L`ambassadrice de Belgique, une travailleuse qui aime la

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L`ambassadrice de Belgique, une travailleuse qui aime la
Liban
mercredi 27 février 2013
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L’ambassadrice de Belgique, une travailleuse
qui aime la randonnée et le yoga
La diplomatie au féminin Colette Taquet a été nommée ambassadrice de Belgique à Beyrouth il y a un an et
demi. Discrète et dynamique, elle expose dans un entretien avec « L’Orient-Le Jour » les activités entreprises
pour la promotion de son pays au Liban, évoquant quelques-unes de ses impressions sur son quotidien à
Beyrouth. Cet article s’inscrit dans le cadre d’une série portant sur les femmes diplomates en poste au Liban.
Patricia KHODER
Embrasser la carrière diplomatique pour Colette Taquet
était une évidence. « Cela
coulait de source ; j’ai toujours
manifesté beaucoup d’intérêt
pour les questions de la paix
dans le monde, de liberté, de
lutte contre la pauvreté. Je ne
me suis pas posé de question à
la fin de mes études (de sciences politiques et de droit international) et j’ai passé l’examen du corps diplomatique à
24 ans », souligne-t-elle.
Elle a travaillé à Strasbourg
auprès du Conseil de l’Europe, à Rome auprès des institutions onusiennes, à Londres
ensuite. Après avoir occupé le
poste d’ambassadrice à Chypre, elle est rentrée à l’administration centrale à Bruxelles
avant d’être nommée ambassadrice à Beyrouth.
Mme Taquet connaissait Beyrouth bien avant d’y
être nommée ambassadrice.
Portant de l’intérêt pour le
Moyen-Orient, elle avait effectué sa première visite au
Liban en 1999. Elle s’est ensuite rendue à plusieurs reprises au Liban, en Syrie, en
Égypte, en Jordanie, et en Israël, alors qu’elle était en poste
à Chypre.
« Le pays montrait chaque
fois un autre visage », dit-elle.
À la question de savoir si sa
perception du Liban a changé
depuis qu’elle y a entamé sa
mission, elle indique : « Oui,
c’est tout à fait autre chose.
Quand on vit quotidiennement dans un pays, l’expérience est différente. »
Elle cite en premier lieu
« les embouteillages dans lesquels l’on perd beaucoup de
temps. Il n’y a pas beaucoup
de place pour le piéton non
plus. Beyrouth est une ville
assez stressante ».
Alors qu’elle venait d’entamer sa mission au Liban en
2011, avec l’aide de Beyrouth
by Bike, Mme Taquet avait
pris l’initiative d’offrir cinq
vélos, par tirage au sort, à des
cinéphiles ayant assisté à un
film belge lors du Festival du
cinéma européen.
« Le vélo est plus qu’un
sport en Belgique, c’est un
moyen de locomotion, précise-t-elle. Le pays s’y prête
bien et on fait de la place aux
cyclistes. Des bicyclettes sont
mises à la disposition des personnes en ville dans le cadre
de véloville (comme c’est le
cas du vélib à Paris). À Beyrouth, c’est dangereux de faire
du vélo », dit-elle, tout en
soulignant qu’elle fait de la bicyclette le week-end en ville.
« Je porte mon casque et je
me promène à vélo. En weekend, les matins, Beyrouth est
très tranquille et les gens dorment encore. On peut aussi
faire de la bicyclette ailleurs,
mais au Liban, contrairement
à la Belgique, il y a le défi du
relief. »
L’ambassadrice belge pratique le yoga et aime la musique, la littérature et la
L’aide aux réfugiés syriens
En novembre dernier, la
Belgique a remis une donation de 785 000 dollars à
la Croix-Rouge libanaise et
à la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge. Cette aide
était destinée également aux
réfugiés syriens. La moitié de
la somme a été utilisée pour
l’achat de quatre ambulances
médicalisées, alors que le reste
a financé des vivres et de petits
équipements aux déplacés syriens au Liban et en Syrie, permettant ainsi à 5 000 familles
de profiter de cette aide.
L’ambassadeur de Belgique,
Colette Taquet, met l’accent
sur la situation d’urgence
créée par le flot de réfugiés
au Liban, en Jordanie et en
Turquie.
« Nous pensons actuellement
à d’autres contributions,
souligne-t-elle. La Belgique
a comme politique de base
de verser directement ses
contributions aux organisations
internationales et aux fonds
d’aide d’urgence pour qu’elles
puissent en faire une gestion
plus efficace et plus économique. Récemment, nous avons
remis un don à l’Unrwa pour
venir en aide aux réfugiés
palestiniens de Syrie », ditelle, ajoutant que depuis des
semaines, son pays « entretient
une initiative aux Nations
unies en appelant à renforcer
le consensus international sur
l’application du droit humanitaire international en Syrie ».
Mme Taquet, qui s’était rendue
à plusieurs reprises en Syrie
avant les événements, avait été
surtout frappée par « la gentillesse des gens, leur curiosité
et leur sincérité », explique-telle.
randonnée. C’est grâce à la
marche en montagne qu’elle
a découvert le Liban, à part
bien sûr le Liban-Sud. Mme
Taquet énumère les endroits
qu’elle a visités à pied : « Les
Cèdres de Jej, de Bécharré et
de Barouk, Bkassine, Jezzine,
la réserve d’Ehden, Laklouk,
Qadisha, le lac Qaraoun...
J’aime le contact avec les gens.
C’est en marchant en montagne et en s’arrêtant dans les
petites tavernes qu’on retrouve
la vie libanaise authentique »,
dit-elle.
Interrogée sur d’éventuels
points communs entre la Belgique et le Liban, Mme Taquet souligne que la Belgique
est une porte vers l’Europe
tout comme le Liban joue ce
rôle par rapport aux pays du
Levant. Elle relève aussi que
la Belgique a été le théâtre
de tiraillements entre diverses forces comme c’est le cas
du Liban, qui a été à plusieurs
étapes de son histoire convoité par d’autres pays. Les deux
pays sont également de taille
moyenne, avec une diversité
culturelle.
À la question de savoir
qu’est-ce qui est vraiment
particulier à la Belgique, Mme
Taquet met l’accent sur les
villes belges avec leur architecture très particulière : « Ce
sont des centres commerciaux
et d’échanges à échelle humaine. Même la plus grande ville,
Anvers, qui compte un peu
plus d’un million d’habitants,
reste une ville à dimension
humaine, notamment quand
on la compare aux mégalopoles comme Londres ou Paris,
avec leur côté écrasant et esquintant. »
Ce qui lui manque le plus ?
« Mes amis. Parfois j’aimerais
les transporter et les retrouver
ici, mais mes amis sont aussi
dispersés ailleurs », dit-elle.
Batailles politiques,
stéréotypes et quota
Colette Taquet est une
femme discrète, ou du moins
elle ne se livre pas facilement
aux journalistes. Au Liban,
elle est avant tout au service
de son pays. Elle ne s’épanche pas sur son expérience
personnelle au sein du corps
diplomatique belge, mais l’on
devine que c’est une bûcheuse
qui n’a pas épargné ses efforts
pour faire carrière.
Pour elle, même si beaucoup de progrès a été réalisé
sur le plan de l’accès des femmes à des postes de responsabilité, et même si en Europe
certaines batailles ont déjà été
livrées et gagnées, il faut rester
vigilant, surtout en temps de
crise économique.
À la question de savoir s’il
est nécessaire pour une femme
de travailler plus qu’un homme
pour accéder à un poste, elle
note qu’il « existe des stéréotypes liés au genre » (homme/
femme). Et d’ajouter : « Tous
ne sont pas offensants ou injustes. Le problème est parfois
que sur ces stéréotypes naissent des préjugés, qui peuvent
limiter la liberté d’action des
femmes. Ce sont à la fois des
femmes qui ont des préjugés
sur leur propre potentiel et des
hommes qui ont des préjugés
sur le potentiel des femmes.
Les préjugés forment le terrain idéal pour mettre en place
des discriminations. Des batailles politiques ou juridiques
sont toujours à mener dans
chaque pays, pour combattre
ces discriminations. Il est injuste d’empêcher des femmes
capables d’accéder à des postes importants. C’est aussi une
grande perte en termes de ressources humaines, au plan de
la matière grise, et des capacités d’une société à relever les
défis de son développement.
En Belgique, nous avons déjà
livré ces combats, mais les stéréotypes et les préjugés existent toujours. »
« Dans la carrière diplomatique belge, il y a moins
de 20 % de femmes, et si l’on
regarde les postes de chef de
mission, ce pourcentage chute à moins de 15 %, indique
Mme Taquet. Il reste aussi
dans le tissu social des mécanismes qui font que les petites
filles rêvent plus de métiers où
il y a une tradition d’occupation féminine. Beaucoup de
progrès ont été effectués, mais
il faut toujours rester vigilant
parce que durant les périodes
de crise économique, on laisse
les faibles payer le prix des
sacrifices et on trouve donc
plus de femmes qui travaillent
à mi-temps ou qui sont dans
des situations d’emploi précaire. »
Et de poursuivre : « La Belgique ne fait ni plus ni moins
que les autres, nous avons encore des combats à mener dans
la représentation politique.
Pour les élections, nous avons
adopté un système de quota
d’un tiers sur les listes. Mais il
faut aussi un changement des
mentalités, il faut avoir plus
de femmes ayant des ambitions citoyennes, politiques.
La balle est dans le camp des
femmes aussi. Le monde de la
politique est assez dur, il faut
pouvoir livrer bataille, endurer
et subir des coups, et toutes les
femmes ne sont pas disposées
à cela. »
L’ambassadrice de Belgique est entrée dans la carrière
diplomatique pour lutter contre les injustices.
Le contingent belge de la Finul
Depuis 2006, la Belgique participe à la Finul. Le contingent
belge compte actuellement
104 hommes et femmes, qui
sont stationnés à el-Tiri et qui
partagent leur camp avec les
Casques bleus irlandais et
finlandais.
« C’est une unité du génie
militaire qui fait du déminage. Le contingent compte
aussi une unité médicale, car
il est obligatoire d’avoir des
médecins avec les démineurs.
Dans une précédente rotation,
le contingent comptait un médecin luxembourgeois », note
l’ambassadrice belge, Colette
Taquet.
Interrogée sur l’incident de
Mays el-Jabal qui s’était
produit il y a une quinzaine de
jours, quand des soldats belges
contrôlant un site déminé ont
dû avertir des habitants qu’ils
se trouvaient dans une zone
dangereuse, Mme Taquet a
souligné qu’il « s’agit d’un incident inamical qui s’est limité à
quelques gestes inappropriés ».
Pour l’ambassadrice de Belgique, tout est une question
de respect : « Une femme à
un poste important devrait
inspirer le respect de la fonction. Il faut qu’elle soit compétente et capable de remplir
son rôle d’une manière aussi
efficace et aussi performante
qu’un homme. Je pense que
nous pouvons faire aussi bien
qu’eux car il y a des femmes
intelligentes,
talentueuses,
volontaires et prêtes à faire
des sacrifices. C’est aussi essentiellement une question de
personnalité », indique-t-elle.
Priée, enfin, d’évoquer
le regard qu’elle porte sur
la femme libanaise, Mme
Taquet s’exclame : « C’est
un peu déroutant pour moi
la femme libanaise. Il y a
beaucoup de femmes très
différentes au Liban. Est-ce
qu’elles ont en commun des
choses qui les transcendent
et qui font qu’il y a une seule
femme libanaise ? Je ne suis
pas encore au clair là-dessus.
Mais je pense qu’il y a quand
même une préséance du rôle
de mère et d’épouse. »
Et elle n’a pas vraiment tort.
au large du Liban, de Syrie
et de Chypre. Quand on sait
qu’on annonce un pic pétrolier dans 20 à 25 ans, on comprend un peu mieux l’enjeu
de cette guerre syrienne : empêcher le tandem Syrie-Iran
de contrôler un front de mer
méditerranéen stratégique,
allant de Naqoura jusqu’au
sandjak d’Alexandrette. Rien
de bizarre ici, bien de régions
pétrolifères connaissent des
TSP (Troubles sécuritaires
prolongés) et la zone arabe est
en ébullition depuis la découverte de son pétrole.
Or ce scénario salafistealaouite au Liban-Nord suppose une réduction préalable
de la puissance du Hezbollah,
sinon les salafistes auraient
leurs arrières bien exposées.
Verra-t-on ainsi une confrontation salafiste-Hezbollah ?
Ou alors une intervention israélienne contre le parti d’Allah ? Voire les deux à la fois ?
Jabhat al-Nousra a annoncé la
création d’une filiale au Liban
pour combattre le Hezbollah,
et Israël est intervenu en Syrie, détruisant un complexe
militaire et un convoi d’armes où de hauts responsables
iraniens et du Hezbollah seraient morts.
Quoi qu’il en soit, on a
schématiquement le topo suivant dans la région où trois
facteurs ont été mis en place
durant les dernières années,
à savoir, le Syria Act (2003),
le TSL (2005), la résolution
1701 (2006) : on agit en Syrie depuis deux ans (on s’agite
aussi) ; le TSL s’ébroue depuis quelque temps, lentement mais sûrement ; reste
la 1701, qui peut être placée
sous le chapitre 7 du Conseil
de sécurité des Nations unies.
En attendant, il ne faut
pas rester oisif. Il faut quand
même s’atteler à bâtir un État,
de préférence de droit.
Opinion
La République citoyenne Malgré tout, bâtir un État
verra-t-elle enfin le jour ?
Ouf quel bol d’oxygène !
Après trente-sept ans de frustration, un rayon de soleil
transperce enfin le ciel nuageux et gris du pays du Cèdre.
Deux jeunes gens appartenant
à cette société multicommunautaire libanaise ont décidé
de se marier civilement sur
le territoire national. Ils vont
de ce fait sortir de sa torpeur
un establishment pris en étau
depuis soixante-dix ans par
un système confessionnel implacable et donner sa chance
à une société civile en quête
de reconnaissance citoyenne.
Merci donc à eux et à tous les
juristes, les politiques et hommes de religion qui adhèrent
à ce chantier national de la
réhabilitation et de l’intégration des citoyens au sein d’un
État considéré mondialement
comme un véritable laboratoire socioculturel. Au moment
où les représentants des différents partis se réunissent, toutes tendances confondues et
malgré les divisions profondes
qui les opposent, pour essayer
de s’accorder autour d’une
loi électorale acceptable pour
tous, selon les critères confessionnels en vigueur, l’initiative civile de ces deux citoyens
appartenant à des communautés différentes est un véritable pied de nez à tout le
système politique actuel. Elle
doit réussir coûte que coûte,
parce qu’elle pavera largement
la voie aux premiers pas d’une
République citoyenne tant
souhaitée. Elle inaugurera
une nouvelle ère d’égalité des
chances de tous les citoyens
face à la seule loi nationale
civile et participera à l’édification des premières fondations d’un État civil. Dans
ce même registre, je voudrais
saisir l’occasion pour signaler
que nombre de politologues,
d’observateurs et d’analystes
politiques cherchent à étudier
les causes du blocage chronique de nos institutions et
à trouver les moyens les plus
adéquats pour éviter que ne
se perpétue l’incapacité natio-
nale à légiférer, gérer, et surtout développer positivement
les infrastructures de l’État.
La question essentielle est de
réussir ce bouleversement sans
naturellement remettre en
question les bases fondamentales de la Constitution, la sigha et l’équation politique qui
détermine les modalités de la
gestion des affaires au sein
de l’État et des institutions.
Rester à l’écoute des besoins
quotidiens des citoyens et les
aider à mieux réaliser leurs
objectifs exige en effet une démarche simple, transparente,
juste et équitable, loin de toutes les pressions et les interdits
qui sont la conséquence d’un
système archaïque, négatif et
réactionnaire. Dans le cadre
de ces efforts, il serait utile de
porter à l’aimable attention de
nos concitoyens une initiative
engagée il y a plus d’un an par
un avocat et analyste politique,
Me Hassane Rifai, qui a eu la
délicatesse de m’associer à sa
réflexion. Après une étude approfondie de son objet, nous
avons décidé de l’exprimer
sous la forme d’un pamphlet
titré : « Je m’engage ». M.
Michel Hadjigeorgiou nous
a fait l’amitié de se joindre à
nous ensuite, et nous a soutenus par ses conseils et par une
campagne de mobilisation et
de sensibilisation qu’il a menée auprès d’un grand nombre
de personnes pour tester les
réactions. Les destinataires de
ce document, à qui il sera demandé de signer cet engagement, sont les élus du peuple
à l’Assemblée nationale, tous
les responsables politiques,
militaires, religieux et cadres
de la fonction publique, les
représentants des partis politiques et des organisations
de la société civile. Malgré
donc la situation explosive
que traverse cette région du
Moyen-Orient et les retombées de la guerre syrienne tant
à l’intérieur que par rapport au
Liban, la société civile et les
citoyens libanais poursuivent
leurs combats et leurs défis,
avec où sans leurs leaders et
quelquefois contre eux pour
essayer de prendre le relais et
réhabiliter des structures nationales vétustes et paralysées
depuis si longtemps. Voici
le texte en question :
– Je
m’engage à ne pas impliquer
le clergé et les institutions religieuses dans la vie politique,
à ne pas les associer à mes
réunions et cérémonies politiques, partisanes et électorales,
et à ne pas utiliser leurs tribunes à des fins politiques.
– Je
m’engage à ne pas impliquer
les institutions militaires et
sécuritaires dans la vie politique. Je ne les associerai pas
à mes réunions et cérémonies
politiques, partisanes et électorales.
– Je m’engage à prendre part à l’élaboration et au
vote d’une loi sur le mariage
civil facultatif sans conditionner celle-ci par l’instauration
de la laïcité, la suppression du
confessionnalisme politique
ou tout autre prétexte. – Je
m’engage à participer à l’élaboration et au vote des législations nécessaires pour garantir
l’égalité entre l’homme et la
femme et à soutenir toutes
les mesures pouvant faciliter la réalisation concrète de
ce principe.
– Je m’engage à
prendre part à l’élaboration et
au vote des législations appropriées et nécessaires pour que
les immunités accordées par
la loi du secret bancaire ne
puissent profiter à toute personne occupant une fonction
publique, député, ministre,
magistrat ou fonctionnaire du
service public.
Avec l’espoir que cet engagement trouvera un accueil
positif de la part de ceux à qui
il s’adresse et qu’il participera
lui aussi, à sa façon, à tracer la
voie en vue de la construction
d’une République citoyenne,
à laquelle aspirent toutes les
jeunes générations de la nation (toutes les remarques ou
les observations citoyennes seraient les bienvenues).
Salim F. DAHDAH
« La guerre en Syrie menace de déborder aux pays
voisins », nous assènent les
médias, relayant par là les
propos de responsables occidentaux. On l’a constaté le
jeudi 14 février dans l’ouest
irakien où un groupe armé,
vraisemblablement sunnite et
originaire d’al-Anbar, a détruit un convoi de plusieurs
véhicules iraniens se dirigeant
vers la Syrie. Ce débordement
est déjà un fait bien établi au
Liban dès le début de la crise
syrienne (on pourrait même
parler de dégats des os). Il est
peu probable que cette guerre
syrienne déborde en Jordanie
car ce pays ne constitue pas
un passage stratégique entre
l’Iran et la Syrie. Penchonsnous donc un peu sur ce qui
pourrait avoir lieu au pays du
Cèdre dans un avenir proche.
Il semble se profiler un remake du scénario sud-libanais
Israël-Hezbollah au LibanNord, à savoir, une confron-
tation salafiste-alaouite de
longue durée – déjà partiellement entamée – tout le long
de la frontière syro-libanaise
et après l’établissement du
canton alaouite en Syrie.
Quelques faits parmi d’autres,
et pour le moins bizarres,
nous mettent sur la piste de
ce scénario :
I. Bizarre, en effet, le timing de cet incident de Ersal
où, dans un cafouillage extrême mais apparemment bien
orchestré, un certain Khaled
Homayyed a été liquidé et le
village de Ersal verrouillé par
l’armée libanaise. Quand on
sait que Ersal est une porte
stratégique vers al-Qoussayr,
donc vers Homs, on comprend mieux l’objectif de
cette opération : garantir la
communication entre le futur
canton alaouite et la zone Békaa-Liban-Sud.
II. L’émergence soudaine
de Jabhat al-Nousra, avatar d’al-Qaëda, qui prend de
plus en plus d’ampleur en
Syrie mais aussi au Liban où
la mouvance salafiste, bien
implantée au Liban-Nord et
dans des camps palestiniens,
lui a fait allégeance. En outre,
on nous répète à l’envi qu’il
n’y a que l’armée syrienne qui
puisse venir à bout d’islamistes de tous poils. Vous avez
dit bizarre ?
III. Ce rôle ambigu des
États-Unis envers la Syrie :
après un soutien tacite mais
efficace à l’ASL via la présence d’experts américains
en tout genre en Jordanie,
en Turquie et au Liban mais
aussi via le soutien du tandem
Qatar-Arabie, les États-Unis
semblent s’être rétractés, demandant au tandem ci-dessus
de réduire son soutien aux
opposants syriens armés. Un
plan tacite du général Petraeus
aurait même été stoppé net.
Qui a dit bizarre ?
IV. La présence de pétrole
et de gaz en Méditerranée,
Serge GÉLALIAN
Mariage civil : gare à l’arnaque ! Tenez bon Monsieur
C’est un sujet particulièrement
délicat à aborder, tant il suscite, à l’heure actuelle, autant
d’espoirs que de craintes.
C’est pour cette raison que je
tiens, d’entrée de jeu, à préciser que je suis résolument pour
l’instauration d’une institution
de mariage civil, qui resterait
cependant facultative. Il appartiendrait ainsi à chacun de
faire son choix, sans que nul ne
se sente lésé ni mal perçu.
Cela dit, attaquons-nous
au mariage ultramédiatisé des
jeunes Khouloud et Nidal,
en passe d’être légalisé par les
autorités libanaises.
C’est donc l’histoire de deux
jeunes gens qui, croyant dur
comme fer à leur droit de procéder à un mariage civil sur le
sol libanais, décident de sceller
leur union auprès d’un notaire. Le geste aurait pu, et dû
d’ailleurs, rester dans les annales comme un geste hautement
symbolique, courageux, militant.
À quelques mois des lé-
gislatives, il était cependant
trop tentant pour les responsables en place de laisser passer l’aubaine : être ceux qui
auraient légalisé le premier
mariage civil au Liban et inscrire ainsi leur nom en lettres
d’or sur l’une des pages les plus
importantes de l’histoire de ce
pays.
Ce serait là un bien bel
épilogue à la lutte de toute
une génération de Libanais
qui ne se reconnaissent plus,
depuis belle lurette, dans les
mariages coûteux et trop souvent contraignants, contractés
auprès de leurs communautés
religieuses respectives.
Sauf que voilà, la réalité juridique est que Khouloud et Nidal ne sont mariés au « civil »
que par la forme. Et encore.
Même pour la forme, le jour
où, par malheur, surgira un
problème entre les deux époux,
c’est encore à la loi religieuse
de statut personnel de l’époux
qu’il faudra retourner. Tout
simplement faute de législa-
tion adaptée...
En d’autres termes, « légaliser » l’union civile de Khouloud
et Nidal n’aura été que de la
poudre aux yeux. Aucun texte
de droit commun ne permet
de gérer les effets d’un tel mariage. Ni la filiation, ni la pension alimentaire, ni l’adoption,
ni les obligations respectives
des époux, ni la séparation, ni
le divorce, ni l’annulation du
mariage n’ont de réponse dans
un quelconque texte de droit
commun libanais, comme c’est
le cas dans tous les pays du
monde qui ont instauré l’institution du mariage civil.
Cette « légalisation » de la
première union civile libanaise n’aura été, au final, qu’un
spectaculaire coup d’épée dans
l’eau. Une façon comme une
autre de s’attirer les faveurs
d’un peuple décidément demandeur de modernisation,
mais un peu crédule tout de
même...
Joumana NAHAS
le Président
Le jour du vote de la loi électorale « orthodoxe » est le jour
le plus sombre dans l’histoire
du Liban.
Sous prétexte de récupérer
les droits usurpés des chrétiens,
ils ne cherchent qu’à préserver
leurs propres intérêts.
Qui les a mandatés pour
casser le Grand Liban ? Qu’ils
osent organiser un référendum pour savoir ce que veulent réellement les habitants
de ce pays.
Monsieur le Président,
vous n’êtes pas seul. Vous êtes
aujourd’hui le dernier garant
de la survie du Grand Liban.
Pendant des années, ils ont
cherché à nous faire abandonner le rêve d’une nation pluraliste.
Ils ont échoué malgré toutes
les puissances de destruction
mobilisées.
Allons-nous les laisser obtenir par la ruse ce qu’ils n’ont
pas eu par la force ?
Notre régime a certes besoin
d’être rénové. Notre administration a également besoin
d’être nettoyée. Notre classe
politique a sûrement besoin
d’être remplacée.
Notre souveraineté a de
nouveau besoin d’être imposée. Mais notre nation mérite
d’être défendue.
Et notre Grand Liban mérite de vivre. Ils ont peut-être
la légalité parlementaire pour
eux. Nous avons pour nous
la légitimité inaliénable de la
nation.
Ne les laissez pas imposer
ce nouvel apartheid confessionnel.
Nous sommes au moins
aussi nombreux que ces nouveaux fossoyeurs de la nation.
Et nous sommes tous derrière vous.
Raymond NAMMOUR