Le modèle zurichois de Beer pour ouvrir l`école aux
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Le modèle zurichois de Beer pour ouvrir l`école aux
Le modèle zurichois de Beer pour ouvrir l’école aux parents L’ Instruction publique genevoise souhaite ouvrir l’école aux parents en instituant des conseils d’établissement. Le modèle du Lycée français de Zurich sert de référence. Le Lycée français de Zurich trône sur une colline au nord de la ville, surplombant les magnifiques pâturages de Gockhausen. Depuis cinquante ans, l’établissement y dispense l’enseignement prescrit par le Ministère de l’éducation nationale. Il est actuellement fréquenté par plus de 500 élèves. Les trois quarts sont des Français ou des Franco-Suisses. Tous les degrés sont représentés dans cette école privée, des classes enfantines aux terminales précédant le fameux baccalauréat. Le bahut hexagonal de Zurich présente une particularité: il est doté d’un conseil d’établissement. Structure que le chef du Département genevois de l’instruction publique (DIP) Charles Beer voudrait justement instituer dès septembre prochain afin d’ouvrir aux parents les écoles du bout du Léman. Futurs règlements Secrétaire adjoint au DIP et coanimateur du groupe de travail chargé d’élaborer le projet, Claude Goldschmid nous confirme, qu’entre autres, le Lycée français de Zurich a retenu toute son attention: «Nous avons examiné ce modèle pour faciliter la formulation des éventuels futurs règlements. Ceux-ci permettront de définir les modalités de fonctionnement des conseils d’établissements. » Visite à Gockhausen. Au Lycée français, le conseil d’établissement s’avère une institution paritaire, présidée par le proviseur de l’école. Il comprend donc des représentants - des parents, - des élèves (électeurs dès 11 ans et éligibles dès 13 ans), - du personnel administratif, - du corps enseignant - et parfois de la tutelle (un diplomate représentant les Affaires étrangères et l’Education nationale). Cela fait en tout quinze membres à voix délibérative et quelques invités, dont l’incontournable président du comité de gestion de l’ Association de parents d’élèves, propriétaire de la maison, employeur de 57 collaborateurs (enseignants, administratifs et techniques) sur 70 en tout. Le conseil d’établissement est notamment compétent pour : - fixer le règlement intérieur, le calendrier de l’année scolaire et les horaires, - prononcer des sanctions (le proviseur ne peut pas décider de son propre chef des exclusions de plus de huit jours). Se réunissant au moins une fois chaque trimestre, le conseil se prononce aussi sur tous les autres éléments de la vie scolaire, mais à titre consultatif. «Les parents ne pourront donc jamais donner d’injonction sur les méthodes d’enseignement ni contrôler ou évaluer les profs. Ce système n’instaure ainsi aucun rapport de force», assure le proviseur Jean-Luc Drussel. L’intérêt des parents-clients du Lycée français, au-delà du succès de leur propre progéniture, n’est d’ailleurs pas acquis. «Chaque année, avant l’élection du nouveau conseil d’établissement, nous devons préparer des séances d’information et insister. Et nous ne sommes jamais submergés par les candidatures », remarque Jean-Luc Drussel. Les citoyens alémaniques engagent et licencient les profs Schulrat, Schulpflege, Schulbehörde, Schulgemeinde, Bezirkschulpflege. Tous ces mots exotiques désignent des instances exerçant de larges pouvoirs sur la plupart des écoles alémaniques et leurs enseignants. Prenons le cas de Zurich! Chaque circonscription scolaire, ne coïncidant pas systématiquement avec le territoire d’une commune (ce canton compte 171 communes et 226 Schulpflge), est dotée d’une autorité politique. Celle-ci est constituée de citoyens, parents d’élèves ou non. Dans les Schulpflege, le nombre de membres oscille entre cinq et vingt-cinq (il y en avait encore cinquante dans chacun des sept «gouvernements» scolaires du chef-lieu jusqu’à l’été dernier). Compétentes pour virer Ces personnes sont élues pour quatre ans. Les partis représentés dans les parlements communaux s’entendent parfois sur la répartition des sièges à pourvoir et permettent ainsi de faire l’économie d’un scrutin populaire. Les présidents des Schulpflege, siégeant parfois simultanément dans l’Exécutif de petites communes, doivent en revanche tous être désignés par la voie des urnes. Ceux-ci exercent leurs fonctions à plein-temps en Ville de Zürich. Ces commissions de miliciens sont chargées de veiller à l’application des programmes scolaires et la gestion des ressources humaines, conformément aux directives et lois cantonales. Elles sont compétentes pour engager et virer les profs. Sans prévenir, leurs membres visitent deux fois par an toutes les classes de la circonscription. Chaque année, ils contrôlent et évaluent les enseignants, de toutes les classes de scolarité obligatoire. «La Bezirksschulpflege de Dübendorf contrôle même nos propres cours d’allemand, dans tous les degrés et chaque année», indique le proviseur du Lycée français de Zürich, établissement privé soumis à l’autorité pédagogique du Ministère français de l’éducation nationale. A Zurich, comme dans d’autres cantons, ces pouvoirs intermédiaires entre les écoles et les administrations répondent avant tout à des soucis de décentralisation et de proximité. Ils datent souvent du 19ème siècle. «Et ils rendent notre tâche parfois difficile. Rendez-vous compte! Nous avons une unique législation cantonale, mais nous avons autant de manière de l’appliquer que nous avons de Schulpflege. Ce contexte favorise la multiplication des recours», déplore Urs Loppacher, délégué régional du Syndicat des services publics (SSP). Le syndicaliste ne se fait pourtant aucune illusion revendicative: «Les électeurs n’accepteraient jamais de restreindre les compétences de ces commissions. Celles-ci restent ancrées dans les traditions et la culture locales.» Le SSP ne trouve d’ailleurs pas que des désavantages dans les Schulpflege. «Ces institutions encouragent la population à prêter une très grande importance aux écoles et à la formation. De fortes majorités d’électeurs approuvent souvent des crédits liés à l’enseignement. Elles freinent aussi les conseillers d’ Etat avides de réformes parfois excessives», relève Urs Loppacher. Genève se distingue Genève se distingue pour sa part comme le canton le moins doté en instances de contrôle intermédiaires sur les écoles, de milice ou professionnelle. Tous les parents auront la parole - Zurich ne se contente plus de ses Schulpflege et autres Bezirksschulpflege (voir ci-dessus). D’ici deux ans, toutes les écoles liées à la scolarité obligatoire seront dotées de structures intégrant les parents. Chaque établissement est libre de choisir le système qui lui convient. - Tous les parents, même les étrangers et les Suisses peu enclins à s’engager dans des processus politiques, pourront participer à la vie des écoles. Ils n’auront rien à dire sur des personnes, profs ou élèves. Ils parleront néanmoins ensemble de leurs préoccupations et celles de leurs enfants - Ces conseils d’établissement adresseront leurs propositions aux fameuses Schulpflege, instances élues par la voie des urnes. Article de Philippe Rodrik, TG du 18 novembre 2006