114. phedre - Châteauvallon
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114. phedre - Châteauvallon
CHÂTEAUVALLON THEÂTRE PHEDRE DE FREDERIC BOYER MISE EN SCENE JEAN-BAPTISTE SASTRE Distribution en cours Vendredi 11 mai à 20h30 Théâtre couvert www.chateauvallon.com LE PROJET PHEDRE Ce projet « Phèdre » est un projet d’écriture dramatique sur la mémoire mythologique et littéraire à travers les différentes cultures et différentes langues contemporaines. Le texte est une création inédite de Frédéric Boyer (à paraître en 2012 aux Editions P.O.L en France et à l’étranger dans chacun des pays où serait jouée la pièce). L’idée du metteur en scène, Jean-Baptiste Sastre, est de proposer à plusieurs théâtres, plusieurs équipes, plusieurs actrices dans le monde de participer à une création théâtrale commune à partir de ce texte. Sans doute pour la première fois, une pièce contemporaine française, inédite, sera traduite et représentée sur différentes scènes théâtrales dans le monde et en différentes langues. Le projet luimême tient à ces migrations, à ces incarnations simultanées. L’auteur de la pièce travaille son texte avec différents traducteurs comme pour témoigner d’un corps unique du texte à travers plusieurs langues d’aujourd’hui. Le metteur en scène travaille, lui, en différents lieux, sur différentes scènes, avec différentes actrices et acteurs. Et dans plusieurs langues… Ce projet réalise une aventure culturelle commune à différents pays. Filmer ce projet en train de se faire permettrait de rendre compte d’un travail culturel dans lequel, quasi simultanément, un spectacle se crée aux quatre coins du monde. Comment différentes actrices tentent, en des lieux différents, d’incarner le même personnage ? Le projet de les réunir, une fois, sur une même scène se fera-t-il ? Comment le texte se transmet d’une langue, d’une culture à une autre, et sur quels échanges entre l’auteur, le metteur en scène, les traducteurs, les acteurs… ? Quels effets sur l’écriture même du texte et du spectacle ? Comment le spectacle est-il reçu dans chaque pays, dans chaque théâtre dans le monde ? C’est de la rencontre et du travail commun en plusieurs langues, en plusieurs lieux, que naît le projet « Phèdre ». C’est le sujet même de la pièce et du spectacle : quelles voix aujourd’hui peuvent reprendre les mots perdus de Phèdre et d’Hippolyte ? qui peut encore accueillir cette histoire ? ces personnages ? Le film qui serait réalisé témoignerait de l’aventure de la mise en scène d’un tel texte à travers différents théâtres européens, et dans le monde, en différentes traductions comme autant d’échos d’un même projet. C’est à travers ce film que le projet apparaîtrait comme un projet culturel commun et partagé. Le film pourrait raconter l’aventure de ce projet de création française, contemporaine, dramatique et littéraire, conçu, dès son origine, comme un projet international. C’est lui qui serait le lien, le témoin entre les différents pays et cultures. Le film pourrait faire partie intégrante du projet de création lui-même. Jean-Baptiste Sastre, Frédéric Boyer Ecrire Phèdre aujourd’hui, c’est bien sûr repartir de l’histoire antique de Phèdre, épouse de Thésée, roi d'Athènes, qui tombe amoureuse de son beau-fils Hippolyte, et qui devant son refus, l'accuse à tort de viol et se suicide. Cette histoire d’un amour criminel est attestée dès l’Age Classique des Grecs, et sans doute dès les 12ème et 8ème siècles avant notre ère, qui séparent les classiques de l’âge mythique, cet Age de Bronze de Mycènes et de Minos où la fable antique fait évoluer les personnages. Cette nouvelle pièce reprend littéralement cette histoire comme si elle n’avait jamais été interrompue, comme si le personnage de Phèdre n’avait jamais quitté la scène au-delà même de la fable mythologique. Comme s’il y avait dans notre culture, dans notre mémoire, un au-delà des mythes. C’est faire de ce personnage une figure de notre mémoire profonde en Europe. La femme d’un éternel retour sur les lieux d’un crime indéfinissable. Le mythe est effacé. Il ne reste que le soupçon d’une fable terrible et noire dont personne ne parvient à se détacher. Notre propre monde contemporain (sa banalité, ses crimes, sa détresse…) transparaît soudain dans le ressassement épuisé du mythe. Ce texte contemporain et original est aussi écrit comme une sorte de performance de la langue tragique, de cette langue sans cesse reprise et déplacée depuis les Grecs, les Latins et les langues européennes dès le 16ème siècle qui ont traduit et adapté les textes antiques. J’ai voulu écrire un poème dramatique moderne qui fasse entendre l’histoire déchirée de notre rapport à la langue : à l’aveu, à la supplication, au chant… Les personnages sont littéralement habités par cette langue ancienne et perdue. Ils parlent notre langue avec des lambeaux d’une langue ancienne et imaginaire. Celle précisément de leur passion et de leur mémoire « criminelle ». La parole est le troisième personnage du drame. J’aimerais aussi que la performance théâtrale agisse sur le texte lui-même, sur son écriture. Chaque mise en scène dans un pays européen donné, dans une langue nouvelle, appellerait une ampliation du texte dramatique. Quelque chose du chant propre à la langue et à la culture dans lesquelles serait donnée la représentation. A chaque fois, dans cette pièce, Phèdre dit revenir. Comme sa propre histoire qui revient à chaque génération, dans chaque langue, chaque culture, chaque pays. L’idée est que Phèdre soit multiple, différente, qu’il n’y ait pas une Phèdre mais des Phèdre. Plusieurs voix d’actrices qui à travers toute l’Europe tentent de dire un poème contemporain dans lequel elles pourraient enfin réapparaître et disparaître. Ce projet « Phèdre » est un projet unique d’écriture dramatique sur la mémoire mythologique et littéraire à travers les différentes cultures et différentes langues. C’est le sujet même du texte poétique et théâtral : quelles voix aujourd’hui peuvent reprendre les mots perdus de Phèdre et d’Hippolyte ? qui peut encore accueillir cette histoire ? ces personnages ? Et c’est aussi l’aventure de la mise en scène d’un tel texte à travers différents théâtres européens et en différentes traductions comme autant d’échos d’un même projet. Ecrire et représenter Phèdre aujourd’hui c’est donc poursuivre le lent travail culturel d’infusion des mythes et des histoires. Même l’antique fable de Phèdre puise à diverses sources : l’histoire légendaire du roi Thésée, le thème obsédant de la marâtre qui s’éprend du fils de son mari, le mythe des Amazones, la passion archaïque de la chasse, la figure du héros qui revient de la guerre et des enfers, la fascination pour les éléments naturels extraordinaires (le volcan, les tempêtes, les abysses marins...) et le monstrueux, le culte de la virilité solitaire, la fascination et la peur du sexe féminin... L’histoire de Phèdre est un condensé de fantasmes et de peurs, de désirs et d’histoires. Elle a traversé les siècles pour devenir une obsession de notre culture européenne. Quel est le crime de cette femme ? Aimer un homme auquel ne l’oppose aucun lien de sang ? Aimer un trop jeune homme ? Aimer le fils de son mari ? C’est l’invention obscure d’un crime, d’une culpabilité attachée au désir féminin. Dans cette nouvelle pièce contemporaine, Phèdre est donc un personnage qui s’adresse à nous et tente désespérément moins de retrouver Hippolyte que de se délivrer elle-même de la persécution d’une histoire. Elle rencontre Hippolyte peut-être pour la première fois. Jeune homme indéfini, capable de jouer tous les rôles attendus : rebelle, sauvage, mais aussi jeune homme sans qualité, personnage anonyme d’un monde contemporain… Personnage transformiste qui échappe au désir de Phèdre comme au nôtre aujourd’hui. L’histoire de Phèdre devient celle des ressorts secrets d’une exclusion, d’une condamnation sans objet. Celle d’un orient féminin qui apparaît sur notre scène contemporaine comme un fantôme accusateur et aimant. Cette pièce tente de faire entendre le chant terrible de notre propre banalité. Ce chant palimpseste caché derrière toutes nos petites histoires criminelles et amoureuses. Aujourd’hui, écrire l’histoire de Phèdre c’est écrire la confusion des genres, l’oubli des fables, la persistance de la violence fratricide, la haine et la peur des différences, du désir et du sexe… Frédéric Boyer PHEDRE ET SENEQUE Sénèque naît en Espagne romaine, un peu avant notre ère, et meurt en 65. Le texte de la tragédie de Phèdre (Phaedra en latin) se trouve dans un des plus anciens manuscrits des tragédies de Sénèque que ème nous ayons conservés, le codex Etruscus, du 11 siècle (aujourd’hui à la bibliothèque Saint Marc, à Florence). Il s’agit d’une tragédie de 1280 vers sans découpage dramatique en scènes ou en actes, inspirée de tragédies perdues (Sophocle, Euripide). Le texte de Sénèque puise à diverses sources de la mythologie grecque : l’histoire de Thésée, les thèmes les plus familiers et les plus archaïques des légendes de l’Antiquité, la marâtre, qui s’éprend du fils de son mari, l’histoire des Amazones, la passion archaïque de la chasse, le retour du héros de la guerre et des enfers, la fascination pour les éléments naturels extraordinaires (le volcan, les tempêtes, les abysses marins...) et le monstrueux, le culte de la virilité solitaire, la fascination et la peur du sexe féminin... ème Les premières traductions et adaptations en français datent du 16 siècle. Cette nouvelle traduction (en cours) s’inscrit dans mon travail d’écriture des textes anciens (la Bible, saint Augustin...) et de traduction. Je tiens d’abord à faire entendre dans une langue française contemporaine la vigueur, la violence parfois, l’étonnement de ces textes. Refusant d’enfermer le texte dans l’histoire de sa réception. Préférant risquer une nouvelle écoute. J’ai préféré écrire un texte libéré d’une transposition en vers, construit sur différents rythmes. J’ai privilégié une écriture simple, directe. Tous les personnages de cette pièce cèdent à la furor (le mot est employé une dizaine de fois dans la pièce), à la passion, à la transgression. Phèdre, et son désir, son histoire archaïque, ses pulsions, sa liberté, sa folie, contaminent tous les personnages et la parole elle-même. Parole puissante, profonde, à la fois rusée, féroce et d’une pathétique franchise. J’ai voulu souligner, à rebours de quelques idées reçues, la crudité et l’imagination de cette langue. Faire apparaître la puissance de Phèdre dans sa soumission au désir. Traduire les oeuvres du passé est une forme de combat solitaire. Un combat qui n’a de sens pour moi que s’il me sauve du passé et des pères. S’il m’arrache à la tradition et fait de moi un survivant dans ma langue et ma culture. Il faut y mettre toutes ses forces pour ne pas céder à la tentation de l’équivalence ou de la transposition. La traduction est une émulation au sens rhétorique du latin (aemulatio), c’est-àdire d’une rivalité qui cherche à égaler, à se confronter, voire à surpasser si l’on veut bien entendre notre tâche dans le temps : inventer les formes contemporaines de notre survivance. Et sachant qu’il n’y avait pas dans l’antiquité d’émulation efficace sans l’autre figure, parallèle, de la sympathie (sympathia), c’est-à-dire d’une communauté d’affects. La traduction est un art de la transformation, et cette transformation doit prendre la valeur d’une connaissance nouvelle, d’un amour neuf. Frédéric Boyer JEAN-BAPTISTE SASTRE Ancien élève du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (classes de Philippe Adrien, JeanPierre Vincent, Daniel Mesguich), Jean-Baptiste Sastre a aussi suivi un stage à l’Institut de mise en scène avec Claude Régy. En 2005, il est lauréat de la Villa Médicis hors les murs du Ministère des Affaires étrangères à Londres, pour son projet d’études sur le théâtre élisabéthain. Depuis 1995 il a mis en scène Histoire vécue du roi Totaud, textes d’Antonin Artaud avec Eric Caravaca Théâtre de la Bastille, Haute surveillance, de Jean Genet, avec Gaël Baron, Nazim Boudjenah, Vincent Dissez, Eric Petitjean (1997), Les Eaux et Forêts, de Marguerite Duras Au Festival Intercity/Théâtre de Florence (1998), L’Affaire de la rue de Lourcine, d’Eugène Labiche, avec Axel Bogousslavsky, Philippe Clévenot, Yann Collette, Christine Murillo, Eric Petitjean, Hervé Pierre (2000), Tamerlan le Grand, de Christopher Marlowe, avec Jean-François Auguste, Axel Bogousslavsky, Sébastien Bravard, Rodolphe Congé, Marcial Di Fonzo Bo, Lionel Gossart, Emmanuelle Lafon, Jacques Pieiller, Julie Pilod, Jerzy Radziwilowicz (2001), Les Paravents, de Jean Genet, avec Karine Adrover, Mounzer Baalbaki, Antoine Balabane, Axel Bogousslavsky, Laure Calamy, Etienne Curron… (2004), La Surprise de l’amour, de Marivaux avec Etienne Curron, Vincent Dissez, Simon Eine, Éléonore Hirt… (2005), Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche, avec Denis Podalydès (de la Comédie Française), Léonce et Léna de Georg Büchner (2007), La Ballade du Vieux Marin, de Samuel Taylor Coleridge – traduction d’Alfred Jarry (2008). En 2010 il met en scène pour le Festival d’Avignon la Tragédie du roi Richard II de Shakespeare (traduction Frédéric Boyer) qu’il a présenté en avant-première dans l’amphithéâtre de Châteauvallon avant d’entamer une longue tournée. FREDERIC BOYER Frédéric Boyer est né en 1961 à Cannes. Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, après des études de lettres, de philosophie et d’exégèse, il enseigne la littérature comparée à l’université et en prison. Il publie son premier récit en 1991 (La consolation, P.O.L). Obtient en 1993 le Prix du Livre Inter pour son roman Des choses idiotes et douces (P.O.L) Tous ses livres sont publiés chez P.O.L : récits, romans, essais, traductions et poèmes. De 1994 à 2001, il dirige le chantier de traduction de la Bible aux éditions Bayard, qui associe des spécialistes des textes bibliques à des écrivains contemporains. La Nouvelle Traduction de la Bible paraît à l’automne 2001 (Bayard). Il traduit de l’anglais (U.S.A) des œuvres de Dennis Cooper (Dream Police et Dieu junior, P.O.L) Les aveux, nouvelle traduction des Confessions de Saint Augustin (2008, P.O.L) obtient le Prix Jules Janin de l’Académie française. Il dirige également les éditions Bayard (sciences humaines et religions). Il traduit La Tragédie du Roi Richard II que Jean-Baptiste Sastre met en scène et présente lors du Festival d’Avignon 2010 dans la cour d’honneur. Jean-Baptiste Sastre et Frédéric Boyer ont déjà présenté à Châteauvallon La Tragédie du Roi Richard II en juillet 2010