Travaux sans permis, ça peut faire mal... – Budget

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Travaux sans permis, ça peut faire mal... – Budget
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Infr actio n s & U rb a n i s m e
Travaux sans permis
ennuis garantis ?
Effectuer des travaux sans permis ou sans respecter le permis d’urbanisme pourrait avoir de lourdes
conséquences, non seulement pour l’auteur des travaux, mais aussi pour les acheteurs du bien.
O
n ne construit pas ce que l’on veut,
où l’on veut ni comme on le veut.
Toute nouvelle construction et bon
nombre d’aménagements doivent faire
l’objet d’un permis d’urbanisme, qui
remplace l’ancien permis de bâtir.
Lorsque vous construisez ou faites
réaliser des aménagements importants, il est obligatoire de faire appel
à un architecte, qui se charge d’introduire la demande auprès des autorités
et veille à ce que les travaux soient
conformes aux prescriptions urbanistiques. Mais il existe aussi des aménagements que vous pouvez réaliser sans
l’aide d’un architecte et qui nécessitent néanmoins l’octroi d’un permis.
Pour ces travaux, c’est à vous d’effectuer la demande de permis auprès de
la commune. Mais que se passe-t-il
si vous décidez de passer outre cette
procédure ?
On parlera d’infraction d’urbanisme
dans les trois cas suivants :
– si vous effectuez des travaux sans
permis ou qui ne respectent pas le
permis octroyé;
– si les travaux sont effectués après
la date de validité du permis;
– si les travaux ne respectent pas un
plan de secteur (niveau régional) ou
est en contradiction avec un plan particulier d’aménagement (PPA, niveau
communal).
Qui constate ?
Plusieurs fonctionnaires sont habilités
à repérer et constater les infractions
afi n d’en dresser un procès-verbal :
– les agents et officiers de la police
locale et de la police fédérale ;
– les agents de l’urbanisme.
Ils ont accès au chantier ou au bâtiment incriminé mais ne peuvent tout
de même pas se transformer en détectives privés. Par exemple, si la maison
est déjà occupée, ils ne peuvent pas y
entrer d’autorité. Dans ce dernier cas,
pour effectuer un constat, ils devront
disposer d’un mandat du juge, qui ne
le délivrera que si les fonctionnaires
peuvent faire état d’une suspicion
sérieuse d’infraction. Bien entendu,
un voisin qui s’estime lésé par vos
projets peut vous intenter un procès,
si le dommage que vous lui infl igez
dépasse les troubles de voisinages acceptables. Dans ce cas un expert peut
être désigné pour constater s’il y a eu
infraction ou troubles de voisinage
excessifs.
Acheteur prudent
Toute personne qui effectue, fait effectuer ou maintient en l’état des travaux
illégaux est punissable. On ne parle
donc pas ici du seul propriétaire de la
maison, mais aussi de l’architecte ou
de l’entrepreneur.
En premier lieu, c’est celui qui a
exécuté ou fait exécuter les travaux
qui sera sanctionné. Par exemple, le
propriétaire d’une maison qui demande à un entrepreneur de creuser une piscine alors qu’il n’en a pas
l’autorisation. Mais, sauf en Flandre,
on pourra aussi sanctionner le propriétaire qui maintient en l’état des
travaux effectués sans permis même
s’ils ont été effectués par d’autres et
même s’il ignore cette illégalité En
effet, à l’heure actuelle, les infractions
au permis d’urbanisme sont prescrites au bout de 5 ans mais le maintien
en l’état, lui, est une infraction imprescriptible, autrement dit qui ne se
régularise pas avec le temps. Donc, si
vous achetez une maison bâtie illégalement, au bout de cinq ans ceux qui
l’ont construite ou fait construire ne
sont plus punissables mais la construction reste illégale même plusieurs
dizaines d’années après et son nouvel
acquéreur devient à son tour punissa-
Budget & Droits
La saga du certificat
d’urbanisme
Jusqu’il y a peu, toute personne
ayant demandé un permis
d’urbanisme en Wallonie devait,
une fois les travaux achevés, faire
une déclaration de conformité à la
commune, autrement dit certifier
que les aménagements étaient bien
conformes à ce que prévoyait le
permis. L’idée a alors germé que,
pour remplacer cette déclaration
unilatérale non contrôlée, on
ferait appel à des contrôleurs
indépendants. Dont coût, quelque
250 €. La mesure se profilant sans
doute comme trop peu populaire,
les autorités parlent maintenant
d’attribuer ce rôle aux communes
elles-mêmes. Mais ce n’est encore
qu’un projet. En attendant, on
revient au système de la déclaration
sur l’honneur.
ble aux yeux de la loi car il maintient
cette situation. En Flandre, toutefois,
seul le fait de construire illégalement
reste punissable dans un délai de 5
ans. Le nouvel acheteur, lui, n’est pas
punissable sauf si les travaux sont effectués dans une zone sensible, par
exemple un bois ou une réserve naturelle. Dans ce cas, l’infraction est
imprescriptible et le propriétaire de la
maison reste sanctionnable. Cela, c’est
pour le côté pénal des choses. Toutefois, les autorités ou un voisin lésés
gardent la possibilité d’intenter une
action au civil . En effet, un voisin que
la construction prive de lumière, par
exemple, peut demander des mesures
de réparation devant un tribunal civil
dans un délai de 20 ans après la construction ou les travaux effectués.
En tant qu’acheteur, mieux vaut dès
lors s’informer que le bien convoité est
libre de toute infraction. Préalablement à l’achat, demandez au notaire si
le bien n’a pas fait l’objet d’une citation
ou d’un jugement pour infraction au
permis d’urbanisme. L’information est
transcrite au bureau des hypothèques
et la responsabilité du notaire est engagée s’il ne la consulte pas.
Pour lui laisser le temps de faire les
recherches, ajoutez au compromis de
vente la mention : " la vente n'aura lieu
que si aucune infraction au permis
d'urbanisme n'a été constatée avant la
signature de l’acte de vente ".
Vous pouvez également effectuer des
recherches vous-même auprès de la
commune. Celle-ci doit en effet vous
fournir sur simple demande toute information sur la destination urbanistique,
l’existence d’un permis, d’une cita
tion ou d’une condamnation pour
délit d’urbanisme.
Permis ou pas ? Exemples fréquents
Permis exigé dans les 3 Régions pour :
– construction de maison, piscine, terrain de sport, mur de clôture en briques, cage grillagée, volière
de plus de 10m², remise, garage ou abri voiture, serre ou véranda de plus de 10 m², terrasse couverte ;
– agrandissement de la maison, modification du toit (forme ou type de couverture), ajout d’un balcon
– modification de la façade par percement de porte/fenêtre ou placement d’une brique de parement ;
– modification de la destination du bâtiment (habitation transformée en commerce) ou modification
de la disposition du nombre de logements (par exemple installer un kot ou un studio) ;
– installation d’une antenne parabolique, d’un réservoir de gaz en surface ;
– aménagement d’une allée ou d’une place de parking ;
– placement de clôtures en bois, en plaques de béton ou en blocs ;
– modification du relief (créer une bute, creuser un étang de grand dimension) ;
– abattage d’un arbre de grande taille et déboisement.
Bruxelles et Wallonie uniquement : travaux souterrains (citernes) et placement de clôture en fil de fer.
Pas de permis pour :
– installations électriques, sanitaires, de chauffage, travaux d’isolation ou de ventilation ;
– aménagements intérieurs sans modification de la destination ou du nombre de logements, etc. ;
– travaux de conservation, y compris remplacement des tuiles et menuiseries extérieures ;
– constructions d’une terrasse, d’allées à l’arrière , d’équipements de jardin (balançoires, barbecues).
En Wallonie uniquement : poulailler, abri de jardin, serre (moyennant certains de conditions).
En Flandre uniquement : clôture de fil de fer de 2 mètres max
mai /juin 2005 - n° 180
Quelles conséquences ?
Recours contre le vendeur
Si vous avez malgré tout acheté un
bâtiment frappé par une infraction
au permis de bâtir/d’urbanisme, vous
avez le droit de demander l’annulation
de la vente et de vous retourner contre le vendeur si vous avez subi des
dommages, frais ou amendes suite au
constat tardif de cette infraction.
Vis-à-vis des pouvoirs publics
À l’exception de la procédure en justice, toutes les démarches nécessaires
s’effectuent auprès du service urbanisme de votre commune.
> Arrêt des travaux
Dès qu’une infraction est constatée,
les agents compétents peuvent intimer l’ordre (oral ou écrit) d’interrompre les travaux. Dès ce moment,
tous nouveaux aménagements sont
interdits, à l’exception des travaux
justifiés par la sécurité (par exemple des travaux de stabilisation), que
l’inspecteur peut autoriser. La notification écrite de l’arrêt des travaux
est envoyée par recommandé dans
les 5 jours (8 en Flandre) suivant la
visite de l’inspecteur. Cela vous laisse
le temps d’intenter une procédure en
référé contre les autorités si vous estimez être dans votre droit. Mais si
ce n’est pas le cas, vous n’avez aucune
chance d’obtenir d’un juge qu’il autorise la poursuite de travaux illégaux.
Quelles sanctions ?
Les amendes dépendent de la gravité de
l’infraction. Par exemple, changer la destination
du bâtiment sera moins lourdement sanctionné
qu’une démolition illégale. Voici quelques
"fourchettes de prix ", selon les régions.
Wallonie : 250 € en cas d’ infraction légère
régularisée, 25 € par m³ bâti pour une
construction illégale et 25 € par m², si c’est une
démolition sans permis, avec un maximum de
25 000 € dans les deux cas.
Flandre : 1 € par m³ illégalement construit et par
m² illégalement démoli, avec dans les deux cas
un minimum de 125 € et un maximum de
25 000 €.
Bruxelles : 2 € par m³ de construction illégale et
par m² de démolition, avec un minimum de 125 €
et un maximum de 1250 €.
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Si vous outrepassez l’interdiction,
vous risquez plusieurs milliers
d’euros d’amende, la démolition des
travaux postérieurs à l’interdiction
et même (Wallonie et Bruxelles), une
peine d’emprisonnement dans les
cas les plus graves.
> Régularisation
Cette procédure est envisageable si
vous avez effectué des travaux sans
demander de permis mais que ceux-ci
ne sont pas en infraction avec l’un ou
l’autre règlement. Par exemple, vous
avez percé une fenêtre supplémentaire dans la façade de votre habitation
sans que cela soit interdit par un PPA.
En Flandre, avant de pouvoir lancer
une procédure de régularisation, il
faut en plus apporter une preuve de
transaction à l’amiable (voir plus
loin). Sans paiement transactionnel,
pas de régularisation. Mais une fois
la régularisation obtenue, vous ne
pouvez plus être poursuivi . Il en va
autrement en Wallonie et à Bruxelles,
ou la régularisation vous met en ordre
d’un point de vue administratif mais
ne vous exonère pas pour autant d’un
règlement transactionnel.
> Transaction
C’est une proposition de paiement
dont le montant dépend de barèmes
préétablis pour l’infraction en question. Pour que l’arrangement à l’amiable soit possible, il faut que les travaux soient passibles d’un permis et
qu’aucune action en justice n’ait été
lancée,. En Flandre, il faut en outre
qu’une procédure de régularisation
ait été entamée. En Wallonie, en revanche, il faut au préalable l’accord
du bourgmestre et de la Région.
Demander un arrangement à l’amiable
ne signifie pas que vous l’obtiendrez.
Si l’inspecteur estime qu’une sanction
se justifie, il peut vous poursuivre.
Face à la justice
C’est au fonctionnaire délégué représentant la Région ou au collège des
bourgmestre et échevins qu’il appartient de déterminer devant quelle juridiction ils veulent vous poursuivre :
un tribunal civil ou, plus fréquemment, un tribunal correctionnel. Devant le tribunal, c’est le fonctionnaire
délégué qui détermine quel type de
mesures de réparation il souhaite
vous voir appliquer :
– la démolition ou la remise dans
l’état originel est la sanction la pluslourde. Ces travaux s’effectuent aux
Infraction à quoi ?
Plusieurs dispositions peuvent exister en matière de construction.
Le plan de secteur : la Belgique est divisée en 48 régions, elles-mêmes subdivisées
en zones (agricole, habitation, industrielle, naturelle). Pour chaque zone on a établi
des règlements spécifiques.
Les plans particuliers d’aménagement ou PPA couvrent des zones nettement plus
petites (quelques rues). Outre la destination précise du terrain, ils contiennent des
dispositions sur l’implantation, l’aspect extérieur, etc.
Le lotissement est une zone parcellisée en accord avec les autorités. Le permis de
lotir contient les dispositions valables pour les constructions dans ces parcelles.
Les règlements de lotissement déterminent les obligations techniques et
financières du responsable du lotissement. Ils établissent également la proportion de
terrain affectée aux constructions, aux espaces verts, aux bâtiments techniques.
Les règlements d’urbanisme sont surtout des mesures relatives aux constructions
proprement dites et aux travaux assimilés : solidité, aspect extérieur, sécurité antiincendie, infrastructures routières, équipements techniques, etc.
frais du contrevenant. Imaginez les
frais que cela peut entraîner si, pour
construire illégalement, vous avez
préalablement et tout aussi illégalement démoli un bâtiment existant.
Le juge peut prononcer la démolition
du nouveau et la reconstruction de
l’ancien ! Vous avez un an pour commencer à exécuter la sanction. Passé
ce délai, le travail peut être effectué
par la force publique, mais à vos frais.
– Des travaux d’aménagement seront exigés s’ils permettent d’arriver
à une solution permettant d’obtenir
un permis d’urbanisme. Par exemple,
vous avez fait construire un bâtiment
à deux étages avec toit plat dans une
zone où seules les maisons d’un étage
avec toit à versants sont autorisées.
Le juge peut exiger la démolition de
l’étage excédentaire et l’adaptation du
toit.
– Une amende équivalente à la plusvalue que les travaux ont apportée au
bien. C’est une mesure que l’on appliquera aux infractions de moindre
importance. Si le propriétaire paie, la
maison n’est pas libérée pour autant de
l’infraction. Celle-ci perdure, même si
non passible de poursuites, et doit être
communiquée lors de chaque vente, ce
qui représente tout de même une perte
de valeur certaine. Exemple typique :
creuser un étang sans permis.
Le juge est tenu de suivre la voie exigée par l’autorité plaignante et ne peut
se prononcer sur l’opportunité des mesures réclamées. Il ne peut s’y opposer
que dans le cas où elles sont illégales.
Toutefois le magistrat a la possibilité
de refuser les mesures demandées si
celles-ci sont manifestement exagérées par rapport à l’infraction commise. Par exemple, le fonctionnaire
demande la démolition totale alors
que de simples transformations suffi raient.
> Sanctions pénales
Outre les sanctions liées aux travaux,
le juge peut également imposer une
amende à l’encontre du contrevenant.
Elle sera d’autant plus importante
qu’il s’agit d’un professionnel de la
construction. Cela va de quelques centaines d’euros à plusieurs millions,
éventuellement assortis d’une peine
d’emprisonnement de quelques jours/
mois. Le juge peut également confisquer les revenus liés à une construction illégale, par exemple les loyers.
Dans le cas d’un particulier, toutefois,
s’il s’agit d’une première fois, si l’ordre
d’arrêt des travaux a été respecté et si
l’intéressé a demandé une procédure
de régularisation, le juge n’alourdira
généralement pas la note avec une
amende.
À l’égard des tiers
Toute personne lésée par le projet peut
exiger un dédommagement ou des mesures de réparation, soit devant un
tribunal civil soit devant un tribunal
correctionnel. Celles qui auront éventuellement été réclamées par les autorités auront cependant priorité sur la
demande de cette tierce personne. ▲
G. Coene et X. Debourse