ENQUETE
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LA LIBRE ENTREPRISE DU 12 JANVIER 2008 3 ENQ U E TE l’industrie du jeu vidéo jeu se sont vendues dans le monde en 2007, contre 55 millions en 2006. La PlayStation 3, qui ne suscite pas pour l’instant le même engouement que la PS1 et la PS2, peut-elle encore rattraper son retard sur la Wii ? “La PS3 va tout juste atteindre 10 millions de ventes cumulées, il reste donc un long chemin à parcourir. D’autant plus qu’en 2007, il s’est encore vendu autant de PS2 que de PS3, ce qui n’était certainement pas le plan initial, répond Patrick Staar. La PS3 souffre d’un prix élevé et d’une technologie très sophistiquée, ce qui rend le développement des jeux extrêmement complexe. Nous n’avons pas encore vu un seul jeu qui exploite véritablement tout le potentiel de la PS3, mais ça viendra…”. Le prix joue bien sûr aussi un rôle important. Grâce à une baisse importante de celui-ci, la PS3 est d’ailleurs brièvement parvenue à repasser devant la Wii dans les ventes de consoles au Japon au mois de novembre. Reste à voir si la Wii ne souffrira pas dans les mois à venir du fait qu’elle n’est pas encore compatible avec les images en haute définition (HD), alors que la PS3 contient, elle, un lecteur Blu-Ray, le format de disque HD qui devrait succéder au DVD. Une Wii 2 viendra sans doute combler cette lacune en 2009 ou en 2010. ITSUO INOUYE/AP Avec sa console Wii, Nintendo a inventé une nouvelle façon de jouer, basée sur le mouvement. La preuve en images avec “Wii Fitness” qui doit aider les joueurs à garder la forme. Consolidation du secteur Si la bataille est rude entre les fabricants de consoles, elle l’est tout autant entre les principaux studios de jeux. L’année 2007 a, en particulier, été marquée par la naissance du géant Activision Blizzard né du rachat de l’éditeur américain Activision par le groupe Vivendi pour la somme impressionnante de 18,9 milliards de dollars. Le nouveau groupe franco-américain devient ainsi une entreprise de la même taille que le leader mondial Electronic Arts (EA) qui vient de répli- quer en annonçant à son tour l’acquisition des studios Pandemic. “La consolidation va se poursuivre, estime Patrick Staar. Les grands ont besoin de grandir pour conserver leurs parts de marché et les plus petits ne peuvent raisonnablement pas se battre sur tous les fronts. La multiplicité des formats, les licences, le marketing, la distribution sont autant de challenges difficiles à gérer par une plus petite entité. Sans oublier que le développement de la technologie des consoles entraîne une augmentation constante du coût de développement des jeux. Une vingtaine de millions d’euros est désormais la norme pour un jeu PS3, sans compter le coût des licences qui s’élève parfois à des sommes astronomiques. La tendance va donc vers un nombre plus restreint de jeux, plus complexes, qui se vendent en plus grandes quantités. Une sorte d’obligation de succès qui renforce la recherche de qualité. C’est plutôt une bonne nouvelle pour le consommateur…”. Benoît Sokal : les jeux vidéo touchent un public nouveau onnu et apprécié des amateurs de bande dessinée comme l’auteur des aventures du détective privé désabusé “Canardo”, le Belge Benoît Sokal s’est reconverti depuis plusieurs années avec succès dans le développement de jeux vidéo. Ses “œuvres”, parmi lesquelles “L’Amerzone” et “Syberia”, se distinguent par leurs graphismes superbes et par leurs scénarios bien plus fouillés et complexes que la moyenne des jeux. Via sa société White Birds, il vient de sortir un jeu d’aventures baptisé “L’Ile Noyée” (un titre qui, comme “L’Amerzone”, est aussi le titre d’un album de Canardo). projet très novateur, “Birdy”, destiné aux consoles PlayStation 3 et Xbox 360. En parallèle, je démarre également de manière concrète mon projet de film en images de synthèse avec mon ami François Schuiten. 2007 a-t-il été un bon cru pour votre société ? La migration vers les consoles n’est pas simple, car il s’agit de technologies différentes, mais surtout de contenus différents. Il y a une sorte de distance entre le joueur et l’écran qui favorise les jeux d’action au détriment des scénarios poussés. Par contre, les différences graphiques se sont estompées et les nouvelles consoles sont capables d’afficher des graphismes somptueux. Cela dit, il ne faut peut-être pas enterrer le PC trop vite. L’histoire des jeux vidéo a montré que des situations qui semblaient bien établies pouvaient évoluer rapidement. Nous nous en sommes pas trop mal tirés, dans la mesure où “L’Ile Noyée”, sorti en fin d’année, s’est très bien vendu en France, en Belgique et en Italie, même s’il n’est pas encore édité sur les autres territoires. Cela dit, le marché des jeux pour PC a confirmé sa baisse et il paraît clair que White Birds doit poursuivre sa transition vers les consoles. Cela veut-il dire que vous préparez des jeux pour consoles ? Oui, en 2008, nous prévoyons notamment de sortir des versions de “L’Ile Noyée” pour la Nintendo DS et pour la Wii, ainsi qu’une version DS de “Paradise”, et une suite de “L’Ile Noyée” sous le nom “Meurtre en Scène”. Nous avons également un Croyez-vous qu’il y a encore un avenir pour les jeux sur PC ou pensezvous que tous les développeurs vont migrer vers les consoles ? Il est indéniable que le marché PC régresse. Ce qui demeurait un de ses “domaines réservés”, c’est-à-dire le massivement multijoueur, est également en train d’arriver sur les nouvelles consoles de salon connectées. Que pensez-vous de l’avenir des jeux en ligne ? OLIVIER PIRARD C bonne image dans la communauté des joueurs d’aventure. Mais cette population demeure marginale. Avec mon projet “Birdy”, je souhaite aborder un public plus large, composé de joueurs “consoles”. Mon premier talent, c’est de savoir raconter des histoires en images : il y aura toujours une dimension de scénario et une dimension artistique dans mes jeux parce que c’est ce que je sais faire, mais aussi ce que j’aime faire. Comment un studio comme le vôtre gère-t-il cette migration ? Justement, que pensez-vous de l’évolution actuelle du secteur ? Ce qui me semble intéressant en ce moment, au-delà des plates-formes, c’est l’apparition de ce qu’on ap- pelle des “casual gamers”, c’est-àdire des joueurs, hommes et femmes, adultes, qui jouent à des jeux d’aventure comme les miens, mais aussi à des jeux sur Nintendo DS de type “entraînement cérébral” ou des jeux familiaux sur la Wii. Ces joueurs recherchent des jeux différents, comme je sais les faire. Ils cohabitent maintenant avec les “gamers” traditionnels qui, eux, sont encore et toujours les 16-25 ans, plutôt masculins. Vous avez un profil un peu atypique dans le monde du jeu vidéo, avec des jeux à la fois très beaux et très scénarisés. Pensez-vous avoir trouvé votre place sur le marché ? J’ai un public fidèle, et une très Aujourd’hui, le seul qui fonctionne vraiment totalement, c’est “World of Warcraft” qui est un univers très axé sur les “gamers”. Ce qui m’intéresse, c’est de tenter d’adapter cet esprit multijoueur à d’autres types de contenus. Nous réfléchissons à un site très innovant en ce moment : un projet à la fois visuel et éditorial… Difficile d’en dire plus à ce stade. EN CHIFFRES Les consoles ont la cote chez nous aussi Selon le bureau d’études GfK, les consommateurs belges ont acheté l’an dernier 340000 consoles de salon et 294000 consoles de poche. Un tiers de ce chiffre a été réalisé dans les six dernières semaines de l’année. La PlayStation 3 de Sony est la plus populaire, suivie de la console Wii de Nintendo, de la PlayStation 2 qui entre dans sa huitième année d’existence, et enfin de la Xbox 360 de Microsoft. L’an dernier, on a vendu 4,16 millions de jeux pour console, soit près d’un million de plus qu’en 2006. Les jeux sur PC sont, par contre, en baisse : de 1,85 million en 2006, on est passé à 1,82 million l’an dernier. Où sont aujourd’hui développés vos jeux ? Et qu’en est-il des coûts de production de ces jeux ? Mes jeux sont développés pour partie en France, avec les équipes internes de White Birds, et en partie ailleurs en Europe. Les coûts de production ont tendance à augmenter, mais les budgets sont très variables selon les plates-formes. Un “gros” jeu pour PS3 peut facilement atteindre, voire dépasser les 10 millions d’euros quand un jeu Wii ou PC de qualité peut coûter 2 millions d’euros, et un bon jeu DS dans les 350 000 €. © S.A. IPM 2008. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.