Assurance emprunteur : la faculté de résiliation

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Assurance emprunteur : la faculté de résiliation
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Assurance emprunteur : la faculté de résiliation
périodique n’est pas ouverte
le 22 mars 2016
AFFAIRES | Assurance
La faculté de résiliation ou de substitution d’un assureur dans le cadre d’un contrat d’assurance
emprunteur n’est pas ouverte au profit de l’assuré.
Civ. 1re, 9 mars 2016, FS-P+B+I, nos 15-18.899 et 15-19.652
La décision rendue par la Cour de cassation le 9 mars 2016 va susciter la discussion au sein des
associations de consommateur comme dans la doctrine du droit des assurances. En effet, selon la
première chambre civile, dans le cadre d’une assurance emprunteur d’un crédit immobilier, l’assuré
ne dispose pas d’une faculté de résiliation ou de substitution. Cette règle, rendue à propos d’une
affaire où l’emprunteuse, au titre de deux prêts immobiliers, avait souhaité résilier son contrat
d’assurance deux années plus tard, n’était pas si évidente.
Pour ce faire, l’emprunteuse avait entendu utiliser la faculté de résiliation annuelle qu’offre l’article
L. 113-12 du code des assurances pour toutes les polices sauf l’hypothèse d’une assurance-vie.
Précisons d’emblée que l’on se trouve ici, en termes d’application de la loi dans le temps, entre la
loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ce qui n’est pas sans
incidence. La solution proposée par la défenderesse à la cassation avait rencontré l’adhésion de la
cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt remarqué du 23 mai 2015 (V. Bordeaux, 23 mai 2015, n° 13/0723, LEDA 3 mai 2015, n° 5, p. 5, obs. M. Asselain ; J. Bigot, Ubu et l’assureur emprunteur : les
juges « s’emmêlent », JCP 2015. 1058). Un pourvoi est formé et la question posée est assez simple :
la résiliation annuelle de l’article L. 113-12 du code des assurances est-elle ouverte à l’assureur
emprunteur ? Oui, pour la cour d’appel de Bordeaux ; oui également, pour la cour d’appel de Douai
(V. Douai, 17 sept. 2015, n° 14/01655, RGDA 2016, n° 1, p. 7, note L. Mayaux, démontrant de
manière exhaustive combien une telle admission a une portée pratique plus importante qu’il n’y
paraît). Non en revanche, pour la Cour de cassation, qui censure la solution du 23 mai 2015 au visa
de deux textes, les articles L. 313-9 du code de la consommation et L. 113-12 du code des
assurances, et d’un principe, celui selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales. C’est
l’article L. 312-9 du code de la consommation qui régit spécifiquement le contrat d’assurance
garantissant le remboursement total ou partiel du montant restant dû d’un prêt immobilier en cas
de survenance d’un risque qu’il définit. Si c’est l’article L. 312-9 qui le régit, ce n’est donc pas
l’article L. 113-12 du code des assurances, plus général, selon la Cour de cassation. Et comme il ne
s’applique pas à la situation, il n’existe donc pas de faculté de résiliation du contrat ou de
substitution d’assureur.
La solution sera certainement approuvée. Tout d’abord, comme le remarque un auteur (J. Bigot, art.
préc., lequel estimait que la cour d’appel de Bordeaux avait ouvert « la boîte de Pandore », sa
solution revenant à fragiliser les emprunteurs), l’article L. 141-4, alinéa 5, du code des assurances
dispose que « les assurances de groupe ayant pour objet la garantie du remboursement d’un
emprunt […] sont régies par des lois spéciales ». Or, tenant compte de ce que le droit spécial
prévaut sur le droit général, la solution de la Cour de cassation, qui se réclame directement de ce
principe, conduit à ce que l’article L. 113-12 ne peut trouver à s’appliquer. Du reste, poursuit le
même auteur, si la loi Hamon a pris soin de mettre en place un droit à résiliation du contrat
d’assurance emprunteur pendant un délai de douze mois, comme on le reverra, c’est bien qu’une
telle faculté n’existait pas avant.
À l’inverse, d’aucuns ne manqueront pas de s’opposer à la solution du 9 mars 2016, les mêmes qui
avaient approuvé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux. En effet, l’on peut également
considérer que « l’adhésion à l’assurance emprunteur crée un lien individuel entre l’adhérent et la
compagnie. Sont en conséquence applicables à la relation adhérent/assureur de groupe les règles
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gouvernant le contrat individuel d’assurance et singulièrement l’article L. 113-12 du code des
assurances » (V. M. Asselain, obs. préc. ss Bordeaux, 23 mai 2015). Et comme l’assurance
emprunteur ne peut être assimilée à une assurance sur la vie, étant donné qu’elle mêle différents
types de garantie, elle n’est pas justiciable de l’exception que prévoit l’article L. 113-12 du code
des assurances pour ces contrats (ibid.). De surcroît, si l’on peut évidemment suivre la Cour de
cassation lorsqu’elle considère que le droit spécial prévaut sur principe général, l’on peut douter de
ce qu’il existait, entre le 1er septembre 2010 et le 19 mars 2014, un texte spécial. En tout cas, le
droit spécial, ici, ne prévoyait pas de solutions contraires. Il ne prévoyait rien quant à la possibilité
de résilier.
On comprend donc que le débat, s’il est tranché très nettement aujourd’hui par la Cour de
cassation, n’est certainement pas achevé en doctrine, ce d’autant que les associations de
consommateurs se sont évidemment intéressées à la question. UFC avait tenté d’intervenir
volontairement mais cette possibilité lui a été refusée en raison la tardiveté de son intervention. Ce
d’autant que le débat ne semble pas plus réglé à la lecture du nouvel article L. 113-12-2 du code
des assurances. L’assuré a désormais la possibilité de « résilier le contrat dans un délai de douze
mois à compter de la signature de l’offre de prêt ». Mais faut-il considérer que la possibilité de
résilier pendant la première année écarte celle de résilier à échéance périodique (pour une réponse
négative, V. L. Mayaux, art. préc.) ? Il n’est pas très difficile de prédire que la Cour de cassation
sera certainement amenée de nouveau à se prononcer sur cette question.
Site de la Cour de cassation
par Thibault de Ravel d'Esclapon
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