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GOÛTS
L A
PAR SIMON GAILLARD
ET LAURENCE GOUNEL
R E V A N C H E
D U
Avec son menu Jardin de Provence
au Louis XV, à Monaco, Alain Ducasse
inaugurait le 27 mai 1987 une tendance
promise à un bel avenir : le légume
en majesté. Aujourd’hui, on ne compte
plus les chefs qui mettent le potager
dans l’assiette. Petite revue de détail
des cuisines aux champs, 100 % bio.
Page de gauche, Livre KEI © Richard Haughton.
Page de droite à droite, Livre KEI © Richard Haughton.
P O T A G E R
Il a longtemps été le parent pauvre à table, l'accessoire (esthétique) au service de la viande ou du poisson. Les élégantes le picoraient du bout de la
fourchette, mais il ne serait jamais venu à un grand
chef de servir une assiette de légumes. Les temps ont
bien changé. On ne s’étonnera plus que le Japonais
Kei Kobayashi (1 & 2), passé par le Plaza Athénée, propose avec sa « promenade en forêt » un grand moment de gastronomie. On y déguste au gré de nos
errances, pousses et petits pois, courgettes et betteraves sur un lit de purée d’anchois montée à l’huile
d’olive, véritable chasse au trésor : « Les gens ont
oublié le goût des légumes. Je souhaitais proposer
un dictionnaire de la nature, un poème de textures
réuni dans une assiette. »
Ses fournisseurs s’appellent Joël Thiebault (banlieue
parisienne), Stéphane Meyer (Savoie) ou Didier Pil
(Saumur). Si Nicolas Fages, au château de Sully à
Bayeux, végétalise quasiment tous ses plats – homard
et purée d'artichauts-cardamome et ses petits légumes, saumon et soupe d'orties –, Jean-Pierre
Xiradakis, charismatique propriétaire de La Tupina
(3) à Bordeaux – le meilleur bistrot du monde pour
certains, rien que ça ! – a ouvert une table, Kuzina,
directement inspirée du régime crétois.
Au menu donc, des légumes qu'il a la bonne idée
de se faire livrer par les particuliers issus des zones
rurales et qui viennent chaque jour travailler dans
la cité bordelaise. « Les petits producteurs n'ont
pas le temps ni les moyens de me livrer plusieurs
fois par semaine. » Résultat : des légumes ultra
frais, fondants et une vraie démarche de locavore.
Le « colis-voiturage maraîcher » est né ! D'autres
chefs, puristes, ont carrément sauté le pas : cultiver
leur propre potager est devenu une évidence, une
conviction. Comme pour Patrice Hardy, chef du
Mascaret, à Blainville-sur-Mer. Après tout, on les oblige
bien à indiquer la provenance de leur viande, pourquoi pas celle des légumes ?
Les chefs aux doigts paysans
Jardiner, c'est aussi la possibilité de diversifier l'assiette et de penser aux générations futures, en respectant ce que la nature a à offrir, selon le cycle des
saisons. Même discours chez Armand Arnal, à
La Chassagnette (Arles), qui cultive près de 200 variétés de légumes et d'herbes. Le seul qui décide de
ce que l'on a dans l'assiette, c'est le jardin ! Thierry
Schwartz du Bistro des Saveurs, à Obernai est radical : « Pas besoin de déco ni d'artifices. Tout est dans
la nature. C'est elle qui guide l'inspiration, les créations et les associations. »
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X La nature ? En vérité,
c'est elle qui commande l'inspiration
et les associations… Nul besoin d'artifices.
À ne parler que des chefs, on en oublierait presque les
champs et leurs chefs d’orchestre : cueilleurs et primeurs. Et ce n'est pas un hasard si eux aussi, ont leur
Meilleur Ouvrier de France (MOF) depuis 5 ans. Signe
que les temps changent ! Il y a les stars comme Annie
Bertin, célèbre pour ses fameux « poireaux crayons ».
Cette Bretonne pur jus, esthète de la fraîcheur, a séduit Michel Bras, tombé amoureux de ses mini-légumes : pâtissons à farcir, courgettes ou carottes… Il
y a les originaux, à l’instar de Mickael Rollet, qui élève
tomates, haricots verts extrafins… et même des
agneaux ! L’astucieux trentenaire nourrit ses terres
avec du compost de fumier de mouton. Il y a les puristes, comme Bénédicte et Michel Bachès, pépiniéristes qui produisent leurs propres plants d'arbres
d'agrumes et travaillent sans relâche à la recherche
pour une culture optimale : choix de porte-greffe, irrigation, amendement… n'ont plus aucun secret pour
eux. Tout importe pour la qualité du fruit : la coloration, le taux de sucre, l'amertume, le jus ! Et, bien sûr,
il y a les maraîchers de père en fils. Un chef de file ?
Jean-Pierre Blanc, dont la famille s'est spécialisée
dans les asperges depuis les années 20. Comme son
père et son grand-père, ce passionné a choisi de travailler une production raisonnée.
À Paris, difficile de cultiver un potager. Alors on retrouve ces mêmes Pil et Thiebault au Meurice, chez
Christophe Saintagne, auteur d’une cocotte de
légumes en croûte de sel plutôt avant-gardiste :
« Je souhaitais offrir un produit brut, à peine cuisiné, afin de capter la saveur originelle du légume
qui cuit avec sa propre humidité sous la croûte de
sel. Nous les présentons dans une cocotte chaude,
vivante, qui va parfumer le début du repas. »
L' i n s p i r a t i o n v i e n t d u p o t a g e r
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Primeur ? La nouvelle star
Bastide-potager © D. Bordes.
« Les gens sont souvent surpris de prendre autant
de plaisir avec des légumes », poursuit-il. Une autre
curiosité de la maison ? Le « millefeuille de pommes
de mer », élevées en milieu iodé, qui accompagne le
homard poché. Une sensation inédite. On aurait tort
d’attribuer ce retour des légumes à un petit cénacle
parisien fréquenté par des bobos bios : Yoann Conte
à Veyrier-du-Lac, met la nature dans l’assiette, avec
sa « carotte dans tous ses états ». « Un menu sans
une assiette de légumes du Léon n'est pas un menu
complet ! » renchérit Jérémie Le Calvez (une étoile
à la Pomme d’Api, à Saint-Pol-de-Léon, en Bretagne),
en tournant la tête des artichauts « petits violets »…
Quant à Stéphane Froidevaux, chef-cueilleur du FantinLatour, à Grenoble, ce sont bien les herbes et les
plantes de ses montagnes qui demeurent sa plus
grande source d'inspiration. Au point de proposer à
l'année un menu végétarien qui séduirait plus d'un
carnivore : serpolet et pimprenelle sauvage s'acoquinent avec la pomme de terre et la cébette, le topinambour et le fenouil filent tout doux avec l'avocat,
la banane et la pomme verte…
Stéphan Paroche de La Magnanerie, en Haute-Provence,
fait lui aussi honneur à sa région avec un menu végétarien et des légumes du soleil dans toute sa cuisine.
Son « it » du moment ? Un gaspacho de tomates et
son cube fraîcheur comme une salade niçoise !
Bourgeoises, Demoiselles, Fillettes… toutes les asperges
Robert Blanc sont cueillies à la main, triées et calibrées
en famille, avant de subir une toilette minutieuse. Enfin,
il y a ceux (ou celles) qui cumulent les honneurs, à
l’image de Florence Carayon, à Carcassonne, à qui
Nicolas Sarkozy a remis la médaille de MOF. À 49 ans,
elle est devenue le premier MOF catégorie « fruitierprimeur ». Tomate ananas, green zebra, cœur de bœuf :
Florence connaît ses tomates par leur petit nom.
Courgette jaune, tomate verte, betterave bicolore ou
oignon cébette : entendez-vous chanter la nature ?
Cette poésie pousse désormais en liberté dans les assiettes. L’été venu, précipitez-vous sur les étals des
marchés. Rien de meilleur qu’un carpaccio de tomates
accompagné de gros sel et d’un filet d’huile d’olive.
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Page de gauche © GOUTS Louis XV ® T. Dhellemmes.
Page de droite, en haut © GOUTS Château de Sully.
Page de droite, en bas © MEURICE ® Pierre Monetta.
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N O S
A D R E S S E S
LES CHEFS
Kei
Restaurant KEI
5, rue du Coq-Héron, Paris 1er.
Tél. 01 42 33 14 74.
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Revenge of the vegetables
On the 27th of May 1987, in Monaco, in the Louis XV
restaurant (1), Alain Ducasse inaugurated, with
his “Provence Garden” menu, a new trend
with a brilliant future ahead: the importance of
good quality vegetables.
Nowadays, most chefs use good quality vegetables in their recipes. Christophe Saintagne at the
Meurice, Armand Arnal at La Chassagnette, Pierre
Hardy at the Mascaret, Thierry Schwartz at the
Bistro des Saveurs or even one of the Plaza
Athénée’s previous chefs, Kei Kobayashi, creator
of the menu “a walk in the woods”, who unveils
the very best of gastronomy with sprouts and
peas. If some chefs grow their own vegetables,
others work with a new generation of small producers such as Joël Thiebault, Didier Pil, Bénédicte
and Michel Bachès… who have become celebrities. A richly deserved fame!
Indeed, if you are not yet convinced with the glorious future of vegetables, you just need to taste
Annie Bertin’s vegetables (Michel Bras’ supplier),
Jean-Pierre Blanc’s asparagus (supplier of the
Plaza Athénée) or Florence Carayon’s tomatoes,
France’s first MOF (Best Artisan of France) in the
greengrocer category. }
Philippe Hardy
Le Mascaret
1, rue de Bas, Blainville-sur-Mer (50).
Tél. 02 33 45 86 09.
Jérémie Le Calvez
La Pomme d’Api
49, rue Verderel, Saint-Pol-de-Léon.
Tél. 02 98 69 04 36.
Armand Arnal
La Chassagnette
Route du Sambuc, Arles (13).
Tél. 04 90 97 26 96.
Nicolas Fages
Château de Sully (2)
Route de Port-en-Bessin,
Bayeux (14). Tél. 02 31 22 49 48.
Christophe Saintagne
Le Meurice (3)
228, rue de Rivoli, Paris 1er.
Tél. 01 44 58 10 10.
Yoann Conte
La Nouvelle Maison
de Marc Veyrat
13, vieille route des Pensières,
Veyrier-du-Lac (74).
Tél. 04 50 09 97 49.
LES PRIMEURS
Annie Bertin
Samedi matin au marché des Lices
à Rennes et mardi après-midi
au marché bio de Bruz.
Tél. 02 99 97 63 58.
Mickael Rollet
Mardi matin et vendredi matin,
place du marché, Roanne (42).
Tél. 06 26 65 27 25.
Jean-Pierre Xiradakis
La Tupina
6, rue Porte-de-la-Monnaie,
Bordeaux (33). Tél. 05 56 91 56 37.
Jean-Pierre Blanc
Asperges Robert Blanc,
La Fabrique
Villelaure (84).
Tél. 04 90 09 82 54.
Thierry Schwartz
Bistro des Saveurs
35, rue de Selestat, Obernai (67).
Tél. 03 88 49 90 41.
Bénédicte et Michel Bachès
Le Mas Bachès
Traverse de Los Masos, Eus (66).
Tél. 04 68 96 42 91.
Stéphan Paroche
La Magnanerie
Les Filières, Aubignosc (04).
Tél. 04 92 62 60 11.
Florence Carayon
Le Fruitier
2, rue de Verdun, Rennes (35).
Tél. 04 68 25 37 78
Le Jardin du Fruitier
12, avenue Bunau-Varilla.
Tél. 04 68 71 65 69.
Stéphane Froidevaux
Le Fantin-Latour
5, rue Abbé-de-la-Salle, Grenoble
(38). Tél. 04 76 01 00 97.
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