Avocat en liquidation judiciaire : omission du tableau

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Avocat en liquidation judiciaire : omission du tableau
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Avocat en liquidation judiciaire : omission du tableau
le 13 avril 2011
AFFAIRES | Entreprise en difficulté
CIVIL | Profession juridique et judiciaire
La décision d’omettre un avocat du tableau ne peut être prise par le conseil de l’ordre que dans les
conditions des articles 104 et 105 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui ne visent pas la
privation temporaire d’exercice de la profession d’avocat prévue par l’article L. 641-9 du code de
commerce.
Com. 5 avr. 2011, FS-P+B, 10-30.232
Un an après les trois arrêts du 9 février 2010 (Bull. civ. IV, n° 35, 36 et 38 ; D. 2010. AJ 434, obs. A.
Lienhard ; ibid. Chron. C. cass. 1113, obs. Orsini ), c’est une nouvelle particularité du régime de la
liquidation judiciaire d’un avocat que consacre cet arrêt du 5 avril 2011. Et, même si la précision est
sans doute là plus modeste, elle n’en est pas moins notable car elle n’était pas si prévisible que
cela. Il s’agissait tout simplement de savoir si l’effet de dessaisissement, prévu par l’article L. 641-9
du code de commerce, pouvait justifier l’omission du tableau. Non, répond la Cour de cassation,
s’en tenant strictement aux conditions prévues par les textes de la profession, les articles 104 et
105 du décret du 27 novembre 1991, qui distinguent les cas d’omission obligatoire (art. 104, décret
du 27 nov. 1991) et les cas d’omission facultative (art. 105), sans mentionner nullement la
liquidation judiciaire.
Pour autant, l’hésitation était quand même permise. Non parce que l’article 104 vise « l’avocat qui
se trouve dans l’un des cas d’exclusion ou d’incompatibilité prévus par la loi », mais en raison de la
disposition du III de l’article L. 641-9, introduite par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, qui interdit
expressément aux débiteurs personnes physiques d’exercer au cours de la liquidation judiciaire une
activité susceptible d’être soumise à une procédure collective, c’est-à-dire une activité de
commerçant, d’artisan, d’agriculteur ou toute autre profession indépendante (V., pour un avocat,
Paris, 23 nov. 2007, JCP 2007. IV. 3357), ne leur laissant que la possibilité d’exercer une activité
salariée. Cette disposition, cependant, n’est pas une sanction mais, au contraire, une mesure de
protection (V. Rép. min. n° 2059, JOAN Q, 15 janv. 2008, p. 381). En effet, comme l’article L. 640-2
interdit d’ouvrir une seconde procédure collective à l’égard d’une personne tant que la précédente
n’a pas été clôturée, cette personne ne pourrait pas bénéficier de la protection que lui accorde la
procédure collective si elle rencontrait de graves difficultés financières dans sa nouvelle activité.
Reste peut-être à acquérir la certitude que la mesure ne puisse s’analyser en une incapacité
professionnelle, comme cela a été envisagé (J.-P. Sénéchal, La réforme de la liquidation judiciaire,
colloque CRAJEFE du 27 mars 2004, LPA 10 juin 2004, p. 43, spéc. p. 46). La Cour de cassation n’a
pas eu encore à connaître de ce point, qui, saisie par ailleurs d’une question prioritaire de
constitutionnalité relative à la constitutionnalité du texte, au regard, notamment, du droit d’obtenir
un emploi reconnu par l’article 5 du préambule de la Constitution de 1946, n’a pu se prononcer, du
fait que la disposition n’était pas applicable au litige (Com. 19 oct. 2010, D. 2010. Actu. 2511, obs.
A. Lienhard ). Le présent arrêt n’ajoute rien à cet égard, mais il n’en reste pas moins que la
chambre commerciale y laisse percer sa volonté de minimiser la portée du dessaisissement de
l’avocat, auquel elle permet donc de demeurer au tableau le temps de la procédure de liquidation
judiciaire.
Fondée sur les textes régissant la profession d’avocat, la décision est de portée générale. Tous les
avocats en profiteront, alors que le pourvoi ne tendait qu’à la censure de la décision des juges du
fond en ce qu’elle frappait un avocat associé. Le moyen reprenait ainsi la formule créatrice des
arrêts précités, selon laquelle « l’avocat qui a cessé d’exercer son activité à titre individuel pour
devenir associé d’une société d’exercice libéral cesse d’exercer une activité professionnelle
indépendante au sens de l’article L. 640-2 du code de commerce », pour en déduire que «
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l’interdiction faite au débiteur personne physique en liquidation judiciaire d’exercer une activité
professionnelle indépendante ne l’empêche pas d’exercer ses fonctions au nom d’une société
d’exercice libéral ». La Cour de cassation ne reprend pas ce raisonnement, mais cela n’ôte rien à sa
pertinence. On croit comprendre pourquoi la chambre commerciale a préféré l’ignorer. D’abord, il
prouve peut-être trop : il conduit, en effet, plus radicalement, à barrer aux avocats associés la voie
des procédures collectives, à moins que leur passif provienne en partie de leur activité individuelle
antérieure, et sous condition alors que l’éventuelle assignation du créancier intervienne dans le
délai d’un an à compter de la cessation d’activité individuelle – c’est tout l’intérêt de la
jurisprudence du 9 février 2010. Mais surtout, on l’a dit, sur ce fondement, la position de la Cour
serait, par construction, limitée à la situation de l’avocat exerçant au sein d’une structure
professionnelle sociétaire.
La solution étonnera quand même sachant que les spécialistes de la déontologie des avocats
semblaient tenir pour acquis l’omission du tableau de l’avocat dès l’ouverture de la liquidation
judiciaire, tout en reconnaissant qu’il serait quand même préférable que le pouvoir réglementaire
adapte les articles 104 et 105 (H. Ader et A. Damien, Règles de la profession d’avocat, Dalloz
Action, 2011/2012, 59.52). C’est ce défaut d’harmonisation des textes qui a permis à la Cour de
cassation de juger comme elle l’a fait.
par A. Lienhard
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