PAKISTAN Une enquête impartiale doit être menée sur l`assassinat

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PAKISTAN Une enquête impartiale doit être menée sur l`assassinat
AMNESTY INTERNATIONAL
BULLETIN D'INFORMATIONS 76/95
Index AI: NWS 11/76/95
PAKISTAN
Une enquête impartiale doit être menée sur l'assassinat d'un enfant militant contre le travail forcé
Index AI : ASA 33/11/95
Pour diffusion immédiate
Les autorités pakistanaises devraient enquêter sur l'homicide d'Iqbal Masih – ce garçon de douze
ans militant pour la cause des enfants – qui serait imputable à des propriétaires de fabriques de
tapis agissant avec l'aval du gouvernement.
« Ayant joué un rôle important dans la lutte contre le travail forcé des enfants-esclaves du Pakistan,
Iqbal Masih a vraisemblablement été tué pour s'être exprimé en faveur des droits fondamentaux de
ses semblables, a déclaré Amnesty International. Il a de nouveau été fait usage au Pakistan des deux
instruments utilisés dans le monde entier pour réduire au silence les défenseurs des droits de
l'homme : la peur et la violence. »
Iqbal Masih a été abattu le dimanche 16 avril alors qu'il circulait à vélo dans son village de Muridké,
dans la province du Pendjab. Autrefois enfant-esclave dans une fabrique de tapis, il était devenu un
militant qui aidait les enfants partageant le même sort que lui à connaître leurs droits et recouvrer la
liberté.
L'Organisation pense que cet homicide s'inscrit dans le cadre d'une collusion entre des familles
puissantes dans le milieu des affaires, des groupes politiques et les autorités policières locales, qui
a déjà donné lieu à des menaces et des meurtres de ce genre.
Amnesty International croit comprendre qu'une arrestation a eu lieu en relation avec la mort d'Iqbal
Masih. Cependant, pour l'Organisation, toutes les personnes respon-sables de cet homicide, y
compris celles qui en auraient donné l'ordre, devraient être traduites en justice. Une enquête
exhaustive, impartiale et indépendante devrait également être ouverte sur les allégations selon
lesquelles les autorités seraient impliquées dans les mauvais traitements infligés à des défenseurs
des droits de l'homme.
Le fait que le gouvernement pakistanais ne traduise jamais en justice les responsables de tels
homicides vient renforcer l'hypothèse selon laquelle les autorités consentiraient officiellement à ce
que des violations des droits de l'homme soient commises.
Selon Amnesty International, « le gouvernement fait rarement ouvrir des enquêtes sur ces homicides.
Très peu de personnes étant jugées, reconnues coupables ou condamnées, les gens ont le sentiment
qu'ils pourront se soustraire à la justice ».
En raison de ses activités, Iqbal Masih avait reçu plusieurs menaces de mort au cours des derniers
mois. Selon un porte-parole du Bonded Labour Liberation Front (BLLF, Front de libération contre le
travail forcé), l'assassinat du jeune garçon pourrait être l'œuvre de ceux que sa lutte dérangeait.
Pour le BLLF, le fait qu'Iqbal soit parvenu à libérer d'autres enfants de l'esclavage affectait la
rentabilité de l'industrie du tapis locale.
Amnesty International exhorte le gouver-nement pakistanais à prendre des mesures pour garantir la
sécurité des enfants qui militent contre le travail forcé et de tous ceux qui les accompagnent dans
cette lutte.
L'histoire d'Iqbal Masih
À l'âge de quatre ans, Iqbal est vendu comme esclave au propriétaire d'une fabrique de tapis du
Pendjab. Son père reçoit en échange un prêt de 600 roupies (12 $) pour le mariage de son fils aîné.
La version originale a été publiée par Amnesty International, Secretariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X
8DJ, Royaume-Uni. Seule la version anglaise fait foi. La version française a été traduite et diffusée par les Éditions
francophones d'Amnesty International - ÉFAI -1-
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Index AI: NWS 11/76/95
Pour rembourser ce prêt, l'enfant travaille douze heures par jour dans la fabrique. En raison du taux
d'intérêt exorbitant associé au prêt, au lieu de diminuer la dette passe, au bout de quelques années, à
13 000 roupies. Le patron d'Iqbal le battrait, le maltraiterait et l'enchaînerait à un métier à tisser.
En 1992, l'enfant se rend à une réunion organisée par le BLLF au cours de laquelle il prend
connaissance de ses droits. Il se lève à l'improviste pour prendre la parole, et son intervention est
publiée dans un journal local. Il refuse alors de retourner chez son patron et obtient une "lettre de
remise en liberté" utilisée par un des avocats du BLLF contre le propriétaire de l'entreprise qui le
maintenait en esclavage.
Le travail forcé est interdit aux termes de la loi sur l'abolition du travail forcé. Adoptée par le
parlement pakistanais en 1992, cette loi est cependant rarement appliquée. L'Organisa-tion
internationale du travail (OIT) estime à 7,5 millions le nombre d'enfants-esclaves au Pakistan
aujourd'hui, parmi lesquels plus d'un demi-million travaillerait dans l'industrie du tapis.
Iqbal Masih suit ensuite des cours dans une école du BLLF pour les enfants-esclaves libérés et il
contribue activement à la libération d'enfants subissant le sort qu'il a connu. En décembre 1994, il
reçoit le prix « la jeunesse en action » de la firme Reebok. Un responsable du programme en faveur
des droits de l'homme de cette compagnie qui l'a rencontré à cette époque le décrit comme un enfant
courageux, très mûr pour son âge en dépit de sa petite taille due à la malnutrition.
Selon les personnes qui militaient avec lui, Iqbal avait témoigné à plusieurs reprises en public sur
les conditions de vie des enfants-esclaves et il avait aidé un grand nombre d'entre eux à se libérer du
joug du travail forcé. l
La version originale a été publiée par Amnesty International, Secretariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X
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