Modélisation des potentiels rédox de petites

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Modélisation des potentiels rédox de petites
J. Chim. Phys. (1998) 95, 1457-1460
O EDP Sciences, Les Ulis
Modélisation des potentiels rédox de petites molécules
organiques par une méthode de chimie quantique
O. Charles-Nicolas, J.C. ~acroix*
et P.C. Lacaze
Institut de Topologie et de Dynamique des Systèmes, Université Pans 7 Denis Diderot,
URA 34 du CNRS, 1 rue Guy de la Brosse, 75005 Pans, France
'Correspondanceet tirés-à-part.
RÉsuMÉ: La méthode PM31SM3 est utilisée pour déterminer théoriquement les
potentiels rédox de molécules organiques de E' connus. Nous montrons que, sur la
base des molécules testées, l'écart moyen entre valeur calculée et valeur expérimentale
est inferieur a 100 mV. Ceci permet d'étendre l'approche a des systèmes analogues
aux molécules de la base mais dont le potentiel rédox reste inaccessible à l'expérience.
Mots-clés: Potentiel redox, modélisation semi-empirique, solvatation.
ABSTRACT: PM31SM3 method is used to calculate theoretically redox standard
potential of small organic molecules of h o w n EO.We show that, on the basis of the
tested molecules, the average deviation between experimental and calculated EO values
is 80 mV. This result makes it possible to propose E' values for molecules that are
similar to the tested molecules but whose redox potential is not known experimentally.
Key words: Redox potential, semi-emphical modeling, solvatation.
INTRODUCTION:
La détermination expérimentale des potentiels rédox se fait souvent par
voltarnmètrie cyclique, technique qui a atteint une grande précision avec l'utilisation
d'ultrarnicroélectrodes et de grandes vitesses de balayage. Pourtant, lorsque les
radicaux cations ou anions ont une très grande réactivité, la détermination
expérimentale de leur potentiel rédox reste impossible. Les méthodes de chimie
quantique, capables de décrire les molécules les plus stables comme les molécules les
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plus réactives, peuvent constituer une alternative à ce problème. Nous avons testé les
performances de calculs de type PM3lSM3
'24'
dans la détermination de
EO
sur un
éventail de molécules organiques de EO connus (", servant de base de calibration dans
le but de développer un outil susceptible de conduire à une évaluation fiable des EO
pour des molécules proches structurellement de la base de calibration, mais dont les
ne sont pas mesurables expérimentalement.
METHODOLOGIE:
Le calcul du potentiel d'oxydo-réduction en solution d'un couple rédox peut être
réalisé en utilisant le cycle thermodynamique suivant.
A" phase aqueuse
b
A'
* R phase gaz
phasegaz
A phase aqueuse
Le calcul correct des grandeurs thermodynamiques de la réaction chimique en
phase gaz nécessite, d'une manière critique, la prise en compte des effets de
corrélation puisque les réactions de transfert monoélectroniques ne conservent pas le
nombre de paires d'électrons. Le calcul des AGo ,I,,,
peut être envisagé soit par des
calculs de Dynamique Moléculaire soit par des méthodes de continuum. Parmi ces
méthodes, Cramer et Truhiar ont développé une méthode empirique PM3-SM3 (2) qui
pour un large éventail de molécules et d'ions, constitués d'éléments des 1" et 2'""
lignes de la classification périodique, donne l'énergie de solvatation avec une erreur
moyenne de seulement 1 kcal.mol-' ( 2 ) ce qui correspond à une erreur sur le potentiel
de seulement 40 mV. La stratégie que nous présentons ici se divise en trois étapes :1)
calcul du AG',
par la méthode semi-empirique PM3 ; 2) calcul des
~
~
l'aide de la méthode SM3. 3) nouveau calcul, si nécessaire, de AG',
~
d
-à ~
par des
méthodes a b rnitio incluant les effets de corrélation afin de corriger l'erreur initiale
introduite dans la première étape (mauvaise prise en compte de la corrélation).
h
~
~
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RESCLTATS ET DISCUSSION:
Dans un premier temps (Tableau 1), nous nous sommes intéressés a des
hydrocarbures aromatiques dont les EO expérimentaux ont été récemment mesurés dans
la DMF et corrélés avec les potentiel d'ionisation expérimentaux(').
Tableau1 : Potentiels d'oxydation de différents hydrocarbures, calculés par PM3fSM3 par
rapport à ENH dans le DMF (IUPAC recommandation)" et mesurés expérimentalement
'".
pérylène 9.10-diphényl- 9.10diméthyl-
Naphta£ène
Composé
'EL($',1,294
EO,(v)
'
A EO(v)
1.304
1.286
0.0ûû
j
anthracène
anhacène
1.604
1.444
1.518
1,751
1.492
4.214
6.147
-0.048
9-phéq-1-
,
9-rnéltiyl-
'
Anthra-
' &ne
antiuacène anthrackne '
1.634
1.625
+&O09
1,514
1
1.552
!
-0.038
Cm-'
1.554
1.844
1.652
1.910
-0.098
-0.064
L'accord entre valeurs expérimentales et calculées apparaît comme bon, les E
O
~
sont souvent remarquablement proches des valeurs expérimentales et l'écart moyen est
uûérieur à 80 mV. En considérant la totalité des composés étudiés, une droite de
corrélation obéissant à la relation:
E O ~ ,
=
0'93 E',
+0,17 avec un coefficient de
corrélation de 0,91 peut être tracée. En excluant les composés hors de la droite de
régression (périlene et 9,1O-diphenylanthracène), celle-ci devient : €Odc
=
1 ,O9 E,'
-
0,l avec un coefficient de corrélation de 0,98 (écart moyen 44 mV).
il est clair que, pour cette série de molécules, le calcul des potentiels
d'électrodes par PM3-SM3 s'avère une meilleure approche que l'utilisation de
corrélation entre le potentiel d'ionisation et les E0 expérimentaux ('). Cette approche
semble également compétitive par rapport aux méthodes mixtes QM/MM utilisées
depuis peu et qui malgré une bonne prise en compte des effets de corrélation dans le
calcul de la partie en phase gazeuse conduisent à des écarts qui peuvent aller de -100
a +220 mV
'4).
Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'il est obtenu sans que la
troisième étape de notre stratégie ait été mise en œuwe et donc qu'il reste une marge
importante pour améliorer l'accord entre E
O ~ ,
et EO,,
L'accord obtenu précédemment nous a incité à étendre l'étude à des hydrocarbures
aromatiques dont le potentiel d'oxydation n'est pas connu. Nous avons fait varier le
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degré de délocaiisation de la charge en étudiant une série d'hydrocarbures possédant n
noyaux aromatiques accolés linéairement (n variant de 1 à 4). Dans cette série, les E0
du benzène et du naphtalène n'ont pas été mesurés expérimentalement et sont calculés
comme étant égaux à 2.537 et 2.044 VIENH(Dh4F). Ces valeurs restent indicatives et
sont probablement sous évaluées car plus le couple redox présente une forte
localisation de la charge sur le radical-cation plus les A(AG',,) calculées par SM3 (qui
a été paramétré pour reproduire les AG',,
en milieu aqueux alors que les valeurs
expériinentales sont pour la DMF) sont surestimées.
CONCLUSION:
Les résultats obtenus dans cette étude montrent que les calculs PM3JSM3
conduisent, pour la série d'hydrocarbures testés, à une bonne corrélation entre les
potentiels redox calculés et mesurés. L'écart moyen entre ces deux grandeurs est de 80
mV ce qui est analogue aux écarts obtenus par des méthodes quantiques plus
sophistiquées. La détermination de potentiel redox non mesuré expéIimentalement
pour des molécules similaires à celles de la base de calibration, semble donc possible.
L'amélioration de l'accord calcuVexpérience réside dans l'utilisation de modèles de
solvatation spécialement paramétrés pour reproduire l'enthalpie libre de solvatation
dans les solvants usuels de l'électrochimie et dans une meilleure prise en compte des
effets de corrélation. L'abondance de données thermodynamiques issues de
l'électrochimie devrait permettre une développement rapide de modèles de ce type.
REFERENCES:
1 Anxolabéhère E., Hapiot P., Savéant J-M., (1990) J. Electroanal. Chem. 282,275
2 a) Cramer CJ., Truhlar DG., (1992) Science 256, 213 b) Cramer CJ., Truhlar DG.,
(1992) J. Comp. Chem.l3,9,1089
3 Trasam S., (1986) Pure Appl. Chem, 58,956
4 a) Lister SG., Reynolds CA., Richards WG., (1992) Int . J. Quantum Chem. 41,
293 b) Reynolds CA., (1990) J. Am. Chem. Soc. 112,7545. c ) Wheeler RA., (1994)
J. Am. Chem. Soc. 116,11048 d) Beveridge A J., Williams M., JenIuns TC., (1996)
J. Chem. Soc. Faraday Trans. 92,5,763 e) Grafton K., Raymon KS., Wheeler
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