les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles
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LES BIOCARBURANTS, UNE ALTERNATIVE AUX ÉNERGIES FOSSILES ? Matthieu Herman ETAT DE LA QUESTION Decembre 2015 Editeur responsable : Gilles Doutrelepont - 13 Bd de l’Empereur - 1000 Bruxelles IEV 1. Introduction................................................................................................ 4 2. Origine du développement des biocarburants....................................... 5 3. Cadre juridique.......................................................................................... 6 4. Biocarburants de première génération.................................................. 9 4.1. Utilisation............................................................................................ 9 4.2. Composition........................................................................................ 10 4.3. Avantages et inconvénients des biocarburants de première génération et comparaison avec les énergies fossiles................... 11 4.3.1. Impact environnemental......................................................... 11 4.3.2. Impact social............................................................................ 15 4.3.3. Impact économique................................................................. 16 5. Biocarburants de nouvelles générations................................................ 17 5.1. Composition........................................................................................ 17 5.1.1. Les biocarburants de deuxième génération.......................... 17 5.1.2. Les biocarburants de troisième génération.......................... 19 5.2. Avantages et inconvénients de ces nouvelles générations et comparaison avec les énergies fossiles...................................... 19 5.2.1. Deuxième génération.............................................................. 19 5.2.2. Troisième génération.............................................................. 22 6. Récapitulatif.............................................................................................. 24 7. Conclusion................................................................................................. 25 Bibliographie.................................................................................................. 28 1. Introduction Les biocarburants appartiennent à la catégorie des bioénergies qui sont issues de la biomasse1. Il existe de nos jours deux catégories de biocarburants : ceux de première génération, qui sont majoritairement utilisés, et ceux des deuxième et troisième générations, qui sont moins présents et encore en phase de développement2. La distinction entre les biocarburants de première génération et les biocarburants de génération ultérieure peut s’opérer à la lumière de plusieurs critères : • Sur base de la nature des produits permettant de produire les biocarburants : - la première génération est issue des produits destinés traditionnellement à l’alimentation, - la deuxième provient de sources ligno-cellulosiques (bois, feuilles, paille, etc.) ou d’autres résidus des secteurs agricoles et sylvicoles, - la troisième est issue de micro-algues ; • Sur base des technologies et moyens utilisés pour produire les biocarburants : la première génération fait appel à des processus techniques éprouvés alors que les générations ultérieures recourent à des techniques avancées qui en sont encore essentiellement au stade de la recherche et développement. Les biocarburants prennent une place non négligeable dans le secteur des transports et offrent une alternative aux carburants fossiles, même si ce n’est pas a priori la panacée garantissant l’abandon complet du pétrole. Afin d’analyser les enjeux relatifs aux biocarburants, certains constats doivent être posés : - La demande énergétique mondiale ne fait que croître, notamment suite à l’explosion démographique et aux besoins grandissants des pays en développement. - Les réserves d’énergies fossiles sont limitées, en particulier le pétrole. Ensemble des matières organiques (végétales, animales et fongiques) pouvant notamment être transformées en énergie. 2 BELLERINI, Daniel, Les biocarburants Répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports, IfP Energies nouvelles Publications, Technip, Paris, 2011, 381 pages. 1 4 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] - Les enjeux climatiques et environnementaux sont au centre de l’actualité. - La diminution de la dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de gaz et de pétrole, parfois instables politiquement, est primordiale pour éviter de vivre à nouveau une situation similaire à la crise énergétique ayant suivi les chocs pétroliers de 1973 et 19793 4. C’est dans ce contexte que les biocarburants, appelés aussi agrocarburants, se sont développés et ont pris de l’importance car ils semblent aptes à répondre en partie à ces problématiques. Tous les avis ne s’accordent cependant pas sur le fait que les biocarburants représentent une réelle solution. Bien que ceux-ci présentent de nombreux avantages, ils comportent également de nombreux défauts, ce qui explique pourquoi ils suscitent de nombreux débats et polémiques5. Les biocarburants sont par exemple considérés par certains comme des énergies renouvelables alors que d’autres contestent cette affirmation. Leur impact environnemental positif est notamment remis en question6. Cette note entend se concentrer sur les impacts environnementaux, sociaux et économiques des biocarburants par rapport aux énergies fossiles. L’objectif est, dès lors, de tenter de répondre à la question suivante : les carburants issus de la biomasse peuvent-ils réellement se substituer aux énergies fossiles ? 2. Origine du développement des biocarburants Bien que le développement et l’essor des biocarburants soient relativement récents (aux alentours des années 2000), ils existent depuis bien plus longtemps. En effet, « contrairement à ce que l’on pourrait penser, la plupart des technologies de moteurs qui équipent aujourd’hui nos véhicules n’ont pas été développés, initialement, pour être alimentés spécifiquement par des dérivés du pétrole [...]. Ainsi, le moteur diesel a été développé par Rudolph Diesel à partir de 1891 pour fonctionner aux huiles végétales ou à l’« huile lourde ». De la même façon, le premier moteur à combustion interne, fabriqué en 1876 par TANGERMANN, Stefan, Biocarburants et sécurité alimentaire, Economie rurale, Société française d’Economie rurale, 2007, p. 100. En ligne: http://economierurale.revues.org/2260 4 HUBERT, Marie-Hélène, Nourriture contre carburant: quels sont les éléments du débat?, Revue Tiers Monde, 2013, n°211, p. 35. En ligne: http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2012-3-page-35.htm 5 Table ronde 138, Biocarburants : lier les politiques de soutien aux bilans énergétiques et environnementaux, OCDE, Forum International des Transports, France, 2008, 242 pages. 6 SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, 283 pages. 3 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 5 Nikolaus-August Otto, était initialement destiné à consommer de l’éthanol »7. Les biocarburants existent « depuis le XIXème siècle avec les premières expérimentations en France (éthanol de betterave) et en Allemagne (huiles végétales) »8. C’est principalement suite à la crise pétrolière de 1973, qui a mis en évidence notre dépendance aux pays producteurs de pétrole, essentiellement les membres de l’OPEP, que la réflexion s’est portée sur des alternatives aux énergies fossiles. L’objectif visait à chercher d’autres sources d’énergie capables d’assurer la sécurité énergétique. De plus, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, est intervenue une prise de conscience collective que le pétrole n’était pas inépuisable. Cette prise de conscience a renforcé la volonté et la nécessité de développer d’autres sources d’énergie et, par conséquent, d’autres sources d’énergie dans les transports9 10. La prise de conscience économique s’est doublée d’une prise de conscience environnementale, relative aux enjeux climatiques. Cette prise de conscience environnementale a également contribué à l’essor réel des biocarburants au tournant des années 2000. En effet, la problématique du réchauffement climatique est à l’origine de la volonté de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES). Etant donné qu’au niveau mondial, le transport est un secteur produisant de plus en plus de GES, la nécessité de trouver des solutions est devenue une évidence. Pour ces diverses raisons, ces carburants ont suscité un intérêt politique expliquant leur succès dans ce début de 21e siècle11. 3. Cadre juridique De nombreux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont fait le choix politique d’investir dans les biocar- BONIFACE, L. et MOISAN, F., Les biocarburants: une optique énergétique durable, mais à certaines conditions, Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2014, n°64, p. 43. En ligne: http:// www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2011-4-page-43.htm 8 DORIN, B. et GITZ, V., Ecobilans de biocarburants : une revue des controverses, Natures Sciences Sociétés, 2008, n°16, p. 338. Disponible en ligne sur: www.nss-journal.org 9 BONIFACE, L. et MOISAN, F., Op. Cit., p. 43. 10 BEULIN, X. et LOROT, P., Les biocarburants: un engagement responsable, Géoéconomie, 2008, n°46, p. 95. En ligne: http://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2008-3-page-95.htm 11 BONIFACE, L. et MOISAN, F., Op. Cit., p. 43. 7 6 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] burants12. L’Union européenne, qui s’est également penchée sur la question, est à l’origine de directives sur l’énergie. C’est notamment le cas des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE relatives respectivement aux énergies renouvelables et au caractère durable ou non de ces énergies13. La directive 2009/28/CE est une pièce maitresse du développement des biocarburants14. Elle a été modifiée par la directive (UE) 2015/1513 du 9 septembre 2015 afin de garantir la valorisation accrue des biocarburants de nouvelles générations15 16 17. Plus précisément, les directives européennes sur l’énergie ont pour but de diminuer les émissions de GES et, pour ce faire, fixent des objectifs à l’horizon 202018, à savoir : 1. Diminuer de 20% la consommation énergétique par rapport à ce qui avait été prévu à l’horizon 2020 lors du Conseil européen de Bruxelles des 8 et 9 mars 2007 en améliorant, entre autres, l’efficacité au travers de la recherche et de l’innovation. 2. Diminuer de 20% les émissions des gaz à effet de serre par rapport à 1990. 3. Augmenter à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie. En complément, la part d’énergies renouvelables dans les combustibles utilisés pour les transports doit s’élever à 10% d’ici 2020 : 2% de cette part d’énergies renouvelables doivent être issus des moteurs fonctionnant à l’électricité et 8% des biocarburants. Les biocarburants doivent aussi, depuis 2013, prouver qu’ils génèrent 35% de GES en moins que les carburants fossiles. Pour 2017, ce pourcentage s’élèvera à 50% et, s’il n’est pas atteint, ces biocarburants ne pourront pas être utilisés19. TANGERMANN, Stefan, Biocarburants et sécurité alimentaire, Economie rurale, Société française d’Economie rurale, 2007, p. 100. En ligne: http://economierurale.revues.org/2260 13 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/ALL/?uri=CELEX:32009L0028 14 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0100+0+DOC+XML+V0//FR 15 Rapport annuel de 2014 de la Fédération pétrolière belge, pp. 53-58. 16 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2015.239.01.0001.01.FRA 17 http://www.red-on-line.fr/hse/blog/2015/09/28/publication-directive-carburants-verts-ue-hse-002514 18 Des objectifs ont depuis lors été fixés au niveau européen à l’horizon 2030 mais ils ne visent pas spécifiquement les biocarburants, à savoir au moins 40% de réduction des GES, au moins 27% d’énergies renouvelables dans la consommation et améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 27%. 19 « Repère 5 : Agrocarburants (2). Mesurer l’impact climatique », in Pierre Jacquet et al., Regards sur la Terre 2010, Presses de Sciences Po « Annuels », 2010, p. 294. En ligne: http://www.cairn.info/regards-sur-la-terre-2010--page-294.htm 12 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 7 Par ailleurs, les biocarburants ne peuvent pas être produits sur des terres ayant de la valeur en termes de biodiversité20 (par exemple, la production de biocarburants via la déforestation est interdite) et ils doivent respecter les règles de la politique agricole commune (PAC). Les directives européennes précitées poussent également à développer davantage les biocarburants de nouvelles générations, car ceux-ci semblent offrir plus de potentiel et de points positifs. Ils permettent, à long terme, de diminuer les coûts de production, d’augmenter la rentabilité, de diminuer la concurrence vis-à-vis du secteur alimentaire et de diminuer la production de gaz à effet de serre. Toutefois, les gouvernements nationaux continuent à privilégier la première génération. Nous reviendrons sur ces éléments ci-dessous21 22. Au niveau belge, ces directives ont été transposées par les lois du 22 juillet 2009 et du 17 juillet 201323. La loi du 17 juillet 2013 impose l’incorporation de biocarburants sous forme d’additif aux énergies fossiles (diesel et essence) afin d’atteindre la barre des 8% imposée par les directives européennes à l’horizon 2020. Une loi de 2006 a également instauré une défiscalisation pour les biocarburants produits en Belgique afin de développer cette filière sur le territoire. Cette loi est toujours d’application mais les montants de la défiscalisation sont désormais réduits. Les lois du 22 juillet 2009 et du 17 juillet 2013 permettent, non seulement, de garantir la sécurité énergétique en diversifiant les sources d’énergie tout en augmentant l’autosuffisance de la Belgique, mais elles renforcent aussi la traçabilité des biocarburants24. La loi du 17 juillet 2013 a cependant été récemment contestée en justice par la société Neste. L’action introduite a débouché sur un arrêt de la Cour constitutionnelle invalidant certaines dispositions de la loi. La Cour a jugé qu’il y avait non-respect de la directive européenne 2009/28/CE, en ce que la loi de 2013 crée, selon elle, une différence de traitement entre les biocarburants de première génération et les autres. La loi permet en effet l’incorporation de certains biocarburants de première génération aux carburants fossiles sans conditions additionnelles. Ces biocarburants sont l’ester méthylique d’acides gras (EMAG, forme de biodiesel) et le bioéthanol (étant chacun de première génération et profitant de la défiscalisation). Elle prévoit des conditions pour les autres types de biocarburant. Cette différence va donc à l’encontre d’un BONIFACE, L. et MOISAN, F., Op. Cit., p. 48. Entretien avec Rihoux Anne-France, Conseillère générale au Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, DG5/Division Politique de produits et substances chimiques, 9 septembre 2015. 22 MATTERA, Piermario, Les dossiers européens : actualités en bref, Brèves, Revue du droit de l’Union Européenne, janvier 2015, pp. 123-132. 23 Cette loi de 2013 a remplacé et abrogé la précédente loi du 22 juillet 2009 sur le même sujet. 24 Entretien, Op. Cit. 20 21 8 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] développement équilibré des biocarburants de chaque génération, sachant qu’actuellement en Belgique la production se concentre majoritairement sur des biocarburants de première génération25. L’Agence internationale de l’énergie estimait en 2011 que la part de biocarburants dans la totalité de l’énergie utilisée par le secteur des transports s’élevait environ à 2%. Ce pourcentage peut être considéré comme faible pour une source d’énergie alternative au pétrole, mais il devrait atteindre 27% en 2050 selon les estimations26 27. 4. Biocarburants de première génération 4.1. Utilisation Les biocarburants de première génération sont actuellement les plus utilisés. Ceux-ci sont fabriqués à partir de cultures agricoles utilisant des composants alimentaires de végétaux qui sont transformés en carburant. A l’heure actuelle, ils sont principalement employés sous forme d’additif aux carburants fossiles à hauteur d’environ 5 à 10%. Le dépassement de 10% d’additif n’est pas proposé car il imposerait de modifier les moteurs. La transformation en biocarburant se réalise « par des technologies issues et maîtrisées par les industries agro-alimentaires, permettant une production immédiate de certains biocarburants »28. Ces carburants issus de la biomasse sont considérés comme faisant partie des énergies renouvelables car ils permettent, en théorie, de diminuer la production de GES par rapport à des carburants fossiles. Lors de leur combustion, les carburants fossiles produisent en effet du CO229 supplémentaire qui est relâché dans l’atmosphère et qui contribue au réchauffement climatique. Rapport annuel de 2014 de la Fédération Pétrolière Belge, pp. 53-58. International Energy Agency, Technology Roadmap Biofuels for Transport, 2011, p.1. 27 BONIFACE, L. et MOISAN, F., Les biocarburants: une optique énergétique durable, mais à certaines conditions, Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2014, n°64, p. 43. En ligne: http:// www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2011-4-page-43.htm 28 BENOIST, Anthony et al.,Enjeux environnementaux du développement des biocarburants liquides pour le transport, Sciences Eaux & Territoires, 2012, n°7, p. 66. En ligne: http://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires2012-2-page-66.htm BONIFACE, L. et MOISAN, F., Op. Cit., p. 45. 29 Le CO2 est un des gaz à effet de serre présent sur terre. 25 26 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 9 Les biocarburants produisent également du CO2 lors de leur combustion, mais l’impact de celui-ci est considéré comme nul dans la mesure où une quantité équivalente de CO2 est absorbée lors de la croissance des plantes servant à produire les biocarburants. C’est ce qu’on appelle le cycle du carbone au cours duquel la somme de la production et de l’absorbion de CO2 est nulle. 4.2. Composition Les biocarburants de première génération sont présents sous deux formes : l’éthanol (qui représente +/- 80% des biocarburants) et le biodiesel. L’éthanol, principalement produit aux Etats-Unis et au Brésil, est à base d’alcool. Il est généralement mélangé à l’essence. Le biodiesel, quant à lui, est surtout produit en Europe, qui dispose d’un parc automobile utilisant davantage le diesel. Le biodiesel est à base d’huile et peut être mélangé au diesel30 31. « L’éthanol est produit à partir de maïs aux Etats-Unis et de canne à sucre au Brésil. En Europe, le biodiesel est produit essentiellement à partir de colza, l’huile de palme est utilisée dans les régions tropicales, principalement en Indonésie et en Malaisie »32. Au niveau de la compétitivité, seule la canne à sucre du Brésil peut rivaliser avec le pétrole, en raison d’une grande production par hectare et d’une transformation en éthanol plus importante et moins chère que le maïs33. La production de biocarburants engendre également ce qu’on appelle des coproduits qui peuvent : - soit être utilisés directement comme combustible lors de la transformation des végétaux en biocarburants, comme c’est le cas au Brésil où le coproduit « bagasse » est utilisé comme combustible réduisant d’autant l’apport en énergie fossile nécessaire pour la phase de production des biocarburants. - soit servir de nutriment pour les animaux, ce qui représente un avantage pour le secteur de l’élevage34. HUBERT, Marie-Hélène, Nourriture contre carburant: quels sont les éléments du débat?, Revue Tiers Monde, 2013, n°211, p. 37., En ligne: http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2012-3-page-35.htm 31 BEULIN, X. et LOROT, P., Les biocarburants: un engagement responsable, Géoéconomie, 2008, n°46, pp. 96-97. En ligne: http://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2008-3-page-95.htm 32 HUBERT, Marie-Hélène, Op. Cit., p 37. 33 Ibidem. 34 BELLERINI, Daniel, Les biocarburants Répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports, IfP Energies nouvelles Publications, Technip, Paris, 2011, 381 pages. 30 10 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] 4.3. Avantages et inconvénients des biocarburants de première génération et comparaison avec les énergies fossiles Les avantages et inconvénients des biocarburants de première génération sont nombreux et peuvent être analysés à travers trois dimensions indissociables : environnementale, sociale et économique. Il est important d’analyser les impacts des énergies renouvelables de différents points de vue et pas seulement au niveau environnemental. 4.3.1. Impact environnemental Avantages Les tableaux ci-après indiquent, pour les différents types d’éthanols et de biodiesels, la réduction théorique des émissions de GES. Il en ressort que les sources des biocarburants de première génération sont nombreuses et variées, et que ceux-ci permettent une réduction considérable des émissions de GES par rapport aux énergies fossiles. BONIFACE, L. et MOISAN, F., Les biocarburants: une optique énergétique durable, mais à certaines conditions, Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2014, n°64, p. 46. Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 11 BONIFACE, L. et MOISAN, F., Les biocarburants: une optique énergétique durable, mais à certaines conditions, Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2014, n°64, p. 47. De plus, une incorporation de seulement 5% de biocarburants dans les carburants fossiles permet déjà d’avoir un impact notable en termes de diminution des GES (sans dépasser la limite de 10% d’incorporation qui nécessiterait une modification des moteurs)35. La plupart des études réalisées sur le sujet confirment que cette réduction des émissions de GES se constate sur l’ensemble du cycle de vie des biocarburants. L’ensemble du cycle de vie signifie que le calcul des émissions de GES tient compte de la récolte, de la transformation, du transport et de l’utilisation finale. Afin de créer des biocarburants, des énergies fossiles sont utilisées à toutes les étapes, ce qui réduit l’impact positif des biocarburants sur l’environnement36. Le tableau ci-dessous illustre le cycle de vie de ces biocarburants par rapport au cycle de vie des carburants issus des énergies fossiles. SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, 283 pages. 36 International energy agency, Biofuels for transport: An international perspective, Paris, 2004, 210 pages. 35 12 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] BENOIST, Anthony et al.,Enjeux environnementaux du développement des biocarburants liquides pour le transport, Sciences Eaux & Territoires, 2012, n°7, p. 67 Inconvénients L’impact environnemental négatif du changement d’affectation des sols Les tableaux ci-dessus - qui mesurent les gains en émission de GES et les études précitées - ne prennent pas en compte l’impact du changement d’affectation des sols. En intégrant ce point, les impacts environnementaux peuvent être sensiblement différents, voire négatifs, par rapport aux énergies fossiles. La comparaison reste toutefois périlleuse et dépendante de la méthodologie utilisée. Il y a, de facto, de nombreuses variations dans les résultats des différentes études à ce sujet et un désaccord subsiste entre les scientifiques : l’impact de cette première génération sur l’environnement est différent selon le type de plantation utilisée, selon la prise en compte des changements d’affectation des sols et selon la méthodologie appliquée. Que faut-il prendre en Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 13 compte pour évaluer les émissions de GES ? Comment évaluer de manière précise le réel impact global sur l’environnement ? Il est de fait difficile de déterminer l’impact sur la biodiversité, sur les sols, etc.37. Le changement d’affectation des sols peut-il vraiment être négligé ? Il semble que la plupart des estimations des émissions de GES des biocarburants prennent en compte l’ensemble de leur durée de vie, mais pas « l’impact des changements d’affectation des sols (CAS) »38. Or cet impact peut être important, que les changements d’affectation des sols soient directs ou indirects. Le CAS direct signifie que des terres non cultivées (forêts, pâturages, etc.) sont transformées en cultures agricoles servant à la production de biocarburants. Les forêts captent le CO2 et ont un impact positif sur les émissions de GES. Transformer des forêts en cultures pour les biocarburants engendre des conséquences non seulement sur les émissions de GES, difficiles à évaluer, et sur d’autres domaines comme la biodiversité. La diminution du nombre de pâturages a par ailleurs un effet sur l’élevage des animaux et par conséquent sur l’alimentation39. Le CAS indirect, quant à lui, se définit comme la transformation de terres destinées à la culture alimentaire en terres pour la culture de biocarburants, ce qui peut provoquer un impact négatif sur l’alimentation mondiale en raison de la réduction des terres allouées aux cultures alimentaires (voir infra pour plus de détails). Au regard de ces éléments, l’impact positif des biocarburants de première génération est remis en question si les CAS sont inclus dans l’évaluation des effets environnementaux. Le N2O produit par l’agriculture est une source importante de GES. Il est difficile à évaluer tout comme l’impact des engrais chimiques. MUNOZ, I., FLURY, K., JUNGBLUTH, N., RIGARLSFORD, G., MILA I CANALS, L., KING, H., Life cycle assessment bio-based ethanol produced from different agricultural feedstocks, LCA for renewable resources, Berlin, 2013, pp. 110-119. 38 BENOIST, Anthony et al.,Op. Cit., p. 70. 39 Ibidem 37 14 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] Les CAS sont donc extrêmement difficiles à analyser. Plusieurs études se penchent sur la question40 41 42. Globalement, les études qui prennent en compte toutes ces données arrivent à des conclusions bien différentes des études qui n’intègrent pas les CAS : l’impact environnemental bénéfique est bien plus faible qu’annoncé initialement et est même négatif dans certains cas (principalement lorsque la biodiversité est concernée). Une menace pour la biodiversité et une source de pollution des nappes phréatiques Dans certains cas, les biocarburants peuvent, il est vrai, être une menace pour la biodiversité. C’est ainsi le cas au Brésil avec la déforestation au profit de la production de biocarburants. Dans d’autres cas, ils sont responsables en partie de la pollution des nappes phréatiques, conséquence de l’utilisation d’engrais et de pesticides dans l’agriculture. 4.3.2. Impact social Avantages Le développement de l’agriculture permet de créer de l’emploi. Des critiques s’élèvent toutefois soulignant que la création d’emplois dans le champ des biocarburants est contrecarrée par les pertes d’emplois dans le secteur des énergies fossiles. Cette diminution est négligeable à l’heure actuelle. Elle est de toute manière inéluctable à long terme étant donné la raréfaction des énergies fossiles43. Inconvénients L’explosion démographique est à prendre en considération dans l’analyse des énergies renouvelables. Il faudra en effet être capable de nourrir 9 à 10 milliards de personnes à l’horizon 205044. BENOIST, Anthony et al.,Op. Cit., pp. 66-73. DORIN, B. et GITZ, V., Op. Cit., pp. 338-345. 42 BONIFACE, L. et MOISAN, F., Les biocarburants: une optique énergétique durable, mais à certaines conditions, Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2014, n°64, p. 47. En ligne: http:// www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2011-4-page-43.htm 43 SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, 283 pages. 44 BEULIN, X. et LOROT, P., Les biocarburants: un engagement responsable, Géoéconomie, 2008, n°46, pp. 95-96. En ligne: http://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2008-3-page-95.htm 40 41 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 15 Nous avons indiqué supra que les biocarburants de première génération peuvent entrer en concurrence avec le secteur alimentaire. Pour l’heure, il semble qu’il y ait en théorie assez d’espaces disponibles en zones cultivables pour assurer que la production de ces biocarburants ne se fasse pas au détriment de l’alimentation. Par contre, dans les années à venir, la disponibilité de terres arables risque de ne pas être suffisante pour répondre aux multiples besoins. Si la production de biocarburants de première génération se développe de manière importante, elle entrainera une augmentation significative de la demande de produits issus de l’agriculture. Cette production énergétique entrera inévitablement en concurrence avec la production alimentaire et risque de créer une inflation sur le marché de l’alimentation. Cette inflation peut avoir plusieurs effets. Tout d’abord, elle permet aux pays exportateurs d’optimiser leurs revenus (mais les pays développés peuvent se protéger des importations en renforçant les mesures douanières, ce qui finalement diminue voire annule cet effet). Ensuite, les pays plus pauvres, principalement importateurs45 de matières agricoles, vont subir une diminution de leur pouvoir d’achat qui est déjà relativement faible. Cette situation pourrait donc potentiellement créer de graves problèmes nutritifs parmi les populations de ces pays. Si la demande en matière agricole croît mondialement suite à l’augmentation de la population (conséquence sur le secteur alimentaire) et au développement intensif des biocarburants, les conséquences risquent de s’étendre à tous les pays du globe et provoquer une augmentation généralisée du prix des aliments et des carburants46. 4.3.3. Impact économique Avantages Les biocarburants de première génération favorisent la réduction de la dépendance par rapport aux énergies étrangères en diversifiant les sources d’énergies utilisées dans les transports, renforçant ainsi la sécurité énergétique. Ces pays possèdent un nombre réduit de terres fertiles et développent parfois de manière excessive les monocultures, ce qui empêche une agriculture vivrière suffisante et implique d’importer des matières agricoles. 46 TANGERMANN, Stefan, Biocarburants et sécurité alimentaire, Economie rurale, Société française d’Economie rurale, 2007, pp. 100-104. En ligne: http://economierurale.revues.org/2260 45 16 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] Ces biocarburants sont également directement disponibles avec une technologie bien au point car ils sont issus de l’agriculture traditionnelle avec un processus de transformation en biocarburant déjà maîtrisé. Inconvénients Les biocarburants de première génération produisent, in fine, moins d’énergie47 que les énergies fossiles, les rendant ainsi moins efficaces et plus onéreux. C’est pourquoi, des soutiens financiers sont parfois nécessaires (tel est le cas de l’Etat belge avec la défiscalisation). L’incorporation d’éthanol ou de biodiesel dans les carburants fossiles à un pourcentage supérieur à 10% nécessitera également de réviser les moteurs. C’est un impact significatif vu la taille du parc automobile mondial48 49. 5. Biocarburants de nouvelles générations 5.1. Composition Les biocarburants de nouvelles générations regroupent les biocarburants de deuxième et troisième générations. 5.1.1. Les biocarburants de deuxième génération « Les biocarburants de deuxième génération sont issus de ressources dites lignocellulosiques, telles que le bois et les résidus agricoles, c’est-à-dire constituées essentiellement de lignine50 (15 à 20%), de cellulose51 (35 à 50%) et d’hémicellulose52 (20 à 30%) »53. La combustion de la même quantité de biocarburant et d’énergie fossile ne produit pas les mêmes rendements. Les rendements énergétiques des énergies fossiles sont supérieurs. 48 DORIN, B. et GITZ, V., Ecobilans de biocarburants : une revue des controverses, Natures Sciences Sociétés, 2008, n°16, p. 338. Disponible en ligne sur: www.nss-journal.org 49 TANGERMANN, Stefan, Op. cit., pp. 100-104. 50 La lignine est une biomolécule qui est un composant important du bois dont les fonctions principales sont: la rigidité, l’imperméabilité et la résistance à la décomposition. 51 La cellulose est un glucide étant également un composant important du bois mais aussi des végétaux. La cellulose forme les parois des cellules végétales. 52 L’hémicellulose est un polymère étant également un composant important du bois qui forme les parois des fibres végétales après la cellulose. 53 BENOIST, Anthony et al.,Op. Cit., p. 71. 47 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 17 Ces biocarburants de deuxième génération peuvent, comme ceux de la première génération, être originaires de cultures agricoles dédiées entièrement à leur production. Dans ce cas, la deuxième génération utilise l’ensemble des végétaux et plus seulement la partie alimentaire54 comme c’était le cas pour les biocarburants de la première génération. Sont également concernées par cette deuxième génération des cultures dédiées uniquement à la production de biocarburants qui sont différentes des productions traditionnelles alimentaires. Ces nouvelles cultures utilisent principalement des procédés expérimentaux avec des cultures herbacées à rendement supérieur peu connues comme le miscanthus, le switchgrass et la phragmite55. Toutefois, cette deuxième génération peut également être issue des coproduits « obtenus lors de l’obtention d’une ressource à plus haute valeur ajoutée »56. Sont ainsi visés les résidus et surplus d’exploitation agricole ainsi que les déchets forestiers et agricoles. Il y a donc une diversification des sources pour la production de ces biocarburants. Toutes ces sources assurant la production de biocarburants de deuxième génération sont appelées des intrants. Les biocarburants de deuxième génération sont issus : - De cultures pérennes de biocarburants, c’est-à-dire des cultures qui visent à produire, en permanence, des intrants pour biocarburants. - De cultures annuelles, c’est-à-dire d’une seule année, laissant ensuite place à une jachère. - De cultures s’effectuant sur des terres inutilisables pour l’alimentaire et qui permettent, dans certains cas, d’améliorer la qualité des sols et, par conséquent, la biodiversité (ces cultures sont cependant minoritaires). Cette deuxième génération de biocarburants existe actuellement à un stade expérimental et de test industriel. Etant oné- Il s’agit de la partie de la plante utilisée par le secteur alimentaire c’est-à-dire la partie comestible. BELLERINI, Daniel, Op. Cit., p. 190. 56 BELLERINI, Daniel, Les biocarburants Répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports, IfP Energies nouvelles Publications, Technip, Paris, 2011, p.189. 54 55 18 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] reuse, celle-ci est très peu utilisée d’un point de vue industriel à l’heure actuelle et certaines techniques de production et de transformation ne sont pas encore disponibles ou utilisables à grande échelle. De nombreuses étapes technologiques doivent encore être franchies avant de pouvoir l’envisager et nécessitent un financement important en termes de recherche et développement. 5.1.2. Les biocarburants de troisième génération La troisième génération de biocarburants, quant à elle, en est encore à ses débuts et est nettement moins développée que la deuxième génération. « Il s‘agit de l‘utilisation de micro-algues. Le principe est de cultiver dans des bassins à ciel ouvert ou dans des photo-bioréacteurs57 des algues unicellulaires. Elles se multiplient grâce à un apport de nutriments et de dioxyde de carbone dissous dans l’eau de culture (ce qui permet de valoriser des fumées industrielles) »58. 5.2. Avantages et inconvénients de ces nouvelles générations et comparaison avec les énergies fossiles 5.2.1. Deuxième génération Avantages Certains biocarburants de deuxième génération sont issus de cultures ayant des effets positifs sur les sols et permettant d’améliorer la biodiversité en accélérant le processus de jachère. Ces cultures annuelles exploitent donc des sols inutilisés tout en les améliorant et en les rendant réutilisables plus rapidement pour des cultures alimentaires. Il faut cependant noter que ces cultures dédiées sont minoritaires dans l’ensemble des intrants de la deuxième génération. De nouvelles cultures méconnues comme le miscanthus, le switchgrass et la phragmite sont également développées et utilisées pour la deuxième génération59. Ces nouvelles cultures sont le résultat de nombreux investissements dans la recherche et le développement. Leurs avantages sont multiples : Il s’agit d’une technologie de culture à micro-algues fonctionnant dans des milieux aqueux et dont la transformation en biocarburants s’effectue au travers de la photosynthèse c’est-à-dire en utilisant la lumière. Ces photo-bioréacteurs sont soit des bassins à ciel ouvert, soit des systèmes de milieux clos. 58 Ibid., p. 73. 59 BELLERINI, Daniel, Op. Cit., p. 190. 57 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 19 - Amélioration de la rentabilité. - Augmentation des performances liées à une production supérieure d’énergie. - Développement plus rapide de ces plantations par rapport aux cultures traditionnelles60. Il y a ensuite des cultures pérennes dédiées à la production de biocarburants de deuxième génération qui sont, dans les grandes lignes, similaires à celles de première génération mais avec un rendement supérieur car l’ensemble de la plante est utilisé dans le processus de transformation en biocarburant (alors que seule la composante alimentaire est transformée pour la première génération). L’amélioration des rendements par hectare ainsi obtenue permet de réduire les tensions avec le secteur alimentaire. Il y a enfin les résidus et surplus d’exploitation agricole (appelés coproduits) ainsi que les déchets forestiers et agricoles qui peuvent être utilisés comme intrants à la production de biocarburants. Ils présentent deux avantages évidents61, à savoir : - L’utilisation d’intrants qui étaient, en règle générale, inutilisés car considérés comme des déchets offre un avantage comparable au recyclage permettant ainsi de diminuer les pressions sur l’environnement. - L’utilisation des coproduits permet une diminution de la dépendance vis-à-vis des énergies fossiles pour la production des biocarburants car ces coproduits peuvent servir au processus de transformation des biocarburants. Ils peuvent être brûlés et l’énergie produite permet de diminuer le recours aux énergies fossiles.62 Cependant, pour le cas précis de la Belgique, ces déchets et surplus ne peuvent représenter qu’une source mineure de la production des biocarburants de deuxième génération. En effet, les déchets sont déjà majoritairement utilisés/recyclés et les coproduits principalement utilisés pour la nutrition animale. BENOIST, Anthony et al., Op. Cit., pp. 70-73. BELLERINI, Daniel, Op. Cit., pp. 189-192. 62 SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, 283 pages. 60 61 20 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] En bref, tous les différents intrants pouvant être utilisés pour la production de biocarburants de deuxième génération permettent de : - Diminuer la concurrence alimentaire. - Diminuer l’impact sur l’environnement. - Augmenter les rendements des biocarburants. - Augmenter la rentabilité de ceux-ci sur le long terme. D’un point de vue environnemental, les études, devant être qualifiées de prospectives (car elles se basent sur des éléments ne pouvant pas être vérifiés en pratique étant donné que cette génération n’est pas encore développée à grande échelle) concluent à une diminution importante de la production de GES par rapport à la première génération et aux énergies fossiles63. C’est ce que montre le tableau suivant concernant les émissions de CO2 des biocarburants issus de coproduits et de déchets : « Repère 5 : Agrocarburants (2). Mesurer l‘impact climatique », in Pierre Jacquet et al., Regards sur la Terre 2010, Presses de Sciences Po « Annuels », 2010, p. 295. Inconvénients Les cultures dédiées à la production de biocarburants de deuxième génération présentent les mêmes inconvénients que pour la première génération en ce qui concerne principalement SCARWELL, Helga-Jane, Op. Cit., 283 pages. 63 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 21 les changements d’affectation des sols (CAS), la pollution des nappes phréatiques, la concurrence avec la production alimentaire, etc. Par ailleurs, les technologies n’étant pas encore complètement développées, elles nécessitent de nombreux investissements très coûteux qui n’auront lieu qu’en cas d’augmentation sérieuse du prix du baril de pétrole. Il est en effet difficile de justifier un investissement massif dans la deuxième génération lorsque le prix du baril n’est pas très élevé. Il est donc, de facto, plus facile de privilégier la première génération car celle-ci ne nécessite pas d’investissements importants vu que les technologies existent et sont déjà utilisée actuellement. En augmentant les différentes sortes d’intrants, le recours à l’agriculture diminue car ces intrants ne proviennent pas tous de cultures (exemple : les déchets forestiers). Il en résulte une perte d’activité économique et d’emplois dans ce domaine, sauf si cet effet devait être compensé par une hausse de l’agriculture à des fins alimentaires. A contrario, le développement de la première génération permet, quant à lui, d’éviter ces pertes d’emplois éventuelles compte tenu du recours exclusif à l’agriculture, ce qui explique notamment la préférence actuelle en faveur de la première génération de biocarburants64 65. 5.2.2. Troisième génération Avantages Cette troisième génération est encore théorique mais elle paraît avoir le plus grand potentiel sur le long terme. Il semble que le développement de celle-ci ne se fera que lorsque les ressources d’énergies fossiles auront considérablement diminué (provoquant ainsi une augmentation importante du prix du baril) et que les générations précédentes de biocarburants ne pourront plus suffire à la demande. La troisième génération de biocarburants permet de diminuer considérablement la production de GES et principalement de CO2 car les micro-algues « se multiplient grâce à un apport de nutriments et de dioxyde de carbone dissous dans l’eau de BENOIST, Anthony et al.,Op. Cit., pp. 70-73. BELLERINI, Daniel, Op. Cit., pp. 189-192. 64 65 22 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] culture (ce qui permet de valoriser des fumées industrielles) »66. Les micro-algues « présentent une croissance plus rapide que celle des plantes terrestres […] permettant des rendements énergétiques très élevés »67. Des études prospectives annoncent une réduction considérable des émissions de GES et un rendement bien supérieur à l’hectare par rapport aux autres générations et énergies fossiles. Ces cultures se font sur des terres non fertiles permettant ainsi de ne pas provoquer de pression sur le secteur alimentaire. Inconvénients La filière des biocarburants de troisième génération dépense énormément d’énergie. « Les consommations énergétiques des étapes de culture et d’extraction, où de grands volumes d’eau sont en jeu, sont en effet les principaux contributeurs aux impacts environnementaux identifiés »68. La production doit encore faire ses preuves et prouver sa faisabilité mais il est déjà certain qu’elle coûtera plus cher que les autres générations et demandera encore des investissements très importants, ce qui risque de décourager leur développement. BENOIST, Anthony et al.,Enjeux environnementaux du développement des biocarburants liquides pour le transport, Sciences Eaux & Territoires, 2012, n°7, p. 73. 67 Ibidem. 68 BENOIST, Anthony et al.,Op. Cit., p.73. 66 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 23 6. Récapitulatif Synthèse des principaux enjeux technico-environnementaux des différentes générations de biocarburants : Types de biocarburants Première génération Deuxième génération Troisième génération Filières Ressources Principaux atouts Principales limites Ethanol Cultures sucrières, céréales Huiles végétales et EMHV Cultures oléagineuses Technologies matures. Bilans énergie et GES globalement inférieurs à ceux de l'essence et du diesel. Forte emprise au sol, effet majeur des CAS. Impacts locaux liés à la phase agricole, inexistants dans le cas des filières pétrolières. Eléments non spécifiques aux résidus ou aux cultures Bilans énergie/GES et impacts locaux plus réduits que pour la première génération. Technologies en développement (pilotes de démonstrations industrielle), encore coûteuses. Résidus forestiers ou de culture Impacts limités de la mobilisation de résidus. Pas d'emprise au sol. Potentiel limité de la ressource. Cultures dédiées (TCR, herbacés) Emprise au sol réduite par rapport à la première génération. Possibilité d'effets négatifs liés au CAS. Ethanol cellulosique BTL Huiles végétales et EMHV Micro-algues Emprise au sol réduite par rapport aux première et deuxième générations, avec possibilité de mobiliser des terres non fertiles. Capacité de capture biologique du CO2 industriel. Technologies immatures. Fort besoins énergétiques liés à la production des micro-algues et l'extraction de l'huile. BENOIST, Anthony et al., Enjeux environnementaux du développement des biocarburants liquides pour le transport, Sciences Eaux & Territoires, 2012, n°7, p. 72. 20 24 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] 7. Conclusion Il semble que les biocarburants puissent être, à long terme, une alternative plausible aux énergies fossiles. Il est cependant important de préciser que, pour affronter les enjeux du 21e siècle, les biocarburants ne sont pas la seule solution. Il existe différentes alternatives : - Le développement des moteurs hybrides (c’est-à-dire utilisant en partie l’électricité) permettant ainsi d’améliorer l’efficacité et de diminuer la consommation d’énergie fossile. - L’amélioration de la performance des moteurs afin de diminuer la production de GES. - Le développement des transports électriques, à savoir les voitures, les transports publics et les autres engins qui fonctionnaient initialement aux énergies fossiles. Un tel développement nécessiterait une production importante d’énergie supplémentaire (principalement électrique), ce qui risque de poser problème. - L’utilisation d’autres carburants alternatifs. Ceux-ci sont généralement des dérivés des énergies fossiles produisant moins de GES et pouvant difficilement être qualifiés d’énergies renouvelables69 70. Toutes ces alternatives, comme les nouvelles générations de biocarburants, nécessitent de nombreux investissements et ne garantissent pas que l’ensemble des résultats seront positifs. Ces raisons expliquent pourquoi la première génération de biocarburants est, à ce jour, privilégiée. Elle ne nécessite en effet pas d’investissements supplémentaires étant déjà opérationnelle. A l’heure actuelle, les biocarburants sont utilisés uniquement comme additifs aux énergies fossiles et à raison d’un faible pourcentage. Bien que cette utilisation permette de diminuer partiellement la production de GES, elle ne permet en aucun cas de remplacer totalement les énergies fossiles. C’est seulement le jour où le prix du baril augmentera que les investissements et aides se porteront probablement davantage vers les nouvelles générations de biocarburants ainsi que vers les autres alternatives (ou d’autres encore à venir). SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, 283 pages 70 International energyagency, Biofuels for transport: An international perspective, Paris, 2004, 210 pages. 69 Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 25 L’Union européenne tente déjà d’anticiper cette éventualité en favorisant le développement des nouvelles générations, car celles-ci semblent les plus prometteuses en termes de diminution réelle de la production de GES et d’impacts réduits sur l’environnement. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) investit également dans la deuxième génération de biocarburants ainsi que dans les carburants alternatifs afin de développer du fuel permettant de diminuer la production de GES. Ces investissements semblent prometteurs71 72. Envisager les biocarburants comme seule alternative aux énergies fossiles semble toutefois prématuré et inconcevable pour plusieurs raisons. Il faudrait, tout d’abord, remplacer entièrement le parc automobile afin que les moteurs puissent supporter l’utilisation de biocarburants non incorporés aux énergies fossiles. Ces changements prendraient de nombreuses années et nécessiteraient de gros investissements. Ensuite, il faudrait s’assurer que ces carburants fassent vraiment partie de la catégorie des énergies renouvelables pour que leur développement soit réellement durable. Or les résultats des études sur les biocarburants de première génération varient quant à leur impact en fonction des différentes méthodologies appliquées et en raison des difficultés pour évaluer certains impacts comme le changement d’affectation des sols (CAS). Les études sont aussi principalement prospectives en ce qui concerne les nouvelles générations. Ces incertitudes sont à l’origine de nombreux débats au sein des milieux politiques et scientifiques rendant impossible la certitude d’un réel impact positif de ces carburants sur l’environnement par rapport aux énergies fossiles. Enfin, il serait dangereux de n’envisager qu’une seule voie. Les carburants, issus de la biomasse, prennent beaucoup de place dans les cultures risquant de devenir un obstacle à l’alimentation des êtres humains au niveau planétaire et pouvant engendrer des impacts négatifs sur l’environnement. En cas de développement intensif, ces impacts pourraient devenir conflictuels. Le risque d’accélérer la faim dans le monde ou de porter atteinte à la biodiversité en sont des exemples significatifs73. Les biocarburants semblent donc ne pas pouvoir intégralement remplacer les énergies fossiles mais ils offrent un potentiel intéressant pour affronter les enjeux du 21e siècle. Dans cette perspective, il importe de supprimer voire http://www.icao.int/Pages/FR/default_FR.aspx Table ronde 138, Biocarburants : lier les politiques de soutien aux bilans énergétiques et environnementaux, OCDE, Forum International des Transports, France, 2008, 242 pages. 73 SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, pp. 227-228. 71 72 26 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] de réduire les impacts négatifs, qu’ils soient sociaux, économiques ou environnementaux. Les éléments développés dans le présent Etat de la question tendent à prouver que les nouvelles générations de biocarburants sont plus prometteuses. Les biocarburants ne pourront cependant pas résoudre seuls les enjeux de ce siècle en matière de mobilité. Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 27 Bibliographie Articles scientifiques - BENOIST, Anthony et al.,Enjeux environnementaux du développement des biocarburants liquides pour le transport, Sciences Eaux & Territoires, 2012, n°7, pp. 66-73. En ligne: http://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires-2012-2-page-66.htm - BEULIN, X. et LOROT, P., Les biocarburants: un engagement responsable, Géoéconomie, 2008, n°46, pp. 95-106. En ligne: http://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2008-3-page-95.htm - BONIFACE, L. et MOISAN, F., Les biocarburants: une optique énergétique durable, mais à certaines conditions, Annales des Mines - Responsabilité et environnement, 2014, n°64, pp. 43-50. En ligne: http://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2011-4-page-43.htm - DORIN, B. et GITZ, V., Ecobilans de biocarburants : une revue des controverses, Natures Sciences Sociétés, 2008, n°16, pp. 338-347. Disponible en ligne sur: www.nss-journal.org - HUBERT, Marie-Hélène, Nourriture contre carburant: quels sont les éléments du débat ?, Revue Tiers Monde, 2013, n°211, pp. 35-50. En ligne: http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2012-3-page-35.htm - JEANROY, Alain, Le développement des biocarburants, Réalité Industrielles, ProQuest Central, 2009, pp. 25-30. - MATTERA, Piermario, Les dossiers européens : actualités en bref, Brèves, Revue du droit de l’Union Européenne, janvier 2015, pp. 123-132. - MUNOZ, I., FLURY, K., JUNGBLUTH, N., RIGARLSFORD, G., MILA I CANALS, L., KING, H., Life cycle assessment bio-based ethanol produced from different agricultural feedstocks, LCA for renewable resources, Berlin, 2013, pp. 110-119. - TANGERMANN, Stefan, Biocarburants et sécurité alimentaire, Economie rurale, Société française d’Economie rurale, 2007, pp. 100-104. En ligne: http://economierurale.revues.org/2260 « Repère 5 : Agrocarburants (2). Mesurer l‘impact climatique », in Pierre Jacquet et al., Regards sur la Terre 2010, Presses de Sciences Po « Annuels », 2010, pp. 294-295. En ligne: http://www. cairn.info/regards-sur-la-terre-2010---page-294.htm 28 ETAT DE LA QUESTION - Décembre 2015 - Institut Emile Vandervelde - www.iev.be - [email protected] Livres - BELLERINI, Daniel, Les biocarburants Répondre aux défis énergétiques et environnementaux des transports, IfP Energies nouvelles Publications, Technip, Paris, 2011, 381 pages. - International energy agency, Biofuels for transport: An international perspective, Paris, 2004, 210 pages. - SCARWELL, Helga-Jane, Biocarburants, les temps changent ! Effet d’annonce ou réelle avancée ?, Environnement et société, Presses universitaires du Septentrion, France, 2007, 283 pages. - Table ronde 138, Biocarburants : lier les politiques de soutien aux bilans énergétiques et environnementaux, OCDE, Forum International des Transports, France, 2008, 242 pages. Sites internet http://www.icao.int/Pages/FR/default_FR.aspx http://www.ejustice.just.fgov.be http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/ALL/?uri=CELEX:32009L0028 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP// TEXT+TA+P8-TA-2015-0100+0+DOC+XML+V0//FR Interview Entretien avec Rihoux Anne-France, Conseillère générale au Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, DG5/Division Politique de produits et substances chimiques, 9 septembre 2015. Rapports - International Energy Agency, Technology Roadmap Biofuels for Transport, 2011, 51 pages. - Rapport annuel de 2014 de la Fédération Pétrolière Belge, pp. 53-58. Les biocarburants, une alternative aux énergies fossiles ? 29 L’Europe et le reste du monde cherchent à assurer leur sécurité d’approvisionnement en énergie face à une demande croissante. Les enjeux climatiques qui sont au centre de l’actualité rappellent l’importance de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, en particulier le pétrole. C’est dans ce contexte que les biocarburants qui existent depuis longtemps ont gagné en importance et se sont développés ces dernières décennies. Cet Etat de la question examine les trois générations différentes de biocarburants. Il analyse leurs avantages et inconvénients en comparaison avec les énergies fossiles encore majoritairement utilisées dans les transports. L’ensemble des normes et mesures adoptées en Europe et en Belgique sont détaillées afin de mieux saisir l’importance politique des biocarburants. Les biocarburants de première génération ont connu un certain succès mais ils suscitent aussi plusieurs controverses. Les biocarburants perturbent-ils gravement le marché alimentaire mondial ? Leur bilan environnemental estil globalement positif ? Les biocarburants sont considérés comme des énergies renouvelables mais cette affirmation est remise en question. Ces divers débats sont passés en revue. L’analyse est effectuée au travers des dimensions environnementale, sociale et économique qui sont indissociables pour offrir une vue complète des trois générations de biocarburants et permettre ainsi de se forger une opinion sur la question. Institut Emile Vandervelde Bd de l’Empereur, 13 B-1000 Bruxelles Téléphone : +32 (0)2 548 32 11 Fax : + 32 (02) 513 20 19 [email protected] • www.iev.be