 000 € de dommages et intérêts, en raison de l’attitude
vexatoire de l’Ordre qui a tardé à lui transmettre les documents sociaux de fin de contrat et lui a
payé son dernier salaire avec près d’un mois de retard, ce qui lui a causé un préjudice financier.
Une indemnité spéciale de licenciement de 58 000 € lui a été accordée puisque les juges ont estimé
que l’inaptitude avait pour origine, au moins partiellement une maladie professionnelle dont
l’employeur avait connaissance au moment du licenciement. La décision du conseil de
prud’hommes a donc été confirmée sur le principe et réformée sur le quantum, les juges d’appel
ayant augmenté le montant des sommes qui avaient été allouées à la salariée en première
instance.
Un autre arrêt a été rendu le même jour, concernant une salariée moins ancienne, qui a également
subi les faits de harcèlement décrits dans le présent arrêt.
par Anne Portmann
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